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véritable épistémologie immanente pour les sciences – je me risquerai 
à dire : pour les sciences de l’homme et pour les sciences de la nature 
– épistémologie qui peut avoir une portée concurrente, rivale voire 
équivalente   à   l’épistémologie   actuelle   des   sciences   et   à   celle   qui 
commande les raisonnements philosophiques en général. Selon mes 
vues,   cette   épistémologie   est   née   avec   le   geste   saussurien   de   la 
proposition du principe de l’arbitrarité du signe, de l’acte sémiologique 
qu’il instaure, et du pacte sémiologique qui en découle. Comme un fil 
rouge, cette épistémologie prends source chez Saussure, traverse la 
pensée   de   Hjelmslev,   passe   par   Greimas   et   atteint   quelques 
sémioticiens d’aujourd’hui, notamment Cl. Zilberberg, mais comme un 
fil très fin qui demande à être tissé en toutes ses trames et couleurs. 
Je vous présenterai mes réflexions en deux volets, l’un autour de 
cette épistémologie immanente, sémiologique, qu’il faut encore édifier, 
l’autre autour des rapports entre sémiotique et philosophie.
1. Pour une épistémologie immanente.
Mon propos dans ce volet sera de relever les indices et la portée 
de   cette   épistémologie   au   sein   de   la   pensée   de   Hjelmslev,   en 
particulier   autour   de   la   gigantesque   construction   catégoriale   du 
Résumé. Je pars de la communication au IVe  Congrès International de 
Linguistes (1936), intitulée « Essai d’une  théorie des  morphèmes », 
publiée en 1938 et publiée dans les  Essais linguistiques  (1971: 161-
173). On est frappé à la dernière page de ce texte par le basculement 
surprenant du niveau de réflexion. En effet, même si dans Raison et 
poétique du sens  (1988 : 72) Cl. Zilberberg considère cet article du 
maître   danois   comme   une   présentation   brève   et   « accessible »   – 
quoique les guillemets entourant « accessible » marquent sûrement, 
avec une pointe d’ironie, un effet concessif – de ce que sera le Résumé 
et de ce qui aurait été l’oeuvre majeure, avec Uldall,  An Outline of 
Glossematics,     ce   texte   puissant   se   distingue   par   le   degré   de 
raffinement d’une technicité éminemment linguistique des catégories 
et des fonctions mises en scène. 
Il se trouve que dans les dernières lignes de ce texte, le lecteur 
devient étourdi : d’un seul coup, Hjelmslev bouleverse le raisonnement