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LE NATURALISTE CANADIEN, 135 NO 2 ÉtÉ 2011
entomologie
plus de l’ordre de quelques kilomètres (NatureServe, 2010).
Dans le cas présent, la distance à vol d’oiseau entre les deux
sites de découverte couvre environ 10 km, répartis sur deux
bassins versants, séparés par une colline montérégienne, le
mont Shefford. Ce contexte suggère la possibilité que les
présentes occurrences concernent deux populations bien
établies dans le haut bassin appalachien de la Yamaska. Une
plus longue période d’observation permettrait de le confirmer.
L’habitat
La courtisane d’Amérique possède des exigences
écologiques spécifiques. L’espèce est étroitement associée aux
milieux lotiques. Selon Nikula et Sones (2002) et DuBois
(2005), son habitat typique correspond aux sections ensoleillées
des cours d’eau à débit modéré. Les deux sites découverts au
Québec offrent des conditions abiotiques similaires. Il s’agit de
segments de rivières, larges d’environ 10 m, offrant une dense
couverture végétale sur ses rives non perturbées (figure 3).
Le site de la rivière Yamaska se caractérise par un
tronçon fluvial aux eaux limpides et oxygénées décrivant de
multiples méandres bordés de hautes herbacées riveraines
dans une plaine alluviale luxuriante. Dans ce milieu
exceptionnel, la courtisane d’Amérique est observée en grand
nombre sur une distance linéaire de plus de un kilomètre,
voletant d’un perchoir herbacé à un autre près des rives.
Tout comme les caloptéryx, le battement des ailes est lent et
saccadé, à la manière des papillons.
Le site de la rivière Yamaska Nord présente, quant à
lui, un tronçon fluvial au profil davantage linéaire, marqué de
sections au dénivelé favorable à un écoulement tumultueux des
eaux d’aspect turbide. Les milieux riverains bénéficient d’un
ensoleillement limité en raison du couvert forestier dominant
par endroits. Dans cet habitat, la courtisane d’Amérique se
fait discrète dans l’étroite zone herbacée qui fait la transition
entre l’environnement lotique et le milieu forestier adjacent.
Quelques kilomètres plus bas en aval, la rivière traverse une
plaine en adoptant un cours lent et sinueux jusqu’à devenir un
véritable royaume de terres humides et d’herbiers aquatiques.
Malgré le fait que les odonates y abondent, l’habitat n’est plus
propice à la courtisane.
Conclusion
La découverte de deux populations de la courti-
sane d’Amérique vraisemblablement bien établies dans le
haut bassin appalachien de la rivière Yamaska vient confirmer
sa présence au Québec, qui ne s’appuyait que sur une seule
donnée historique remontant à la fin du xixe siècle. L’espèce a
été observée en abondance dans des portions fluviales offrant
un régime d’écoulement à débit modéré et un environnement
riverain non perturbé par les activités anthropiques. Inféodée
à ce type d’habitat, elle est potentiellement présente dans
d’autres tronçons de cours d’eau du sud du Québec où elle se
trouve à la limite nord de son aire de répartition.
Cette étonnante découverte d’une espèce facilement
reconnaissable sur le terrain soulève un questionnement.
S’agit-il d’une espèce indigène au Québec dont les effectifs
ont été réduits en raison de la destruction historique de son
habitat, comme il est possible de le constater dans les États de
la Nouvelle-Angleterre ? Est-ce plutôt une espèce extirpée qui,
dans le contexte des changements climatiques favorisant son
expansion vers le nord, s’est récemment établie dans le sud
du Québec ? D’autres investigations permettront de préciser
la tendance des populations de la courtisane d’Amérique au
Québec. Cependant, son statut d’espèce en péril dans les États
limitrophes permet déjà d’entrevoir une répartition et une
abondance des populations analogues pour le Québec. Dans un
tel cas, la courtisane d’Amérique devrait pouvoir s’ajouter aux
dix autres odonates inscrits sur la liste des espèces susceptibles
d’être désignées menacées ou vulnérables au Québec.
Remerciements
L’auteur désire remercier Jean-Marie Perron et
Michel Savard, entomologistes émérites. J.-M. Perron a
gracieusement validé l’identification d’Hetaerina americana
et, avec M. Savard, ils ont généreusement révisé le contenu de
ce texte. Aussi, il exprime sa reconnaissance à Michel Crête,
rédacteur à la revue, et Jean-Guy Pilon, l’expert consulté, pour
les judicieux commentaires apportés au manuscrit.
Des spécimens d’Hetaerina americana ont bien-
veil lamment été remis à la Collection Provancher, de
l’Université Laval (3 papillottes : Québec, Rivière Yamaska
(secteur Bromont), hautes herbacées riveraines, 3♂3♀.17.
viii.2010, A. Mochon), et à la Collection Ouellet-Robert,
de l’Université de Montréal (3 papillottes : Québec,
Rivière Yamaska (secteur Bromont), hautes herbacées
riveraines, 5♂2♀.17.viii.2010, A. Mochon ; Québec,
Rivière Yamaska Nord (secteur Roxton Pond), rive arborée,
2♂1♀.29.viii.2010, A. Mochon).
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