s'effectue la multiplication virale. Cette restriction impose l'apport de ces enzymes par les particules virales ou leur synthèse de novo
dans la cellule infectée. Cette spécificité de la multiplication virale conduit souvent à l'individualisation au sein de la cellule d'une entité
topographique observable, véritable « usine à virus » assimilée à un corps d'inclusion et désignée sous le vocable de viroplasme.
B. DIVERSITÉ DU MONDE VIRAL
La division traditionnelle du monde viral entre bactériophages infectant les bactéries et virus infectant les cellules animales ou
végétales reposait sur la division binaire du monde vivant élaborée dans les années 1960 entre les procaryotes, dont les cellules sont
dépourvues de noyau, et les Eucaryotes, dont les cellules possèdent un noyau. Cette dichotomie, fondée sur des critères
cytologiques, a été remise en cause dans les années 1970 par les travaux du biologiste moléculaire américain Carl Woese qui, en
comparant les séquences des ARN des petites sous-unités des ribosomes (16S et 18S), ont mis en évidence l'existence de trois
lignées évolutives distinctes de ribosomes. L'existence de ces trois lignées a ensuite été corroborée par les données plus récentes de
la génomique comparée. On a donc proposé de diviser le monde vivant cellulaire en trois domaines : deux domaines comprenant des
êtres vivants procaryotes, celui des archées (Archaea) et celui des bactéries (Bacteria), et un domaine d'êtres vivants composés de
cellules eucaryotes (Eukarya). De façon tout à fait remarquable, l'étude des virus d'archées a confirmé cette classification en trois
domaines du monde vivant. En effet, les virus d'archées forment un ensemble unique de virus aux caractéristiques très originales,
distinct à la fois des virus infectant les bactéries (à quelques exceptions près) et de ceux infectant les eucaryotes.
1. Les bactériovirus (bactériophages)
Les bactériovirus produisent dans leur très grande majorité (environ 90%) des virions de type tête-queue (Figure 38), qui forment
l'ordre des Caudovirales. Leur génome est formé d'ADN double-brin linéaire ou circulaire. Les prototypes en sont les bactériophages
T4 ou λ qui, pendant des années, ont servi de modèles aux pionniers de la biologie moléculaire. L'étude des bactériophages a ainsi
permis de démontrer le rôle de l'ADN en tant que porteur de l'information génétique, de décrypter les mécanismes de la
recombinaison génétique et elle a contribué à démontrer que le code génétique est lu par groupe de trois lettres (triplets).
Certains auteurs pensent aujourd'hui qu'il serait bon d'abandonner l'usage du terme bactériophage qui reflète l'ancienne dichotomie
eucaryote/procaryote, ce qui conduit à confondre virus de bactérie et virus d'archée, et divise artificiellement le monde des virologistes qui étudient les
bactériophages (assimilés aux microbiologistes) et ceux qui étudient les virus, infectant l'Homme, les animaux domestiques ou encore les plantes.
Dans les faits, le terme bactériophage est conservé pour décrire les bactériovirus modèles.
2. Les eucaryovirus
Les eucaryovirus sont beaucoup plus divers que les bactériovirus. Des dizaines de familles ont été décrites, ce qui traduit l'intense
activité de recherche menée sur ces virus chez l'Homme, les animaux domestiques, les plantes et certains insectes. Un très grand
nombre sont des virus à ARN, simple ou double brin, possédant un ou plusierus petits chromosomes linéaires. Les virus eucaryotes à
ADN sont également très variés, leur génome étant composé d'ADN simple ou double-brin et leurs chromosomes pouvant être
circulaires ou linéaires.
Ces virus ont des capsides icosaédriques, pléomorphiques ou filamenteuses. Certains se répliquent dans le cytoplasme des cellules
infectées, d'autres dans leurs noyaux. De nombreux virus infectant des cellules eucaryotes possèdent une enveloppe formée à partir
de la membrane plasmique de la cellule hôte. Certains eucaryovirus à ADN ont des capsides complexes, plusieurs enveloppes et de
grands génomes pouvant coder des centaines de gènes (jusqu'à 1 millier dans le cas de Mimivirus).
3. Les archéovirus
Tous les archéovirus connus possèdent des génomes à ADN (linéaires ou circulaires) de taille relativement réduite (entre 8 et 75 kb).
La plupart de ces génomes sont formés d'ADN double-brin, mais deux archéovirus à ADN simple-brin ont été récemment découverts.
L'un d'entre eux, possède le plus gros génome à ADN simple-brin connu (25 kb). La plupart des archéovirus infectent des archées
hyperthermophiles, présentes dans les biotopes très chauds (sources chaudes terrestres acides en particulier), ou des archées
halophiles, que l'on trouve dans les milieux hypersalés.
C. DIVERSITÉ DES CYCLES : CYCLE LYTIQUE (T4 / E. COLI) ET CYCLE LYSOGÈNE (Λ / E. COLI)
La plupart des phages (comme le phage T4 qui infecte E.coli) n’ont qu’un cycle de vie lytique au cours de laquelle ils tuent leur cellule
hôte en produisant leur descendance. De tels phages sont dits virulents. Quelques phages (comme le phage λ qui infecte E.coli) ont
un cycle de vie lysogénique au cours duquel ils peuvent soit se camoufler temporairement et agir ainsi en phage tempéré (non
virulent) soit entrer en cycle lytique.
1. Les cycles lytiques : exemple du phage T4 chez E. coli
La première étape dans le cycle de vie du phage T4 consiste en l’adsorption d’un virion sur un récepteur membranaire spécifique de
la cellule hôte (Figure 39 et 40). Toute cellule dépourvue de ce récepteur serait protégée d’une infection par T4. Généralement, un
type de phage ne peut infecter qu’une seule espèce de bactéries, et, dans certains cas, uniquement une ou plusieurs souches de
cette espèce. Le nombre de types bactériens dans lesquels un phage peut réaliser son cycle lytique est appelé son spectre d’hôtes.
Après adsorption, T4 injecte son ADN dans la cellule hôte à travers sa queue. La capside phagique vide reste à l’extérieur de la
bactérie, telle un fantôme.
Une fois l’ADN phagique nu présent dans la cellule, les phages adoptent différentes stratégies pour produire les particules filles
(Figure 41). Généralement, l’ADN phagique est transcrit par l’ARN polymérase de l’hôte en ARNm précoces. Plus tard, les ARNm
seraient synthétisés par une ARN polymérase phagique traduite à partir d’un ARNm précoce ; alternativement, l’ARN polymérase
bactérienne serait modifiée afin de transcrire préférentiellement voire exclusivement les gènes du phage. Ces ARNm sont alors
traduits en protéines enzymatiques, régulatrices et structurales. Les protéines régulatrices du phage contrôlent la cinétique
d’expression de plusieurs gènes du phage. Les protéines structurales forment les tête, queue et autres modules protéiques requis
pour l’obtention de particules phagiques complètes. Les enzymes du phage assurent la production d’un grand nombre de génomes
phagiques par réplication, certaines transcriptions, et même parfois la destruction de l’ADN de l’hôte.
2. Les cycles lysogéniques (phage lambda λ d’E.coli)
Il existe deux types de cycles lysogéniques (Figure 42). Dans le cas le plus fréquent, dont l’exemple-type est le phage lambda (λ)
d’E.coli, l’ADN phagique est intégré dans le chromosome de l’hôte. Dans l’autre cas, représenté par le phage P1 d’E.coli, l’ADN
phagique ne s’insère pas dans le chromosome de l’hôte mais se réplique de manière synchrone avec lui, tel un plasmide. Lorsqu’il est
intégré, l’ADN intégré porte le nom de prophage. La production d’un prophage λ intégré se réalise en 4 grandes étapes (exemple chez