Fadl-Allah entre 1306 et 1314. Une copie d’un livre de l’historien Tabari contient aussi des images du Prophète.
Un autre livre fut réalisé dans le palais de l’empereur Baysungur en 1436 : il est écrit en turc et comprend 57
miniatures dont certaines figurent le Prophète Mahomet. Un autre livre, Siyer-i Nebi, que l’auteur Dariri de
Erzurum a écrit au XIVe siècle. Une copie de cet ouvrage a été faite par le sultan ottoman Sultan Murad lui-
même à la fin du XVIe siècle. C’était l’époque où les sultans faisaient de la calligraphie et de la miniature, pas
celui où l’on censure des livres ! Cette période glorieuse de l’art du livre islamique était celle où les chrétiens
allaient à Damas, Baghdad, Mossoul, Tabriz, Le Caire, Cordoue ou Grenade pour apprendre les sciences et
acheter ces précieux livres de médecine, d’histoire, de philosophie ou de mathématiques illustrés de belles
miniatures et de beaux dessins.
Tous ces trésors, tous ces livres illustrés par les artistes musulmans sont une fierté pour notre culture et notre
civilisation à son apogée. Ils sont précieusement conservés dans les musées de Topkapi à Istanbul, Téhéran,
Londres, Berlin, New York ; et les fanatiques de tous bords qui parlent de censure et d’autodafé devraient plutôt
en être fiers ! Ne leur en déplaise donc, l’art de l’Islam comprend de très nombreuses miniatures qui
représentent non seulement le Prophète Mohamed mais certains de ses compagnons ainsi que d’autres
prophètes, Adam et Ève… Ce ne sont que des illustrations à la gloire du Messager et de l’Islam. Leurs
détracteurs ignorent certainement que le Prophète lui-même a protégé les images de Jésus et de Marie qui
figuraient sur la Qaâba. Ses Compagnons voulaient effacer toutes les peintures figurant sur la pierre noire, il
s’interposa, mit sa main sur le mur et ordonna de n’effacer que ce qu’il y avait au-dessus, soit les icônes
païennes, pas les représentations chrétiennes.
Le HCI, organe consultatif auprès de la présidence, a demandé à l'auteur d'ôter les “images qui ont suscité la
controverse” ou de les “masquer par quelque autre procédé”. Le président de l'Association des oulémas,
Abderrahmane Chibane, exige, quant à lui, l'interdiction pure et simple d'un livre qui “porte atteinte à la
sacralité du prophète Mahomet”.
En demandant de masquer les miniatures “par quelque autre procédé”, le HCI revient à un procédé utilisé par
des fanatiques au Moyen-Âge et qui consistait à barrer d’un trait de plume le cou des personnages figurant sur
des miniatures. Comme si un trait sur le cou d’un personnage lui ôtait la vie ou l’âme et que du coup ce
personnage devenait un objet inanimé, puisque peindre des objets, des plantes ou des animaux est licite en
Islam, selon ces fanatiques. Le HCI semble ignorer que l’Islam n’interdit pas l’image ni la représentation du
corps humain aussi bien en peinture qu’en sculpture.
Or l’Islam interdit l’adoration des images comme il interdit l’adoration des animaux ou des objets à la place de
Dieu. L’Islam n’est pas une religion iconoclaste mais une religion aniconiste, selon Titus Burckhardt. Mais les
“savants du culte” algériens semblent ignorer les fetwas émises au début du XXe siècle et autorisant la création
artistique et la représentation figurative. Pourtant, jusque dans les années 1970, la photographie et la télévision
étaient interdites en Arabie Saoudite pour le même motif. Puis, comme par miracle, les Saoudiens ont fini par
comprendre que ni la peinture ni la photographie ni le cinéma ni la télévision ne font concurrence à Allah, El
Moussawir, et que les œuvres d’art (peinture, dessin, sculpture) réalisées par l’homme n’ont pas une fonction
religieuse mais profane, au même titre que le dessin industriel, la biologie ou les mathématiques. Mais que de
temps perdu, d’injustices et de gâchis avant d’arriver à une évidence !
S’ils avaient également lu des livres comme L’art de l’Islam, de Titus Burckhardt, ils auraient élargi leur esprit.
Tout vrai théologien, savant du culte ou imam, est supposé doué d’un savoir encyclopédique qui inclut les
sciences et les arts, l’astronomie et de nombreux autres domaines. Mais loin derrière nous semble donc le
temps où l’Islam engendrait des Ghazali, des Ibn Rochd… Aujourd’hui, la facilité déconcertante avec laquelle
des imams se prononcent sur des sujets qui les dépassent est vraiment inquiétante et semble augurer de temps
d’une inquisition encore plus sombre. Pourtant, il n’est pas nécessaire d’être un génie ou un théologien pour
comprendre que l’Islam ne peut pas interdire la peinture ni la sculpture : le seul bon sens suffit car l’artiste n’a
pas la prétention de concurrencer Dieu ni d’ériger des idoles à adorer. Ses œuvres ont une vocation profane, et
sont fondamentalement nécessaires pour l’avancée de l’esprit et la connaissance humains : Léonard de Vinci a
fait “l’Écorché”, le célèbre dessin qui montre les muscles humains. L’islam interdirait-il pareille image ? Mais le
génie de la Renaissance n’aurait jamais réalisé son écorché s’il n’avait auparavant réalisé des centaines
d’autres dessins et peintures représentant des humains et des animaux ! Comme aujourd’hui, il est impossible