conservés par les souverains perses, qui avaient annexé en 539 av. J.-C le royaume
babylonien.
Cette langue comprenait certes des signes syllabaires, mais aussi de nombreux signes
qualifiés d’indicatifs ou de classificateurs ou de déterminatifs pour donner la valeur générale
du mot suivant ou précédent. Le clou ne désignait plus l’énoncé phonétique du nom d’un
objet, mais l’objet lui-même : ainsi, après le nom propre d’un souverain, se trouvait un seul
signe pour définir sa qualité de roi. Or, dans les inscriptions, on trouve à la fois des signes
qui épèlent syllabiquement et un signe unique et idéographique ce qui permet de retrouver le
contenu phonétique de ces idéogrammes. Cette langue apparentée à l’hébreu, l’arabe et à
d’autres idiomes sémitiques fut appelée assyrien, babylonien puis akkadien. En 1851,
Rawlinson termina la traduction de la troisième colonne et permit ainsi la lecture de tous les
documents découverts. En 1857, le test proposé par la Royal Asiatic Society de Londres
confirma la validité de la méthode.
Dès lors, on se pencha sur le fonctionnement et la constitution de cette écriture akkadienne,
mélangeant idéogrammes et syllabogrammes, grâce à la découverte en 1880 de documents
rédigés entièrement en idéogrammes, vite identifiés comme des mots d’une langue attribuée
aux Sumériens dominant la Mésopotamie et absorbés par les Sémites au tournant du IIIe et
IIe millénaire. C’est Fr. Thureau-Dangin (1872-1944) qui en 1905, dans son ouvrage Les
inscriptions de Sumer et d’Akkad, en propose une traduction cohérente, base des travaux
futurs.
Ceux-ci se firent sur un lot d’archives, c’est-à-dire des collections de tablettes d’argile,
support de l’écriture. La plus ancienne est composée des Tablettes d’Uruk datées de 3200
av. J.-C. (des tablettes sont aussi issues des fouilles entreprises en Akkad et Kish), des
Tablettes de Djemdet nasr (à Kish et Uruk) et enfin des Tablettes d’Ur datées de 2700 av. J.-
C.
Les Tablettes d’Uruk ont été retrouvées dans l’enceinte du grand temple de la ville ce qui
laissa supposer qu’elles évoquaient des mouvements de biens, avec le détail des quantités
par exemple et que l’écriture avait été mise en place pour des raisons économiques. Ce
constat du but utilitaire de l’écriture se confirma dans les autres tablettes et il fallut attendre
2600 av. J.-C. pour voir des usages étendus à d’autres domaines. L’écriture en question fut
d’abord strictement linéaire, c’est-à-dire composée de lignes gravées dans la pierre ou
marquées à la pointe sur une plaque d’argile molle (ensuite cuite ou séchée). Ces tracés
composaient des ensembles simples dont un bon nombre étaient de véritables croquis
d’objets reconnaissables, des signes plus ou moins géométriques…
Dès 2900 av. J.-C., les signes évoluent : le tracé fut imprimé au moyen d’un roseau dont
l’extrémité est taillée en biseau ce qui entraînait une pression plus évasée et donnait un
aspect cunéiforme. Cela conduisit à une stylisation plus poussée : les pictogrammes qui se
référaient à une réalité matérielle qu’ils représentaient, de manière directe ou non, furent peu
à peu remplacés par les idéogrammes, qui renvoyaient à la complexité sémantique de
l’objet. Dans la dernière partie du IIIe millénaire, le matériel graphique fut fixé. Il s’agissait
alors d’une véritable écriture c'est-à-dire un système pour transmettre et fixer tous les
messages ce que confirmèrent les tablettes exhumées à Uruk en 1928-1929 où les signes
étaient répétés, associés à des chiffres traduisant des opérations comptables complexes.
Jean Bottero explicite avec détail dans son ouvrage « Mésopotamie, l’écriture, la raison et
les dieux »
les étapes du phénomène c’est-à-dire comment est-on passé du pictogramme à
l’écriture proprement dite.
Ainsi, les tablettes, comme celles d’Uruk, contenant des pictogrammes sont difficilement
déchiffrables : un pictogramme traduit un objet qu’il dépeint, mais suggère plus qu’il ne
représente. Le pictogramme de la montagne évoque les pays étrangers qui sont délimités en
Mésopotamie par des massifs montagneux et un épi le travail agricole. Cela est lié à
l’impossibilité matérielle de figurer certaines réalités, comme l’agriculture par exemple, ou
des gestes ou encore des mouvements comme se tenir debout, marcher, aller, même si
Jean Bottero « « Mésopotamie, l’écriture, la raison et les dieux », Folio Histoire, avril 2008.