C O L L O Q U E RESPONSABILITÉ SOCIALE ET VALEURS MUTUALISTES : QUELLES SPÉCIFICITÉS DE LA BANQUE COOPÉRATIVE ? AIX-EN-PROVENCE 24 OCTOBRE 2013 SIÈGE DU CRÉDIT AGRICOLE ALPES PROVENCE « Le mutualisme constitue une alternative efficace face aux errements du capitalisme débridé et s’impose comme un système adapté aux exigences de notre temps » La crise de 2008 fut le détonateur de la fin d’un système qui a montré ses limites. Un changement de paradigme s’opère avec l’émergence d’un nouveau modèle collectif favorisant des initiatives économiques à forte utilité sociale et contribuant au développement durable et local. Nous entrons dans une aire « postmoderne » basée sur des paramètres différents où l’Homme tiendra une place plus importante. La notion de rentabilité n’est pas niée mais la notion d’utilité à l’Homme doit ou peut prévaloir. La société de capitaux est un outil formidable pour le financement de l’économie mais il ne reste qu’un outil qui, par essence, n’a ni valeur, ni éthique. Nous avons laissé l’outil devenir le maître et nous en mesurons aujourd’hui les excès. Le mutualisme et son outil économique, la coopérative, constituent une alternative qui a déjà fait ses preuves. Il faut simplement remettre les valeurs nobles du libéralisme en haut de l’affiche et notre corollaire mutualiste comme règle de fonctionnement. Le développement de la société de personnes ou coopérative est un outil collectif dont la finalité est la réalisation de l’objectif individuel. Les membres détiennent le capital sans concentration de pouvoir, puisque fonctionnant sur le principe « un Homme, une voix ». Cet outil est organisé autour de trois axes qui répondent aux exigences sociétales : • La compétitivité, au sens de performance économique garantissant le meilleur rapport qualité / prix ; • La proximité, car plus l’enracinement local est fort plus la responsabilité est grande ; • La solidarité, pas l’assistanat, mais celle qui permet d’accompagner en cas d’accident de la vie. Dans ce cadre, les entreprises donnent alors du sens à leurs résultats en investissant dans le développement de l’économie de leur territoire pour créer une spirale vertueuse : investissement, développement, confiance ! Marc Pouzet 2 « Le mutualisme n’est pas une idée simpliste mais une véritable nécessité » Dans le paysage économique actuel, l’idée de coopération et de mutualisation est cruciale. Les banques ayant adopté ces outils coopératifs s’en sont sorties beaucoup mieux que les autres et sont aujourd’hui beaucoup plus solides. En ce sens, les banques coopératives, de par leur ancrage territorial et leur fonctionnement, ont la responsabilité sociétale de contribuer au développement économique local. Elles sont ainsi adaptées aux exigences de notre temps et plus solides. L’idée de coopération n’est pas simplement une valeur gentillette. En Europe, nous vivons une poussée de l’individualisme caractérisée depuis deux siècles par la déconstruction des valeurs traditionnelles, l’émergence de la mondialisation libérale et la naissance de la famille moderne. Et dans l’univers de la compétition mondiale, nous n’avançons plus animés par la représentation d’un grand dessein mais par l’obligation mécanique, automatique, anonyme et totalement aveugle, d’innover en permanence ou de tomber. Ce n’est plus une question de sens, c’est une question de survie. Dans cette société hyper affective, dans laquelle le grand danger est de « jouer perso », la coopération devient une nécessité, pour combattre la logique de l’individualisme. Luc Ferry 3 « Dans le modèle coopératif, le collectif prime sur l’individuel. Pour autant, tous les systèmes collectifs ne sont pas toujours la panacée » Pour qu’un système soit efficient, bien-sûr, il faut qu’il agisse dans le sens de l’intérêt supérieur et collectif, mais aussi sur la base de responsabilités clairement définies et assurées, avec des dirigeants qui sont responsables, qui s’engagent et rendent compte. À défaut, cela ne marche pas. Prenez l’exemple de la Sécurité Sociale, système collectif et universel d’accès aux soins. Tout le monde en bénéficie, personne ne s’en sent responsable. L’exercice de la responsabilité impose la performance, mais une performance pour servir l’intérêt collectif, « être utile ». C’est en ce sens que le modèle coopératif et la valeur coopérative qu’il porte dans une société en perte de repère sont d’une extrême modernité. C’est cet engagement coopératif et cette responsabilité collective qui nous différencient. Thierry Pomaret « Pour l’entreprise, il ne peut y avoir de liberté sans responsabilité » Dans le contexte de la discussion au Parlement du projet de loi sur l’économie sociale et solidaire, Julien Couard a posé la question suivante : « Y aurait-il un fossé infranchissable entre l’économie sociale et l’économie capitaliste ? » L’économie solidaire a toujours su allier l’utilité sociale à la recherche du bien commun. Bien que représentant aujourd’hui deux millions trois cent cinquante mille emplois et dix pour cent de la masse salariale du secteur privé, ce modèle est assez mal connu et souffre encore d’une image d’amateurisme et d’un certain flou juridique. Pourtant, ses principes sont clairement établis : la gestion en commun de la structure selon la règle « un Homme, une voix », la limitation du caractère lucratif des activités, ou encore l’absence de spéculation sur les parts sociales. C’est aussi une réponse à la question de l’avenir des territoires puisque les trois quarts des coopératives ont leur siège en région et qu’elles y réinvestissent l’essentiel de leurs résultats. Mais l’impact de ce modèle est aussi international, comme l’a démontré l’ONU en mettant en évidence ce type d’entreprises en 2012. Aujourd’hui, l’économie sociale est une réponse au désir de changement sociétal. Elle peut s’appuyer sur le renforcement de la réglementation (loi NRE, Grenelle 2…), les évolutions souhaitables de la gouvernance économique et l’avènement du principe de responsabilité. En ce sens, elle montre la voie de ce que doit être la contribution des entreprises au développement durable dans ses trois priorités : la performance économique, le respect de l’environnement et le progrès social. Julien Couard « La question de Responsabilité est cruciale pour toute entreprise. Elle renvoie à la finalité et la finalité doit rester entrepreneuriale et sociétale » l’univers coopératif d’une banque mutualiste comme le Crédit Agricole, et cette différence c’est la finalité. Notre finalité, c’est aussi de servir l’économie du territoire. Nous ne sommes pas dans la spéculation et avec l’épargne de nos clients et sociétaires, nous finançons Une banque coopérative n’est pas sous le dictat des l’économie du territoire et l’ensemble de ses acteurs. marchés du court terme. Nous ne sommes pas C’est déjà une belle et noble responsabilité. non plus sous la pression d’actionnaires ou d’un La responsabilité d’une banque coopérative dans quelconque fonds de pension aux seules fins de son ancrage au territoire est aussi sociétale. Nos maximiser le rendement sur titres. emplois sont en région, nos impôts aussi. De fait, il existe une différence fondamentale entre l’univers capitalistique d’une entreprise et dont l’objectif premier est l’immédiateté de résultats et Thierry Pomaret 4 « La relation banque/client est un contrat » De ce contrat, aujourd’hui matérialisé par des documents d’accès certes rébarbatifs, naissent des obligations très précises émanant de l’Europe et transposées dans notre droit national. Les prestataires de services d’investissement ont ainsi un statut auquel sont associées des obligations d’agir de manière loyale, honnête et professionnelle. L’accent est particulièrement mis sur la communication, le prestataire devant non seulement fournir au second des informations compréhensibles, mais aussi s’assurer au préalable des connaissances et de l’expérience de son client en matière de produits ou de services financiers, la jurisprudence démontrant que c’est au banquier de prouver qu’il a réalisé ces diligences professionnelles. Aujourd’hui, les recours en justice sont quand même assez rares, l’acquéreur de produits financiers ne connaissant bien, ni ses droits, ni les obligations de son partenaire. Quant au vendeur, il n’est sans doute pas assez conscient qu’il accomplit un geste commercial mais aussi juridique. Thierry Granier « Loyauté, transparence, compétence » « Pour adhérer à notre programme de fidélité, il faut partager nos valeurs » Nous avons souhaité construire une relation de fidélité entre nos clients et la banque coopérative avec une approche universelle, quels que soient les moyens du client. Nous prenons à contre-pied l’approche traditionnelle, segmentée, de la fidélisation dont le principe nous paraît discriminant et mercantile. Dans notre « Pacte Coopératif », le programme de fidélité est centré sur nos valeurs, le client devenu sociétaire partage les mêmes intérêts, s’engage à nous choisir comme banque principale et bénéficie, en contrepartie, d’une reconnaissance, qui se traduit par des services personnalisés (SAV, ventes privées, confiance a priori…), et des avantages sur la rémunération et la tarification (livret F, taux réduit sur les services immobiliers…). Ce programme ancre nos valeurs et participe à notre développement commercial. Serge Magdeleine 5 On doit aider le client à arbitrer entre le risque et le rendement, entre le court terme et le moyen terme. Notre professionnalisme, c’est de savoir quel est le bon produit à conseiller à nos clients. La solidarité dans la fidélisation est une valeur morale qui dépasse le cadre juridique et renvoie à l’éthique. Notre fidélité s’inscrit dans la durée. Dans cette durée, il y a des aléas de vie, la vraie responsabilité c’est d’être présent dans la difficulté, mais comme l’a dit notre Président, ce n’est pas une solidarité d’assistanat, cela demande réciprocité et efforts partagés. Thierry Pomaret « Je partage les valeurs qu’il y a dans le Crédit Agricole » L’agence de notation sociale ou sociétale travaille à partir des données qui lui sont communiquées. Son rôle est justement de mesurer la cohérence de l’entreprise, l’écart entre le dire et le faire, sur des enjeux de développement durable. La clé, c’est la transparence. Emmanuel de la Ville « La Responsabilité Sociale et Environnementale se traduit concrètement dans nos actes et contribue à ancrer notre identité de banque coopérative » Dans nos principes mutualistes, la Responsabilité Sociale et Environnementale (RSE) était implicitement inscrite. Nous avons simplement voulu la traduire concrètement au travers de 5 axes majeurs : la recherche de l’excellence dans la relation avec nos clients, mesurée régulièrement, le développement économique des territoires, la gouvernance coopérative selon le principe « un Homme, une voix », nos pratiques de Ressources Humaines et notre responsabilité sociétale dans nos trois départements. C’est en quelque sorte un pacte cooperatif et territorial qui formalise notre responsabilité sociale et environnementale. Il s’exprime, et ce ne sont que des exemples, dans le soutien aux initiatives économiques locales, par l’emploi sur nos territoires, par la construction en HQE de notre siège, par nos engagements avec l’Institut Paoli-Calmettes ou l’École de la 2ème Chance… Nous collectons sur le territoire pour prêter sur le territoire, c’est notre utilité et notre différence de banque coopérative. Alain Gonnard « Nous nous devons d’expliquer que nous donnons un sens aux résultats, il nous faut créer une spirale vertueuse : investissement, développement, confiance » « Dans la banque, il vaut mieux parler de principes que de valeurs ; une valeur dépend d’une évaluation, a contrario un principe est évaluateur » Marc Pouzet Jean-François Mattei 6 « Plus on stimule l’économie du territoire, plus le retour sur investissement est important » Une entreprise économiquement responsable doit contribuer « au pays ». En poussant dans ce sens, la société sera différente, la confiance reviendra, ce qui nous est étranger nous fera moins peur et nous pourrons aborder plus sereinement, par exemple, la mondialisation. C’est là, la force de nos valeurs : celle des valeurs mutualistes. Marc Pouzet « Au plan de l’éthique, la solidité est le premier engagement que l’on se doit de respecter. C’est la base même de la confiance dans la relation banque/client. » Dans une Banque Coopérative comme CAAP, 85 % de notre résultat net est mis en réserve. Cela nous permet au plan réglementaire d’être largement au-delà des ratios prudentiels (20 % contre 9 % exigés) qui mesure la solvabilité des banques. Cela nous permet aussi un niveau élevé d’octroi de crédits sur le territoire (16 MD€, 150 projets financés par jour). C’est fondamental. Thierry Pomaret « La banque coopérative s’inscrit dans le sens de l’évolution de notre société » Les valeurs mutualistes peuvent influencer toute l’économie, elles rendent un service à l’ensemble de la société en développant des valeurs morales collectives. La crise et ses mutations, avec sa dimension technique et économique : les subprimes, la titrisation, les dettes souveraines, se traduit notamment par le « court-termisme », par le taux, tout de suite et le plus vite possible, par la focalisation sur le profit à court terme. La réponse à cela est triple, elle est économique, juridique et éthique et c’est là qu’apparaît l’intérêt du modèle coopératif à valeur mutualiste car le cadre juridique associe volontairement les valeurs de coopération, de solidarité et de proximité. L’intérêt de ce modèle est de réussir cette synthèse entre les nécessités juridiques et les nécessités morales et cela ne signifie pas l’existence d’un modèle unique, mais la coexistence de modèles différents tels l’actionnariat et le mutualisme créant des effets d’hybridation. Les valeurs mutualistes peuvent influencer toute l’économie, elles rendent un service à l’ensemble de la société en développant des valeurs morales collectives. Jean-Yves Naudet 7 Un colloque intergénérationnel CRÉDIT AGRICOLE ALPES PROVENCE / AIX-MARSEILLE UNIVERSITÉ : « Favoriser les passerelles entre monde étudiant et monde professionnel » Le Crédit Agricole Alpes Provence s’est engagé, depuis 3 ans, aux côtés de l’Université Paul-Cézanne grâce au soutien de sa fondation d’entreprise. La vocation de ce partenariat est de mener une réflexion conjointe autour du mutualisme, de la dimension coopérative bancaire, de l’éthique et de la responsabilité de l’entreprise, mais aussi de faire connaître ce modèle de gouvernance et ses différences. Pour cela, le Crédit Agricole et l’université ont mis en œuvre depuis 2011 des échanges réguliers qui ont permis d’élaborer de nombreuses actions communes, telles que : •C réation d’une chaire en 2011 afin de faire connaître et mener des travaux sur les spécificités de la banque coopérative. • I nterventions dans les cursus universitaires (du DU au Master) pour mieux faire connaître les spécificités de la Banque coopérative. •S outien de travaux de recherches dédiés dont le prix de la meilleure thèse à un étudiant particulièrement méritant. •P articipation de salariés du Crédit Agricole au DU « Ethique Economique et des Affaires » •P articipation aux débats sous forme de colloques, dont le colloque organisé le 24 octobre dernier sur la RSE et la banque coopérative à Aix-en-Provence. Une Fondation d’entreprise pour soutenir des projets utiles au territoire Contribuer durablement à la vitalité de l’économie locale et de son territoire en exerçant sur le terrain son sens de la responsabilité, de la proximité et de la solidarité : telle est la vocation du Crédit Agricole, banque majeure régionale et coopérative Pour cela, outre son rôle d’acteur bancaire de premier plan dans la région, le Crédit Agricole Alpes Provence, a créé une Fondation d’Entreprise. Elle dispose chaque année d’un pourcentage du résultat de la Caisse Régionale et de moyens humains pour agir au cœur de ses départements dans les domaines du patrimoine, de la culture et des solidarités collectives. Depuis sa création en 2006, près de 6 millions d’euros de dotations ont permis de soutenir plus d’une centaine de projets porteurs et d’initiatives au service du territoire et de ses habitants... comme autant de preuves de l’utilité pour son territoire, utilité à laquelle le Crédit Agricole Alpes Provence est très attaché. 8