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Résumé
Cette thèse vise à montrer que le problème de la mesure en mécanique quantique peut être
considéré comme dissout dans le cadre d’une approche pragmatiste.
Après un examen détaillé de ce problème et une présentation critique des nombreuses
tentatives réalistes de sa dissolution, nous développons une approche alternative qui, au lieu
de tirer de la théorie une image du monde tel qu’il serait en soi, la rapporte à la pratique des
physiciens. Cette approche pragmatiste, qui s’inspire de la philosophie de William James et
du second Wittgenstein, conçoit l’« actuel » au terme d’une mesure – l’événement physique
constaté – comme indissociable de nos moyens sensoriels, instrumentaux et conceptuels de
connaissance. En faveur de l’idée de la relativité de l’actuel à l’égard de nos moyens
instrumentaux de connaissance, nous invoquons les preuves formelles de la contextualité, ce
trait de la mécanique quantique qui se trouve au cœur de l’interprétation de Bohr.
Nous avançons alors la thèse suivant laquelle la mécanique quantique peut se comprendre
à la lumière de la pratique des physiciens et donc recevoir une justification pragmatiste.
Celle-ci consiste à dégager les fonctions que doit remplir toute théorie pour permettre aux
physiciens de mener à bien leur activité de recherche en microphysique et à démontrer que la
mécanique quantique est la seule théorie qui remplit exactement ces fonctions pragmatiques.
Pour ce faire, nous prenons appui en particulier sur les travaux récents de R. I. G. Hughes,
Bas van Fraassen et Michel Bitbol.
Resituant la description de la mesure dans le contexte de la pratique des physiciens, nous
défendons ensuite l’idée d’une rupture entre la phase de la prédiction théorique et celle du
constat du résultat de mesure. Cette rupture délimite les domaines du possible et de l’actuel :
les prédictions portent sur un ensemble de résultats possibles, tandis que le constat a pour
objet un unique résultat actuel. Forts de ce cadre de pensée pragmatiste et de la justification
pragmatiste de la mécanique quantique, nous sommes à même de montrer pourquoi chacun
des sous-problèmes qui compose le problème de la mesure est dissout. L’avantage de cette
dissolution pragmatiste est qu’elle laisse le formalisme quantique intact et ne soulève pas de
nouvelles difficultés.