Annexe Y. Pour le scientifique, qui veut s`initier à la philosophie des

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Annexe Y. Pour le scientifique, qui veut s’initier à la philosophie des
sciences.
Je supposerai qu’il part du récent « Précis de Philosophie des sciences »,
(2011). Dir Barberousse, A et als. Vuibert, que je viens tout juste de
parcourir.
Il apprendra d’abord, très justement, que la philosophie des sciences se
décompose en philosophie générale des sciences et philosophie des sciences
spéciales, et que, pour comprendre quelque chose à sa science particulière
spéciale »), il lui faut d’abord se coltiner les chapitres généraux du traité.
Chapitres généraux.
Le chapitre 1 (explication scientifique) l’initiera au « modèle déductif-
nomologique », lourde machine dépassée, avec quelques perles : si un
homme prend la pilule (des femmes) et ne devient pas « enceint », sera-ce
parce que cette pilule est efficace ? Ou parce que, par nature, un homme ne
peut porter d’enfant ? A-t-il bien compris qu’il y a une différence
fondamentale entre concevoir une sphère d’or de 100Tonnes, qui
simplement n’existe pas, et une de 100T d’uranium qui, explosive, ne peut
exister ? Il se sera initié, ce faisant, à toute une lignée d’éminents
philosophes, qui ont apporté au problème de l’explication scientifique des
interprétations variées et divergentes (Hempel, Carnap, Salmon, Van
Fraassen, Lewis, Kim…).
Le chapitre 2 lui apprendra à distinguer entre confirmation, déduction et
induction, lui expliquera que (après Hume et Kant) Quine, Popper, Hempel,
Carnap (toujours les mêmes) ont pris des positions contradictoires. Partant
de la vérité logique que « toutes les choses non-noires sont des non-
corbeaux » est équivalent à « tous les corbeaux sont noirs », la constatation
que sa chaussette est blanche apportera un élément de plus à ce qu’il croyait
savoir sur la couleur des corbeaux. Mais l’instancialisme hempelien se
heurte à des difficultés soulignées par Carnap il y a plus de 80 ans, qui font
toujours l’objet de débats (Earman, Goodman, Glymour, Howson…) non
résolus à ce jour. Quelques propos vagues sont tenus sur le bayésianisme,
vaste domaine très controversé. Cozic, rédacteur du chapitre, espère que la
« théorie bayésienne de la confirmation » est « faute de concurrents sérieux,
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et en dépit de nombreuses difficultés, une espèce rare, dans un domaine
les problèmes se rencontrent plus souvent que les solutions. » Un problème
fondamental a été éludé : c’est que la science expérimentale se fonde sur
l’induction, et que Hume nous a bien montré les difficultés qui en
résultaient.
Le chapitre 3 (causalité) reparle, bien sûr, de l’explication déductive-
nomologique, introduit la conception contrefactuelle de la causalité (avec les
notations de la logique modale), suivie d’une lourde analyse probabiliste. Je
n’y ai trouvé aucune allusion au déterminisme, qui en physique permet
d’éviter de parler de cause (l’auteur a le mérite de relever que le concept de
cause s’applique plus aux sciences aval), ni aux corrélations, tellement plus
scientifiques que les causes, ni à la notion - si fondamentale en relativité et
en physique quantique - de dépendance causale.
Le chapitre 4 sur le réalisme est bien meilleur, ne serait-ce que parce
qu’Esfeld a de sérieuses connaissances scientifiques. Il se croit cependant
obligé de sacrifier aux idoles anglo-saxonnes : Quine, Kuhn, Feyerabend,
Lewis, les variantes de la théorie causale des propriétés… Son analyse de la
physique quantique est solide (et bien meilleure que celle de Barberousse, au
chapitre spécialisé 10). En traitant de « réalisme structural radical » les idées
très dans le vent de French-Ladyman, sa critique voilée me semble prôner,
comme moi, un réalisme structural moins ontologique.
Le chapitre 5 sur le changement scientifique décrit les thèses connues de
Kuhn, Popper, Quine, Feyerabend, Putnam. Il met sur le même plan ce qui a
pu se passer aux débuts de la science, et la période moderne des
prévisions sont vérifiées à 10-14 près.
Le chapitre 6 sur des « études sur la science » est en dehors de ma sphère
d’intérêt.
Le chapitre 7 sur réduction et émergence est le plus typique de la
divergence avec mes propres idées. Le réductionnisme est une notion assez
complexe, mais qui correspond globalement à la question de savoir si une
discipline scientifique aval peut se déduire d’une discipline amont. Comme il
y a une longue échelle de sciences et de sous-sciences, c’est un ensemble de
questions majeures qui sont posées à la philosophie des sciences. Le chapitre
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n’en dit pas un mot ! En revanche, on retrouve Hempel, Kripke, on nous dit
une fois de plus : « si Zorro a commis le vol, don Diego de la Vega a
commis le vol » (quel rapport avec le réductionnisme ?). On ne nous dit
même pas que l’émergence a un sens différent en physique et en biologie.
Que ce texte nul ait été agréé par les membres du comité d’édition en dit
long sur leur imprégnation de philosophie analytique !
Chapitres par sciences.
Le chapitre 8 sur la logique au sens large ne me concerne pas.
Le chapitre 9 sur les mathématiques est bon.
J’ai déjà dit la faiblesse du chapitre 10 sur la physique. C’est d’autant plus
étonnant qu’il existe ailleurs d’excellents textes, souvent l’œuvre de
scientifiques (par exemple Laloë).
Le chapitre 11 sur la biologie est bien documenté. Il contient enfin une
page sur le réductionnisme en biologie (même s’il se limite à une question
relativement mineure : la réduction de la biologie macromoléculaire (sic) à la
biologie moléculaire) ; il ne considère pas le physicalisme, problème
essentiel. On peut s’étonner qu’il ne traite pratiquement que de l’évolution
(notons qu’il ne s’interroge pas sur la nature du hasard dans l’évolution, et
qu’il ne mentionne jamais les difficultés de la théorie). Il remarque que les
philosophes de la biologie se démarquent souvent (heureusement) de la
philosophie analytique traditionnelle.
Chapitres 12 (médecine), 13 (sciences sociales), 14 (économie), 16
(linguistique). Non concerné.
Le chapitre 15 sur les sciences cognitives est, comme le sujet, complexe et
intéressant.
En conclusion, le scientifique de bonne volonté, qui voudrait s’initier à la
philosophie moderne des sciences par la lecture de ce livre, risque de
retrouver les réactions, après leurs lectures en philosophie des sciences, du
célèbre prix Nobel de physique S. Weinberg (Forcing up, Harvard 2001, p.
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84 : « Peu de philosophes de la science considèrent qu’une partie de la
description de leur travail est d’aider les savants. ») ou du biologiste E.
Mayr, qui a joué un rôle majeur dans l’élaboration de la théorie synthétique
de l’évolution : « Les positivistes logiques, qui ont dominé la philosophie de
la science des années 20 aux années 60, ont manifesté pour la biologie peu
d’intérêt et, encore moins, de compréhension, pour la bonne raison qu’elle
s’accordait mal avec leur méthod).
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