Jaunisse nanisante de l`orge

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LES INDISPENSABLES
COMPRENDRE
JAUNISSE NANISANTE DE L’ORGE
VERS DES VARIÉTÉS
© A. Genty - Secobra Recherches
durablement tolérantes
Le potentiel de résistance ou de tolérance des variétés
à la JNO est évalué par des essais au champ.
La mise en place d’une lutte durable contre la jaunisse nanisante de l’orge doit
s’appuyer, entre autres, sur la création de variétés de céréales résistantes
ou tolérantes à l’infection virale. Pour atteindre cet objectif, des travaux de
recherche sont menés dans le cadre du projet JNOrge(1) initié à l’automne 2016.
L
e complexe viral B/CYDV (Barley/Cereal
yellow dwarf virus) responsable de la
jaunisse nanisante de l’orge (JNO) est
un problème sanitaire préoccupant.
En effet, dans les situations favorables
au développement de la maladie, les épidémies
conduisent à des pertes de rendement pouvant
atteindre 80 %. Les moyens disponibles pour
lutter contre la JNO sont extrêmement limités.
La rareté des sources de résistance efficaces et
l’inexistence de matières actives capables d’agir
sur les virus ont conduit les agriculteurs à protéger
leurs cultures à l’aide d’insecticides dirigés contre
les pucerons, vecteurs de la maladie. Or, dans
le contexte de réduction des pesticides du plan
Ecophyto II, il convient de proposer aux exploitants
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Mai 2017 - N°444
PERSPECTIVES AGRICOLES
de nouvelles solutions économiquement rentables
et écologiquement durables. L’utilisation de variétés de céréales résistantes (qui limitent la multiplication et/ou l’accumulation virale) ou tolérantes
(qui multiplient le virus sans exprimer de symptômes) représente une telle alternative.
Des plantes armées pour résister
aux virus
Les plantes disposent de toute une série de solutions de lutte naturelle contre les agressions des
micro-organismes. Pour les infections virales,
chaque étape du cycle infectieux (encadré) est une
cible potentielle.
En fonction de la stratégie de lutte mise en place
par la plante, l’inoculation peut aboutir à une
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gènes de tolérance de
LES INDISPENSABLES
l’orge à la JNO ont été
identifiés à ce jour.
résistance extrême (le virus ne peut pas réaliser
son cycle infectieux), à une résistance hypersensible (le foyer infectieux est bloqué au niveau de
quelques cellules au site d’inoculation : les tissus
autour se nécrosent, isolant du reste de la plante
le foyer initial de l’infection), à une résistance partielle (le virus se multiplie, mais colonise la plante
et/ou s’y accumule de manière réduite) ou à une
tolérance (l’agent pathogène colonise l’hôte en
induisant peu ou pas de symptômes).
Cependant, face aux contraintes imposées par
l’hôte, des variants viraux capables de contourner
la résistance/tolérance peuvent être sélectionnés.
Aussi, l’utilisation au sein d’une même plante de
plusieurs sources de résistance/tolérance altérant
des étapes distinctes du cycle viral limite les possibilités de contournement par le virus. Il semble
donc intéressant de prendre en compte plusieurs
types de résistances dans les programmes de
sélection afin d’augmenter la durabilité de la résistance/tolérance de l’hôte.
Des données épidémiologiques
à mettre à jour
Les prospections intensives réalisées en France
au début des années 2000 ont révélé la prédominance de l’espèce BYDV-PAV parmi les virus
du complexe de la JNO. Des données acquises
récemment par Arvalis et par le GEVES révèlent
une prévalence d’autres espèces plus importante qu’attendue, ce qui remet en question la
prédominance d’autres espèces sur céréales
en France. Si ces premières observations sont
En détournant les ressources de l’hôte
à son profit, le virus de la JNO affaiblit
la plante qu’il colonise (à droite).
© C. Perrot - Florimond Desprez
COMPRENDRE
Focus sur le processus d’infection et de colonisation
Le cycle biologique des virus de la JNO débute par
l’inoculation d’une plante par un puceron virulifère
(porteur de virus). Lors d’une prise alimentaire, le
puceron virulifère inocule quelques particules virales dans des cellules de l’hôte. Dans la plante,
le virus inoculé dans les cellules voisines des vaisseaux conducteurs initie son cycle de multiplication. Puis, il accède aux vaisseaux conducteurs qui
lui permettent de se déplacer jusqu’aux racines où
il poursuit la production de sa descendance virale.
Celle-ci colonise ensuite l’ensemble de la plante,
sauf les organes reproducteurs. De ce fait, il n’y a
donc pas de transmission possible de la JNO par
la graine ou le pollen. Pour la réalisation de son
cycle biologique, le virus détourne une partie des
ressources de son hôte, ce qui se traduit par l’expression de différents symptômes allant du jaunissement à la mort de la plante.
confirmées, il sera urgent d’étendre les travaux de recherche sur la JNO, conduits en
France principalement sur l’espèce BYDVPAV, aux autres espèces du complexe viral
B/CYDV présentes dans l’environnement céréalier français.
Plusieurs gènes de résistance
identifiés
Malgré les milliers de ressources génétiques testées, seules de rares sources de résistance/tolérance au complexe de la JNO ont été identifiées.
Chez l’orge, la plus récente est le gène Ryd4, qui
agirait sur l’interaction plante-puceron. Ryd4 vient
compléter trois autres gènes de tolérance recensés (Ryd1, Ryd2 et Ryd3). Le gène Ryd1 n’octroie pas
un niveau de tolérance suffisant pour constituer
un intérêt agronomique dans le cadre de la lutte
contre la JNO.
Le gène Ryd2, décrit pour la première fois en 1959
dans du matériel éthiopien, a notamment permis
de créer l’orge cv. Naturel, première orge d’hiver
tolérante à la JNO inscrite au catalogue français en
1998. Atenon, Amistar et Domino, également sélectionnées en France et possédant le gène Ryd2, ont
été inscrites en 2005, 2013 et 2014 respectivement.
Seuls quelques milliers d’hectares sont cultivés
avec ces variétés car elles ne conviennent pas au
débouché brassicole. Toutefois, une augmentation
du nombre de dépôts de variétés tolérantes en vue
d’une inscription au catalogue français a récemment été constatée.
Quant au gène Ryd3, décrit en 2004, aucune variété
le portant n’a été inscrite à ce jour.
N°444 - Mai 2017
PERSPECTIVES AGRICOLES
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COMPRENDRE
LE PROCESSUS D’INFECTION : sa compréhension est
une étape essentielle pour la sélection
Site infecté
(source de vecteurs virulifères)
Diversité des 1
virus de la JNO
Âge de l’hôte à
Arrivée de pucerons l’inoculation
3
virulifères
Processus infectieux
Inoculation
2
Cycle de vie
d’une orge Semis Levée
Accumulation
virale
4
Dispersion des pucerons
vers de nouveaux sites
Fin de la période
de latence
5
Croissance
Maturité
6
Expression de
symptômes
Récolte
Altération des
caractéristiques
agronomiques
7
Figure 1 : Les étapes du cycle infectieux ciblées par le projet JNOrge.
Très peu d’informations sont disponibles sur les
caractéristiques de ces ressources génétiques
(nature de la résistance et/ou de la tolérance),
comme sur leurs potentiels et leurs limites.
Les paramètres du développement
de la maladie à l’étude
Le projet « JNOrge », partenariat d’Arvalis, du
GEVES, de l’INRA et de trois sélectionneurs d’orge,
se propose donc de caractériser plus finement le
comportement des génotypes d’orge porteurs des
gènes Ryd2, Ryd3 et Ryd2/Ryd3.
Au cours de son cycle de vie (du semis à la
récolte), l’orge subit plusieurs événements de
colonisation par pucerons, d’inoculations virales
et d’infections permettant la production de virus
(processus infectieux) et de pucerons virulifères
responsables de la dispersion de la maladie dans
l’environnement (figure 1).
Il est urgent d’étudier la dynamique des
infections virales et le fonctionnement des
gènes de résistance/tolérance à la JNO en
cours d’introgression dans l’orge. »
d’orge porteuses d’un ou plusieurs gènes Ryd,
dans différents « fonds génétiques » d’orge d’hiver
à 6 rangs et d’orge d’hiver à 2 rangs. En parallèle,
les partenaires du projet vont collecter des échantillons d’orges dans différents sites en France de
manière à évaluer la prévalence respective des
différentes espèces du complexe virale B/CYDV.
Enfin, plusieurs essais sous la forme de microparcelles sont mis en place de manière à évaluer le
potentiel de ces ressources génétiques au champ.
En laboratoire, les mêmes lignées de jeunes
plants sains seront inoculées à l’aide de pucerons
virulifères pour différentes espèces du complexe
B/CYDV. Ces expérimentations fourniront des
informations sur la spécificité des résistances ou
tolérances des variétés face à la diversité des virus
à laquelle les orges peuvent être confrontées.
Les résultats permettront de différencier les
ressources génétiques existantes par leur efficacité et leur robustesse, ainsi que d’appréhender leur mode de fonctionnement – des étapes
indispensables pour décider de l’utilisation de
ces ressources génétiques dans les futures
variétés d’orges.
(1) Le projet bénéficie du soutien du FSOV et se déroule sur la période
2016 – 2019. C’est un partenariat entre Arvalis, le GEVES, l’INRA et
trois sélectionneurs d’orge (Secobra Recherches, Limagrain et
Florimond-Despez). Comité pilotage : Emmanuel Jacquot (INRACirad-SupAgro Montpellier), Amélie Genty (Secobra Recherches),
Valerie Cadot (Geves), Lieven Devlies (Limagrain), Claire Perrot
(Florimond-Despez) et Jean-Baptiste Thibord (Arvalis).
Amélie Genty - [email protected]
Secobra Recherches
Emmanuel Jacquot - [email protected]
INRA
Isabelle Chaillet - [email protected]
ARVALIS-Institut du végétal
© L. Devlies - Limagrain
LES INDISPENSABLES
Parmi tous les paramètres qui régissent le fonctionnement des épidémies de JNO sur orge, le
projet « JNOrge » étudiera plus particulièrement la
diversité des espèces virales présentes en France
et les caractéristiques de l’infection virale : taux
d’infection, effet de l’âge de la plante au moment
de l’inoculation, dynamique d’accumulation virale
et durée requise pour qu’une plante infectée
devienne infectieuse (latence). Simultanément, le
projet décrira les symptômes induits par l’infection
virale et l’impact du virus sur les composantes du
rendement. Ainsi, les partenaires sélectionneurs
mettent à la disposition du projet seize lignées
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Mai 2017 - N°444
PERSPECTIVES AGRICOLES
Depuis plus d’une décennie, l’espèce virale
BYDV-PAV est considérée comme dominant
la JNO en France. Le projet « JNOrge »
évaluera si ce statut est encore justifié.
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