Deux hypothèses nouvelles pour expliquer la répartition étrange du Tuit-tuit Coracina newtoni
J-M. Probst & K. Abhaya
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Bulletin Phaethon, 1997, 6 : 57-58.
Deux nouvelles hypothèses pour expliquer la répartition étrange du Tuit-
tuit Coracina newtoni
Jean-Michel Probst & Késava Abhaya*
*Nature & Patrimoine, B.P. 279, 97 827 LE PORT cedex
La distribution actuelle étrange de l’Échenilleur (c.f. carte de nidification 1996-1997) reste inexpliquée. Si la
disparition des milieux forestiers indigènes est assurément un des facteurs les plus destructeurs de la faune endémique,
elle n’est pas la seule en cause. De nombreuses nuisances s’accumulent sur notre Tuit-tuit ce qui en fait un modèle de
conservation des plus intéressants à étudier. À lui seul, il collectionne une bonne partie de tous les maux qui s’abattent
sur la faune de notre île (Probst, thèse de doctorat, en prép.). Parmi les nuisances les plus souvent avancées on trouve :
- La disparition de la couverture forestière et la fragmentation progressive des habitats (Cheke, 1987 ; Probst, 1991,
1997)
- La prédation par les mammifères introduits (Cheke, 1987 ; Probst, 1991, 1994, 1997)
- La compétition avec d’autres oiseaux introduits (Barré & Barau, 1982 ; Probst, 1997)
- L’envahissement des végétaux exotiques (Probst, 1991)
- Le braconnage (Cherel & Al., 1989 ; Probst, en prép.)
- Les feux de forêt (Probst, 1991, 1997)
D’autres hypothèses ont été avancées pour expliquer sa répartition restreinte :
- La colonisation récente de l’espèce (Attié, 1993 ; Probst, en prép.)
- Le micro climat favorable à l’espèce (Cheke, 1987 ; Probst, en prép.)
La répartition actuelle dans le Nord de l’île est sans aucun doute la conjonction de plusieurs facteurs limitants. Les
deux hypothèses présentées ici sont également intéressantes à étudier.
L’hypothèse de la population source
Chez les populations d’oiseaux forestiers, les zones de nidification sont plus ou moins denses selon divers critères
qu’ils sélectionnent suivant leurs propres exigences (Watkinson &Sutherland, 1995). La plupart des espèces se
répandent généralement le plus possible en atteignant les limites supportables de leur niche écologique. Dans certaines
zones, les conditions optimum favoriseront une forte densité d’individus, tandis que dans d’autres endroits, les
conditions défavorables entraîneront une stagnation, voir une diminution de la population (Pulliam, 1988). Dans
certains cas, ces zones limites doivent donc être régulièrement approvisionnées en individus nouveaux provenant de
zones plus clémentes. Cette théorie des populations sources permettrait d’expliquer en partie la distribution étrange de
la population du Tuit-tuit. Incapable de coloniser d’autres secteurs de forêt indigène, nous serions dans le cas d’une
population isolée de son noyau productif originel. Mis à part notre Tuit-tuit, la totalité des Coracina de l’Océan Indien
se rencontrent à basse altitude. Ces habitats forestiers correspondent à des zones plus riches en insectes, et possèdent
une canopée plus haute et diversifiée que celle de montagne. La zone de distribution actuelle du Tuit-tuit ne correspond
donc pas à l’optimum de l’espèce et son succès reproducteur ne serait pas suffisamment productif pour coloniser les
zones attenantes potentielles. Ajoutons que pour la saison de nidification 1996-1997, un secteur a été entièrement
déserté pour une cause encore inconnue.
Une population dimorphe déséquilibrée
Cette nouvelle hypothèse repose à la fois sur l’habitat marginal du Tuit-tuit cité plus haut et sur les conclusions d’un
chercheur hollandais, Jan Komdeur (1997). Cet ornithologue a étudié la reproduction de la Rousserole des Seychelles
Bebrornis seychellensis et plus particulièrement, le succès à l’envol et l’influence de la nourriture sur les nichées. Il a
remarqué un contrôle naturel tout à fait étonnant de la part de cet oiseau insulaire insectivore. Cet oiseau forestier, qui
ne pond qu’un seul œuf par an donne, des femelles à 88%, en cas d’abondance de nourriture et, à 77%, des mâles en cas
de disette. Ainsi, la saison suivante, les jeunes mâles aideront les parents à rechercher la nourriture pour la future
nichée.
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