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Sciences Humaines et Sociales
Médecine et Histoire
Chapitre 1 :
Étapes historiques
de l’Immunologie
de Jenner à nos jours
Professeur Jean-Claude BENSA
Médecine P1 Multimédia - Année 2006/2007
Faculté de Médecine de Grenoble - Tous droits réservés.
Pour pouvoir progresser
il faut savoir parfois observer le passé
Rappel de notions immunologiques de base
Fonction du système immunitaire:
Préserver l’intégrité du soi en neutralisant et
éliminant tout élément reconnu comme étranger et
potentiellement pathogène
Domaines d ’action:
-Défense contre les micro-organismes
-Maintien de l’intégrité des tissus par élimination
des cellules sénescentes,tumorales, stressées.
Le système immunitaire n’est pas infaillible à l’égard de
notre protection vis à vis des infections
2005, vol 202: p197
Casanova
Dans l ’histoire de l ’humanité, jusqu ’au 20e siècle, les infections ont représenté la cause essentielle de
la mortalité (60% à la fin du 19e siècle en Europe), avec une durée moyenne de vie très stable autour
de 25 ans. A la fin du 19e siècle en Europe, 35% des individus pouvaient espérer atteindre l ’âge de 40
ans.
L ’allongement de la durée de la vie à près de 80 ans aujourd’hui résulte d ’un bon contrôle des
maladies infectieuses grâce à l ’effet combiné des mesures d ’hygiène, de la vaccination et des
antibiotiques
Le système immunitaire de l ’homme et de vertébrés supérieurs
repose sur 2 piliers
-L’immunité spécifique ou adaptative de cinétique lente et douée
de mémoire
-L’immunité innée ou naturelle de déclenchement rapide, sans
mémoire des évènements passés
Les antigènes: il n ’existe pas d ’autre façon de définir
un antigène que par le récepteur immun qui le
reconnaît:
C’est le système immunitaire qui définit
opérationnellement son monde quasi infini de
ligands
Immunité adaptative
(réponse lente)
Les lymphocytes T γδ et NKT, quoique munis de récepteurs d ’antigènes spécifiques, disposent
d ’un répertoire relativement restreint et servent avant tout de signal d ’alarme accélérant la
maturation des DC et donc la mise en jeu de l ’immunité adaptative
Les 4 stratégies de la reconnaissance du non soi chez
les vertébrés supérieurs
TLRs
NODs
Immunité
naturelle
Immunité
adaptative
NKG2D
PRRs Patterns
Recognition Receptors
PAMPs: pathogen Associated
Molecular Patterns
Non soi infectieux
MICA/B
KIR
NKG2A/C
MHC class I
TCR
Peptide MHC
Soi altéré
Absence du soi
Soi altéré
Figure N°4
Lymphocytes T et B
Treg
Les lymphocytes TH exercent un effet d ’aide à l ’activation de la plupart des autres cellules de l ’immunité,
particulièrement les lymphocytes B pour la production d ’anticorps (AG thymodépendants) et les
lymphocytes cytotoxiques. Cette aide s ’exerce via la sécrétion de cytokines mais également par contact
intercellulaire. Divers lymphocytes T régulateurs, naturels ou induits, contrôlent négativement l ’amplitude
des réponses immunes
Une protéine est une mosaïque de déterminants antigéniques. Un anticorps reconnaît
un grand nombre de points de vue du même déterminant, dénommés épitopes
Fréquences imaginaires des
différents anticorps
Protéine globulaire théorique possédant 4
déterminants antigéniques distincts dont 2 dupliqués
de façon symétrique.
Modifié de Essential Immunology Roitt
Chaque déterminant antigénique peut induire des
anticorps de spécificité différentes, reconnaissant une
zone limitée du déterminant (épitope). Un immun sérum
est toujours un mélange d ’un grand nombre
d ’anticorps. Un déterminant antigénique ou un épitope
seulement peut se retrouver sur plusieurs molécules
différentes. Cette reconnaissance de plusieurs
antigènes par le même immun sérum s ’appelle une
réaction croisée
Présentation de l ’antigène aux lymphocytes T
Un lymphocyte T ne perçoit un antigène via son TCR que lorsque celui-ci est
présenté par une molécule du CMH, elle-même portée par une cellule
présentatrice d’antigène
Évaluation biologique de l ’antigène par l ’immunité
innée
Dans une réponse immune primaire,
l’antigène est d’abord soumis à une
évaluation biologique par l’immunité
innée qui teste sa possible origine
microbienne via la reconnaissance de
structures propres au monde microbiens
désignées sous le terme générique de
PAMPs (Pathogen Associated Molecular
Patterns). Leur détection par des
récepteurs appropriés (PRRs, Patterns
Recognition Receptors) confère à
l ’antigène un statut immunogène ,
provoquant l’expansion clonale et la
différenciation des lymphocytes
spécifiques des épitopes contenus dans cet
antigène.
Étapes historiques du développement de l ’Immunologie
1796-2000
I La découverte du concept d’immunité anti-infectieuse: de
Jenner à Pasteur
I-1 Jenner et la vaccination antivariolique
I-2 Pasteur et Koch Entrée dans l ’ère de l ’immunologie microbiologique
I-3 Calmette et Guérin La vaccination anti tuberculeuse
II Immunité cellulaire contre immunité humorale. Une bataille épique
de la fin du XIXe siècle
III Les théories de la formation des anticorps: instruction contre
sélection
IV La spécificité immunologique et son support moléculaire. L’ère de
l’immunochimie
V Le développement de l’immunité à médiation cellulaire: découverte
des lymphocytes
VI 1970-2000 Mise en place d ’un système cognitif complet
La variole
Le diagnostic de variole est aisé avec des lésions
cutanées nombreuses, réparties de façon homogène sur
le corps, d ’évolution synchrone, de localisation profonde
dans la peau
Charles 1er
Henriette
1660
Charles
1677
(1 mois)
Charles II
1648
Henri
1661
(21 ans)
Anne
1677
Jacques II
Marie
1694
(32 ans)
Marie
1660
29 ans
=
=
Guillaume II
D ’Orange
1650
24 ans
Guillaume III
1675
Pas atteints
Guillaume
1700
(11 ans)
Atteints mais ont survécus
Décédés de la maladie
Le premier vaccin: vaccine et variole
Pratique de la variolisation connue depuis des siècles en Chine
puis en Inde et dans l ’Empire Ottoman du XVIème siècle
Importation de la variolisation en Angleterre en 1721. Les
risques de maladie grave en limitent l ’application.
Edwards Jenner observe que la variole (smallpox) ne frappe
jamais les fermiers qui ont été en contact avec la variole des
vaches (cowpox)
Vaccination réussie le 14 mai 1796
Malgré de nombreuses polémiques la vaccination devient
universelle dès le début du XIXème siècle
Éradication planétaire depuis 1979
Dessin publié en Angleterre en 1802 par la Société anti-vaccine
Et 200 ans plus tard…….
Fin février 2004 l ’OMS et l ’UNICEF ont lancé une vaste campagne de
vaccination contre la poliomyélite, visant à vacciner 60 millions d’enfants dans
10 états africains dont 40 millions au Nigéria. Les états islamiques du Nord du
pays, le Kano, le Kaduna et le Zamfara qui représentent l’épicentre de la réémergence de la maladie en Afrique (347 cas en 2003 soit la moitié des cas
mondiaux) refusent toute vaccination au prétexte qu ’il s ’agit d’une campagne
occidentale visant à stériliser leurs populations.
L ’éradication mondiale de la poliomyélite, espérée en 2000, a pris du retard du fait de difficultés d ’application de la vaccination
au Pakistan, en Afghanistan et surtout dans les états islamistes du Nord Nigéria. C ’est à partir de ces états, qui refusent le
vaccin de peur de stérilisation volontaire des femmes, que la poliomyélite a été réimportée en Afrique subsaharienne et au Moyen
Orient.
En France, le dernier cas autochtone remonte à 1989 et le dernier cas importé (Côte d ’Ivoire) en 1991
BEH 39-40
11/10/2005
Louis Pasteur
Robert Koch
(1822-1895)
(1843-1910)
Le charbon ou anthrax
Maladie endémique des ruminants pouvant
affecter les humains soit par voie aérienne
soit le plus souvent cutanée
Aujourd’hui risque majeur de bio terrorisme
Exemple de la contamination accidentelle
de 1979 à Sverdlosk dans une usine
soviétique d ’armements biologiques: 66
décés par pneumonie charbonneuse
Forme cutanée avec lésion papulo-vésiculaire du bras
accompagnée d ’un œdème massif de tout le membre
1 des 12 cas de charbon dus à la vague terroriste
succédant à la destruction des Twin Towers du WTC le
11 septembre 2001
Le vaccin contre le charbon (anthrax)
Le contexte franco-germanique après la guerre de 1870
1877 Mission officielle du ministère de l’agriculture confiée à
Pasteur
Selon les années 10 à 50% du cheptel ruminant meurt du
charbon
Le bacille du charbon, sa responsabilité dans la maladie et son
aptitude à sporuler ont été identifiés par Robert Koch en 1876
Cultivé à 45°C le bacille du charbon ne sporule plus et il épuise sa virulence après une telle
culture de 10-12 jours. Publication officielle en février 1881
Application et triomphe sur le terrain du vaccin
à Pouilly-le-fort le 2 juin 1881
Le vaccin contre la rage
Début des travaux de Pasteur et d’Émile Roux chez le chien en
1880
L’agent pathogène, invisible et non cultivable est localisé dans
le cerveau
L’équipe maîtrise d ’abord la rage de laboratoire
En 1883 début des essais d’atténuation de virulence par
dessiccation des moelles épinières.
Le vaccin est opérationnel début 1884
Traitement de Joseph Meister du 6 au 16 juillet 1885
Mortalité par tuberculose à la fin du XIXe siècle
Figure N°18
2005, 202: 1617-1621
Taux de mortalité pour tuberculose disséminée (bleu) ou pulmonaire (rouge) en fonction de l ’âge
Le graphique donne un bon exemple de l ’histoire naturelle de la tuberculose dans un zone de forte
endémie (Bavière) à une époque où n ’existait ni la vaccination ni les médicaments anti tuberculeux
(1905)
Lésions induites par les réponses immunes contre le BK
Les macrophages qui ont phagocyté des bacilles
tuberculeux, même aidés par les lymphocytes T
ne parviennent pas à les tuer tous
Des millions de lymphocytes et de macrophages
s ’accumulent autour du foyer contenant les bacilles
Granulome tuberculeux
Son centre finira par se nécroser,
générant une cavité.
Les lésions tissulaires de la
tuberculose dont dues aux
réponses immunes non à la
bactérie elle-même.
Le vaccin contre la tuberculose: le BCG
4 août 1890 le bluff allemand: l’affaire de la lymphe de Koch
De 1905 à 1921 patiente atténuation d’une souche de
Mycobacterium bovis par Albert Calmette et Alphonse Guérin
Première vaccination humaine d’un nouveau-né le 21 juillet 1921
Le BCG demeure une arme essentielle de la prévention de la
tuberculose chez le petit enfant. Moins efficace chez l ’adulte
Au début du XXIe siècle la tuberculose est la première cause de
mortalité infectieuse dans le monde
3 milliards d’humains portent le germe et son éradication est
inenvisageable.
Nouveau BCG en cours d ’essais
cliniques:
Rendu uréase déficient (permet
l ’acidification du phagosome) et
pourvu d ’une toxine bactérienne, la
listériolysine (provoque la rupture du
phagosome). L ’apoptose du
macrophage permet une activation
optimale des DC et donc des
lymphocytes T CD4 et CD8
Taux de vaccination de la population française
90
80
70
60
Rougeole
Oreillons
Rubéole
50
40
30
20
Le nombre de cas de rougeole estimé en
France en 2002 (maladie à déclaration non
obligatoire depuis1985) est d ’environ 5000
(300 000 en 1985). Il y a chaque année une
10aine de cas d ’encéphalites subaiguës ou
aiguës mortelles.
En 2002, 21 cas de rubéole en cours de
grossesse ont été recensés avec pour
conséquences, 11 IVG et 1 rubéole
congénitale malformative
10
0
1985
1987
1989
1991
1993
Couverture vaccinale en France des enfants âgés de 24 mois en 2001
Diphtérie-Tétanos 3doses et 1er rappel
Coqueluche 3 doses et 1er rappel
Poliomyélite 3 doses et 1er rappel
Haemophilus influenzae b 3 doses et 1er rappel
Hépatite B
BCG
Rougeole
Oreillons
Rubéole
88%
87%
88%
86%
28%
84%
85%
84%
84%
Enfants atteints de poliomyélite maintenus en vie dans des poumons d’acier (hôpital
américain dans les années 1940)
Le vaccin apportant les3 souches principales du virus de la poliomyélite soit inactivés par le formol (vaccin
de Salk 1955) soit atténués (vaccin de Sabin 1960) a permis une éradication quasi complète de la maladie
Étapes historiques du développement de
l ’Immunologie
1796-2000
I La découverte du concept d’immunité anti-infectieuse: de Jenner à Pasteur
II Immunité cellulaire contre immunité humorale. Une bataille épique de
la fin du XIXe siècle
III Les théories de la formation des anticorps: instruction contre sélection
IV La spécificité immunologique et son support moléculaire. L’ère de
l’immunochimie
V Le développement de l’immunité à médiation cellulaire: découverte des
lymphocytes
VI 1970-2000 Mise en place d ’un système cognitif complet
Elie Metchnikoff
Emil von Berhing
1845-1916
1854-1917
La polémique entre cellularistes et humoralistes
Cellularistes: le moyen de défense essentiel contre les
microbes est représenté par les macrophages et les
microphages (polynucléaires neutrophiles), capables de les
phagocyter puis de les détruire
Humoralistes: Ils pensent que se sont des substances solubles
présentes dans le sang et les tissus biologiques qui sont
capables d ’immobiliser et de détruire les agents microbiens
On e d ay w h e n t h e w h o le f amil y h ad g o n e t o t h e c ir cu s to s ee som e
e x t r ao r d in ar y p e rfo r mi n g apes , I r ema in ed alo n e w it h my m icr oso p e,
obs e rvi n g t h e lif e in t h e m o bi le c el ls of a t r an sp are n t st ar fis h l ar v a,
w h e n a n e w t h ou g h t su dd e n ly f las he d acr oss my b r ain . I t st r u c k m e
t h a t s imi lar ce ll s mig ht ser ve in t he de f e n se of th e o r ga ni sm ag a in st
int ru d e rs. Fee lin g t h at th e r e w as in th is s o met hi n g of su r p assi n g
int e r es t , I f e lt so ex c it e d t ha t I beg an st r id in g u p and d o w n t he room
and e v e n w e n t t o t h e se ash o re in or d e r t o co lle ct my t h o u g h ts. I sa id t o
mys e lf t h a t , if my s u p p osi t io n w as t ru e, a sp lint er in t r od u ce d in to th e
bo d y of a st ar fis h larva , d ev oi d of b loo d v esse ls o r of a n e rv ous s yst e m,
sh ou ld soo n be s u rr ou nd e d by mob ile ce lls as is to b e obs e rv e d in th e
ma n wh o r un s a s p li nt e r in t o h is f ing e r. Th is w as n o so o n e r s aid t ha n
d o n e … I w as t oo e x cite d t o sl e ep th at n ig h t in t h e e xp e ct at io n of th e
r esu lts o f my ex p e r ime nt , a nd v e r y ea r ly t h e n e x t mo rn in g I as c er t ain e d
t h at it ha d f u lly su c ce ed e d . T h at ex p er ime nt form e d th e b asis o f t h e
p ha goc y t ic t h e or y , t o t h e d e v e lopm e n t of wh it ch I d e v o t e d t h e n e x t
t we nt y -fi v e y ea r s of my lif e .
Élie Metchnikoff, Messine 1883
Microphages et macrophages de Metchnikoff
Metchnikov soutient le rôle essentiel des microphages (gauche) et des
macrophages (droite) dans la destruction des bactéries, ici des vibrions cholériques.
Tiré de E. Metchnikov, L ’immunité dans les maladies
infectieuses, Paris 1901
Dès 1884 mise en doute du rôle des phagocytes
1888 Nuttal décrit l ’activité bactéricide du sérum, appelée alexine par
Buchner et complément par Ehrlich
1890 Immense découverte de Berhing et Kitasato: la toxine du bacille
diphtérique peut être neutralisée par une substance fabriquée par des animaux
délibérément immunisés, identifiée ultérieurement sous le terme
« antikörpers ».
Les 3 domaines de la toxine diphtérique: C catalytique, T transfert au
travers de la membrane de l ’endosome, R interaction avec le récepteur
cellulaire
Behring et Kitasato viennent de découvrir à la fois les anticorps et la sérothérapie
Les débuts de la sérothérapie anti diphtérique
Premiers immuns sérums disponibles en 1894
Émile Roux commence à utiliser du sérum de cheval le 1er février 1894 à Paris
à l ’hôpital des enfants malades. En 6 mois la mortalité passe de 60% à 25%
Emil von Berhing, anobli recevra le premier prix Nobel de médecine en 1901
La diphtérie ne sera définitivement vaincue qu’avec la vaccination utilisant
l’anatoxine découverte par Ramon en 1923 (toxine traitée par la chaleur et
le formol), vaccination devenue obligatoire en 1945
Dernier cas déclaré en France en 1989
Humoralistes et cellularistes détenaient chacun une partie de la
vérité
1898 Pfeiffer lyse bactérienne par les anticorps
1900 Bordet visualisation des anticorps par l’agglutination, précipitation et hémolyse.
La liaison d ’un anticorps à son antigène peut induire
-sa neutralisation en empêchant une fixation à un récepteur cellulaire
-sa destruction complément dépendante
-sa destruction par l ’intermédiaire de cellules (ici macrophages) liant les anticorps par leurs
fragments Fc
Figure N°29
Conséquences pour l ’immunologie du XXe siècle de ce triomphe
sans partage de l ’immunité humorale
Les immunologistes vont se détourner des applications médicales pendant plus
de 50 ans.
La recherche, porteuse de publications sera axée sur les anticorps, leur
spécificité, leur nature et leur origine
Pratiquement aucune étude sur l ’hypersensibilité retardée, les mécanismes de
rejet des allogreffes, des maladies auto-immunes, de la résistance aux virus!
Comme la spécificité immune représente le paradigme dominant, aucune étude
ne sera développée sur l’immunité naturelle dont l’importance essentielle
n’apparaîtra qu’au milieu des années 1990.
Ce n’est que lorsque les anticorps ne sont plus parvenus à expliquer
l’ensemble des réponses immunes que les regards se sont de nouveaux
tournés vers les cellules de l’immunité
Étapes historiques du développement de l ’Immunologie
1796-2000
I La découverte du concept d’immunité anti-infectieuse: de Jenner à
Pasteur
II Immunité cellulaire contre immunité humorale. Une bataille épique
de la fin du XIXe siècle
III Les théories de la formation des anticorps: instruction contre
sélection
IV La spécificité immunologique et son support moléculaire. L’ère de
l’immunochimie
V Le développement de l’immunité à médiation cellulaire: découverte
des lymphocytes
VI 1970-2000 Mise en place d ’un système cognitif complet
De 1897 à 1900 Paul Ehrlich va
développer avec une pré science
extraordinaire une théorie des réponses
immunes dite de la chaîne latérale,
contenant la plupart des éléments de la
sélection clonale que Burnet proposera
60 ans plus tard
Paul Ehrlich
1854-1915
Jules Bordet
1870-1961
1888-1991
Carl
Landsteiner
1868-1943
Ehrlich et la théorie de la chaîne latérale
Illustration de la théorie sélective de la chaîne latérale de Paul Ehrlich: les cellules de
l ’organisme possède naturellement toute une panoplie de récepteurs spécifiques pour
les toxines microbiennes. La liaison de la toxine à son récepteur(sa sélection) provoque
une synthèse abondante de ce récepteur dont une partie se retrouve dans les liquides
biologiques
Invalidation progressive de la théorie sélective d’Ehrlich
Immensité du répertoire des anticorps
Pas d ’explication darwinienne
Les théories instructionnistes se développent:
L ’antigène ne vient pas sélectionner un anticorps préformé pour
en activer la production mais apporter une information structurale
tridimensionnelle à une ébauche d ’anticorps pour que celui-ci en
épouse étroitement la forme.
Linus Pauling montre que l’interaction anticorps antigène implique une adaptation tridimensionnelle
et que cette liaison n’est pas covalente
Modèle de Pauling
La théorie instructionniste de Linus Pauling (1940). L’antigène réagit avec
la molécule d’anticorps et lui impose une forme complémentaire.
La sélection clonale de Mc Farlane Burnet
1 Les récepteurs spécifiques sont prédéterminés
2 Chaque lymphocyte ne possède qu ’un seul récepteur. L ’ensemble des
cellules possédant ce récepteur constitue un clone.
3 Un antigène pénétrant dans l’organisme sélectionne les clones capables
de le reconnaître et les active pour produire des effecteurs spécifiques en
grand nombre par prolifération cellulaire.
4 La rencontre prématurée de lymphocytes en cours de maturation avec un
antigène du soi provoque leur élimination.
Figure N°36
Sélection, amplification, maturation, mémoire
Étapes historiques du développement de l ’Immunologie1796-2000
I La découverte du concept d’immunité anti-infectieuse: de Jenner à Pasteur
II Immunité cellulaire contre immunité humorale. Une bataille épique de la fin du XIXe
siècle
III Les théories de la formation des anticorps: instruction contre sélection
IV La spécificité immunologique et son support moléculaire. L’ère de l ’immunochimie
IV-1 Spécificité absolue ou variable
IV-2 Le support moléculaire des anticorps: les immunoglobulines
IV-3 Origine de la diversité du répertoire des anticorps
V Le développement de l’immunité à médiation cellulaire: découverte des lymphocytes
VI 1970-2000 Mise en place d ’un système cognitif complet
Évolution des concepts en matière de spécificité des anticorps
Pour Ehrlich la spécificité des anticorps est absolue.
Jules Bordet démontre l’indépendance des anticorps (fraction thermostable du sérum)
et du complément (fraction thermolabile)
Réfutation scientifique (1920-1940) de la notion de spécificité absolue:
Michael Heidelberger et Carl Landsteiner
Heidelberger: les anticorps sont des protéines et parvient à mathématiser leur
interaction avec leur antigène de la même façon que l ’on décrit celle d ’une
enzyme avec son substrat (application de la loi d ’action de masse).
A sa suite, Eisen utilisera plutôt que la précipitation difficile à quantifier, le
système de dialyse à l ’équilibre
Principe de la dialyse à l ’équilibre
L ’antigène de petite taille, par exemple un haptène, diffuse
librement dans les 2 compartiments séparés par une membrane
imperméable aux protéines donc aux anticorps. Obéissant à la loi
d ’action de masse, antigène et anticorps vont se combiner et
après un temps suffisant, les concentration d ’antigène libre et de
complexes immuns resteront stables, déterminées par les
éléments de la formule:
KA= [SL] / [S][L],
où [S] désigne la concentration en sites anticorps libres, [L] celle
en antigène libre (Ligand), [SL] celle de l ’antigène lié aux
anticorps et KA la constante d ’affinité en litres par mole.
La représentation graphique la plus utilisée de la loi
d ’action de masse est celle de Scatchard:
[SL] = KA [S][L] = KA( [S]t- [SL] ) [L]
Avec [S]t pour la concentration totale des sites anticorps c ’est à
dire [S] + [SL]
[SL] / [L] = KA( [S]t- [SL] )
[SL] / [L] = KA [S]t- KA [SL] )
[SL] / [L] = KA [S]t- KA [SL] )
On peut exprimer la concentration d ’haptène liée aux anticorps par le produit Mr, où M est la concentration molaire d ’anticorps (fixe
et connue) et r le nombre moyen de molécules d ’haptène liées par molécule d ’anticorps à l ’équilibre.
De la même façon [S]t, la concentration totale en sites anticorps est le produit de M par n où n est égal au nombre de sites anticorps
par molécule c ’est à dire sa valence. On écrit donc
Mr / [L] = KA Mn - KA Mr c ’est à dire en simplifiant
r / [L] = KA n - KA r
Expérimentalement on mesure [L], concentration de l’haptène hors du sac de dialyse
r est calculée à partir de la concentration totale de l’haptène T mesurée dans le sac et la concentration d’haptène libre [L] hors
du sac:
T = Mr + [L] d ’où r = (T- [L] ) /M
En portant en abscisses r et en ordonnées r / [L] on obtient un droite dont la pente donne la constante d ’affinité KA.
Pour r / [L] =0 c ’est à dire en extrapolant la droite pour des concentrations infinies d ’antigène, l’intersection avec l ’axe des
abscisses indique le nombre de sites anticorps n par molécule
En pratique, pour un immun sérum,
compte tenu de son contenu
hétérogène et de la nature
multivalent de l ’antigène ciblé, on
ne parle pas d ’affinité mais
d ’avidité. L ’avidité qui est comme
l ’affinité l ’expression de la
spécificité d ’un immun sérum est
bien représenté par le titre de
celui-ci, c ’est à dire la dernière
dilution donnant une réaction
mesurable avec l ’antigène
Évolution des concepts en matière de spécificité des
anticorps
Travaux de Carl Landsteiner sur les haptènes
Landsteiner a introduit le terme d’haptène (en grec, se saisir ) en 1921, a propos d ’un
extrait alcoolique de rein de cheval, non immunogène par lui-même lorsque injecté chez
le lapin (l’alcool a dénaturé les protéines et ne laissent solubles que de petites molécules),
mais capable de se combiner avec des anticorps obtenus par immunisation de lapins
avec un broyat complet de rein de cheval. L’extrait alcoolique, antigénique mais non
immunogénique pouvait le devenir après couplage covalent avec une protéine porteuse.
NO2
HO
NO2
NO2
Dinitrophénol (DNP)
HO
NO2
NO2
Trinitrophénol (TNP)
Landsteiner démontre
1) la spécificité remarquable des anticorps capables par exemple de réagir plus efficacement avec l’haptène
immunisant dont le groupe substitué sur le cycle phényl est en position méta par rapport à des haptènes très
semblables en position para ou ortho NH
NH
NH
2
2
2
Ortho
Méta
Para
R
Le sérum immun a été
préparé par immunisation
d’un animal avec du maminobenzène sulfonate
S
O
R
O
O
R
R=
++
+++
+/-
Sulfonate
As
O
R=
O
O
-
+
-
Arsonate
H
C
O
R=
-
+/-
-
Carboxylate
O
D ’après Landsteiner et Van Der Scheer J. Exp. Med. 1936, 63:325
Mais Landsteiner démontre également
2) La notion de réaction croisée, réfutant le concept de spécificité absolue défendu
par Ehrlich. Un haptène peut provoquer l ’apparition d ’anticorps réagissant contre
d ’autres haptènes, parfois très différents chimiquement. Ainsi né le concept de
déterminants antigèniques que des molécules différentes peuvent partager et
reconnus par les anticorps d ’affinités variées
3) Que la spécificité d’un immun sérum n’est pas la propriété d’un seul anticorps
mais au contraire d’un grand nombre d’entre-eux qui reconnaissent des déterminants
différents avec des affinités très variables. C’est la somme de ces reconnaissances
qui fait la spécificité
Exemple de réactions croisées par présence de déterminants
communs
Groupe de réaction croisée (CREG) HLA-A2, A28, A9
HLA-A68
HLA-A69
HLA-A2
+
+
+
HLA-A2
HLA-A24
HLA-A68
+
+
+
HLA-A69
+
+
HLA-A23
+
HLA-A24
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+
HLA-A23
+
Déterminant commun à HLA-A68 et 69 = ancien HLA-A28
Déterminant commun à HLA-A23 et 24 = ancien HLA-A9
Avant l’avènement des anticorps monoclonaux, les réactifs permettant de définir les
antigènes HLA étaient des sérums provenant de personnes immunisées par grossesses ou
transfusions. Ces sérums pouvaient être très spécifiques d ’un antigène HLA (HLA-A2 par
exemple), reconnaître un déterminant partagé par un petit nombre de molécules (HLA-A23 et
A24, définissant un spécificité HLA-9) ou enfin réagissant avec un déterminant présent sur de
nombreuses molécules comme ici HLA-A2, A68, A69, A23 et A24
Élucidation de la nature moléculaire des anticorps
Mise en évidence de :
-l’hétérogénéité de taille (Ultracentrifugation de Svedberg) des immunoglobulines,
de PM 160 000, 400 000 et 1 000 000 de daltons
et de charges électriques (Électrophorèse de Tisélius) des anticorps, abondantes
surtout dans la partie la plus lente gamma
Porter (1958) et Edelman (1961)
décrivent la structure moléculaire des
Immunoglobulines. Les digestions
enzymatiques (papaïne générant une
partie Fab et une partie Fc) révèlent la
dualité fonctionnelle des Ig
Avec l ’observation que les myélomes
sont des tumeurs malignes sécrétrices
d ’une seule classe d ’anticorps, les
différents isotypes sont identifiés (G,
M, A, D, E), permettant la désignation
des Ig selon une nomenclature
moléculaire (1970)
Structure schématique d’une Ig
Les hypothèses du début des années 1970 permettant
d’expliquer la génération de la diversité des anticorps
B
A
V1
V2
Vi
Vj
V1
V2
Vi
Vj
A Théorie germinale: chaque
anticorps est codé par des gènes
hérités des parents, non modifiés
pendant le développement
somatique. Les différents gènes
sont issus de mutations
successives au cours de l’évolution
de l’espèce.
B Théorie des mutations
somatiques: un petit nombre de
gènes V hérités se diversifient au
cours du développement par des
mutations ponctuelles
sélectionnées par les antigènes
survenant dans les cellules
somatiques.
C
C Théorie des recombinaisons
somatiques: des gènes V hérités se
diversifient au cours des divisions
somatiques par recombinaison. Les
recombinants sont sélectionnés par les
antigènes.
Tiré de Eisen H.N., 1974
Sonde Vκ
Sonde Cκ
Dépôt d ’ADN après digestion
par une enzyme de restriction
EcoRI
En 1976 Susumu Tonegawa confirme l ’hypothèse de Dryer et Bennett émise en
1965 selon laquelle il existe plusieurs gènes V pouvant subir des mutations et un
seul gène C invariant s’associant par recombinaison génique avec un gène V
après que celui-ci ait subi des mutations. Il compare l’état du gène k murin dans
une lignée myélomateuse produisant cette chaîne légère et dans les cellules
somatiques non lymphoïdes.
Organisation génomique des
immunoglobulines
3 ensembles géniques indépendants:
IgH en 14q32,
Igk en 2p12
Igl en 22q11
Recombinaison
Signal
Sequence (RSS)
V
Locus IgH: 51
D
27
J
Rapprochement
spatial des segments
d’Ig et coupure par la
recombinase:
diversité
combinatoire
6
Imprécision de la
jonction: diversité
jonctionnelle
Étapes historiques du développement de l ’Immunologie
1796-2000
I La découverte du concept d’immunité anti-infectieuse: de Jenner à
Pasteur
II Immunité cellulaire contre immunité humorale. Une bataille épique
de la fin du XIXe siècle
III Les théories de la formation des anticorps: instruction contre
sélection
IV La spécificité immunologique et son support moléculaire
V Le développement de l’immunité à médiation cellulaire:
découverte des lymphocytes
VI 1970-2000 Mise en place d ’un système cognitif complet
De 1900 à 1940 pratiquement aucun intérêt porté aux acteurs
cellulaires de l’immunité
En 1948 Fagreus décrit le plasmocyte comme producteur d ’anticorps mais sa filiation avec les
lymphocytes demeure inconnue En 1953, Mitchison, thésard de Peter Medawar montre que le
rejet d ’une allogreffe tumorale chez la souris est médiée par des lymphocytes et non par des
anticorps. Brent, Billingham et Medawar étendent le concept aux greffes de peau normale
Mécanisme du rejet d ’allogreffe par immunité cellulaire
Début des années 1960, Gowans montre que la déplétion lymphocytaire par drainage
continu du canal thoracique prive les animaux à la fois de l’aptitude à fabriquer des
anticorps et à développer des réactions tuberculiniques d’hypersensibilité retardée.
Jacques Miller en 1961 établit que le thymus est essentiel à la fabrication des
lymphocytes, le rejet des allogreffes, les défenses immunitaires anti-infectieuses.
En 1966 Claman décrit la nécessité d ’une coopération entre 2 types de lymphocytes,
médullaires et thymiques, pour fabriquer des anticorps, ouvrant la voie au concept de
lymphocytes B et T, adopté en 1970.
Expérience de Claman établissant
une coopération entre cellules
médullaires et cellules thymiques
pour produire des anticorps
Moelle
Osseuse
+ Hématies
de mouton
Thymus
7 jours
Receveur irradié
Numération des
cellules produisant
des anticorps
dans la rate
Étapes historiques du développement de l ’Immunologie
1796-2000
I La découverte du concept d’immunité anti-infectieuse: de
Jenner à Pasteur
II Immunité cellulaire contre immunité humorale. Une bataille
épique de la fin du XIXe siècle
III Les théories de la formation des anticorps: instruction contre
sélection
IV La spécificité immunologique et son support moléculaire
V Le développement de l’immunité à médiation cellulaire:
découverte des lymphocytes
VI 1970-2000 Mise en place d ’un système cognitif complet
Période 1970-2000, non détaillée dans ce cours, permet
d ’identifier:
-Le mode de reconnaissance de l ’antigène par les lymphocytes T
-La diversité de fonctions exercées par ces cellules, cytotoxicité, auxiliaire,
régulatrices
-Leurs mécanismes de communication avec les autres cellules de l ’immunité via
les cytokines et des molécules membranaires de signalisation
-Le rôle essentiel des cellules dendritiques comme initiateur et organisateur de la
réponse immune des lymphocytes T
Insistons seulement sur 3 développements essentiels:
Le complexe majeur d ’histocompatibilité
Les anticorps monoclonaux
L ’immunité naturelle
Les lymphocytes
sont des
splénocytes
provenant de souris
immunisées
Les lymphocytes
non fusionnés
meurent
naturellement en
quelques jours.
Seuls survivent les
hybrides ayant
acquis HGPRT
des lymphocytes
normaux.
La lignée de myélome
utilisée a perdu le gène
HGPRT empêchant la
synthèse purique par la
voie d ’épargne
(récupération des bases
puriques)
Dans le milieu de
sélection apportant une
drogue qui bloque la
voie de synthèse
purique de novo, les
cellules de myélome
meurent
Dans chaque puits où un
hybride a produit un
clone on recherche la
présence de l ’anticorps
correspondant à
l ’antigène immunisant
Nature Reviews Immunol février 2004
Therapeutic Mabs of
murine origin
souris
homme
Murine Mab
Excellents outils in vitro mais
In vivo Médiocres fonctions effectrices, 1/2 vie raccourcie,
provoque la synthèse d ’anticorps anti souris
Chimeric Mab
Humanised Mab
NEJM, 2001, vol 343, 338-344
Reconnaissance du non soi microbien L’hôte reconnaît des produits microbiens
qui leur sont propres et que lui-même ne possède pas. Ces structures sont dénommées PAMPs
pour Pathogen Associated Molecular Patterns. Les récepteurs invariants de l ’hôte qui leur
correspondent sont appelés PRR, Patterns Recognition Receptors. Ces PRR peuvent être
membranaires, intracytoplsmiques ou solubles dans les liquides biologiques
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