LIENS – Nouvelle Série N° 5 94
A quoi sert une didactique de la philosophie ? Ce détour nous conduit au
sérieux de la question, c’est-à-dire, au-delà d’elle, à ce qui lui donne toute son
importance et qui fait qu’on s’interroge. La question pourrait être autrement
posée, en l’élargissant à la discipline générale elle-même, comme suit : à quoi
sert la didactique, et plus particulièrement, pour nous, une didactique de la
philosophie ? Nous voudrions présenter ici, à titre simplement illustratif,
quelques techniques didactiques parmi celles appliquées dans le Programme de
formation au Département de philosophie. Auparavant, il importe de
reconnaître que la formation de Formateurs présuppose toujours une matière
qui en constitue, d’une part, le support dynamique, d’autre part, la résistance à
vaincre. Expliquons-nous : chaque année, le Département de philosophie de
l’E.N.S. recrute, par voie de concours, des stagiaires parmi les étudiants ayant
soutenu une Maîtrise en philosophie. Ceux-ci ont donc des compétences
théoriques, en somme un savoir philosophique qui leur permet de discuter et de
donner leur avis sur les questions de philosophie, du moins en principe.
Mais entre ce savoir théorique accumulé lors du cursus universitaire et le
savoir-faire intellectuel qui sera exigé d’eux, il y a le médium de
l’apprentissage de l’acte d’enseigner qui correspond à la maîtrise progressive
des contenus du Programme. Même si le diplôme universitaire est un passage
obligé, il ne garantit pas pour autant un bon enseignant. En tout cas, pas celui
qui débute dans la profession. Et les arguments des adversaires de la didactique
de la philosophie ne font guère le poids face à l’efficacité constatée de
l’enseignement par objectifs. Les choses deviennent plus compliquées quand
on compare les Programmes d’enseignement universitaire avec le Programme
de philosophie en classe terminale. Il y a là un problème. Car, étant donné que
la destination première des maîtrisards en philosophie est l’Enseignement
secondaire, alors, peut-être conviendrait-il mieux d’ajuster ces Programmes à
celui auquel est astreint un professeur du Secondaire. Ici, les thèmes
constitutifs du Programme ne sont pas tous philosophiques au départ, par
exemple au Domaine no 2. A première vue, celui-ci interpelle plus aisément, et
selon le cas, le sociologue, le psychologue et le psychanalyste, l’économiste,
etc., plutôt que celui qui s’est exercé à la philosophie pure. Dès lors, il existe,
pour un formateur, un problème presque à cornes, celui de devoir expliquer à
nos stagiaires qu’il y a une manière philosophique d’aborder n’importe quelle
question, même si elle est, pour certains, d’apparence non philosophique. M.
Heidegger a dit que[…]si le biologiste, en tant que personne déterminée, en
vient pour sa propre part à décider ce qui est à appréhender en tant que vivant,
il arrête sa décision non point en tant que biologiste, non point par les moyens