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Piochée à l’aide des pattes pelleteuses,
la terre est transformée en une boue
malléable qui est facilement travaillée.
Mieux encore, cette boue peut être
transportée, la larve disposant sur le
front, appelé clypeus, de petites soies
(les soies-fiches clypéales) sur les-
quelles elle empale de petites boulettes
boueuses qui sont acheminées là où
les parois des galeries le nécessitent.
Il subsiste toutefois un problème à
résoudre : où trouver, dans un milieu
aride, l’eau nécessaire au ramollisse-
ment de la terre ? Réponse : rien ne se
perd chez les larves de cigales, elles
utilisent leur propre urine, qui suinte
depuis l’extrémité anale jusqu’aux
pattes pelleteuses où la terre est tra-
vaillée. Mieux que de l’eau, l’urine
contient un composé liant, une muci-
ne, qui assure la cohésion des parti-
cules terreuses. Dans les galeries ainsi
étançonnées, les larves se déplacent
sans le moindre risque d’éboulement !
Après quatre mues et plusieurs années
de labeur passées sous terre, la vie au
grand air s’annonce… Par une belle
journée ensoleillée de fin de printemps,
en mai-juin, la larve perfore le petit bou-
chon de terre qui la sépare encore de
l’extérieur et, une fois dehors, se met en
quête d’un support végétal sur lequel
elle effectue sa dernière mue – la mue
imaginale – qui la métamorphosera en
« insecte parfait » ou imago.
Une vie d’artiste
La vie des adultes ne dépasserait pas 3
à 4 semaines, période éphémère qu’ils
mettent à profit pour assurer leur des-
cendance. Et les mâles pour chanter !
Le « chant » (ou cymbalisation) de la
cigalette des montagnes est léger et
aigu : un « tss-tssst » répété à inter-
valles plus ou moins réguliers. Il se situe
dans une gamme de fréquence située
entre 12.000 et 16.000 Hertz environ, à
la limite de la perception pour l’homme.
C’est ainsi que certaines personnes ne
les entendent pas ! Rien à voir donc
avec le chant puissant des sauterelles,
et en particulier de la grande sauterelle
verte (Tettigonia viridissima), avec
lequel on le confond souvent.
L’organe de chant, appelé « organe
cymbalique », est un appareillage
unique en son genre. Il est composé de
plaques chitineuses convexes – les
cymbales ou timbales –, disposées de
manière symétrique dans la cavité
abdominale et reliées à la paroi interne
par de puissants muscles. La contrac-
tion de ces muscles a pour effet de
déprimer les cymbales convexes, qui
deviennent subitement concaves, un
peu à la manière d’une tôle métallique
déformée, avant de revenir à leur
forme initiale par simple élasticité. La
succession rapide de ces mouvements
produit ainsi un cliquetis qui est à la
base de la production du chant.
Encore faut-il que les sons émis soient
amplifiés pour qu’ils constituent un
appel nuptial audible par les femelles.
Tel est le rôle de la vaste cavité ventra-
le, qui fonctionne comme une caisse
de résonance.
À la fin de l’été, les adultes se font plus
rares et en septembre, trois à quatre
mois après les premières émergences,
le concert des cigales est terminé.
Sous terre, la vie continue…
X
Pour en savoir un peu plus :
Boulard, M. 1990. Les cigales,
des insectes bien surprenants.
Insectes - OPIE, Hors série : 1-8.
Fabre, J.H., 1897. La cigale, in
Souvenirs entomologiques. Étude
sur l'instinct et les mœurs des
insectes, 5 : 229-286, Delagrave
éd., Paris.
Cigale femelle en train de pondre dans la
tige d'une inule conyze.