situations d’immunodépression. Des réactivations surve-
nant après une guérison apparente de l’hépatite E aiguë
ont également été décrites. Après une brève description
des caractères du virus et des modalités de transmission,
seront abordés, dans cette revue, les hépatites E chroniques
décrites à ce jour, les mécanismes possibles de persistance
ainsi que les moyens diagnostiques, thérapeutiques et pro-
phylactiques permettant le contrôle de cette infection.
Caractéristiques générales du virus
et des modes de transmission
Virus de l’hépatite E (HEV)
HEV est un petit virus non enveloppé de 27 à 34 nm de
diamètre. Il possède une capside icosaédrique et un génome
à ARN simple brin de polarité positive d’environ 7,2
kilobases. L’ARN est coiffé en 5’(7 méthyl guanine) et
polyadénylé en 3’. Il comporte trois phases ouvertes de
lecture (ORF1, ORF2 et ORF3) flanquées de régions non
codantes en 5’et 3’[1]. ORF1 code une polyprotéine non
structurale dont les principaux domaines fonctionnels sont
une méthyltranférase, une cystéine protéase, une hélicase et
une ARN polymérase ARN dépendante. ORF2 code une
protéine de capside de 660 acides aminés dont la structure
cristallographique a été récemment décrite [2-4]. ORF3
code une phosphoprotéine de 122/123 acides aminés asso-
ciée au cytosquelette pouvant également se lier à l’ARN
ainsi qu’à la protéine de capside. Les protéines ORF2 et
ORF3 sont traduites à partir d’un ARN sous-génomique
bicistronique.
HEV est le seul membre de la famille des Hepeviridae.Un
seul sérotype a été décrit. Des souches de mammifères et des
souches aviaires ont été caractérisées. Les souches de mam-
mifères appartiennent au genre Hepevirus et comportent
quatre génotypes principaux. Ceux-ci différent par leur répar-
tition géographique et par leur spectre d’hôte (figure 1).Un
nouveau génotype a été récemment caractérisé en Chine chez
le lapin [5]. Pour chaque génotype (72 à 77 % d’identité en
nucléotides), différents sous-types ont été identifiés : cinq
pour le génotype 1 (1a à 1e), deux pour le génotype 2 (2a,
2b), dix pour le génotype 3 (3a à 3j) et sept pour le génotype
4 (4a à 4g) [6]. Les génotypes 1 et 2, identifiés uniquement
chez l’homme, sont prévalents dans les pays non industriali-
sés : Asie/Afrique pour le génotype 1 et Mexique/Afrique
pour le génotype 2. Les génotypes 3 et 4 ont été identifiés à
la fois chez l’homme et chez l’animal (porc, sanglier, cerf).
Alors que la répartition géographique du génotype 4 semble
limitée à l’Asie, le génotype 3 présente une large distribution
sur l’ensemble des continents. Les analyses phylogénétiques
réalisées à partir des souches humaines et animales de géno-
types 3 et 4 suggèrent que l’HEV pourrait être un agent
zoonotique [7-11]. Les souches aviaires, caractérisées sur
trois continents (Australie, Amérique du Nord, Europe),
sont responsables d’un syndrome hépatosplénomégalique
chez le poulet [12-14]. Elles pourraient constituer un nouveau
genreauseindelafamilledesHepeviridae.Legénome
présente une organisation similaire à celui des souches de
mammifères mais sa longueur est plus courte (environ
6,5 kilobases). L’identité en nucléotides entre les souches
aviaires et les souches de mammifères est d’environ 50 %.
Contrairement aux quatre génotypes du genre Hepevirus,
les souches aviaires ne sont pas transmissibles expérimenta-
lement au macaque, au chimpanzé ou au porc.
En raison des erreurs de la polymérase virale, HEV existe
chez l’hôte infecté sous la forme d’une quasi-espèce consti-
tuée de multiples variants viraux génétiquement proches
mais néanmoins différents. Les quasi-espèces du HEV ont
été initialement étudiées chez des sujets présentant une hépa-
tite E aiguë [15], et plus récemment dans le cadre d’une
infection chronique [16]. Le clonage et le séquençage de
multiples clones moléculaires dans la région ORF1 a permis
de décrire une évolution dans le temps des populations vira-
les chez un patient transplanté. D’une manière concomitante
à la survenue de manifestations neurologiques, une compar-
timentation du HEV entre le sang et le liquide céphalorachi-
dien a été mise en évidence (figure 2) [16]. Des co-infections
impliquant les génotypes 3 et 4 ont été identifiées et l’ana-
lyse de séquences complètes de génotype 3 a laissé supposer
que certains génomes pouvaient être issus d’un événement
de recombinaison entre une souche humaine et une souche
porcine [17]. Ce phénomène pourrait ainsi conduire à
l’émergence de souches plus virulentes et/ou mieux adaptées
àl’homme.
Modes de transmission
L’hépatite E est une hépatite à transmission principalement
entérique. L’infection par HEV comporte deux formes épi-
démiologiques : de grandes épidémies survenant exclusi-
vement dans les régions hyperendémiques (Asie, Afrique,
Amérique Centrale) dans des situations où l’hygiène col-
lective est insuffisante et des cas sporadiques observés
aussi bien dans les régions de forte endémie que dans les
pays industrialisés.
Les cas sporadiques survenant en région hyperendémique
concernent plutôt l’enfant et l’adulte jeune. Dans les pays
industrialisés, l’hépatite E a longtemps été considérée
comme une infection contractée au cours d’un voyage en
régions d’endémie. Les données actuelles indiquent en fait
que la grande majorité des cas est d’origine autochtone et
que toutes les tranches d’âge sont concernées, notamment
les sujets âgés de plus de 55 ans. On note également une
prédominance masculine. La transmission autochtone du
HEV a été décrite dans de nombreux pays d’Europe, aux
États-Unis et au Japon. En France, la prévalence des
revue
318 Virologie, Vol. 13, n
o
6, novembre-de
´cembre 2009
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