VIRUS ZIKA – NEWSLETTER N°1 – Février 2016

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VIRUS ZIKA – NEWSLETTER N°1 – Février 2016
Auteur :
Michel Curé
Conseiller scientifique du Haut comité français pour la défense civile
Arbovirus (arthropod-borne virus) émergent de la famille des flavivirus, le virus Zika a été identifié
pour la première fois en Ouganda chez le singe en 1947, puis chez l’homme en 1952. Transmis
par les moustiques du genre Aedes (en particulier A. aegypti et A. albopictus qui transmettent
aussi la dengue, le chikungunya et la fièvre jaune), le virus Zika circule en Afrique, dans les
Amériques, en Asie et dans le Pacifique. Son réservoir est inconnu.
Il a donné récemment des flambées dans le Pacifique (îles Yap en 2007 et Polynésie française en
2013), dans les Amériques (Brésil et Colombie) et en Afrique (Cap-Vert) en 2015. Parti du Brésil
en juillet dernier, il a rapidement essaimé dans les pays d’Amérique centrale et du sud –ce sont au
moins 21 pays qui ont été touchés en cette fin janvier 20161. Quelques cas d’importation ont été
signalés aux USA et au Canada, à Taiwan et en Europe dont en France.
Réunis en urgence le 1er février, les experts de l’OMS ont estimé que la rapide et alarmante
expansion du virus avec ses conséquences neurologiques probables sont suffisamment
préoccupantes pour constituer une « urgence de santé publique de portée mondiale »2.
1. La maladie
Après une incubation dont la durée est mal connue (quelques jours), les symptômes, proches de
ceux de la dengue, comportent un état de malaise, de la fièvre modérée, des éruptions cutanées
(exanthèmes), des douleurs musculaires et articulaires, des céphalées et de la conjonctivite.
Généralement bénins (pas de mortalité connue), ils disparaissent sans traitement spécifique en 2
à 7 jours. De nombreux cas sont en outre asymptomatiques.
Des complications neurologiques auto-immunes à type de syndrome de Guillain-Barré ont été
signalées et plus récemment l’augmentation de plus de 20 fois de l’incidence des microcéphalies
chez les nouveau-nés coïncidant avec les grandes flambées épidémiques, en particulier au Brésil
en 2015, ont conduit l’OMS à considérer cette épidémie comme inquiétante. Le lien de causalité
entre virus Zika et microcéphalie est très probable comme en témoigne l’observation de la
1
http://www.who.int/mediacentre/factsheets/zika/fr/
http://www.who.int/mediacentre/news/statements/2016/emergency-committee-zika-microcephaly/en/
http://fr.reuters.com/article/topNews/idFRKCN0VA39C
2
présence de virus dans le liquide amniotique de fœtus microcéphales3, mais aucune preuve
scientifique définitive n’y a encore été apportée4,5.
La physiopathologie de la maladie est gouvernée par l’activation plurifonctionnelle des cellules T
(Th1, Th2, Th9, et Th17), observée pendant la phase aiguë de la maladie6.
2. Transmission
Le virus est transmis par les piqures de moustiques du genre Aedes.
Il ne semble pas exister de transmission interhumaine, sauf peut être par voie sexuelle comme le
suggère le CDC, du virus ayant été retrouvé dans le sperme d’un sujet polynésien7.
3. Prévention et traitement
Il n’existe ni vaccin ni traitement spécifique de la maladie.
Plusieurs compagnies réfléchissent aux possibilités d’adaptation de leurs plateformes de
fabrication de vaccins au virus Zika (GSK, Sanofi), mais le virus n’est pas suffisamment connu pour
aboutir rapidement8
La seule prévention possible est de se protéger des piqures de moustiques (élimination des gîtes
larvaires, répulsifs, écrans anti-insectes et moustiquaires, pesticide)
4. Evolution de l’épidémie
Après le Chili en 2014, le développement de l’épidémie de maladies à virus Zika est suivi par l’OMS
avec des points de situation depuis la semaine 28.
Une alerte a été lancée par la Pan American Health Organization en mai 2015 et une alerte de
niveau 2 à destination des voyageurs par le CDC9.
Comme on peut le constater, l’extension de l’épidémie est rapide - en témoigne l’évolution de la
répartition géographique des cas autochtones de la maladie.
- semaine 28 de 201510 : développement rapide des zones touchées au Brésil se
poursuivant dans les semaines suivantes
- semaine 3511 : apparition et généralisation en Colombie
3
Oliveira Melo, A. S., Malinger, G., Ximenes, R., Szejnfeld, P. O., Alves Sampaio, S. and Bispo de Filippis, A.
M. (2016), Zika virus intrauterine infection causes fetal brain abnormality and microcephaly: tip of the iceberg?.
Ultrasound Obstet Gynecol, 47: 6–7. doi: 10.1002/uog.15831
4
Anthony S. Fauci, and David M. Morens. Zika Virus in the Americas — Yet Another Arbovirus Threat.
NEJM., January 13, 2016 DOI: 10.1056/NEJMp1600297
5
Schuler-Faccini L, Ribeiro EM, Feitosa IM, Horovitz DD et al. Possible Association Between Zika Virus
Infection and Microcephaly - Brazil, 2015. MMWR Morb Mortal Wkly Rep., 2016 Jan 29;65(3):59-62. doi:
10.15585/mmwr.mm6503e2.
6
Tappe D, Pérez-Girón JV, Zammarchi L, Rissland J et al. Cinétique de cytokines de Zika infectées par le virus
patients de la phase aiguë de convalescents. Med Microbiol Immunol., 2015 décembre 24. [Epub ahead of print]
7
http://time.com/4193797/zika-virus-spread-sex/
8
http://www.reuters.com/article/us-health-zika-gsk-idUSKCN0V321J
9
http://wwwnc.cdc.gov/travel/notices
10
http://www.paho.org/hq/index.php?option=com_content&view=article&id=11603&Itemid=41696&lang=en
11
http://www.paho.org/hq/images/stories/AD/HSD/IR/Viral_Diseases/Zika-Virus/2015-cha-autoch-humancases-zika-virus-ew-41.jpg
-
semaine 4712 : le Suriname, le Guatemala et le Salvador sont à leur tour atteints
semaine 4813 : Venezuela, Paraguay, Mexique et Panama
semaine 5014 : Honduras
semaine 5115 : Martinique et Guyane française
semaine 1 de 201616 : Haïti et Porto Rico
semaine 217 : Bolivie, Guyane, Equateur, Guadeloupe, et la Barbade
semaine 318 : République Dominicaine et Saint Martin
semaine 419 : Nicaragua, Curaçao et Îles Vierges américaines.
D’autres pays ont été touchés par l’épidémie : le Cap-Vert20 (Afrique de l’ouest) en octobre 2015,
les îles Samoa21 (Océanie) en novembre 2015
ProMed-mail rapporte dans son message du 28 janvier le nombre de cas identifiés dans les
différents pays touchés. Compte-tenu des expressions cliniques de la clinique de la maladie, ces
chiffres n’ont qu’une valeur toute relative. Cependant, le nombre de microcéphalies au 20 janvier
et depuis octobre 2015 était de 3893 au Brésil22.
5. Situation au Brésil23
Quelques cas d'infection par le virus Zika avaient été détectés à Bahia en avril 2015.
En octobre, les médecins commencent à signaler une augmentation inhabituelle des cas de
microcéphalies chez les nouveaux-nés et le 15 décembre, 134 cas de microcéphalies ont été
soupçonnés d’être liés au virus Zika (déclaration du ministère de la Santé) alors que 2165 cas
faisaient l’objet d’une enquête. Tous les cas confirmés de microcéphalies sont localisés dans 4
états du nord-est du pays, avec une plus forte incidence en Rio Grande do Norte qui a vu le
nombre de cas passer de 1 en 2014 à 35 en 2015. Pour l’ensemble du pays, l’incidence habituelle
de la microcéphalie a été en moyenne de 180 cas par an de 2010 à 2015.
La présence de virus dans le liquide amniotique, séquencé partiellement, renforce les soupçons de
causalité.
Il existe deux types de virus Zika : africain et asiatique, tous deux principalement transmis par le
moustique Aedes aegypti ; le virus circulant au Brésil est de type asiatique, similaire à celui associé
12
http://www.paho.org/hq/images/stories/AD/HSD/IR/Viral_Diseases/Zika-Virus/2015-cha-autoch-humancases-zika-virus-ew-47.jpg
13
http://www.paho.org/hq/images/stories/AD/HSD/IR/Viral_Diseases/Zika-Virus/2015-cha-autoch-humancases-zika-virus-ew-48.jpg
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http://www.paho.org/hq/images/stories/AD/HSD/IR/Viral_Diseases/Zika-Virus/2016-cha-autoch-humancases-zika-virus-ew-1.jpg
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http://www.paho.org/hq/images/stories/AD/HSD/IR/Viral_Diseases/Zika-Virus/2016-cha-autoch-humancases-zika-virus-ew-2.jpg
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http://www.paho.org/hq/images/stories/AD/HSD/IR/Viral_Diseases/Zika-Virus/2016-cha-autoch-humancases-zika-virus-ew-3.jpg
19
http://www.paho.org/hq/images/stories/AD/HSD/IR/Viral_Diseases/Zika-Virus/2016-cha-autoch-humancases-zika-virus-ew-4.jpg
20
http://wwwnc.cdc.gov/travel/notices/alert/zika-virus-cape-verde
21
http://wwwnc.cdc.gov/travel/notices/alert/zika-virus-samoa
22
http://www.detroitnews.com/story/news/world/2016/01/20/brazil-zika-virus-mosquito-brain-defect/79100178/
23
Marcia Triunfol. A new mosquito-borne threat to pregnant women in Brazil. The Lancet Infectious Deseases,
February 2016, 16(2): 156–157, (Published Online: 23 December 2015)
à une épidémie survenue en Polynésie française en 2013. Dans cette zone, une augmentation des
cas signalés de malformations du système nerveux central (syndrome polymalformatif) a été
enregistrée au cours des années 2014-15, possiblement en relation avec la circulation du virus
Zika et peut-être d’autres virus. En outre, une forte incidence du syndrome auto-immun de
Guillain-Barré a été observée en association avec le virus Zika.
Le virus Zika aurait subi des changements importants pouvant expliquer son expansion récente.
Le virus utilise en effet la même machinerie cellulaire que celle de son hôte (les mêmes codons)
pour sa réplication augmentant les titres viraux.
Hormis un cluster en Polynésie française en 2014, le Brésil est apparemment le seul pays où les
microcéphalies ont augmenté avec l’épidémie et surtout dans les familles à faible revenu.
Enfin, l’importance de l’épidémie pourrait avoir été largement sous-estimée en raison du nombre
important de formes asymptomatiques24.
6. Données sur le virus
Très peu d’études ont été consacrées au virus Zika.
Ø Dans cette étude, les auteurs montrent qu’après piqure de moustique, les fibroblastes
dermiques, les kératinocytes épidermiques et les cellules dendritiques immatures sont
permissifs à l’entrée du virus dans les cellules via principalement le récepteur
phosphatidylsérine AXL. La réplication du virus conduit à l'activation d'une réponse
immunitaire innée antivirale et la production d'interférons de type I dans les cellules
infectées. Le virus est en effet sensible aux interférons de type I et II25.
7. Ressources
L’OMS amis en ligne toute une série de documents concernant cette affection et sa prise en
charge26.
Quelques exemples :
- Zika virus (ZIKV) Surveillance in the Americas: Interim guidance for laboratory detection
and diagnosis; 2015
- Provisional Remarks on the Zika virus infection in pregnant women: document for health
care professionals - 25 January 2016
- Zika virus infection: step by step guide on Risk Communications and Community
Engagement
Voir aussi :
- L’article d’Isabelle Catala du 26 janvier
http://francais.medscape.com/voirarticle/3602073_2
- Le blog du Dr Peronne
http://francais.medscape.com/voirarticle/3602049
- L’article d’Eurosurveillance d’avril 2014
http://www.eurosurveillance.org/ViewArticle.aspx?ArticleId=20751
24
http://fr.reuters.com/article/topNews/idFRKCN0VA39C
Hamel R, Dejarnac O, Wichit S, Ekchariyawat P et al. Biology of Zika Virus Infection in Human Skin Cells.
J Virol, 2015 Sep;89(17):8880-96. doi: 10.1128/JVI.00354-15. Epub 2015 Jun 17.
26
http://www.paho.org/hq/index.php?option=com_content&view=article&id=11601&Itemid=41694&lang=en
25
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