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institue le modèle républicain laïc comme absolu, sans rival, et auquel est censé se conformer
intégralement le nouvel arrivant. Ainsi, soit qu’il l’agresse par les armes, soit qu’il lui fasse du
chantage victimaire, soit même qu’il prétende être en position de dialoguer avec elle, l’Islam se
présente dans tous les cas dans une position d’offensive face à une société française moderne
totalement démoralisée, désacralisée, voire dépressive. Quant au musulman, il est, dans les
exemples précédents, soit désigné comme victime prioritaire à rebours de tout sens commun,
soit comme interlocuteur à privilégier.
À gauche : tenir le choc
Dans Libération du 26 juin, Nathalie Raulin signe un papier qu’on croirait directement rédigé
par les cabinets de l’Élysée. Tout doute, toute inquiétude, toute panique auraient été déjoués
par le gouvernement « coupant l’herbe sous le pied » d’un FN pressé, toujours, de recycler les
frayeurs. L’unité nationale – y compris sous le prisme droite-gauche – aurait été en outre,
comme en janvier, idéalement maintenue et affirmée. Cette analyse, qui n’en est pas une, tient
plus de l’incantation et du déni, deux pratiques qui résument en réalité l’essentiel du travail des
journalistes de gauche depuis trente ans. Nous le verrons plus loin, mais notons d’emblée que
ce qui s’est révélé après cet attentat est au contraire le fait que cette unité nationale a
clairement commencé de se fissurer. D’ailleurs, Laurent Joffrin, plus lucide, s’en aperçoit bien,
lui, dans son édito. Plutôt que de se masquer la réalité des faits, il appelle donc à tenir le choc.
« Mais, de toute évidence, certains souhaitent aller au-delà. A droite ou à l’extrême droite, on
parle de "cinquième colonne", "d’état d’urgence", "d’action immédiate". Autrement dit, on
plaide pour des mesures d’exception et pour la suspicion générale envers une minorité. C’est
faire exactement le jeu des terroristes. » Et Joffrin de conclure en appelant à « Tenir bon sur les
principes. » Ce que ne veut pas voir le journaliste, c’est que tout fait le jeu des terroristes, y
compris la « Charlie attitude », comme l’OJIM le montrait ces mois derniers. En revanche, à
gauche, personne ne semble songer à faire le jeu de la France (quitte, justement, à
embarrasser des minorités, si nécessaire). Christophe Barbier, dans L’Express s’il met en
garde, comme tous, contre le danger de « surenchère alarmiste », entre néanmoins lui-même
dans la surenchère. En effet, le curseur, chez lui, est bien davantage sur le rouge que chez son
camarade Joffrin : l’ « union nationale » est à faire, non à préserver ; les alliances
internationales doivent assumer un revirement diplomatique majeur ; l’islam de France doit se
soumettre à un « concordat » ; enfin, Barbier offre une conclusion franchement martiale : «
Qu'elle soit ou non "de civilisation", selon les mots de Manuel Valls, cette guerre doit être
déclarée et menée. Sinon, elle est déjà perdue. »
Le « padamalgam » en désuétude
On se souvient que le mot d’ordre de l’après-Charlie avait été : « padamalgam ». Après la
décapitation d’Hervé Cornara, ce fut le même slogan qui sortit de la bouche du ministre de
l’intérieur, Bernard Cazeneuve, dès qu’il eut à s’exprimer, exploitant à n’en plus finir les
éléments de langage qu’on lui avait forgés six mois plus tôt. Cambadélis tweeta quant à
lui : « Pas d’amalgame. Ne jouons pas sur les peurs », renforçant l’impression qu’un seul
cerveau était partagé par tout le Parti Socialiste. Goldnadel se moquera férocement de
l’expression dans Valeurs actuelles, mot d’ordre également attaqué par Caroline Artus
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