Développements récents en science du climat et scénarisation
climatique : applications à la mousson africaine
MAMADOU BAILO BALDE
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La mousson africaine commence en juin et dure jusqu'au mois de septembre. Lorsque le continent se réchauffe
en été, il attire l'air qui s'est chargé en humidité au dessus du golfe de Guinée. Ce flux d'air humide remonte
vers le nord et une fois au-dessus du continent, il se transforme en systèmes orageux nommés lignes de grain.
Ces systèmes se déplacent d'est en ouest, arrosant toute la région avant d'arriver sur l'Atlantique, où ils se
transforment parfois en cyclones. Les 10 à 20 systèmes orageux de la saison forment des rivières qui coulent
pendant quelques heures, voire quelques jours. Mais elles n'atteignent jamais les fleuves et terminent en
marées. Pour le Sahel, c'est le seul épisode de pluie de l'année. Toutes ses ressources en eau en dépendent,
ainsi que ses ressources végétales naturelles et cultivées. Le reste de l'année, le soleil ne réchauffe pas assez le
continent pour déclencher le flux d'air humide à l'origine de la mousson. L'atmosphère reste « inerte ». Le
problème, c'est que ce phénomène ne se répète pas à l'identique tous les ans. Les conditions climatiques
humides des années 1950 et 1960 ont cédé la place à des conditions beaucoup plus sèches, à partir des années
1970. Le déficit de précipitations atteint 30 %, et le débit de certains fleuves, comme le Niger, a diminde
60%», précise le chercheur.
Les scientifiques soupçonnent le réchauffement des eaux du proche Atlantique et le changement d'état des
surfaces continentales (déforestation et utilisation des sols) d'être les causes de ces sécheresses. Ces
phénomènes ont fini par rendre la mousson africaine particulièrement irrégulière. Or la pénurie d'eau est
dramatique pour les agriculteurs. S'ils plantent, notamment leur mil trop tôt, et que les premières pluies
n'arrivent pas, les graines sont perdues.
Aujourd'hui, les connaissances des scientifiques comportent de grosses lacunes. Certains paramètres clefs ne
sont pas enregistrés de façon continue. Les modèles numériques reproduisent mal les cycles journaliers,
saisonniers et annuels des précipitations sur l'Afrique de l'ouest et l'Atlantique tropical. D’avantages
d'observations s'avèrent nécessaires pour bien comprendre les interactions entre l'atmosphère, la biosphère et
l'hydrosphère, qui gouvernent la dynamique et la variabilité de la mousson africaine. Une amélioration des
modèles climatiques globaux et météorologiques est également espérée.
En effet, la mousson africaine joue un rôle important dans le système climatique de notre planète, l'Afrique
tropicale étant l'une de ses principales sources de chaleur d'origine continentale. Par exemple, le niveau des
précipitations au Sahel est lié à la fréquence des cyclones sur l'Atlantique. La mousson peut également avoir
des conséquences indirectes sur le climat de régions plus éloignées. L'Afrique de l'ouest émet une grande
quantité de gaz à effet de serre naturels (gaz carbonique, vapeur d'eau). C'est aussi la principale source
d'aérosols minéraux sur notre planète (par exemple la poussière rouge qui se dépose parfois jusque dans le sud
de la France). Du fait de ses émissions d'origine biologique et anthropique (feux de savane et de forêt) et du
transport vertical et horizontal de ces gaz par la mousson, l'Afrique de l'ouest est considérée comme une
région critique pour la compréhension de la chimie atmosphérique globale.
La mousson africaine est une source vitale de pluie dans les régions du Sahel. En moyenne annuelle, les
précipitations à Niamey, capitale du Niger, sont les mêmes qu'à Paris mais toute l'eau tombe en trois mois. La
mousson joue également un rôle important à l'échelle du globe. Or depuis trente ans, l'Afrique de l'Ouest est
frappée par une sécheresse d'une ampleur et d'une durée sans précédent liée à des perturbations de la
mousson africaine. La mousson étant un système couplé océan, atmosphère et continent, des moyens lourds
ont pour la première fois été mobilisés pour analyser les interactions entre ces trois compartiments.
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balde.mamadoubai[email protected]r, ISIC : +22467796891
Les dernières observations confirment ainsi que l'océan Atlantique joue un rôle important dans le démarrage et
l'intensité de la mousson d'Afrique de l'Ouest. Plusieurs bateaux océanographiques ont permis d'observer
l'océan en profondeur pendant plusieurs années. Des variations de température de surface de la mer qui
contribuent à des différences de moussons marquées ont été mises en évidence. Alors que cette variabilité est
essentiellement due à la remontée d'eaux profondes équatoriales, cette augmentation de la température de
surface de la mer semble avoir affecté la puissance des vents de la région et par conséquent la date de début
de la mousson.
L’Afrique de l'Ouest est exposée à des variations de l'effet de serre provoquée par la fumée provenant de la
combustion de la biomasse et par la poussière minérale arrachée par le vent.
Les études sur l'influence du climat africain sur le changement climatique global ont par ailleurs porsur la
relation entre les orages d'Afrique de l'Ouest et l'ozone. L'ozone étant un gaz à effet de serre, sa présence à
basse altitude peut perturber les conditions climatiques de la région concernée et il semblerait que les orages
influencent fortement la distribution de l'ozone et de ses précurseurs dans les tropiques. Des mesures
détaillées ont donc été réalisées à proximité des grands systèmes orageux qui s'étendent sur plusieurs
centaines de kilomètres pour rechercher leur impact sur le transport et la chimie de l'ozone. Des
concentrations fortement accrues d'oxyde d'azote provenant des éclairs ont été mesurées dans la partie haute
des systèmes orageux. Les observations dans l'air transporen dehors des orages à travers plusieurs milliers
de kilomètres ont démontré la formation d'ozone dans ces masses d'air. Les analyses dans la basse atmosphère
ont également mis en évidence des concentrations moins élevées au-dessus des régions forestières qui
agissent comme des puits d'ozone par déposition.
Le système d'Afrique de l'Ouest est caractérisé par un fragile équilibre entre l'offre en ressources naturelles et
la demande de nourriture d'une population en augmentation. Dans ce contexte, la productivité agricole,
pastorale et forestière représente une question clé pour le développement durable et la stabilité politique de la
région, directement liée à la variabilité du climat. L’utilisation de la terre a changé de manière significative
durant ces 30 dernières années à cause de changements dans le régime hydrologique de cette région, dans la
distribution de la population et dans les stratégies d'adaptation et de minimisation des risques adoptées par la
population. La compréhension de la relation entre ces changements et le climat doit permettre d'identifier la
capacité de la région à supporter ces mutations et de prévoir l'impact des modèles climatiques sur les terres.
Plus globalement, la modélisation du climat qui bénéficiera de tous les résultats est cruciale pour leur
utilisation dans les prises de décision politique. Lors du dernier rapport du GIEC, le groupe soulignait que
l'Afrique, à cause de sa capacité d'adaptation faible et des impacts conséquents du changement du climat
prévus fait face à un risque important avec l'accroissement des gaz à effet de serre. Et en effet, cette région est
à l'heure actuelle celle qui présente le plus de résultats contradictoires dans l'estimation du climat sur 50 ans,
alors que le besoin de scénarios fiables est critique pour le devenir de cette région.
Comprendre les mécanismes de la mousson :
Le fonctionnement de la mousson d'Afrique repose sur un système interagissent l'océan, le continent et
l'atmosphère. Des chercheurs ont travaillé sur ces interactions afin de décortiquer le mécanisme de la
mousson. Leurs travaux ont permis de mettre en évidence que la mise en place d'une langue d'eau froide au
niveau du golfe de Guinée précède le déclenchement des pluies de mousson et exerce une forte influence sur
la mousson elle-même.
Ces résultats nous donnent l'espoir de mieux prévoir la date des premières pluies, ce que, pour l'instant, nous
ne savons pas faire. Je pense que d'ici 5 ans, nous aurons fait des progrès considérables, commente u n
chercheur. Nous commençons néanmoins à pouvoir donner des conseils sur les semis.
L'objectif est également de pouvoir donner aux agriculteurs des prévisions intra saisonnières. Actuellement, les
prévisions que nous sommes en mesure de faire sont insuffisantes pour les agriculteurs. Mais nous
commençons à comprendre les mécanismes des pauses sèches - arrêts ou fortes diminutions de pluies qui
durent de 10 jours à un mois et peuvent être désastreuses pour les cultures. Le grand enjeu est de pouvoir les
prévoir. Cela demandera davantage de temps.
Mousson et changement climatique :
La déforestation, la variabilité naturelle du climat, le réchauffement de l'Atlantique, la pression démographique
sont autant de facteurs qui ont eu une incidence sur la mousson ces dernières décennies. Nous pensons que
l'énorme déforestation qui a eu lieu en Afrique de l'Ouest dans les années 60 - 70, notamment en Côte d'Ivoire
des forêts primaires ont été détruites, a eu un véritable impact sur la mousson. Les sols retiennent moins
d'humidité et réfléchissent davantage l'énergie solaire vers l'atmosphère, ce qui diminue l'intensité de la
mousson.
Normalement, nous devons être capables de prévoir à dix ou vingt ans l’évolution du climat de la région à cette
échelle là. Mais aujourd'hui, les scenarios du GIEC (groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du
climat) révèlent des incertitudes sur les zones de mousson, zones qui ont pourtant un rôle capital sur le climat
global. Le Sahel est la région ces incertitudes sont les plus fortes. Il y a d'énormes désaccords : certains
modèles prévoient une hausse des précipitations, d'autres modèles prévoient une baisse. Nous tentons
aujourd'hui de comprendre ces désaccords, pour à terme être capable d'améliorer les prévisions.
Dans l'état des connaissances actuelles sur la mousson d’Afrique, on peut affirmer que la seule déforestation
ne suffit pas à expliquer la sécheresse de ces dernières années. Et la reforestation ne permettra pas d'inverser
la tendance. De plus c'est une erreur de dire que les aérosols, issus des feux de brousse ou autres, sont à
l'origine du blocage du FIT (qui est un concept différent de celui de la mousson).
Pour conclure, ce ne sont pas les franges du désert qu'il faut reboiser mais celles de la forêt si l'on veut inverser
la tendance.
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