les Lévriers dans l’art et dans l’histoire Lorsque l’on s’intéresse à une race de Lévriers, la question de ses origines interpelle forcément, et rechercher les traces de nos chers compagnons dans les représentations artistiques des siècles précédents, est un exercice passionnant ! Philippe DUPONCHEEL et Françoise VANDENBUSSCHE y excellent, et nous proposent une belle démonstration, à la recherche des ancètres du Chart Polski dans les réalisations picturales des maîtres du XVIIème siècle… Mais avant de vous laisser vous plonger dans cette passionnante lecture, je souhaiterais vous solliciter afin que nous puissions proposer de façon régulière une rubrique « Nos lévriers dans l’art et dans l’histoire » grâce à vos contributions. Les sujets concernant les différentes types de représentations des lévriers de nos différentes races dans l’art, représentations d’hier et d’aujourd’hui nous intéressent. Alors n’hésitez pas à nous proposer des sujets concernant nos races, et à nous faire découvrir de nouveaux artistes… Merci d’avance pour votre concours ! M.G. Daniel LINTIGNAT, Secrétaire du Chart Polski Cercle de France » nous présente Philippe DUPONCHEEL et Françoise VANDENBUSSCHE : « Madame et Monsieur Philippe DUPONCHEEL , membres éminents du Club SLAG et du CPCF, juges de beauté et de travail, ont largement contribué à la « renaissance » de ce très ancien lévrier qu’est le Chart-Polski ... dont la race a été particulièrement malmenée et touchée durant la dernière guerre mondiale en Pologne. Avec beaucoup de courage et de pugnacité, ils se sont impliqués dans le combat difficile de Mesdames Izabella et Malgorzata SZMURLO, toutes deux membres d’Honneur du CPCF, pour faire reconnaître par les autorités internationales, cette race et son Standard… La rigueur de la formation scientifique de Philippe DUPONCHEEL, alliée à la passion cynophile de Mme VANDENBUSSCHE et à leur amour commun des Arts et des Lettres en font des Experts qui aiment partager auprès de nous tous, leur passion pour ce lévrier robuste et altier….insuffisamment connu et reconnu…. Du fond du cœur, : nous les en remercions. » Philippe Duponcheel à la NE du Chart Polski et du Magyar Agar en 2006… Daniel LINTIGNAT à Romorantin – Photo Arcadines SLAG Octobre 2014 Page 66 Rencontre dans une peinture du XVIIe siècle … Les naturalistes BUFFON, LINE, CUVIER ont vécu au XVIIIème siècle ; les zootechniciens CORNEVIN, Pierre MEGNIN, Paul DECHAMBRE… au XIXème siècle. Inutile donc de vouloir parler de « races canines » avant cette période. Si nous partons dans l’univers de la peinture des environs du XVIIème siècle, inutile de vouloir parler de lévriers polonais, persans ou anglais … Nous allons cependant céder à la tentation devant la juxtaposition de ces témoignages picturaux et nous émerveiller de ressemblances troublantes avec des caractéristiques de nos races préférées … Federico Zuccaro Les Musées Royaux des Beaux-Arts à Bruxelles renferment des trésors parmi lesquels ce dessin de Federico Zuccaro : un dessin à la craie noire et rouge sur papier beige, don d’une généreuse donatrice en 1913, représentant un lévrier entre Saluki et Chart Polski. Federico Zuccaro (1540-1609, non loin de San Marino) est un peintre et architecte italien considéré comme l'un des maîtres du maniérisme romain du début du Cinquecento (16ème siècle italien, période durant laquelle la Renaissance s’étend à toute l’Europe). Vingt ans plus tard, on retrouve le même sujet abordé par un autre peintre. SLAG Octobre 2014 Page 67 Baccio del Bianco (Florence 1604 - Madrid 1656) En 2004, le marchand d’art Canesso de Paris proposait à la vente une huile sur toile de Baccio del Bianco datée de 1630, Portrait d'un lévrier , dans lequel un lièvre mort est allongé aux pieds d'un lévrier à l’expression mélancolique. Son prix (plus de 0,5 million €) montre comment la demande pour cette période artistique a fortement augmenté ces dernières années. Baccio del Bianco est connu en Europe pour les fresques qu'il a peintes pour la résidence de Michel-Ange. Cette huile sur toile (121 x 155 cm) appartient à un collectionneur particulier allemand. Elle s’inscrit dans le contexte de la peinture florentine de la première moitié du XVIIe siècle et a été attribuée à Baccio del Bianco dont le catalogue des tableaux de chevalet reste en partie à reconstruire. Les petites silhouettes filiformes du fond, la place prépondérante laissée au paysage, sont en tous points comparables à celles de la Danse champêtre de la casa Buonarroti. De prime abord l'attribution surprend car l'artiste n'est pas répertorié comme peintre de «Natura Viva». En revanche sa capacité à peindre des paysages était déjà louée par Baldinucci. Ce dernier écrit l'avoir vu, au-delà des Portes de Florence, dessiner à la plume, directement d'après le motif. De fait, l'exécution du paysage qui sert de toile de fond au portrait est dépeint avec aisance, aussi bien pour le dégradé atmosphérique, que pour l'enchaînement des petites scénettes. Celles-ci, de manière très originale semblent représenter le lévrier lui-même «en action» et probablement, le personnage vêtu d'une veste rouge auquel le chien rapporte sa prise est-il son maître. SLAG Octobre 2014 Page 68 Selon toute vraisemblance, il s'agit du portrait d'un chien aimé pour lequel le maître a demandé à Baccio del Bianco de lui rendre une effigie fidèle et noble. La chasse au canard : à droite le chasseur tire ; à gauche le lévrier est prêt à intervenir Dans l’ensemble général du tableau, la ligne pure et la robe blanche de la chienne se détachent parfaitement du fond sombre qui sert de repoussoir et la met en valeur. La tête tournée vers le peintre, et a fortiori, vers le spectateur, est emprunte d'une expression bienveillante et affable. Notre tableau peut se situer vers 1630 par sa proximité avec les décors de la Casa Buonarroti confiés à l'artiste en avril 1628. Il vient s'inscrire tout naturellement dans la tradition du portrait de chien qui connaîtra des développements notoires jusqu'au XVIIIe siècle, tant en Italie qu'en France. D'après la Vita assez détaillée que lui a dédiée Baldinucci, Baccio del Bianco apparaît comme une personnalité à la vie mouvementée et aux talents multiples. Ce peintre, architecte, ingénieur civil et militaire, scénographe, dessinateur de costumes et de décors éphémères et à ses heures, caricaturiste et architecte de jardins, voyage beaucoup, y compris dans l’Europe centrale : il commence sa carrière à Vienne avec un ingénieur militaire pour lequel Baccio fournit des dessins pour des fortifications. De là, il ne s’éloigne toujours pas beaucoup de la Pologne et se rend à Prague avant de rentrer à Florence. Il finit sa carrière en Espagne où, à partir de 1651 il entre au service de Philippe IV pour qui il orchestre des scénographies dont nous sont parvenus des dessins signés pour un Persée et Andromède datant de 1653 (Houghton Library, Harvard University). SLAG Octobre 2014 Page 69 Entre ces deux voyages, Baldinucci nous dit que Baccio del Bianco a gagné l'estime de la bourgeoisie florentine qui se le disputait pour ses facultés à peindre aussi bien à l'huile qu'à fresque. Si le corpus des dessins de l'artiste est abondant, celui de ses décors à fresque bien documenté et repéré, le corpus des tableaux de chevalet, lui, s'enrichit peu à peu. La tête est assez fine, trop fine pour faire penser au Chart Polski mais les oreilles n’ont pas les franges typiques des oreilles du Saluki, comme on les trouve dans le dessin de Zuccaro. Cette tête fait penser plutôt à celle d’un jeune Chart Polski, à l’âge où le rapport entre le Lévrier polonais et son « ancêtre » (selon le standard actuel), le lévrier persan, est le plus visible. Plus tard, la comparaison (ici avec la femelle Chart Migotka Divinacanis) est moins évidente : La structure du corps, ses proportions et la qualité du poil à la queue évoquent aussi des caractéristiques du Lévrier polonais. Comparaison avec l’arrière-main de Ch. Irmina Akacjana Ce tableau de Baccio est-il un cas unique au XVIIe siècle ? Probablement pas. Pour preuve cette oeuvre de Jacob Jordaens, peintre et graveur flamand (Anvers 1593 – 1678) conservée au Musée du Louvre : Jordaens y peint cette vieille femme accompagnée d’un chien au museau de lévrier, aux oreilles droites et à l’encolure garnie d’un manchon douillet (à faire pâlir un juge de greyhound, sans inquiéter outre mesure un juge de Chart Polski)... SLAG Octobre 2014 Page 70 Si vous connaissez d’autres représentations de chiens qui vous font penser à nos amis Chart Polski, n’hésitez pas à nous contacter et à nous donner les références. Dans un prochain article, nous pourrions fouiller dans notre collection de cartes postales (fin 19e – début 20e s) pour dénicher tous les lévriers rangés sous le vocable « lévrier russe » ou même « barzoï » et qui ressemblent pourtant franchement à nos Lévriers Polonais … Si le cœur vous en dit … Françoise et Philippe Duponcheel-Vandenbussche SLAG Octobre 2014 Page 71 Chart Polski : Prenons-nous au jeu ! La proposition de Philippe et Françoise Duponcheel-Vandenbussche est séduisante, alors « jetons-nous à l’eau » à la recherche du Chart Polski au travers des cartes postales anciennes que je collectionne. Effectivement, fin XIXème et début XXème, en Europe, les cartes postales ont souvent utilisé des sujets féminins ou des enfants accompagnés de chiens : des lévriers, dont le Barzoï, y sont fréquemment représentés comme « faire-valoir » des élégantes jeunes femmes ou des bambins, ou en sujets principaux. Sur les cartes postales, certains chiens de type barzoï sont vraiment très éloignés du standard actuel, et ne semblent pas vraiment représentatifs de la race. Bien entendu, lorsque le barzoï est arrivé en Europe occidentale dès la moitié du XIXème siècle, la race n’était pas homogène, et on y rencontrait des types différents en fonction des élevages et/ou des zones géographiques dont ils provennaient ( Russie et régions que l’on a appelées plus tard « Europe de l’Est ») où ils étaient utilisés et sélectionnés pour la chasse. Fin XIXème et début XXéme, le Barzoi a bénéficié d’une une relative popularité en Occident et est devenu le chien de compagnie « à la mode » . Cela a eu pour conséquences une production qui a entrainé des dérives, en France, en Angleterre…. Heureusement, dans d’autres pays, le type d’origine avait été bien conservé comme en Allemagne, en Hollande, et même aux Etats-Unis où il était apprécié comme chien de chasse. Les CP représentant des barzoïs ou des lévriers de grande tailles dont le type offre quelques similitudes, étaient illustrées soit par des photos faites en studio, et souvent colorisées, par des illustrations dessinées, ou encore par des reproductions de tableaux. Je voudrais soumettre à Ph. et F. Duponcheel-Vandenbussche les 3 CP suivantes , dont les sujets pourraient évoquer le Chart Polski : Les deux CP de gauche représentent le même sujet dans des positions assises différentes. Elles datent de 1910 et ont été respectivement timbrées en France et envoyées à Gand (Belgique) et Bar-le-Duc (Meuse). La 3ème carte postale de type « Vienna » a pour auteur H.Christ, et elle a effectivement été imprimée à Vienne (Autriche), envoyée à Vienne sans doute en 1908 car le tampon est peu lisible. Le lévrier représenté est certes un peu épais (la patisserie viennoise y est-elle pour quelque chose ?), mais avec une queue très différentes de celle d’un Barzoi ou d’un Greyhound, une ligne de dessus,une belle encolure et un port d’oreille qui font penser à la néophyte que je suis qu’il pourrait s’agir de caractéristiques du Chart Polski … Pour comparer, voir photo ci-contre d’un Chart Polski prise lors de la NE..… Quel est votre avis ? Martine Gobillon SLAG Octobre 2014 Page 72