CARTOGRAPHIE DU CHAMP MAGNETIQUE PROCHE RAYONNE PAR UN HACHEUR DE TRACTION EN FERROVIAIRE J. Ben Hadj Slama - D. Chariag LSE-INSAT, BP676 - 1020 Tunis Cedex, Tunisie Tél. : 216 71703829, +216 98246287 Fax : 216 71704329 E-mail: [email protected], [email protected] Résumé. Dans ce travail, nous nous intéressons à la cartographie du champ magnétique proche rayonnée par un hacheur utilisé en traction ferroviaire électrique. La procédure de mesure utilisée est présentée et validée sur une structure simple. Le schéma détaillé du hacheur est présenté. Le principe de son fonctionnement en mode traction est détaillé. Les résultats de mesure de la cartographie sont présentés pour plusieurs fréquences. Ces résultats sont analysés en se référant aux différentes phases de fonctionnement du hacheur et en recherchant la corrélation avec les différentes mailles réelles existantes au niveau de la topologie du circuit. Les résultats nous permettent de déterminer, pour chaque fréquence jugée perturbatrice au niveau du spectre rayonné, les différentes mailles responsables de ces perturbations. I. INTRODUCTION Avec la prolifération des systèmes électroniques embarqués par les usagers des trains électrifiés d'une part, et l'absence dans les normes internationales[1] de garanties qui assurent la protection des équipements embarqués, des perturbations générées par les systèmes de conversion de puissance utilisées par les trains électriques, d'une autre part, il devient de plus en plus important de s'intéresser à l'effet de ces perturbations sur les équipements électroniques sensibles. Pour cela il faut caractériser ces perturbations. Dans des travaux antérieurs [2], nous avons procédé à la caractérisation des perturbations électromagnétiques rayonnées par un système ferroviaire. Ces études ont montré que la source de rayonnement principale, à l'intérieur de la trame du métro étudié, est le système de conversion statique d'énergie utilisé pour la traction. Ce système est basé dans notre cas d'étude sur un convertisseur de type hacheur à thyristors. Pour mieux caractériser cette source de perturbation et pour pouvoir proposer des solutions pour minimiser les interférences entre cette source et les systèmes électroniques embarqués par les voyageurs, nous proposons dans ce papier de procéder à la mesure et à l'analyse de la cartographie de champ magnétique proche dans une zone plane située au dessus de ce hacheur de traction. En première partie de ce papier, nous présentons et nous validons les techniques expérimentales déployées lors de la mesure du champ rayonné. Ensuite, nous présentons le hacheur étudié ainsi que le principe de son fonctionnement. En troisième partie de ce papier, nous présentons et nous analysons les cartographies de champ magnétique obtenues pour différentes fréquences de mesures. II. TECHNIQUES EXPERIMENTALES Pour la mesure du champ magnétique rayonné par le hacheur dans la bande de fréquences située entre 150kHz et 30MHz, nous avons utilisé une antenne boucle de rayon 8.5cm et un oscilloscope portable. La bande passante de l’oscilloscope est de 60MHz. Nous avons effectué la mesure temporelle de la tension induite dans l’antenne placée au dessus de la carte du hacheur et ensuite nous avons déduit l'amplitude du champ magnétique pour chaque fréquence en effectuant la transformée de fourrier rapide (FFT). Pour valider notre méthodologie de mesure du champ magnétique, nous avons choisi de procéder d'abord à la mesure du champ rayonné au-dessus d'un circuit simple, constitué d'une spire de courant excitée à une fréquence connue et pour laquelle le champ rayonné peut être calculé de manière analytique[3][4]. Le protocole de validation consiste alors à comparer, le champ magnétique mesuré par l'antenne utilisée, à celui calculé analytiquement. La spire émettrice de rayon a est réalisée à partir d'un fil cylindrique de section constate. Elle est parcourue par un courant sinusoïdal I = I 0 e jωt où, ω = 2πf est la pulsation et f est la fréquence d'excitation de la spire. Le diamètre de la spire étant petit devant la longueur d'onde, sa distribution de courant peut être considérée comme uniforme. Pour une spire de rayon a = 25cm , située dans un plan horizontal et alimentée par une tension de valeur maximale de 20V, nous avons comparé pour différentes fréquences la composante verticale (composante parallèle à l'axe de la spire émettrice ) du champ magnétique calculé et mesuré à une hauteur de 25cm, en déplaçant le centre de l’antenne de mesure dans le plan horizontal (selon l'axe Y) avec un pas de mesure de 2cm. La figure 1 présente la comparaison des valeurs calculées et mesurées du champ magnétique vertical pour la fréquence de 10MHz. émettrice où le champ émis peut être considéré comme constant. • le champ a une valeur relativement importante et donc la mesure n'est pas sensible à la perturbation introduite par les appareils de mesures. L'étalonnage de l'antenne de mesure a été réalisé en utilisant un circuit test constitué d'une antenne boucle émettrice excitée par une tension à une fréquence connue. Les résultats de mesure de la cartographie audessus de ce circuit test ont été comparés à ceux calculés théoriquement et montrent une bonne concordance. Cette procédure nous permet de valider le facteur d'antenne utilisé lors du calcul de la valeur du champ magnétique à partir de la tension mesurée aux bornes de l'antenne de mesure. III. LE HACHEUR DE TRACTION Figure 1 : Composantes verticales du champ magnétique mesuré et calculé pour f=10MHz (en dBµA/m). Les écarts observés entre les valeurs mesurées et les valeurs théoriques varient de quelques dB à 15dB. Le léger décalage sur l’axe Y au niveau des minima, est sans-doute provoqué par une erreur de positionnement dû à la grande dimension de l’antenne de mesure. Les écarts sur l’amplitude peuvent être expliqués par plusieurs paramètres qui sont: • l'incertitude sur le facteur d’antenne de mesure (antenne boucle), • l'incertitude sur la valeur du courant qui circule dans la spire, déterminé par la mesure directe du courant aux bornes d’une résistance de précision (1Ω 1%) placé en série avec la spire. La valeur de cette résistance n'est pas insensible à l'augmentation de la fréquence. Or sur une distance aussi importante, le champ n'est pas nécessairement constant, surtout au niveau des bords du cercle de l'antenne émettrice. • l'incertitude sur la résolution spatiale de l'antenne de mesure, car celle-ci a un rayon assez important (8,5cm) et donc la valeur mesurées correspond à l'intégration du champ sur toute la surface de l'antenne. • les perturbations introduites par les appareils situées au voisinage immédiat (générateur d'excitation de l'antenne émettrice, oscilloscope pour la mesure du courant, oscilloscope de mesure du champ, présence de l'opérateur pour le prélèvement des valeurs... Néanmoins, les deux derniers types d'erreurs, n'ont pas d'influence sur la mesure effectuée au centre de la boucle émettrice. En effet en ce point: • la surface de la boucle réceptrice est située pour sa totalité dans une zone centrale de la boucle Les mesures en champ proche ont été réalisées au dessus d'un hacheur utilisé pour la commande d’un moteur de traction d’une rame du métro léger de Tunis (de marque Siemens [5]). La figure 2 présente le schéma de principe des circuits de puissance d’une rame du métro dans lequel est placé le hacheur. Le circuit du hacheur présenté est très compliqué du fait qu'il présente plusieurs régimes de fonctionnement. Dans ce travail, nous nous limiterons à l'étude du fonctionnement du hacheur en régime de traction. La mesure de cartographie ayant été réalisée, pendant ce régime. En régime de traction, les contacteurs S1 à S5 (figure 2) sont fermés, la diode de freinage BD et le thyristor de freinage BT sont bloquées. Fonctionnement du hacheur (figure 3): La figure 3 est utilisée pour décrire le fonctionnement du hacheur pendant le régime de traction. Elle représente le schéma de principe d’un hacheur branché en série avec une charge RL et une source de tension continue. Figure 3 - Schéma de principe du hacheur de traction. Les composants qui apparaissent en figure 3 sont: HT : thyristor principal de traction. LT : thyristor d‘extinction. UT : thyristor d’inversion de charge V4. RD: diode de recharge. FD : diode de roue libre. Figure 2 : Schéma de principe des circuits de puissance dans une rame de métro. Avec : S1 : Contacteur de ligne. S2 : Sectionneur de ligne. S3 : Contacteur de traction. S4-S7 : Contacteurs principaux. S8-S10 : Contacteur de résistances de freinage. MD : Self moteur. ND : Self du filtre de ligne. NK : Condensateur du filtre de ligne. BEW : Résistance de freinage. BVW : Résistance série de freinage. Figure 4 : Allure des tensions et des courants dans le hacheur. Avec : tu / 2 : Est la durée d’inversion de charge du condensateur d’extinction. tl / 2 : est le temps d’extinction. Le principe de fonctionnement de ce hacheur se résume comme suit: - Avant le premier amorçage du thyristor principal HT, il faut d’abord amorcer le thyristor d’extinction LT. Le condensateur de commutation CK se charge à travers la charge RL, la self de commutation LK et le thyristor LT jusqu’à ce que la cathode de LT ait un potentiel supérieur à celui de la cathode de HT. - Ensuite, on amorce HT, ainsi, un courant circule à travers la charge. L’amorçage de HT s’accompagne de l’amorçage du thyristor d’inversion UT. Il se produit une inversion de charge du condensateur à travers la self d’inversion LU, le thyristor UT, la self de commutation LK et le thyristor HT, de manière à ce que la tension à ses bornes admet à présent la polarité opposé c. à. d. cathode de LT a un potentiel inférieur à celui de la cathode de HT. - On amorce le thyristor d’extinction LT à la fin du temps de conduction tc . Le courant de charge est commuté du thyristor HT vers le condensateur CK via le thyristor LT. En raison de la grande inductance de charge, le courant de charge ne varie que très faiblement au cours de ce processus. De ce fait, le courant dans le thyristor principal doit décroître en même temps qu’il augmente dans le thyristor d’extinction. Le temps nécessaire à la commutation du courant de charge du thyristor HT au thyristor LT est appelé temps de commutation tk . - Après l'écoulement du temps de commutation, le courant dans le thyristor HT s’annule et le courant dans le thyristor LT atteint la valeur du courant de charge. Jusqu’à présent, le condensateur de commutation n’a perdu qu’une faible fraction de sa charge. La part restante de la charge est inversée à travers le circuit de recharge constitué par la diode de recharge RD, la self LR, la self LK et le thyristor LT. La polarité aux bornes du condensateur CK est à présent : potentiel de cathode HT inférieur à celui de la cathode LT. Durant le processus de recharge entre l’annulation du courant dans le thyristor principal et le passage par zéro de la tension aux bornes du condensateur, une tension négative est appliquée au thyristor HT pendant un temps correspondant à l’angle de marge t s . - Durant la dernière phase de recharge la tension aux bornes du thyristor HT recroît à une valeur positive (voir Figure 4). Au cours du processus de recharge, le condensateur de commutation est le siège du courant d’inversion de la charge et du courant traversant la charge. - Lorsque la tension aux bornes du condensateur atteint la valeur de la tension d’alimentation, le courant dans la charge commence à décroître. La tension aux bornes des inductances du circuit change de polarité. De ce fait, le courant dans la charge est commuté du thyristor d’extinction vers la diode de roue libre. Au cours de cette commutation, le condensateur d’extinction est chargé à une tension supérieure à la tension d’alimentation. Le courant continu à circuler à travers la diode de roue libre jusqu’au nouvel amorçage du thyristor principal. La Figure 4 présente l’allure des courants et des tensions théoriques des principaux éléments du circuit du hacheur. Le hacheur fonctionne à une fréquence de découpage de 250Hz, sous tension continue de 750V et un courant de charge maximal de 480A. IV. RESULTATS DE MESURE Les compagnes de mesures ont été effectuées sur site, dans une rame de métro où nous retrouvons des conditions de fonctionnement réelles. La vitesse de la rame, lors des mesures, est de l'ordre de 20km/h avec un mode de fonctionnement en traction, Les mesures de cartographie de champ proche ont été réalisées dans un plan horizontal parallèle au plan du circuit du hacheur de traction et situé à 25cm au-dessus de celuici. Nous avons effectué un quadrillage du plan de mesure avec un pas spatial de 20 cm. En chaque point du quadrillage, nous prélevons la composante verticale du champ magnétique en utilisant une antenne boucle et un oscilloscope portatif. La tension mesurée est convertie en champ magnétique équivalent en utilisant le facteur d’antenne. Ensuite, nous appliquons la transformée de Fourrier rapide au signal temporel obtenu par l'oscilloscope. Nous obtenons alors, en chaque point du quadrillage, le spectre du champ magnétique rayonné et ce dans la bande de fréquences entre 100KHz et 60MHz. Nous déduisons alors, pour une fréquence de cartographie donnée, l'amplitude de la raie correspondante au point de mesure. BT BD UT RD LT FD HT Figure 5 : Photographie du Hacheur. La figure 5 donne la photo du dessus du hacheur. Nous y retrouvons les différents thyristor et diodes. La zone de mesure est délimitée par un cadre de trait en tirets blancs. Figure 6 : Composante verticale du champ magnétique rayonné par le hacheur pour f = 1MHz. Figure 9 : Composante verticale du champ magnétique rayonné par le hacheur pour f = 6MHz. Figure 7 : Composante verticale du champ magnétique rayonné par le hacheur pour f = 2MHz. Figure 10 : Composante verticale du champ magnétique rayonné par le hacheur pour f = 12MHz. Figure 8 : Composante verticale du champ magnétique rayonné par le hacheur pour f = 4MHz. Figure 11 : Composante verticale du champ magnétique rayonné par le hacheur pour f = 19.5MHz. En se référant à la Figure 2, nous avons identifié les différents composants et mailles de la carte du hacheur. Nous notons que les différents composants actifs thyristors et diodes sont protégées contre les surtensions par des circuits RC. Nous remarquons que la zone de mesure se partage en quatre sous zones principales: • La zone délimitée par un cadre rouge et située au centre de la carte, représente la boucle formée par le thyristor principal de traction HT, le thyristor d’inversion de charge UT et leurs circuits d'écrêtage de tension. • La zone délimitée par le cadre bleu et située à droite de la zone de mesure: Cette boucle est formée par le thyristor principal HT, la diode de roue libre FD et le thyristor d’extinction LT et leurs circuits d'écrêtage de tension. • La zone délimitée en vert située du côté de gauche de la zone de mesure, représente les composants qui entrent en jeu lors du freinage, ces composants sont: le thyristor de freinage BT, la diode de freinage BD et leurs circuits d'écrêtage de tension. Ces composants ne fonctionnent pas en mode traction et ne contribuent donc pas au rayonnement lors des mesures. Les figures 6 à 11 présentent les cartographies du champ magnétique pour les fréquences relatives aux lobes les plus remarquables dans les spectres des perturbations mesurés. En analysant ces figures, nous remarquons que le champ magnétique rayonné est intense au dessus des zones délimitée en rouge et en bleu sur la photo du hacheur de la figure 5. En effet: • la boucle formée par le thyristor principal de traction HT et le thyristor d’inversion de charge UT représente la boucle de rayonnement la plus importante du circuit en contribuant au rayonnement aux fréquences de 1MHz, 2MHz et 4MHz, et avec des amplitudes les plus élevées qui dépassent les 100 dBµA/m. • La maille formée par la diode de roue libre FD et le thyristor d’extinction LT, représente la source principale de rayonnement à la fréquence de 6MHz. • La maille formée par le transistor principal de traction HT et le thyristor d'extinction LT est la source de rayonnement pour la fréquence de 12MHz. Cette boucle ne contribue pas au rayonnement aux fréquences de 6MHz et 19,5MHz. • La figure 11 montre un champ magnétique de fréquence 19.5MHz localisé principalement audessus de la diode de roue libre FD. Cette fréquence de résonance fait intervenir la capacité parasite de la diode FD à l'état bloqué, lors de la mise en conduction du thyristor principale. Au-dessus de la zone délimitée en vert sur la figure 5 le champ est très faible à cause du fait que cette zone délimite les composants qui n'interviennent que lors du freinage, et donc elle ne rayonne pas lors de la phase de traction. V. CONCLUSION La cartographie en champ proche est un moyen de caractérisation des perturbations électromagnétiques générées par les convertisseurs statiques. Afin de pouvoir extraire des informations à partir de la cartographie en champ proche, nous avons procédé à l'analyse fine des différentes phases de fonctionnement du circuit et nous avons recherché la corrélation avec les différentes mailles du circuit réel sur la carte. La simulation du type circuit du hacheur sera la prochaine étape de ce travail. Ceci nous permettra de définir à partir des mailles perturbatrices du circuit, les composants qui contribuent à la création des résonnances perturbatrices, et de mettre en œuvre la méthode inverse par exemple, pour étudier l'immunité des équipements voisins au hacheur comme par exemple les équipements électroniques embarqués par les voyageurs. REFERENCES [1] European Standards: EN50121, Railway applications – Electromagnetic compatibility; Part 1-5, CENELEC, 2006. [2] J. Ben Hadj Slama and D. Chariag "Measurement and Analysis of Magnetic Field Radiated from D.C. Tramway: A case study for Tunis’s metro," International Conference on Electrical Engineering Design and Technologies (ICEEDT'07) November 2007, Hammamet, Tunisia. [3] C. Labarre, E Béreau, et F. Costa "Cartographie du Champ Proche Rayonné par un Hacheur Abaisseur", 13ème colloque international et exposition sur la CEM08, avril, 2006. St Malo. [4] C. A. Balanis, Antenna theory Analysis and Design, Second Edition, John Wiley & Sons, Inc.,1997. [5] Siemens, “Documentation technique métro de Tunis" 1985 Transtu [6] S. Bartoš, I. Doležel, V. Jehlička, J. Škramlík and V. Valouch "Electromagnetic Emissions from IGCT – Based Chopper For Trolleybus", in Proc. 2002, EMC Europe, September 9-13 2002, Sorrento, Italy.