“Le scandale des embryons de laboratoire* ”

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Lettre d’inf ormation et d’analyse sur l’actualité bioéthiq u e
n°153 : Mars 2013
Le jour même de l’examen par l’Assemblée nationale de la proposition de loi autorisant la recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines, Jean-Marie Le Méné, président de la Fondation Lejeune, publie une tribune dans le quotidien La Croix, retranscrite
ci-dessous.
“ Le scandale des embryons de laboratoire* ”
Contrairement à ce que l’on pense, la
première réforme de société à être votée
par la gauche - et la plus grave - ne sera
pas celle du mariage homosexuel.
Dans l’ordre chronologique et d’importance, la première réforme consistera à
remplacer le principe de l’interdiction
de la recherche sur l’embryon (assorti
de dérogations) par celui de l’autorisation. La proposition de loi est inscrite à
l’ordre du jour de l’Assemblée nationale,
le 28 mars, après avoir été votée au Sénat le 4 décembre.
Il est un moment mystérieux où chaque
être vivant, sans changer de nature, se
développe et grandit entièrement dans
la dépendance d’un autre. De même
qu’il ne viendrait à l’idée de personne de
contester qu’un embryon de souris est
un être murin, aucun scientifique dans
le monde ne conteste qu’un embryon
d’homme est un être humain. C’est dans
cette phase d’énergie vitale et de grande
vulnérabilité que le législateur a choisi
de l’instrumentaliser.
Soyons précis : nous parlons d’embryons
vivants qui seront supprimés dans le
cadre de projets utilitaristes. A cette fin,
certains êtres humains figurent sur une
liste éloquemment intitulée « embryons
surnuméraires dépourvus de projet parental ». S’ils étaient réimplantés dans
l’utérus, ils y poursuivraient leur vie suspendue par la cryoconservation.
Mais la fin ne justifie pas les moyens et
supprimer un humain pour prétendre
en soigner un autre est une curieuse
* Tribune La Croix 28 mars 2013.
méthode. Posons quand même la question qui semblait ouvrir de si vastes
perspectives au point que la loi de bioéthique de 2004 avait déjà autorisé, dans
certains cas, des dérogations à l’interdit de la recherche sur l’embryon. Rien
n’indique que les progrès annoncés il
y a dix ans comme imminents soient au
rendez-vous. Au contraire, les avancées
médicales se font aujourd’hui grâce aux
cellules souches adultes et de sang de
cordon et se feront demain grâce aux cellules reprogrammées découvertes par le
Pr. Yamanaka, Nobel de médecine 2012.
En toute logique, la recherche sur l’embryon humain devrait donc être interdite.
On le voit, la question relève moins de la
science que de l’éthique : notre époque
est la première à vouloir mettre la main sur
l’humain à ce stade de développement.
Le plus grave consiste à présenter
comme indifférent le passage d’une
interdiction avec dérogations à une autorisation de principe. Car il ne s’agit
pas d’une différence de degré mais de
nature. En effet, ce qui était dérogatoire
– la destruction de l’embryon - va devenir la règle. Et ce qui était la règle – le
respect de l’embryon – va devenir l’exception.
C’est la première fois, en droit français,
que la mort est érigée au rang de principe (même la loi sur l’avortement n’est
qu’une exception au principe du respect
de la vie).
Pérenniser la violence contre la vie – et
marginaliser ceux qui s’y opposent –
marque un déplacement du point d’équilibre de la démocratie. Le droit n’a pas
tous les droits. Il ne suffit pas de changer la règle pour être en règle. Et une loi
injuste n’est pas une loi.
L’absence de mobilisation des autorités
morales pour défendre l’embryon humain est un vertigineux motif d’inquiétude au regard des causes et des conséquences de cette évolution. Car – les
travaux parlementaires en apportent la
preuve – c’est l’intérêt financier des industriels du secteur qui fait la loi.
Les cellules souches non-embryonnaires
ont un coût et l’embryon n’en a plus. Jamais les formules superbes de François
Mitterrand sur la « force injuste de la loi »
et sur le « coup d’état permanent » n’auront été plus justifiées qu’aujourd’hui.
Enfin, il faut être aveugle pour ne pas
voir que la liberté de faire, défaire et
refaire l’embryon humain – à façon – a
créé un droit à l’enfant pour les hétérosexuels qu’il est maintenant difficile de
refuser aux homosexuels revendiquant
le mariage.
La disponibilité de l’embryon pour la
paillasse est une des facettes les plus
odieuses de cet ultra-libéralisme libertaire.
Parce que « Dieu se rit des hommes qui
déplorent les effets dont ils chérissent
les causes » (Bossuet), il est urgent de
crier notre révolte face au scandale des
embryons humains sacrifiés au profit
des laboratoires.
Recherche sur l’embryon : 10 raisons de dire non
Le 28 mars les députés ont débattu de la proposition de loi levant l’interdiction de la recherche sur l’embryon humain. Les citoyens ayant
été privés d’un débat public sur cette question qui porte une révolution juridique et éthique sans fondement scientifique, plusieurs députés, au premier rang desquels Philippe Gosselin, ont organisé une conférence de presse sur le thème «recherche sur l’embryon : 10 raisons de dire non». Autour des professeurs Alain Privat, (professeur en neurobiologie à l’EPHE, ancien directeur de recherche à l’INSERM,
et spécialiste des cellules souches), et Bertrand Mathieu (professeur de droit constitutionnel à l’école de droit de la Sorbonne, Université
Paris I), les raisons juridiques, scientifiques, éthiques, et politiques pour s’opposer à cette révolution votée en catimini ont été exposées:
Sur le plan scientifique :
1.
La thérapie cellulaire est déjà une
réalité grâce à certaines cellules souches
non embryonnaires : les cellules souches
adultes et celles du sang de cordon.
2. Les cellules souches reprogram-
mées (IPS) du Pr. Yamanaka (prix Nobel
de Médecine 2012), offrent des perspectives plus prometteuses en matière de
thérapie cellulaire que les cellules embryonnaires. La rapidité du lancement
du premier essai clinique sur la DMLA, et
les investissements massifs qui se portent – à l’étranger – sur les iPS marquent
l’importance du potentiel de cette recherche. S’agissant de la modélisation
des pathologies et du criblage de molécules, les iPS peuvent déjà être utilisées
comme alternative à l’embryon.
Sur le plan juridique :
5. La protection de l’embryon humain
est garantie par l’article 16 du code civil,
la constitution, et le droit européen.
6.
Passer d’un régime d’interdiction
de principe à un régime d’autorisation
de principe constitue un changement
de paradigme inédit au terme duquel le
principe fondateur de la protection de
l’être humain deviendra une exception à
la règle nouvelle de sa non-protection.
7. Avant d’envisager d’autoriser la re-
cherche sur l’embryon, enjeu majeur
qui concerne autant les citoyens que
les experts, les responsables politiques
doivent organiser des Etats Généraux,
rendus obligatoires depuis la révision
de la loi bioéthique de 2011.
3.
Le principe d’interdiction de la recherche sur l’embryon humain ne limite
pas les travaux sur l’embryogénèse qui
se développent grâce à la recherche sur
l’embryon animal.
8.
L’embryon est un membre de l’espèce humaine, ce n’est pas une conviction ni une opinion mais un constat
scientifique. Or le respect de tout être
humain, particulièrement les plus fragiles, est constitutif du pacte républicain
et au fondement de notre civilisation.
Autoriser la recherche sur l’embryon
nous fait quitter le pacte républicain et
abandonner nos valeurs fondatrices.
9.
Les responsables politiques sont
garants de l’intérêt général. L’enjeu de
la recherche sur l’embryon ne relève
pas de l’intérêt général mais de l’intérêt
particulier - et financier - de l’industrie
pharmaceutique qui considère l’embryon humain comme un moyen simple
et peu onéreux de modéliser des pathologies, et cribler des molécules alors
que les cellules iPS peuvent rendre ce
service.
10.
4.
L’argument diminuant l’importance
des iPS (qui conserveraient 1 mémoire
de leur tissu d’origine) ne tient plus
scientifiquems est résolu.
Sur le plan éthique et politique :
PRESS
INFO EX
A 01h00 du matin le 29 mars 2013, et grâce à la ténacité courageuse de quelques
députés, l’Assemblée nationale n’a pas voté l’article unique de la proposition de loi
visant à autoriser la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires
humaines. La course folle contre la montre a finalement donné raison à l’embryon !
L’ambiance tendue de l’hémicycle, faisant fuir les radicaux de gauche, furieux de la
tournure du débat, a laissé le gouvernement désarmé faire obstruction aux quelques
députés de l’opposition. Le principe d’interdiction de la recherche sur l’embryon, et
avec lui la protection de l’être humain reste pour l’instant la règle !
Avant d’engager une telle révolution juridique et éthique la moindre
des choses est d’exiger de l’Agence de
la biomédecine qu’elle honore son obligation légale de présenter au Parlement
un bilan comparatif de la recherche sur
les cellules souches. Les responsables
politiques doivent se réapproprier leur
responsabilité en matière d’enjeux bioéthiques que l’Agence de la biomédecine
a captés depuis sa création (2004). Et ce
alors même que dans ce domaine de la
recherche sur l’embryon l’ABM est juge
et partie1.
1. Depuis 2004, l’ABM a délivré 173 autorisations relatives
à la recherche sur l’embryon, pour seulement 9 refus. 71
concernent des protocoles de recherche, 24 la conservation
de cellules souches embryonnaires et 46 l’importation de
lignées de cellules souches embryonnaires.
Lettre mensuelle gratuite, publiée par la Fondation Jérôme Lejeune - 37 rue des Volontaires 75725 Paris cedex 15
Contact : [email protected] - Tél. : 01 44 49 73 39 - Site : www.genethique.org - Siège social : 31 rue Galande 75005 Paris
Directeur de la publication : Jean-Marie Le Méné - Rédacteur en chef : Lucie Pacherie - Imprimerie : PRD S.A.R.L. - N° ISSN 1627.498
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