LE MAGNÉTISME DANS LES ÉTOILES Jean-François DONATI Même de faible intensité, le champ magnétique intervient dans l’évolution des étoiles. Des mesures récentes ont montré que le Soleil n’était pas représentatif du magnétisme des étoiles du même type. ’Univers fourmille de champs magnétiques. Ces champs sont présents dans les objets compacts (planètes, étoiles), mais aussi à plus grande échelle dans les galaxies. Dans les étoiles, malgré leur faiblesse relative en terme d’énergie – en général, l’énergie magnétique stellaire ne dépasse pas une très faible fraction de l’énergie gravitationnelle – les champs magnétiques interviennent de manière décisive lors de toutes les phases d’évolution, de sa contraction jusqu’aux phases terminales d’effondrement gravitationnel. En altérant les mécanismes de transport de la matière au sein des étoiles, le champ magnétique modifie la rotation ou la composition chimique locale, paramètres fondamentaux de l’évolution stellaire. D’où vient le champ magnétique des étoiles? Est-ce un champ créé par des mouvements turbulents au sein d’un gaz ionisé, ce qui forme une structure magnétique complexe et variable rapidement, comme dans le Soleil? Ou est-ce un champ fossile, emprisonné dans l’étoile et amplifié lors de la phase de contraction, ce qui crée une structure magnétique relativement simple à grande échelle et très lentement variable? Ou encore résulte-t-il d’autres mécanismes non encore identifiés, et pourtant régulièrement invoqués pour expliquer l’activité magnétique de certaines étoiles chaudes? L’astronome cherche aussi à mieux comprendre l’impact du champ magnétique sur les phénomènes physiques qui interviennent dans l’évolution stellaire et, en particulier, sur les mécanismes de transport de matière à l’intérieur des étoiles et dans leur atmosphère. Ainsi, certaines étoiles ont des teneurs en éléments chimiques très différentes de celles L 38 du Soleil, «anormales», probablement due à la présence d’un champ magnétique. L’étude de ces étoiles, dites chimiquement particulières, renseigne sur le transport des éléments par diffusion microscopique en présence de champ magnétique. D’autres étoiles permettent d’étudier la dynamo stellaire et, par conséquent, les mécanismes physiques sous-jacents que sont la convection, la turbulence, la rotation différentielle et la circulation méridienne. Enfin, en observant les étoiles qui perdent ou qui gagnent de grandes quantités de matière (notamment les étoiles très chaudes et les étoiles très jeunes), on analyse comment le champ magnétique intervient ou même domine dans l’éjection ou dans l’accrétion de matière ionisée. Pour comprendre l’évolution stellaire sous toutes ses facettes, il est ainsi nécessaire d’évaluer les paramètres magnétiques d’un échantillon d’étoiles représen- tatif de différentes masses et des différentes phases évolutives. Pourtant, sur moins d’une centaine d’étoiles, le champ magnétique a été détecté de manière directe par des modifications caractéristiques qu’il engendre dans des spectres stellaires. Ces étoiles se regroupent en deux classes : d’une part, celles, comme le Soleil, dont le magnétisme est d’origine magnétohydrodynamique (magnétisme dynamo) ; d’autre part, celles, comme les étoiles chimiquement particulières ou les naines blanches, dont le magnétisme est probablement un vestige d’une étape évolutive antérieure (magnétisme fossile). En 1896, le physicien néerlandais Pieter Zeeman découvre que le champ magnétique scinde les niveaux d’énergie atomiques en plusieurs sous-niveaux : le champ magnétique décompose les raies d’un spectre en plusieurs composantes (voir la figure 1). La polarisation de chaque composante (c’est-à-dire le mode vibratoire de l’onde électromagnétique associée) dépend alors de la direction du champ magnétique par rapport à la ligne de visée. Tandis que les observations du rayonnement polarisé circulairement et linéairement renseignent respectivement sur la composante longitudinale (projetée sur la ligne de visée) et transverse (perpendiculaire à la ligne de visée) du champ magnétique, les mesures en lumière non polarisée indiquent uniquement l’intensité totale du champ. Les premières mesures donnaient accès à des valeurs moyennes sur la totalité du disque stellaire. Aujourd’hui, pour les étoiles en rotation rapide, on analyse les profils des raies spectrales collectées tout au long du cycle de rotation ; à partir de cette analyse, on obtient des cartes du champ magnétique de surface. NIVEAUX D'ÉNERGIE SPECTRE SANS CHAMP MAGNÉTIQUE CHAMP MAGNÉTIQUE 1. Les niveaux d’énergie d’un atome se scindent sous l’effet d’un champ magnétique, de sorte que les raies du spectre se séparent. La séparation des raies spectrales mesure alors le champ magnétique. © POUR LA SCIENCE Magnétisme dynamo En 1908, George Hale, de l’Observatoire du mont Wilson, découvre un champ magnétique sur le Soleil, à l’intérieur des taches sombres qui maculent sa surface. Depuis, les nombreuses observations ont fait progresser notre connaissance du champ magnétique solaire ; on sait aujourd’hui qu’il est créé dans l’enveloppe externe du Soleil, la couche convective, sous l’action combinée de deux ingrédients indispensables, la convection et la rotation. Dans les années 1960, Eugene Parker, de l’Université de Chicago, propose la première explication de ce phénomène : la convection en présence de rotation engendre une rotation différentielle qui transforme un champ initialement orienté dans le plan méridien en un champ orienté suivant les parallèles, bien plus intense que le champ original. La force de Coriolis, due au fait que l’étoile est un rotation, transforme les mouvements convectifs en cyclones ; ces cyclones régénèrent ensuite, à partir de la composante parallèle, une composante méridienne du champ, de polarité opposée à celle qui lui a donné naissance. La répétition de ces opérations élémentaires constitue la physique de base du cycle magnétique du Soleil (voir La dynamo stellaire, par Élizabeth Nesme-Ribes, Sallie Baliunas et Dmitry Sokoloff, dans ce dossier). S’il est probable que ce scénario soit valable dans son principe, un chemin énorme reste à parcourir pour obtenir une explication détaillée et cohérente du mécanisme dynamo dans sa globalité. Par exemple, la zone précise de l’intérieur du Soleil où se déroulent les phases élémentaires du cycle d’activité est encore débattue. Il semble maintenant établi que le stockage du champ magnétique et sa transformation en champ parallèle ne puissent se faire qu’à la base de la zone convective, mais le lieu de la régénération du champ reste incertain. De surcroît, le mécanisme dynamo est difficile à modéliser, tant sur le plan analytique (l’effet rétroactif du champ magnétique sur le champ de vitesse qui a causé son amplification étant mal connu), que sur le plan numérique (les ordinateurs n’étant pas encore assez puissants pour permettre une modélisation correcte de la turbulence à toutes les échelles spatiales). Dans ce contexte, l’observation des champs magnétiques d’autres étoiles actives que le Soleil se révèle très instructive. Les premiers résultats obtenus dans le cadre d’un programme de collaboration francoaustralien indiquent déjà que toutes les étoiles observées jusqu’à présent possèdent des régions magnétiques où le champ est © POUR LA SCIENCE 2. Reconstruction de la structure magnétique globale à partir d’une cartographie du champ magnétique de surface pour l’étoile jeune AB Doradus (le rouge et le bleu correspondent à un champ magnétique de 0,1 tesla d’intensité, mais de polarités opposées ; le vert figure des régions non magnétiques). orienté principalement le long des parallèles (voir la figure 3). Ainsi, sur ces étoiles, il semble que l’on observe directement à la surface la composante parallèle du champ, contrairement au Soleil où l’existence de cette composante (supposée enfouie à la base de la zone convective) est déduite indirectement. Par conséquent, dans ces étoiles, les mécanismes dynamo doivent opérer dans toute la zone convective (en particulier près de sa surface), et non pas exclusivement à sa base, comme pour le Soleil. Les astronomes attendent beaucoup du suivi régulier de l’évolution temporelle des topologies magnétiques de ces étoiles au cours de leur cycle d’activité. Nous découvrirons alors le fonctionnement des mécanismes de dynamo dans un cadre beaucoup plus général que celui, assez restreint, du Soleil. Le champ magnétique dynamo a également des conséquences sur l’étoile ellemême et, plus particulièrement, sur sa vitesse de rotation. La plupart des étoiles froides (qui possèdent une zone convective et donc un champ magnétique dynamo) tournent bien plus lentement que les étoiles chaudes (qui n’ont pas de zone convective). Le champ magnétique chauffe la couronne solaire, la haute atmosphère du Soleil, à plusieurs millions de degrés. La forte pression thermique qui règne dans la couronne expulse spontanément vers le milieu interstellaire une faible quantité de matière ionisée : c’est le vent solaire. Cette éjection de matière freine le Soleil, à la manière d’un patineur qui réduirait sa vitesse de rotation en écartant les bras. Les autres étoiles actives possèdent également une couronne (que l’on détecte grâce à son rayonnement X) et sans doute aussi un vent stellaire que l’on ne peut détecter, mais dont on suppose l’existence (par analogie avec le Soleil) pour expliquer leur faible vitesse de rotation. En utilisant des cartographies du champ de surface, nous reconstruirons la structure du champ magnétique jusque dans la couronne, ce qui permettra l’estimation du freinage de la rotation des étoiles (voir la figure 2). 39 TESLA 0,1 INTENSITÉ COMPOSANTE RADIALE COMPOSANTE AZIMUTALE COMPOSANTE MÉRIDIENNE 0,05 0 60° 30° É Q UAT E U R - 0,5 É Q UAT E U R É Q UAT E U R É Q UAT E U R - 0,1 3. Cartographies de la brillance (intensité lumineuse locale) et de différentes composantes du champ magnétique à la surface de l’étoile K1 du système RS CVn HR 1099. Ces images sont des représentations polaires (les cercles Le champ magnétique peut freiner la rotation d’une étoile par d’autres mécanismes que l’éjection de matière. Afin d’expliquer le fait que les T Tauri classiques, des étoiles jeunes qui possèdent encore un disque d’accrétion, tournent moins vite que leurs voisines aussi jeunes dont le disque d’accrétion est déjà dissipé, Jérôme Bouvier, de l’Observatoire de Grenoble, a proposé que leur champ magnétique qui parvient à pénétrer le disque d’accrétion s’y ancre et synchronise la rotation de l’étoile sur la vitesse keplerienne correspondant à une orbite de quelques rayons stellaires. Cette vitesse étant bien inférieure à la vitesse de rotation initiale de l’étoile, cette dernière est freinée. Si le champ magnétique parvient à ralentir la rotation d’une étoile, il peut également modifier la répartition des vitesses en son sein. Comme l’amplification du champ magnétique requiert une énergie qui ne peut être prélevée que sur l’énergie cinétique du plasma de la zone convective, il est probable que la variation cyclique de la structure magnétique s’accompagne d’une redistribution (également cyclique) du moment cinétique dans toute la zone convective et donc d’une modification des champs de vitesse à grande échelle (circulation méridienne, rotation différentielle). La structure de la zone convective entière devrait être altérée par le cycle d’activité. Comme la mesure de la rotation différentielle à la surface des étoiles actives est maintenant possible par des techniques d’imagerie similaires à celles qui sont employées pour dresser des cartes du champ magnétique, l’observation d’un tel phénomène devrait rapidement nous aider à mieux comprendre l’impact du magnétisme dynamo sur la structure interne des étoiles actives. 40 concentriques en traits gras et fins représentent l’équateur et les parallèles de latitude 30° et 60°). On remarque l’importance de la structure en anneau de la composante azimutale (orientée suivant les parallèles). Magnétisme fossile La première détection de champ magnétique sur une autre étoile que le Soleil est obtenue par Horace Babcock en 1947. Contre toute attente, le champ de cette étoile, de la classe des étoiles chimiquement particulières de la séquence principale, diffère beaucoup de celui du Soleil : les observations montrent un champ longitudinal (projeté sur la ligne de visée) variable, mais dont les variations périodiques résultent de la rotation de l’étoile, plutôt que d’une variation temporelle intrinsèque de la structure magnétique (comme le cycle d’activité solaire). En suivant les détails de cette variation, on étudie la structure à grande échelle du champ magnétique de ces étoiles. Cette structure relativement simple est celle d’un dipôle (comme le champ d’un barreau aimanté) dont l’axe de symétrie fait un angle avec l’axe de rotation de l’étoile. De plus, on observe que cette structure est stable durant des périodes d’au moins plusieurs dizaines d’années. D’autres types d’étoiles possèdent des structures magnétiques analogues : les naines blanches, les étoiles pulsantes de type bêta Cephei et quelques étoiles chaudes de type O. Le champ de ces objets est vraisemblablement un vestige magnétique d’une phase évolutive antérieure. Tandis que le champ des étoiles magnétiques de la séquence principale proviendrait d’une parcelle du champ galactique emprisonnée par le nuage qui leur ont donné naissance lors de la phase d’effondrement gravitationnel, et amplifiée au cours de la contraction des protoétoiles, celui des naines blanches magnétiques serait le vestige du champ des étoiles magnétiques de la séquence principale ayant atteint la phase ultime de leur existence. Ces champs diffèrent des champs magnétiques de type dynamo : dans ces derniers, la structure magnétique est toujours très complexe, alors que les champs fossiles ont presque toujours une structure dipolaire. Outre sa composantes dipolaire, un champ magnétique contient en général des composantes d’ordre supérieur (quadripolaire, octopolaire, etc.) de moindre intensité. Le champ magnétique total est la somme de toutes ces composantes. Selon la théorie, la durée de vie des composantes multipolaires du champ fossile est trop faible pour que ces composantes perdurent après des milliards d’années. Si les premières observations semblaient confirmer cette vision, les mesures plus récentes, qui ne peuvent être reproduites (même grossièrement) par aucun modèle où le champ est dipolaire, montrent que la topologie magnétique de ces étoiles est nécessairement plus complexe. Il devient alors légitime de se demander si les structures magnétiques de ces objets sont purement des champs fossiles ou s’ils n’incluent pas une composante de type dynamo, créée dans le cœur convectif de l’étoile. Les prédictions indiquent également, en très bon accord avec les observations, que les champs fossiles ne sont pas intrinsèquement variables sur des périodes d’au moins plusieurs siècles. Encore une fois, ce comportement diffère de celui des structures magnétiques engendrées par effet dynamo, qui fluctuent considérablement sur des périodes de quelques jours à plusieurs décennies (cycle d’activité). Il est maintenant établi que les étoiles qui possèdent un champ fossile tournent sensiblement moins vite que les étoiles non magnétiques de type spectral analogue. En 1984, Pierre North, de l’Université de Genève, a montré que le freinage de ces © POUR LA SCIENCE PÔLE MAGNÉTIQUE NÉGATIF étoiles n’a pu survenir pendant la durée qu’elles passent sur la séquence principale. À la manière des étoiles T Tauri, ces étoiles auraient été freinées par interaction avec un disque dans leur jeunesse, mais, jusqu’ici, on n’a trouvé aucun candidat précurseur de ces étoiles qui confirmerait cette hypothèse. Si la structure magnétique fossile est stable à l’échelle de la vie humaine, elle doit en revanche évoluer sur des périodes beaucoup plus longues. Le Britannique Leon Mestel, de l’Université du Sussex, prévoit en effet un basculement de la structure magnétique conduisant à des orientations privilégiées (parallélisme ou orthogonalité) de l’axe magnétique par rapport à l’axe de rotation, sous l’effet de plusieurs facteurs. Le transport des lignes de champ par des mouvements à grande échelle à l’intérieur de l’étoile aurait tendance à coucher l’axe magnétique dans le plan équatorial, tandis qu’une perte de masse confinée par le champ magnétique devrait plutôt aligner l’axe de rotation et l’axe magnétique. Enfin, la distorsion des couches externes de l’étoile par la structure magnétique pourrait aussi bien aligner ou rendre perpendiculaire ces deux axes, à la manière d’une toupie qui tend à tourner autour de son axe de plus faible moment d’inertie. Après de nombreuses observations infructueuses de ces alignements, John Landstreet, de l’Université Western Ontario, et Gauthier Mathys, de l’Observatoire européen austral (ESO), ont trouvé que, seules les étoiles magnétiques chimiquement particulières dont la période de rotation est inhabituellement longue (et qui ont donc dû subir un freinage plus marqué que les autres), ont une orientation privilégiée : l’axe magnétique est aligné avec l’axe de rotation. Le basculement de la structure magnétique semble bien lié au freinage magnétique. Les champs fossiles ont également des conséquences importantes sur les mécanismes de transport qui opèrent dans les atmosphères de ces étoiles, notamment en figeant les mouvements turbulents. La diffusion des atomes (sous l'effet combiné de la pression du rayonnement, de la gravité et du champ magnétique) devient alors un des modes de transport prépondérant. En 1970, George Michaud, de l’Université de Montréal, a proposé que ce mécanisme accumulerait (ou raréfierait) certaines espèces chimiques dans l'atmosphère de ces étoiles chimiquement particulières. Comme prévu, on observe que le champ magnétique altère la diffusion des éléments chimiques (voir la figure 4) ; en revanche, un calcul détaillé indique que la répartition des éléments prévue en ne tenant compte que de la diffusion n'est généralement pas © POUR LA SCIENCE conforme aux observations ; il est alors nécessaire d'inclure l'effet d'une faible éjection de matière (sous l'influence de la pression de radiation) pour parvenir à un E meilleur accord avec les TIQU GNÉ MA données. R U TE Dans les étoiles UA Q É chaudes comme les étoiles O, le vent radiatif est tellement puissant qu’il domine la diffusion, de sorte qu’il efface toute PÔLE trace de teneur anormale. MAGNÉTIQUE POSITIF La présence d’un champ magnétique fossile ancré dans ÉQ LE UAT la structure de telles étoiles modiEUR DE L'ÉTOI fiera aussi l’environnement de l’étoile. Le vent de matière suit les lignes de champ, ce qui peut engendrer des chocs lorsque les flux de matière en 4. Dans l’atmosphère de certaines provenance des deux pôles magnétiques étoiles, on observe une relation entre se rencontrent. Ces chocs chauffent le gaz la teneur en éléments et le champ environnant à une température supérieure magnétique stellaire. Ici, sur epsilon à dix millions de degrés, ce qui créerait des Ursa Major, l’oxygène est présent avec la même teneur que sur le Soleil, éruptions de rayons X. Ce mécanisme a à proximité de l’équateur magnétique été proposé pour expliquer l’émission de (régions claire) ; en revanche, il a rayonnement X des étoiles chaudes. presque totalement disparu (à plus de 99 pour cent) des zones entourant les Du magnétisme pôles magnétiques (régions sombres). dans les disques Dans plusieurs autres classes d’objets, des champs magnétiques expliqueraient certains phénomènes, mais leur existence n’a encore jamais pu être avérée. Par exemple, dans certains disques d’accrétion autour des étoiles jeunes, les flux de transfert de masse vers l’étoile déduits des observations sont bien supérieurs à ceux qui sont prévus par un modèle de disque visqueux. Un champ magnétique relativement faible, initialement présent dans ce disque et figé dans la matière ionisée, devrait s’étirer à la manière d’un élastique, en raison du cisaillement dû à la rotation différentielle du disque (la période de rotation dans le disque augmente avec la distance à l’étoile suivant les lois de Kepler) ; la force de rappel du champ magnétique finira par freiner la rotation en certains points du disque et accélérera l’effondrement vers l’étoile. On invoque également les champs magnétiques pour expliquer la forte focalisation des jets de matière observés le long de l’axe de rotation de ces mêmes étoiles jeunes, et que les mécanismes purement hydrodynamiques n’arrivent pas à expliquer (voir Des jets magnétiques, par J. Ferreira, C. Dougados et S. Cabrit, dans ce dossier). Aujourd’hui, les astrophysiciens prennent conscience que même un champ de très faible intensité (quelques milliteslas, soit dix fois le champ global du Soleil) suffit à modifier notablement les mécanismes physiques qui opèrent dans et autour des étoiles. En même temps, il est légitime de se demander si de nombreuses étoiles n’échappent pas à l’observation. En particulier, on constate que la proportion d’étoiles dont le champ est égal à une valeur donnée est d’autant plus grande que cette valeur est faible. Ainsi, il y aurait un nombre considérable d’étoiles dont l’intensité du champ magnétique est bien inférieure à la sensibilité des instruments actuels. Des instruments à la sensibilité accrue, comme le spectropolarimètre en construction pour le télescope CFH d’Hawaii ou en projet, pour le télescope William Herschell des Canaries, permettront sans doute la découverte de nouvelles classes d’étoiles magnétiques et, pourquoi pas, de nouveaux types de magnétisme stellaire. Jean-François D ONATI est astronome au Laboratoire d’astrophysique de l’Observatoire Midi-Pyrénées, à Toulouse. L. M ESTEL , Stellar Magnetism, Oxford University Press, 1999. 41