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PRODUCTEUR PLUS
Les sols et l'agriculture, Gérard Millette Ph.D.
Chapitre 34
sur une quatrième pelure. L'aluminium Al+++ a un numéro
atomique de 13, avec 3 pelures, comme le sodium Na+, mais
est beaucoup moins soluble que ce dernier parce qu'il a 3
électrons négatifs à insérer sur d'autres atomes. Il peut aussi
recevoir 5 électrons négatifs d'autres ions pour compléter son
chiffre de 8 électrons dans la troisième pelure. Il s'indique alors
Al-----, à qui il manque 5 électrons négatifs. Enfin, des élé-
ments comme le carbone C++++, qui a un numéro atomique
de 6 avec 4 électrons disponibles dans la seconde pelure, et
le silicium, dont le numéro atomique est 14, avec 4 électrons
disponibles cette fois sur la troisième pelure, sont peu solubles
dans l'eau parce que chacun peut donner ou recevoir 4 élec-
trons négatifs pour obtenir une pelure équilibrée de 8 élec-
trons. Le carbone a 2 pelures et forme des produits très
stables, qui sont combustibles. Le silicium peut également
donner ou recevoir 4 électrons négatifs, cette fois sur la troi-
sième pelure. Il est encore plus stable que le carbone parce
qu'il brûle très difficilement. Il est la base des grains de sable.
Ceci explique pourquoi, après des centaines de millions d'an-
nées, des millions de tonnes de sodium Na+ ont été dissoutes,
combinées au chlore Cl-, et transportées par les eaux de sur-
face dans les océans dont l'eau est salée, et nous ont laissé
des résidus sableux, souvent enfouis, que l'on exploite comme
les mines de sels de phosphates, de potassium, etc.
LES LIENS CHIMIQUES
Aux facteurs précédents, qui contrôlent en partie la so-
lubilité des éléments dans l'eau, s'ajoutent les types d'unions
entre ces éléments, pour former une molécule de produit chi-
mique. Je ne mentionnerai que les 3 liens principaux: le lien
ionique, le covalent, et le dipolaire.
Le lien ionique est le plus connu et le plus courant entre
deux ions d'éléments différents. Le sodium Na+, qui a un élec-
tron négatif à donner, réagit rapidement avec du chlore Cl- à
qui il manque un lien ionique pour former du chlorure de so-
dium ClNa. C'est notre sel de cuisine. Il est très soluble.
Le lien covalent est le plus puissant. Il domine dans les
composés organiques, faits surtout de carbone C++++ ou de
Si++++. Cette fois, chaque ion partage le lien avec l'autre ion,
de sorte que l'on a deux attaches pour chaque lien entre les
deux éléments, au lieu d'un seul. C'est le genre de lien qui
donne les composés organiques stables et généralement peu
solubles dans l'eau. A titre d'exemple, le CO2qui unit un ion
de carbone C++++ avec 2 ions d'oxygène est stable et peu
soluble dans l'eau (O=C=O=) ou CO2. C'est pourquoi le CO2
que l'on injecte sous pression dans le liquide d'une boisson
gazeuse s'échappe quand on décapsule la bouteille. Les mo-
lécules de CO2s'étaient comprimées pour se loger entre les
molécules d'eau, sans s'y dissoudre. Dès que la pression at-
mosphérique normale est rétablie en ouvrant la bouteille, les
molécules du gaz CO2s'échappent. Les composés orga-
niques, faits principalement de carbone C++++, le charbon,
les produits pétroliers et les plastiques, sont aussi peu solubles
dans l'eau, pour ces raisons. Les mêmes explications s'appli-
quent aux composés avec le silicium, (O=Si=O=) ou SiO2, le
sable.
Enfin, le lien dipolaire est le plus faible des trois. Il résulte
d'un déséquilibre électrique entre les atomes d'une même
molécule. Les charges oscillent les unes entre les autres sans
arrêt, mais il reste toujours une place disponible pour s'unir
chez un voisin, puis le relâcher, le reprendre, et ainsi de suite.
Les produits chélatés décrits au chapitre 2 ont ce genre de lien
dipolaire. Beaucoup de ces produits sont utilisés dans la fa-
brication d'herbicides ou d'insecticides ainsi que pour solubi-
liser des éléments peu solubles comme le fer et le cuivre pour
les rendre disponibles pour les plantes.
Beaucoup de molécules de produits utilisés comme pes-
ticides ou herbicides dépendent des réactions dipolaires pour
s'accrocher au sol tout en demeurant facilement solubles,
donc disponibles dans l'eau afin d'exercer leurs fonctions. Par
conséquent, si ces molécules ne sont pas décomposées dans
un certain laps de temps, elles peuvent polluer. Le cas du
phosphore P---, pollueur (13) dans les engrais organiques, est
un cas classique. Accroché aux molécules organiques par di-
polarité, il pollue. Uni par lien ionique dans les engrais miné-
raux, il ne pollue pas. On peut dire la même chose de l'arsenic,
que l'on a utilisé longtemps comme insecticide contre les do-
ryphores de la pomme de terre. On le mélangeait à la bouillie
bordelaise, employée comme fongicide. L'atome d'arsenic As-
-- est à court de 3 électrons comme le phosphore, mais sur
une quatrième pelure, au lieu de la troisième pour ce dernier.
Une fois dissout, l'arsenic As--- pouvait développer des liens
dipolaires avec les substances organiques et aggraver les dan-
gers de pollution possible de l'eau du sol et de son absorption
possible par les plantes, comme si c'était du phosphore.
AUTRES MÉCANISMES
On peut ajouter toute une série d'autres mécanismes
pour solubiliser des éléments chimiques dans le sol. Certains,
comme l'hydrolyse, l'oxydation, la réduction, la dégradation
photochimique, ont été décrits dans au chapitre 33. On peut
y ajouter l'hydratation, la polymérisation, la diffusion par
osmose, etc.
L'hydratation est le mécanisme qui fixe une molécule
d'eau sur un composé chimique existant. Ceci le transforme
en hydrate. On peut mesurer la force qui rattache la molécule
d'eau au composé existant par la chaleur qui se dégage en y
ajoutant de l'eau. C'est le phénomène de la chaux vive, l'oxyde
de calcium CaO, qui chauffe l'eau quand on l'hydrate. Elle de-
vient de l'hydroxyde de calcium Ca(OH)2, ou de la chaux
éteinte (18). L'oxyde de sodium Na2O qui reçoit de l'eau réagit
violemment. Il s'hydrate en dégageant instantanément beau-
coup plus de chaleur que l'oxyde de calcium, parce qu'il n'a
qu'un électron sur la troisième pelure alors que le calcium
Ca++ a deux électrons disponibles sur la quatrième pelure.
Une autre indication que plus un ion est petit et plus le nom-
bre d'électrons disponibles est faible, plus il est actif.
La polymérisation est le phénomène des molécules qui
s'attachent les unes aux autres, souvent par lien covalent. Les
produits sont stables et généralement moins solubles dans
l'eau que chacun des produits constituants pris séparément.