A la une / Contribution
LE HCI ET LE LIVRE DE BENTOUNÈS
La polémique des miniatures islamiques
L’ouvrage, Soufisme, l'héritage commun, de Khaled Bentounès, cheikh de la zaouïa alawiya, a fait l’objet de
critiques violentes de la part du Haut-Conseil islamique (HCI) et de l’Association des oulémas algériens.
Les critiques ont essentiellement porté sur la forme et non pas sur le fond, en reprochant au livre d’être illustré
par des miniatures islamiques représentant le Prophète et certains saints ainsi que la présentation de l’image
de l’Émir Abdelkader sur un fond décoré d’une étoile de David ! S’agissant du contenu, le HCI reproche au livre
d’appeler à la dissolution de l’Islam en une sorte de nouvelle religion qui ferait la synthèse des trois religions
monothéistes !
Vaste programme donc que de vouloir unir trois religions en une seule, surtout pour un livre qui n’a même pas
la prétention d’être un ouvrage de théologie ni même d’être celui d’un vrai historien. Selon l’auteur lui-même,
ce modeste ouvrage n’est qu’une “simple énumération des étapes de la propagation de l’Islam avec des
emprunts repris à titre d’illustration de cette épopée”. Il est illustré par des miniatures musulmanes qui
représentent des personnages historiques et des saints, dont le Prophète Mohamed, ce qui n’a rien
d’exceptionnel car les œuvres sont dans des bibliothèques et des musées de pays musulmans comme la
Turquie et l’Iran. Les imams du HCI ignorent-ils que ces miniatures ont été diffusées plusieurs fois dans le
monde musulman ? Confondent-ils encore entre image profane et image religieuse ? Ignorent-ils que l’Islam
n’interdit pas l’image ou la représentation humaine et que les écoles des beaux-arts existent dans tous les pays
musulmans, y compris en Iran où des sculptures humaines sont érigées dans toutes les villes ?
Nul besoin d’être clerc pour comprendre que le livre de Bentounès ne contrevient à aucun précepte de l’Islam,
le simple bon sens suffisant. Mais puisque les motifs qui ont suscité cette tempête de critiques semblent
tellement dérisoires, beaucoup se demandent s’il ne s’agit pas d’un règlement de compte qui aurait d’autres
motivations. Les non-dits dans les réponses de l’auteur du livre le laissent supposer.
Pour l’essentiel, les critiques du HCI ne portent donc pas sur le fond du livre mais sur sa forme. Ne concernant
pas le contenu, elles ne devraient avoir aucun intérêt n’était le fait qu’elles émanent d’une institution aussi
importante que le HCI. La forme d’un livre ne suscite jamais le débat mais de faux débats. Entrons donc dans ce
faux débat suscité par une honorable institution ; entrons-y afin d’apporter du sens, pas du non-sens, afin
d’éclairer les esprits, pas de les obscurcir.
La critique d’un livre ou de tout autre production de l’esprit par une institution comme le HCI est supposée être
bien argumentée, étayée de références solides et respectueuses dans sa formulation… Or, il s’agit d’un
laconique communiqué de quelques lignes envoyé à la presse. Dans le fond comme dans la forme, ces
“critiques” ne sont donc pas du niveau escompté d’une institution supposée faire preuve de profondeur et de
pédagogie lorsqu’elle émet un avis public. Cette légèreté et cette simplicité laissent des trous et des zones
d’ombre qui pourraient induire en erreur et orienter le public très moyen ou déjà fanatisé. Ce public pourrait
interpréter le communiqué en question comme un avis ou une fetwa qui interdirait l’art purement et
simplement.
Le HCI est supposé aborder des sujets sensibles et essentiels, qu’ils soient d’ordre théologique, social ou
humain. Il est surtout supposé avoir les instruments, les moyens et les compétences pour ne jamais dévier vers
la polémique, la trivialité, les inepties. Mais les critiques à la légère, nos imams y sont bien habitués,
notamment lorsqu’ils sont face à une caméra de télévision et qu’ils ont reçu instruction de soutenir telle ou telle
politique. Et cela, l’honorable institution qu’est le HCI ne l’a jamais critiqué ! Comme elle n’a jamais donné son
avis sur la future grande mosquée qui est un gaspillage énorme d’argent alors que le gaspillage est un péché
grave en Islam.
Selon le HCI, la couverture du livre est “choquante” car elle lierait l’Émir Abdelkader à l’étoile de David, une
étoile qui “est devenue symbole du sionisme connu pour son hostilité envers l'islam”, dixit le HCI. J’ai eu beau
chercher l’étoile de David, je ne l’ai pas vue sur ladite couverture du livre. J’y vois sept formes géométriques
contenant des images dont celle de l’Émir Abdelkader. Ces sept formes ressemblent à des carrés et sont posées
sur une autre forme noire disposée sur un fond vert. Le motif ou la composition contenant l’image de l’Émir
Abdelkader n’a rien à voir avec l’étoile de David et ne peut la symboliser. On ne symbolise pas un symbole. La
virulence de l’attaque suppose que le motif soit clairement reproduit et ne prêter à aucune confusion, or nous
sommes à mille lieues non seulement d’une étoile de David mais d’une étoile à cinq, six, neuf, huit, douze ou
mille branches ! À un fou, le test de Rorschach ferait voir des monstres à la place d’un papillon !
Un portrait de l’Émir Abdelkader entouré d’une étoile de David ! Il est difficile d’imaginer que pareille image
puisse exister, ou que cheikh Bentounès ait permis sa publication, à supposer qu’un infographe timbré l’eût
réalisée ! Il est également difficile d’imaginer qu’un peintre orientaliste ou algérien ait réalisé pareille image. Et
même si le motif incriminé était une étoile à six branches, toutes les étoiles à six branches ne sont pas des
étoiles de David. L’étoile de David que le peuple juif s’attribue comme son symbole, notamment depuis la
création de l’État d’Israël, a des caractéristiques précises : elle se compose de deux triangles équilatéraux
superposés. Tous les éléments de l’étoile doivent être visibles mais puisqu’on dit qu’elle renferme le portrait de
l’Émir en son centre, cela signifie donc que ce n’est pas une étoile de David parce qu’on ne verrait pas les
triangles dans leur intégralité. Dans cette “critique”, il y a une absurdité qui dépasse l’entendement. Mais
soyons plus précis dans la définition d’une étoile de David, qui n’est d’ailleurs pas le symbole des seuls Juifs et
encore moins des sionistes ! De plus, cette étoile qui a figuré sur le bouclier de David – un prophète reconnu par
les Musulmans – est le symbole de plusieurs sectes et sociétés qui l’adoptent également et lui donnent d’autres
dénominations : sceau de Salomon, double triangle, étoile à six branches, hexagramme, talisman de Saturne…
Donc même si le motif apparaissait clairement, son attribution par le HCI aux sionistes avec cette déconcertante
légèreté atteste d’une déficience grave en matière de connaissance des civilisations, d’histoire et de symboles.
Précisons pour nos lecteurs que ce signe, qui figure sur le drapeau d’Israël, c’est Hitler qui l’a définitivement
accolé aux Juifs qui se le sont appropriés bien que les francs-maçons l’utilisent eux aussi depuis longtemps.
Souvent associé au compas, cet hexagramme est l’un de leurs principaux symboles. L’Émir Abdelkader était-il
franc-maçon ? Peu importe. Et s’il l’a été, cela relève de sa seule liberté. En tout cas, il est absurde de l’associer
aux Juifs même s’il les a beaucoup défendus, notamment lors de sa déportation en Syrie.
Et si les francs-maçons revendiquent eux aussi cette étoile, c’est parce qu’elle est une sorte de symbole
mathématique. En vérité, l’hexagramme est né sur le plateau de Guizeh, dans l’ancienne Égypte. Issue du
pyramidion disparu et de la géométrie, cette étoile à six branches symbolise Pi, 3,14 ! En la mettant sur le
drapeau national d’Israël, le peuple juif se revendique comme l’héritier du savoir pharaonien !
Le deuxième grief : les miniatures
Passons au deuxième grief fait au livre de Bentounès : celui de reproduire des miniatures représentant le
Prophète Mohamed. Le HCI se base, semble-t-il, sur une vieille fetwa d’El Azhar qui interdirait de peindre,
dessiner ou de sculpter le Prophète et ses compagnons. Or les miniatures en question ont été réalisées durant
l’Âge d’or de l’Islam, une période où l’on créait et inventait dans tous les domaines et ne se contentait pas
d’interdire ou de censurer comme durant cette décadence qui dure justement parce qu’elle est infertile. Le HCI
qualifie même ces illustrations “loin d’être fiables” sans préciser sur quel plan (ressemblance, historique ?), puis
d’ajouter : “Ce qui est surprenant, c’est que certaines images sont osées” mais sans dire sur quel plan !
L’adjectif “osées” risque de semer le doute car, en français, il signifie ce qu’il signifie dans n’importe quel
contexte. En vérité, ce genre de miniatures, qui sont généralement d’origine turque ou persane, soit
d’obédience sunnite et chiite, ne sont pas offensantes mais visent plutôt à faire comprendre et illustrer des
péripéties et des moments de la vie de Mohamed ou des saints. Elles ont été réalisées pour des ouvrages
d’histoire car, rappelons-le, en cette période les livres étaient manuscrits, calligraphiés par des scribes et
illustrés par eux-mêmes ou bien par des peintres spécialisés.
L’une des toutes premières peintures musulmanes représentant le Prophète remonte à 1307. Parmi les
ouvrages contenant ce genre d’images il y a Jami’ al-Tawarih, un livre d’histoire générale écrit par Rashid al-Din
Fadl-Allah entre 1306 et 1314. Une copie d’un livre de l’historien Tabari contient aussi des images du Prophète.
Un autre livre fut réalisé dans le palais de l’empereur Baysungur en 1436 : il est écrit en turc et comprend 57
miniatures dont certaines figurent le Prophète Mahomet. Un autre livre, Siyer-i Nebi, que l’auteur Dariri de
Erzurum a écrit au XIVe siècle. Une copie de cet ouvrage a été faite par le sultan ottoman Sultan Murad lui-
même à la fin du XVIe siècle. C’était l’époque où les sultans faisaient de la calligraphie et de la miniature, pas
celui où l’on censure des livres ! Cette période glorieuse de l’art du livre islamique était celle où les chrétiens
allaient à Damas, Baghdad, Mossoul, Tabriz, Le Caire, Cordoue ou Grenade pour apprendre les sciences et
acheter ces précieux livres de médecine, d’histoire, de philosophie ou de mathématiques illustrés de belles
miniatures et de beaux dessins.
Tous ces trésors, tous ces livres illustrés par les artistes musulmans sont une fierté pour notre culture et notre
civilisation à son apogée. Ils sont précieusement conservés dans les musées de Topkapi à Istanbul, Téhéran,
Londres, Berlin, New York ; et les fanatiques de tous bords qui parlent de censure et d’autodafé devraient plutôt
en être fiers ! Ne leur en déplaise donc, l’art de l’Islam comprend de très nombreuses miniatures qui
représentent non seulement le Prophète Mohamed mais certains de ses compagnons ainsi que d’autres
prophètes, Adam et Ève… Ce ne sont que des illustrations à la gloire du Messager et de l’Islam. Leurs
détracteurs ignorent certainement que le Prophète lui-même a protégé les images de Jésus et de Marie qui
figuraient sur la Qaâba. Ses Compagnons voulaient effacer toutes les peintures figurant sur la pierre noire, il
s’interposa, mit sa main sur le mur et ordonna de n’effacer que ce qu’il y avait au-dessus, soit les icônes
païennes, pas les représentations chrétiennes.
Le HCI, organe consultatif auprès de la présidence, a demandé à l'auteur d'ôter les “images qui ont suscité la
controverse” ou de les “masquer par quelque autre procédé”. Le président de l'Association des oulémas,
Abderrahmane Chibane, exige, quant à lui, l'interdiction pure et simple d'un livre qui “porte atteinte à la
sacralité du prophète Mahomet”.
En demandant de masquer les miniatures “par quelque autre procédé”, le HCI revient à un procédé utilisé par
des fanatiques au Moyen-Âge et qui consistait à barrer d’un trait de plume le cou des personnages figurant sur
des miniatures. Comme si un trait sur le cou d’un personnage lui ôtait la vie ou l’âme et que du coup ce
personnage devenait un objet inanimé, puisque peindre des objets, des plantes ou des animaux est licite en
Islam, selon ces fanatiques. Le HCI semble ignorer que l’Islam n’interdit pas l’image ni la représentation du
corps humain aussi bien en peinture qu’en sculpture.
Or l’Islam interdit l’adoration des images comme il interdit l’adoration des animaux ou des objets à la place de
Dieu. L’Islam n’est pas une religion iconoclaste mais une religion aniconiste, selon Titus Burckhardt. Mais les
“savants du culte” algériens semblent ignorer les fetwas émises au début du XXe siècle et autorisant la création
artistique et la représentation figurative. Pourtant, jusque dans les années 1970, la photographie et la télévision
étaient interdites en Arabie Saoudite pour le même motif. Puis, comme par miracle, les Saoudiens ont fini par
comprendre que ni la peinture ni la photographie ni le cinéma ni la télévision ne font concurrence à Allah, El
Moussawir, et que les œuvres d’art (peinture, dessin, sculpture) réalisées par l’homme n’ont pas une fonction
religieuse mais profane, au même titre que le dessin industriel, la biologie ou les mathématiques. Mais que de
temps perdu, d’injustices et de gâchis avant d’arriver à une évidence !
S’ils avaient également lu des livres comme L’art de l’Islam, de Titus Burckhardt, ils auraient élargi leur esprit.
Tout vrai théologien, savant du culte ou imam, est supposé doué d’un savoir encyclopédique qui inclut les
sciences et les arts, l’astronomie et de nombreux autres domaines. Mais loin derrière nous semble donc le
temps où l’Islam engendrait des Ghazali, des Ibn Rochd… Aujourd’hui, la facilité déconcertante avec laquelle
des imams se prononcent sur des sujets qui les dépassent est vraiment inquiétante et semble augurer de temps
d’une inquisition encore plus sombre. Pourtant, il n’est pas nécessaire d’être un génie ou un théologien pour
comprendre que l’Islam ne peut pas interdire la peinture ni la sculpture : le seul bon sens suffit car l’artiste n’a
pas la prétention de concurrencer Dieu ni d’ériger des idoles à adorer. Ses œuvres ont une vocation profane, et
sont fondamentalement nécessaires pour l’avancée de l’esprit et la connaissance humains : Léonard de Vinci a
fait “l’Écorché”, le célèbre dessin qui montre les muscles humains. L’islam interdirait-il pareille image ? Mais le
génie de la Renaissance n’aurait jamais réalisé son écorché s’il n’avait auparavant réalisé des centaines
d’autres dessins et peintures représentant des humains et des animaux ! Comme aujourd’hui, il est impossible
de devenir designer et réaliser des maquettes de voitures, de montres, de trains, de machines à laver ou de
téléphones sans être passé par le dessin de plantes, de visages, de corps humains ou d’animaux…
Il est grave que des imams ignorent cela, et que leur ignorance les rende si prompts à tirer sur l’art sans en
connaître la portée économique, industrielle, sociale... En vérité, le dernier des prêtres chrétiens a un niveau
bien supérieur et sait que toutes les disciplines humaines sont nécessaires et interdépendantes. Emettre un
jugement aussi hâtif sur la base de connaissances rudimentaires est une catastrophe qui traduit l’état de la
pensée actuelle en Islam – ou plutôt de la réflexion, car le mot pensée est trop noble pour désigner le niveau. La
comparaison avec la pensée chrétienne doit passer par la comparaison des compétences des hommes de culte,
qui dans la sphère chrétienne sont définitivement sortis de l’Inquisition et de sa bêtise moyenâgeuse par le biais
du savoir et de la recherche dans tous les domaines, y compris scientifique. Les hommes d’Église s’intéressent
au cinéma, au théâtre ou à la musique autant qu’aux sciences et aux techniques.
Certains imams musulmans préconisent cet éclectisme et cette ouverture d’esprit à leurs pairs, espérant qu’ils
prendraient conscience de la nécessité de combler leurs retard et défaillances. Car le domaine du religieux et
de la théologie n’est pas séparé des autres disciplines, voire qu’il n’y a de théologie et de pensée religieuse
qu’articulées sur une connaissance scientifique, artistique, historique… C’est ce que montre le livre de
Bentounès, qui est accueilli à boulets rouges par ses détracteurs.
Or, à partir du seul mot du prophète Mohamed “Dieu est beau et il aime la Beauté”, n’importe quel imam
devrait comprendre que l’Islam ne peut pas interdire l’art, qui est la recherche du Beau et d’une beauté
n’aspirant pas à concurrencer celle du Créateur tout simplement parce qu’elles sont des œuvres humaines.
Laissons Burckhardt l’expliquer : “Cette parole du Prophète ouvre des perspectives illimitées, non seulement
pour la vie intérieure, où la beauté aimée par Dieu est avant tout celle de l’âme, mais aussi pour l’art, dont le
vrai but, compris à la lumière de cet enseignement prophétique, est de prêter un support à la contemplation de
Dieu. Car la beauté est un rayonnement de l’univers, et toute œuvre belle en est un reflet.” Cette assertion
devrait être érigée en fetwa par nos imams qui, malheureusement, manquent de compétence et de culture
dans des domaines qu’ils considèrent comme secondaires et où pourtant ils sont prompts à censurer, à l’image
de ces attaques contre un livre et des miniatures qui ne sont offensants que pour les esprits arriérés.
D’ailleurs, la culture et l’art d’une manière générale ont fait l’objet de moult interdits “religieux”, de moult
hérésies et accusations fanatiques. Plusieurs imams algériens ont affirmé, sur les chaînes de radio et de
télévision, que l’Islam interdisait la peinture et/ou la sculpture. Les uns ont soutenu que le Coran interdirait “ce
qui projette de l’ombre”, les autres ont dit que seules les représentations humaines seraient interdites, d’autres
encore ont affirmé qu’à certaines sculptures il ne manque que la voix pour ressembler à l’homme et que le jour
du Jugement dernier Dieu demanderait à leurs auteurs de les faire parler… Parce qu’une sculpture projette de
l’ombre, comme un être humain, elle devrait être interdite ! Les simplets définissent l’être humain par la seule
ombre qu’il projette ! Une sculpture en bois à qui il ne manquerait que la parole !
Pourtant, même un bébé sait que sa poupée qui chante et qui danse n’est pas un être humain car il lui
manquera toujours l’intelligence, l’âme, le sang et les organes que ne peuvent avoir ni une poupée ni une
sculpture ou même un robot. Ce niveau catastrophiquement bas et cette indigence intellectuelle ont fait
beaucoup de dégâts. Voilà pourquoi la violence verbale qui en est issue est synonyme de la violence criminelle
qui a engendré l’assassinat de plusieurs écrivains et artistes algériens dont Alloula, Sebti, Djaout, Hasni…
Evidemment, l’Algérie n’est pas un cas unique dans cette fureur qui cible la culture et les hommes de culture,
car la culture donne à l’Homme des instruments pour réfléchir, évoluer, se libérer des archaïsmes et des
complexes et appréhender la religion comme un acte de spiritualité personnel qui élève l’individu au lieu de
l’asservir.
Lorsqu’un “savant” du culte n’a pas les outils pour interpréter correctement une œuvre culturelle, il ne doit pas
se précipiter à condamner mais plutôt essayer de se questionner sur son propre niveau. Il est supposé savoir
que lorsque son avis devient public il peut être de conséquences graves qui échappent à son contrôle. Ce n’est
malheureusement pas le cas des savants musulmans qui, durant les dernières décennies, se sont souvent
illustrés par des avis intempestifs et irréfléchis qui ont eu de graves conséquences. Puis ils se sont rétractés
avec la même facilité. La légèreté avec laquelle une institution a porté des critiques et des accusations procède
d’une même mentalité obscurantiste que celle qui a engendré la destruction des statues géantes afghanes par
les talibans en 2005. Sur le contenu, le HCI accuse le livre de Bentounès d’aller plus loin que le message de
tolérance interreligieuse et d’ouverture : il laisserait entendre “une unification de toutes les religions” ! ! Nous
croyons rêver. Evidemment, cette thèse est étrange mais nul besoin de lire le livre pour comprendre que ni
cheikh Bentounès ni même le plus farfelu des hurluberlus n’oserait soutenir ou préconiser pareille absurdité.
Est-ce le livre ou le niveau des lecteurs qui est à l’origine d’une si grosse méprise ?
Vu le nombre de faux arguments qui étayent l’accusation on se demande s’il n’y a pas une autre raison à cette
tempête. On sait que cheikh Lakhdar Bentounès a dit que le hidjab n'est pas une “obligation religieuse”, en se
basant sur une interprétation logique des versets du Coran, rejoignant ainsi un imam égyptien des années 1920
qui a également rejeté le port du hidjab par la femme. Cette position sur la question sensible de la tenue
vestimentaire – qui compte beaucoup pour la domination de la femme dans une société patriarcale hyper-
machiste – n’est-elle pas la vraie cause du litige HCI-zaouïa alawiya ? La publication des miniatures supposées
connues de n’importe quel citoyen, pas seulement d’honorables savants du culte, n’est-elle pas un prétexte
pour vilipender une zaouïa dont le livre ne fait que diffuser des miniatures pour la énième fois ?
Puis, le Haut-Conseil islamique a accepté l’arbitrage proposé par l’auteur du livre et il sera donc fait appel à
d’autres savants, apparemment étrangers, pour décider du sort de l’ouvrage. L’acceptation d’un arbitrage
n’est-elle pas déjà un aveu d’incompétence? Pourquoi l’honorable institution accepte-t-elle un arbitrage dans un
domaine supposé être de sa compétence et sur lequel elle s’est déjà prononcée? Mais peu importe ce que
diront les juges appelés à la rescousse : les accusations surréalistes du HCI risquent d’avoir déjà induit bon
nombre de gens en erreur.
A. E. T.
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