191 La momie de sa confection à son utilisation

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GUILLOT Dorothée
Histoire de la Pharmacie
LA MOMIE
DE SA CONFECTION A SON UTILISATION
Janvier 2005
Table des matières :
INTRODUCTION --------------------------------------------------------------------- page 3
PARTIE I : La confection d’une momie ---------------------------------------- page 4
PARTIE II : L’utilisation de la momie comme médicament ---------------- page 9
PARTIE III : L’utilisation de la momie au profit de la science ------------- page 15
CONCLUSION ------------------------------------------------------------------------ page 19
Bibliographie -------------------------------------------------------------------------- page 20
INTRODUCTION
La civilisation Egyptienne a accordé un grand soin au culte des morts et la conservation
du corps était un symbole très important. En effet, pour les Egyptiens de l’Antiquité, la
mort n'était considérée ni comme une fin ni comme un commencement dans le sens
judéo-chrétien, mais comme un prolongement de la vie terrestre. La pratique de la
momification permettait de conserver les âmes des défunts et leur permettait ainsi
d’accéder à l’Au-delà pour rejoindre le royaume d’Osiris, dieu des morts. Au fil du
temps, ces momies ont fait l’objet de nombreuses convoitises pour les richesses
qu’elles
emportaient
dans
leurs
tombeaux
mais
également
pour
les
vertus
thérapeutiques qu’on leur attribuait. Après plusieurs siècles de destruction et de
profanation, les hommes ont pris conscience de leurs erreurs et les momies
égyptiennes ont enfin été préservées et ont pu livrer quelques secrets.
J’aborderai dans une première partie, les différentes étapes de la confection d’une
momie ainsi que les substances et autres drogues utilisées par les embaumeurs. Dans
une deuxième partie, j’aborderai l’utilisation qui a été faite de ces momies : la poudre de
momie inscrite à la Pharmacopée et le véritable « trafic » qui s’est installé. Enfin, dans
une troisième et dernière partie, je m’attacherai à montrer que les momies sont
d’inépuisables sources de connaissances depuis notamment l’avènement des nouvelles
technologies.
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LA CONFECTION D’UNE MOMIE
La confection d’une momie se basait sur des fondements à la fois mythologiques,
culturels et scientifiques.
Selon la religion égyptienne, la momification serait issue du mythe d'Osiris et de Seth.
Le dieu de la momification et protecteur des morts, Anubis aurait inventé la momification
pour reconstituer le corps d'Osiris démembré par Seth.
Les Egyptiens pensaient que le corps d’un défunt devait être préservé afin d’assurer
une existence à son âme dans l’au-delà. Ce qui a donc amené les égyptiens à pratiquer
la momification dans le but d’accompagner le défunt vers la vie éternelle. C'est lors de la
IIIe dynastie (2800 av. J-C) que la momification a commencé à connaître un certain
intérêt. Durant le Moyen Empire (2050-1500 av. J-C), l'embaumement est plus courant
et devient plus minutieux. Cependant, les méthodes de conservation laissent à désirer.
La momification a atteint vraiment son apogée durant la période du Nouvel Empire
(1500-1100 av. J-C). En effet, c'est au cours de cette époque qu'on parvient à
conserver l’expression du
visage, ce qui est une grande nouveauté, les momies
antérieures n'offrant que des téguments noircis collés au squelette. Les momies qui ont
été réalisées au cours des XVIII et XIX dynasties (1550-1070 av. J-C) sont les plus
belles que nous pouvons trouver en ce qui concerne leur expression, leur conservation
ainsi que leur richesse. Les momies les plus célèbres datent de cette ère, la plus
renommée étant celle de Ramsès II.
momie de Ramsès II
La momification s’inscrivait dans un véritable rituel funéraire. Lorsqu’un homme venait à
mourir, les femmes de la maison s’enduisaient de boue la tête et le visage et partaient à
travers la ville en se frappant la poitrine, les vêtements relevés, les seins découverts.
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Les hommes, les vêtements relevés, parcouraient, eux aussi, la ville en gémissant.
Après quoi, on remettait le corps à l’embaumeur.
L’embaument était pratiqué en Egypte par des professionnels. Quant on leur apportait
un cadavre, ils proposaient aux « clients » différents modèles de momies en bois, de
style en général très réaliste. L’embaumement le plus soigné et le plus cher reproduisait
exactement celui du dieu Osiris. Le deuxième type d’embaumement était un peu moins
soigné et donc meilleur marché, et le troisième type le moins cher de tous était destiné
aux individus les moins aisés. Le client choisissait alors le mode qu’il désirait, se mettait
d’accord sur le prix et s’en allait. La conception totale de la momie devait durer 70 jours.
Ces 70 jours avaient une signification mystique, puisque c'était la durée d'éclipse de
Sirius, l'étoile du chien. Le corps mourrait et renaissait sur la même durée que l'étoile
disparaissait et revenait.
L’embaumement de première classe était constitué de trois étapes :
La première étape consistait à nettoyer le corps et à retirer les parties les plus
facilement altérables. Tout d’abord, on commençait par extraire le cerveau par les
fosses nasales grâce à une tige de bronze. L’embaumeur traversait l’ethmoïde et
accédait au cerveau. L’encéphale était réduit en bouillie et s’écoulait par l’orifice. Puis,
l’embaumeur injectait des résines de conifères complétées de cire d’abeille et d’huiles
végétales parfumées. Les résines de conifères étaient utilisées pour leurs propriétés
antiseptiques, la cire d’abeille pour ses propriétés antibactériennes et antifongiques.
Cette résine liquide se solidifiait rapidement à l’intérieur de la boîte crânienne. Dans un
second temps, était pratiqué l’éviscération.
Ensuite, avec une pierre éthiopienne aiguisée, ils fendent le flanc, font sortir tous les
intestins de l’abdomen, le lavent avec du vin de palmier, le saupoudrent de parfums
broyés et finalement le recousent après l’avoir rempli de myrrhe pure concassée, de
cannelle et d’autres parfums, dont l’encens seul est exclu.
Hérodote, HISTOIRES, II, 86-87
Cette étape consistait à sortir les intestins et divers organes avec une lame tranchante :
l’obsidienne. Seul le cœur, siège de la pensée, des sentiments, de la conscience et de
la vie restait en place. Les viscères étaient donc retirées, nettoyées puis placées en
paquets. Ces paquets étaient alors, soit remis dans le corps, soit disposés dans quatre
vases sacrés : les canopes à l'image des quatre fils d'Horus. À l'intérieur de la canope
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d'Amset, nous trouvions l'estomac ainsi que le gros intestin. Dans celle de Hapy, le petit
intestin, puis à l'intérieur du vase de Douamoutef, les poumons. Ensuite, le foie, la
vésicule biliaire se trouvait dans la canope de Kebhsennouf. Ensuite, ils nettoyaient
l'abdomen avec du vin de palmier : sève du palmier dattier qui comportait environ 14 %
d'alcool et qui avait un certain pouvoir antiseptique et des aromates broyés. Par la suite,
l'abdomen devait être rempli de myrrhe pure ou broyée, de cannelle, de substances
aromatiques et ils recousaient.
La deuxième étape était la déshydratation : le corps était salé, pendant 50 jours environ,
en le recouvrant de natron. Le natron est un dépôt cristallin laissé par la décrue
printanière de certains lacs entre Le Caire et Alexandrie. Il était utilisé en morceaux
sans dissolution pour la purification des maisons, pour l’hygiène en tant que savon,
dans la fabrication du verre mais surtout pour la momification. Il sert encore de nos jours
à blanchir le lin. Le natron est constitué, en proportions variables, de carbonate de
soude (le « cristau » des droguistes utilisé pour le nettoyage), de bicarbonate de soude,
de chlorure de sodium, de sulfate de sodium et des traces de sels minéraux. Le
carbonate de soude donne au natron ses propriétés particulières : il débarrasse les
chairs des corps gras, c’est un agent purificateur d’où son caractère sacré et son emploi
dans les cérémonies religieuses. Le mélange de carbonate et de bicarbonate de soude
possède des propriétés hygroscopiques et attire l’humidité des tissus. Le processus de
dessiccation était alors favorisé par le climat très sec de l’Egypte. Le corps était ainsi
exposé au soleil. Après dessiccation, c’est-à-dire au bout de 50 jours, le corps était
lavé, puis les embaumeurs remplissaient le corps de coton, de tampons de toile ou de
sachets de natron, de sciure de bois pour aider à l’absorption des liquides, d'herbes
sèches, imbibées de poudre de myrrhe, d'aloès, de cannelle, de casse afin de redonner
à la peau une certaine souplesse et de masquer la puanteur de la putréfaction
débutante. La casse est plus musquée, plus puissante et moins délicate (absence
d'eugénol) que la cannelle.
La troisième et dernière étape était le bandelettage. On enveloppait le mort dans des
bandes découpées dans du lin et enduites d'une gomme arabique ou de résine de
conifères qui servaient de colle. Environ 15 jours étaient réservés pour emballer les
momies avec des bandelettes. Les plus riches faisaient tisser les bandelettes. Les
embaumeurs commençaient l'emballage par une bande autour du visage qui retenait
fermement la mâchoire, une autre faisait le tour de la tête et des épaules pour maintenir
le cou. Chaque doigt, chaque orteil, ainsi que les organes génitaux, s'il s'agit d'un
homme, étaient entourés séparément de bandes étroites. Puis venait le tour des bras et
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des jambes, un membre après l'autre ; on finissait par le torse. Le corps était emmailloté
dans son intégralité avec souvent sept enveloppes d’étoffes successives. On entourait
alors la momie d’un suaire et on la plaçait dans un sarcophage. A partir du Nouvel
Empire, le visage et les épaules étaient recouverts d'un masque en tissus ou en
papyrus, renforcé de plâtre ou de résine. Cette technique donnait l'aspect du papier
mâché, et une fois durci, il était peint. Ce procédé était utilisé pour donner une
apparence plus humaine au corps. Le masque le plus célèbre de cette période est celui
de Toutankhamon en or massif. Les moins riches se contentaient de masques en papier
mâché peints ou dorés.
masque de Toutankhamon
Pour terminer, le corps était remis à la famille qui le plaçait dans un sarcophage sculpté
à son image. À l'intérieur du sarcophage, ils mettaient des essences de menthe et de
thym pour éloigner les insectes.
Durant la période tardive, datée de 712 à 332 avant J-C, on voit l’arrivée d’un nouvel
ingrédient : la mumie. Cette substance aidait à obtenir une certaine étanchéité du corps.
L’embaumement moyen ou de deuxième classe consistait à injecter dans le corps, par
l'anus, de l'huile de cèdre à l'aide de seringues. L’huile de cèdre a déjà été utilisée, en
techniques histologiques contemporaines, en tant qu’agent clarifiant. Grâce à ce
processus, le ventre s'emplissait. Mais le corps n'était pas incisé et les viscères n'étaient
pas enlevés. Le corps était trempé pendant la période de temps prescrite, soit de 40 à
70 jours, dans le natron. Lorsqu'ils sortaient le cadavre de la substance saline, l'huile qui
avait auparavant été introduite ressortait, celle-ci ayant dissout les intestins et les
viscères.
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Pour l’embaumement des pauvres ou de troisième classe, les embaumeurs nettoyaient
les intestins du défunt avec de la syrmaia (liquide extrait du raifort pressé), puis salait le
corps pendant 70 jours. Ils ne prenaient même pas la peine d'enrouler le corps de
bandelettes.
Les hommes avaient le plus souvent les mains placées pudiquement sur les organes
génitaux, et les femmes avaient les bras le long du corps. Seules les momies royales
avaient les bras croisés sur la poitrine.
Quelque soit le type d’embaumement pratiqué, la culture et croyance égyptiennes
tenaient à offrir à chaque défunt la possibilité d’atteindre une vie après la mort.
En détaillant ces différents procédés, il apparaît que les Egyptiens avaient déjà bien
plus que des notions concernant l’utilisation des plantes, épices et substances
chimiques. Ils connaissaient déjà la plupart de leurs propriétés. Ils ne les utilisaient
d’ailleurs pas que pour l’embaumement, les vivants bénéficiaient eux aussi de leurs
bienfaits.
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L’UTILISATION DE LA MOMIE COMME MEDICAMENT
Les différents constituants utilisés dans la confection de la momie ont fait de celle-ci un
produit riche en substances actives longtemps recherché au fil des siècles.
La momie a fait son apparition dans la Pharmacopée du Moyen-Age jusqu’au XVIIIème
siècle. Ce n'était d’ailleurs pas la momie égyptienne elle-même, mais le mélange qui
imprégnait les bandelettes : asphalte, myrrhe, aloès et cannelle qui était utilisé
initialement. Pour cela, on grattait sur la momie les huiles résineuses utilisées par les
embaumeurs afin de récupérer la « mumie ». Le terme « momie » vient d’ailleurs du
persan « mumia », qui signifie bitume, nom donné à cause des résines noires qui les
enduisaient. C’est surtout l’huile d’asphalte, utilisée pour embaumer les corps, qui
possède de nombreuses et diverses propriétés, telles qu’elles sont décrites au MoyenAge : elle guérit le mal des oreilles, le mal de dents, de reins et de l’estomac. Elle
diminue la sciatique et toute sorte de maux de jointures aussi bien que les rhumatismes,
si on la mêle avec un peu d’eau de vie et qu’on l’applique un peu chaude. Elle agit
contre le goitre et les maux rongeants, contre les écrouelles (lésions cutanées dues aux
adénites tuberculeuses chroniques) ou les humeurs froides, contre la vermine, contre la
galle ou autres maux extérieurs de bestiaux, contre les insectes volants, contre les
punaises, pour fortifier les membres…Bref un remède contre tout à elle seule ! La
Myrrhe, Commiphora myrrha était utilisée par les Egyptiens sous forme de masques
faciaux rajeunissants ainsi que dans l’embaumement. Ils utilisaient la gomme-résine
aromatique
aux
propriétés
stimulante,
énergisante,
cicatrisante,
antiseptique,
antispasmodique, expectorante, astringente, anti-inflammatoire, antiputride, sédative.
L’Aloé Vera, Aloe barbadensis, était réputée en cas de cloques, de plaies, de coups de
soleil, d’hémorroïdes, pour soigner la peau, les brûlures d’estomac…La Cannelle était
connue pour ses propriétés astringente, stimulante et tonifiante. D’après Dioscoride,
médecin grec du Ier siècle : "Tout cinnamome [la cannelle] échauffe, ramollit, fait
digestion, provoque l'urine, il est bon contre le poison et les bestes qui guettent Venim".
Même si les mécanismes d’action de ces substances étaient ignorés, les savants de
l’époque en connaissaient les propriétés essentielles. De nos jours, on utilise encore
certaines de ces substances, excepté l’huile d’asphalte qui n’est plus utilisée à des fins
thérapeutiques depuis le XVIIIème siècle. Au Xème siècle, la chair des momies était
bouillie pour récupérer les huiles, vendues très chères en France pour guérir les
fractures, foulures et coupures. Le bitume venant à manquer, quantité de momies qui
étaient censées en contenir, ont été broyées et transformées en poudre par les
Égyptiens eux-mêmes et ceci jusque dans les tombes d'où elles étaient exhumées. La
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poudre de momie qui était vendue dans les apothicaireries sous le nom de « momia »
était utilisée pour des préparations pharmaceutiques réputées infaillibles contre toutes
sortes de maux. Cette poudre était aussi utilisée comme pigment de couleur – surtout
pour le brun marron (à base d’hydrocarbonés) et éventuellement aussi pour le noir. La
poudre de momie était un mélange de chair confite dans des antiseptiques et du
pissasphalte, que l’on négociait fort cher et en petits morceaux. Le pissalphate est la
substance plus ou moins liquide qui s’écoule au fond du sarcophage, mélange
d’asphalte et de matières organiques. La poudre de momie se retrouvait sous
différentes formes : dissolutions, baumes, liqueurs, emplâtres…
Tous les chirurgiens médiévaux employaient la poudre de momie comme vulnéraire,
c’est-à-dire comme substance anesthésique, calmante, cicatrisante, désinfectante et
hémostatique. Ils l’employaient sous forme d’onguent mais aussi en boisson dans le
régime des blessés. Les pilleurs de tombe utilisaient la momie pour stopper les
effusions de sang. Les pilleurs brisaient les crânes remplis de substances résineuses,
brûlaient les membres et faisaient bouillir ces produits dans le crâne même des
cadavres. Selon Avicenne, médecin du XIème siècle, la poudre de momie était sensée
guérir les éruptions, fractures, contusions, paralysie, migraines, épilepsie, hémoptysie,
maux de gorge, toux, palpitations, nausées, désordre du foie et de la rate, ulcères
internes et les cas d’empoisonnement. Il y avait deux sortes de momie : la momie noire
qui était une momie de fille vierge et donc de très grande pureté et la momie blanche de
qualité inférieure. Guillaume de Salicet, chirurgien du XIIIème siècle : « Momie est
chaude et sèche. Elle convient aux apostèmes phlegmatiques et est bonne à la fracture
et aux douleurs de chute et percussion et à la paralysie, et à la torture, bue et
superposée en mode d’onguent. » Les médicaments étaient, pour partie, classés par
leur propriété : sèche, humide, chaude et froide, et ceux jusqu’au XVIIIème siècle. Les
médicaments chauds et secs devaient traiter les humeurs froides et humides, ainsi le
flegme est une humeur froide et humide agissant sur la tête, l’estomac, la vessie et les
reins. Au XIIIème siècle, la préparation et la vente des drogues étaient laissées au soin
des épiciers-apothicaires. La pharmacie était
bien l’art de connaître, conserver,
préparer et composer toutes les substances propres à l’art de guérir mais c’était le corps
de la médecine qui régentait l’art de guérir et les apothicaires ne pouvaient vendre leurs
préparations que sur l’ordonnance d’un médecin. C’était donc surtout les médecins et
chirurgiens qui vantaient les bienfaits de la poudre de momie.
C’est surtout au XVIème siècle, que l’usage de la fameuse « mumie » se généralise.
Pour Cardan, médecin du XVIème siècle, la momie était le remède le plus efficace pour
soigner les fractures et les contusions, et pour fortifier le sang. Une sorte de comprimé
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contre la maladie du charbon était préparé avec des ingrédients de momie et du sang
d'un homme encore jeune au moment de son décès. Oswaldo Crollio, élève de
Paracelse, préparait au XVIème siècle, de la liqueur de momie : Il prenait le cadavre
d'un homme roux, âgé de vingt-quatre ans, qui avait été pendu, et l'aspergeait de
poudre de myrrhe et d'aloès, ensuite, pendant quelques jours il le faisait macérer dans
l'esprit de vin, il desséchait les morceaux suspendus à l'air libre, et finalement il en
extrayait une teinture d'un rouge étincelant. On retrouve une définition quasi similaire
dans la Pharmacopée Suisse datant de 1670 au mot momie : « Prenez le cadavre entier
d’un homme rousseau de l’âge d’environ 24 ans, mort de mort violente, frais et sans
tare, exposez à l’air serein pendant un jour ou deux, découpez par morceaux ses chairs
musculeuses et les saupoudrez de poudre d’absinthe, gentiane et scordium… »
(p.271).. Paracelse décrit, en 1540, cette « mumie » comme la force vitale. Cette force
vitale présidait à la cicatrisation et à la restauration des organes lésés. Le médecin
devait, selon lui, aider et soutenir cette action, car ce n’est pas lui mais cette force qui
effectuait le travail de guérison. François Ier, quant à lui, emportait toujours des sachets
de momies réduites en fine poudre mêlée à de la rhubarbe pulvérisée pour se prémunir
en cas de chute ou de blessure. Pour ses partisans, la poudre de momie servait en
toutes circonstances.
L’utilisation de la « mumie », devenue véritable remède universel connaît quelques
rares détracteurs, notamment Ambroise Paré, le père de la chirurgie moderne. Dans
son Discours de la mumie publié en 1582, le chirurgien était en effet indigné de cet
usage que son expérience réprouvait. Il explique qu' « elle peut beaucoup plus nuire
qu'aider , à cause que c'est de la chair des corps puants et cadavéreux ». S'il dénonce
ce recours, ce n'est pas parce que ni Hippocrate ni Galien, comme il le souligne
habilement, ne l'évoquent, mais parce que «le fait est tel de cette méchante drogue, que
non seulement elle ne profite de rien aux malades, comme j'en ai plusieurs fois eu
l'expérience par ceux auxquels on en avait fait prendre, aussi leur cause grande douleur
à l'estomac, avec puanteur de bouche, grand vomissement, qui est plutôt cause
d'émouvoir le sang, et le faire sortir davantage hors des vaisseaux, que de l'arrêter». Le
portrait qu’il dresse des « consommateurs » de momie est très inquiétant. En effet, si la
poudre de momie n’avait eu aucun effet, que ce soit effet thérapeutique ou effet
indésirable, le débat pour ou contre n’aurait eu aucun intérêt mais Ambroise Paré
souligne bien les méfaits de ce produit et la question se pose : la poudre de momie
peut-elle être considérée comme un médicament ? Si la poudre de momie a des effets
néfastes, c’est que c’est une drogue au sens pharmaceutique du terme, il faut donc
définir
son
mode
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de
préparation,
son
mode
d’administration,
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posologie…Malheureusement, l’engouement provoqué par cette poudre a provoqué
quelques dérives et les procédés d’obtention n’était pas toujours très rigoureux.
Ambroise Paré signale également la formidable contrebande des corps qui présidait à la
confection des momies. « La mumie se fait et se façonne en notre France où l'on dérobe
de nuit les corps au gibets, puis on les cure, ôtant le cerveau et les entrailles avant de
les faire sécher au four. Après, on les vend pour vraie et bonne mumie et, dit-on, les
avoir achetée de marchands portugais et avoir été apportés d'Égypte. Mais qui voudra
rechercher, comme je l'ai fait chez les apothicaires, trouvera des membres et portions
de corps morts, voire tout entiers, embaumés de poix noire, lesquels sentent une odeur
cadavéreuse.» En effet, au XVIème siècle, tout le monde voulant se procurer cette
panacée, un véritable trafic s’est établi. Des personnes, souvent peu scrupuleuses, se
sont lancées dans ce commerce florissant, voyant dans la fabrication de momies une
véritable mine d’or. Des momies entières ou déjà conditionnées embarquaient depuis
Alexandrie sur des bateaux vénitiens ou portugais à destination de la France, premier
consommateur
mondial.
Lyon
était
la
plaque
tournante
de
cette
industrie
pharmaceutique. Pour se faciliter la tâche, des marchands égyptiens réduisaient en
poudre des momies entières ou fabriquaient de fausses momies à partir des corps de
condamnés à mort, auxquels, après dessiccation dans le sable du désert, on faisait
subir une momification grossière. Pour exemple, un homme avait été bastonné,
coupable d’avoir volé un cadavre pour le momifier et le vendre au poids de l’or. Suite
aux nombreuses dévastations des tombeaux égyptiens au Moyen-Age, les momies se
sont faites de plus en plus rares. Il fallait cependant faire face à la demande et les
« fausses momies » se sont multipliées. Les esclaves étaient enduits de poix des Indes,
emballés dans des tissus, trempés d’asphalte fondu, pendant deux à trois mois. La poix
est un suc résineux tiré du pin ou du sapin. Les pendus connaissaient un sort aussi peu
réjouissant, on leur ôtait le cerveau et les entrailles, on laissait le corps à sécher au four
et on les trempait dans la résine. Le médecin Guy de la Fontaine a découvert avec
horreur ces procédés contraires aux usages commerciaux et pas très hygiéniques,
surtout quand les défunts contemporains avaient succombé à la peste, au choléra ou à
quelque gangrène bien purulente . Il a même décrit comment les escrocs de l'époque
donnaient un coup de vieux à ces cadavres trop frais pour en faire d'irréprochables
momies, bien patinées.
Au XVIIème siècle, Thomas Brown, philosophe anglais écrivait : « les momies sont
devenues des marchandises, l’Egypte guérit les blessures et le pharaon est vendu sous
forme d’onguent. » Le souci de la qualité de la poudre de momie était une
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préoccupation pour un petit nombre de personne seulement comparé à
l’avantage
commercial qu’elle entraînait. On peut alors se demander si la description des effets de
cette « mumie » par Ambroise Paré ne serait pas celle d’une « mumie » falsifiée.
Malgré les opposants à l’utilisation de la momie, au moins jusqu'au XVIIIe siècle, la
momie reste consommée en poudres, en onguents, en emplâtres, en teintures, en
électuaires, à la manière d'un remède universel. Nicolas Lémery, médecin du XVIIème
siècle, que ses contemporains avaient défini comme le premier chimiste moderne
classait expressément l'homme parmi les « drogues simples ». À la même époque, la
graisse humaine et le crâne humain en préparation ou en poudre rejoignaient la momie
dans la taxe officielle des médicaments. Les apothicaires ont donc pu pendant
longtemps acheter et vendre les produits humains au prix de la taxe fixée par les
autorités.
A partir du XVIIIème siècle, médecins et apothicaires se sont organisés. Louis XVI par
une déclaration royale en 1777, a séparé les corporations d'apothicaires et d'épiciers
reconnaissant ainsi le monopole de la vente des médicaments aux seuls membres du
Collège royal de pharmacie. Il officialisait ainsi la pharmacie comme une branche de la
médecine nécessitant des études et des connaissances approfondies. Suite à la
falsification de la matière première, les médecins du XVIIIème siècle prescrivaient
distinctement les deux produits suivants : de la momie artificielle ou de la momie
authentique.
Quant aux apothicaires, conscients de leurs responsabilités, ils
étiquetaient des bocaux: « Momie d’Egypte », témoignant d’un souci d’identification des
officines. Il restait cependant difficile de connaître l’exact contenu de ces bocaux. La
poudre de momie a encore fait recette quelques années, en effet on retrouve dans la
Pharmacopée universelle, éditée à Londres en 1747, la description du goût de la
momie: «some what acrid and bitterish», c’est-à-dire un goût acre et amer. La reine
d’Angleterre en a encore reçu en 1809.
Mais au bout de plusieurs années de ce commerce fructueux, l’offre étant devenue
supérieure à la demande, les prix ont commencé à chuter et la « mumie » n’était plus
autant prisée. Au début du XIXème siècle, une momie était un parfait souvenir d’un
voyage en Egypte mais concernant ses propriétés curatives, elles se sont révélées être
plus proche de l’effet placebo. Avec le XIXème siècle, a disparu officiellement la
préparation artisanale de médicaments à base de produits humains y compris la
« mumie ». Depuis, la place du corps humain et son utilisation en thérapeutique ont été
réglementés. La difficulté de placer les limites se trouve illustré par l’albumine qui est
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une marchandise s’il a été extrait du placenta mais qui n’est pas commercialisable s’il a
été retiré du sang !
La momie était utilisée aussi comme produits pour des rituels magiques. Elle était
employée dans de nombreux envoûtements mais aussi pour les vœux d’espoirs. On la
trouve aussi dans quelques recettes de rebouteux pour ne plus avoir mal à la tête :
verser trois vers de terre dans un bol d’ huile, prendre un bout de bande de momie,
mélanger dans un chaudron l’ensemble, faire chauffer 3 heures, manger la moitié du
contenu et verser l’autre moitié sur votre tête.
En 30 siècles, plusieurs millions de momie ont été confectionnés. Sous l’Ancien
Régime, la poudre de momie était une panacée et tous les moyens étaient bons pour
s’en procurer. Ce n’est que bien plus tard que les hommes se sont rendus compte de
l’atrocité de leurs actes et depuis environ un siècle tout est mis en œuvre pour préserver
au mieux ces corps venus d’un autre monde.
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L’UTILISATION DE LA MOMIE AU PROFIT DE LA SCIENCE
Enfin, la momie est une véritable richesse pour les civilisations actuelles. Car si la
momification a permis aux égyptiens d’améliorer leurs connaissances en anatomie,
chirurgie, biologie et autres spécialités, leurs techniques de conservation nous ont
permis d’apprendre beaucoup à notre tour.
Les momies ont depuis toujours fait l’objet d’une grande fascination, fascination des
pilleurs pour les richesses et multiples trésors qui se trouvaient dans le tombeau et
fascination des scientifiques pour les éléments qu’elles apportent sur le mode de vie des
égyptiens et les différentes maladies de cette époque. Au départ, les momies étaient
disséquées sans précaution, les découvreurs ou pilleurs découpaient corps et tissus et
pour finir, le corps était replacé dans son sarcophage sans aucune préservation. La
momie du roi Toutankhamon a reposé sur un lit de sable durant quarante ans sans
bandelettes, décapité et privé de ses membres. Il faudra attendre le XIXème siècle pour
que les momies entrent au musée et obtiennent quelques considérations. Elles étaient
alors débandelettées avec soin et une longue autopsie recensait leurs organes et leurs
biens. L'objectif était de mieux comprendre les techniques de momification et de retracer
l’origine de la momie. Au fil du temps, les techniques d’études de ces momies se sont
perfectionnées voire affinées notamment avec l’apparition des rayons X, du scanner, de
l’histologie et de l’endoscopie.
Depuis plus d'un siècle, les rayons X permettent d'étudier les momies sans les toucher.
Les rayons traversent les couches de bandelettes pour donner une photo bicolore de la
momie. Les parties les plus claires forment le squelette et les dents.
main d’une momie aux rayons X
Grâce aux rayons X, on connaît aussi l'état de santé de la momie. Ainsi, on sait que
Ramsès II souffrait d'arthrite aux hanches, d'artériosclérose et qu'il avait de mauvaises
dents. On a aussi appris que Ramsès V est décédé de la petite vérole et que le roi
Siptah avait la polio. Sans compter de nombreux parasites (vers, poux, …) dont les
traces figurent sur le corps des milliers d’années après. L’ étude radiologique a
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également permis de mettre à jour les fausses momies. Parfois les bandelettes de ce
qui était censé être une momie avec un masque peint ne recelaient qu’un assemblage
de fils de fer et de bois ou un mannequin d’argile. Enfin, certaines momies de petite
taille, apparemment celles d’enfants, n’étaient qu’en réalité que des restes d’oiseaux
entourés de bandelettes. La radiologie a également apporté beaucoup pour la datation
des momies égyptiennes. Pour connaître l'âge de la momie, on peut aussi inspecter ses
dents, car l'émail s'use avec le temps. Plus l'individu est vieux, moins la couche d'émail
est épaisse.
Depuis les années 1960, le scanner donne une image en 3D et renseigne sur la densité
des organes internes. Plus récente, l'endoscopie permet de voir à l’intérieur d’une
momie, en passant par la bouche ou tout autre orifice naturel.
L’analyse ADN encore récente pourrait aider à juguler de nouvelles épidémies. Certains
micro-organismes sont très résistants et peuvent vivre durant des milliers d’années dans
les momies par exemple. « Des microbes opportunistes ont évolué et ont donné
naissance aux épidémies infectieuses modernes » affirme le Pr Charles Greenblatt,
professeur de Parasitologie à Jérusalem. L’ étude des microbes des momies peut
révéler une foule de renseignements sur les causes de leur apparition dans le passé,
leur évolution en agents pathogènes, les facteurs de résistance des organismes qui en
étaient porteurs et les modes de transmission tant pour l’homme que pour l’animal.
Cette étude pourrait aider à prévenir ou au moins à amoindrir les effets de nouvelles
épidémies comme la fièvre Ebola, la fièvre du Nil , la tuberculose ou la fièvre aviaire.
Certains chercheurs se penchent aussi sur des cas d’hépatite.
L’étude histologique des momies s’est révélée être très difficile à entreprendre. En effet,
si on appliquait les techniques histologiques pratiquées sur le vivant, on obtenait des
résultats ininterprétables. L’histologie des corps embaumés doit d’abord passer par une
étape cruciale, la réhydratation des fragments à étudier pour regonfler, en quelque
sorte, les cellules. Certains ont essayé avec de la potasse caustique sans grand succès
ou encore avec du carbonate de soude. Sandison, en 1955, établit un protocole qui n’a
que peu varié depuis. La réhydratation comporte l’immersion, pendant un certain temps,
dans une solution comprenant trente volumes d’alcool à 90°, cinquante volumes de
formol à un pour cent, vingt volumes de carbonate de soude à cinq pour cent et de la
glycérine. Ayant reconstitué un aspect proche de l’aspect normal, on en revient à un
processus voisin de celui utilisé pour l’étude histologique ordinaire, c’est-à-dire une
déshydratation réglée qui maintient l’organisation du tissu : des passages successifs
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dans les bains d’alcool à 80 , puis à 96 , puis absolu; d’autres passages encore et la
pièce est prête pour l’inclusion dans un mélange de paraffine, de stéarine et de cire
d’abeilles. Les observations ont été stupéfiantes : la peau conserve une grande partie
de son architecture, seul l’épiderme fait le plus souvent défaut,
les cartilages sont
intacts, les muscles ont gardé leur striation caractéristique, la texture du poumon est
tellement reconnaissable que l’on a pu faire des diagnostics rétrospectifs de
pneumopathies, les artères, avec leurs trois tuniques, renferment parfois, encore, des
globules rouges : ceux-ci sont surtout retrouvés dans les vaisseaux superficiels et,
particulièrement, sous le cuir chevelu. On sait, en effet, qu’après la mort, le sang tend à
affluer vers la périphérie et c’est là que, sous le natron, la déshydratation, plus rapide
près de la surface qu’en profondeur, a pu garder la forme de ces cellules
particulièrement fragiles. L’os, souvent friable, est plus difficile à examiner et doit être
ramolli dans des solutions acides avant d’être débité en coupes minces. Toutes les
approches de l'histologie et de l'anatomie pathologique peuvent ainsi être exploitées ;
microscopie optique, microscopie électronique à transmission et à balayage sont, en
particulier, utilisées. Les techniques les plus modernes de la physico-chimie et de la
biologie sont par ailleurs mises en oeuvre : la spectrométrie de masse pour l'aspect
chimique et biochimique des constituants, notamment des résines ; la biologie
moléculaire et l'analyse génétique pour déterminer les groupes sanguins, identifier les
maladies de l'Antiquité ou encore détecter l'ADN fossile.
L’histoire de la Pharmacologie a permis de mettre en évidence l'utilisation de certaines
plantes dans les traitements médicaux de l'époque et ainsi d’envisager d'intéressantes
applications thérapeutiques contre les pathologies actuelles. Des chercheurs ont
découvert des restes d’opium sur une momie. Les Egyptiens faisaient-ils commerce de
drogues analgésiques ? En tout cas, ils utilisaient déjà la morphine pour soulager leurs
douleurs comme en témoignent les traces retrouvées sur de nombreux corps. Par
l’analyse de la composition chimique des cheveux et des os, il est même possible de
connaître l’alimentation de la momie. Ainsi, l'azote renseigne sur la proportion de viande
dans son régime et le strontium, sur celle des légumes.
Spécialistes de la chimie organique, Stephen Buckley et Richard Evershed n'ont pas
voulu se limiter aux seuls récits d'Hérodote (Vème siècle av. J-C.) pour comprendre le
processus d'embaumement en Egypte ancienne. Ils ont décidé de faire parler les
momies. Pas question d'employer des méthodes frustes sur des restes humains
devenus extrêmement fragiles. C'est pourquoi ils ont allié la chromatographie en phase
gazeuse et la spectrométrie de masse à la désorption thermique et la pyrolyse. Une
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combinaison d'une efficacité redoutable, capable de libérer et identifier les substances
présentes dans des échantillons de moins de 0,1 milligramme. Soumises à cet arsenal
moderne, les treize momies, datant de la période dynastique (1 900 av. J-C) à la
période romaine (395), ont bel et bien parlé. Première découverte, et non des
moindres : contre les micro-organismes responsables de la putréfaction, les prêtres
embaumeurs savaient mettre à profit les vertus antiseptiques des résines de conifères.
Déjà incluses dans le processus de momification sous la VIe dynastie (2 200 av. J.-C.),
ces dernières ont acquis peu à peu une place prépondérante. Les momies de l'époque
romaine étudiées par Buckley et Evershed contiennent en effet pas moins de 37 % de
diterpénoïdes de conifères. Les deux Britanniques ont également démontré que la cire
d'abeille était abondamment utilisée par les anciens Egyptiens. La couche de résine
noirâtre étalée sur la momie d'une femme de l'époque ptolémaïque (332–30 av. J.-C.)
était composée de 87 % de cire et d'un peu de résine de pistachier. "Le choix de la cire
d'abeille était clairement motivé par ses propriétés hydrophobes et antibactériennes,"
estiment les scientifiques. Ces derniers en ont profité pour confirmer ce que l'on
soupçonnait déjà : huiles et onguents végétaux faisaient aussi partie de la recette. Tous
les corps et bandelettes ont présenté des traces de lipides acyl dégradés, dont la
formule a révélé l'origine végétale. "Cette large utilisation indique que les embaumeurs
étaient conscients des propriétés spéciales des huiles et graisses insaturées qui se
polymérisent spontanément," soulignent les chimistes. Cette polymérisation, qui produit
un réseau aliphatique dense, forme une barrière à toute épreuve contre les microorganismes. Reste un point en suspens : l'emploi de "bitume", régulièrement cité dans
les textes sur la momification. Aucune des treize momies n'a présenté de traces d'un
quelconque mélange fait à base de pétrole. Ce qui ne signifie pas qu'il n'était pas mis à
contribution dans certains cas, notamment pour les momifications les plus raffinées
comme celle du Pharaon.
Les momies sont au XXème et XXIème siècle, une source d’information pour les
archéologues mais également pour les scientifiques. Ainsi au fil des recherches,
l’époque pharaonique et ses fascinantes traditions nous livrent leurs secrets, et loin de
se limiter à de nouvelles données historiques, ces travaux trouvent des implications
directes en terme d’actualité scientifique.
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CONCLUSION
La momie, de sa confection à son utilisation, peut tout aussi bien être considérée
comme une œuvre d’art, un remède miracle en son temps, un produit d’une certaine
industrie pharmaceutique mais surtout comme une source de connaissances à la fois
historique et scientifique. L’étude de la momification nous a apporté des informations sur
l’anatomie, sur les techniques de conservation des corps et sur l’utilisation et la vertu
des plantes et minéraux. La conservation des corps après la mort est toujours un sujet
d’actualité. En effet, au début des années soixante sont apparus en France des cabinets
de thanatopraxie, art de conservation du corps, successeur de l’embaumement
Egyptien. La poudre de momie, quant à elle, utilisée surtout au XVIème siècle, nous
éclaire tout d’abord sur la volonté de trouver à tout prix une véritable panacée. Cette
quête a aujourd’hui été abandonnée au profit de nombreux médicaments plus ciblés et
dont l’efficacité est prouvée. La poudre de momie soulève également le problème des
dérives qu’engendre un tel engouement pour un produit miracle. Enfin, se pose la
question de la consommation de morts. S’il nous paraît inconcevable aujourd’hui de
manger un cadavre, longtemps dans notre société, le corps humain est consommé sous
la forme de préparations médicinales. De plus, l’anthropophagie est encore présente
chez certains peuples plus à visée traditionnelle que thérapeutique. L’analyse des
momies par de nouvelles techniques nous donne des renseignements sur des
pathologies encore actuelles.
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BIBLIOGRAPHIES :
Livres :
Histoire de la médecine dans l’Antiquité, Jürgen Thorwald, Edition Hachette
Articles :
Notre Histoire, n°85, Janvier 1992, Anne LE CAM
Tout savoir, Novembre 1953, Au temps où l’on débitait en tranches des momies…pour
guérir les rhumes de cerveau
La Recherche 145, Juin 1983, volume 14, p.799
Sites internets :
http://www.chez.com/nynyfee/
http://www.religiologiques.uqam.ca/17web/17lebreton.html
http://toildepices.free.fr/fr/articles/histoire/civilisation/egypte.html
http://www.infoscience.fr/articles/articles_aff.php3?Ref=733
http://www.cstjean.qc.ca/dept/tab/Cours/Momification.pdf
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