Ce que Gesché appelle la salutarité constitue dès lors la clé pour, si je puis dire, faire parler la 
confession de foi. C’est cette clé que nous voulons mettre en œuvre avec lui dans cette session 
à propos du mot salut qui paradoxalement est peut-être celui des mots de la foi qui parle le 
moins spontanément de salutarité à des oreilles contemporaines. Ainsi s’exprime l’argument 
qui en présente le projet : «Que faire de ce vieux mot de ‘salut’ ? Avec quoi rime-t-il ? Quelle 
espérance  désigne-t-il ?  ‘Être  sauvé’,  est-ce  l’expression  un  peu  vétuste  pour  désigner  ce 
qu’on entend aujourd’hui par ‘réussir sa vie’ ? Le salut a-t-il quelque lien, direct ou lointain, 
au désir qui nous fait vivre et agir ? Comment regarder avec des yeux neufs la réalité du salut 
proposée par le christianisme en tenant compte de la tradition biblique et dogmatique ? » Ce 
principe  de  salutarité  vaut-il  aussi  pour  les  définitions  et  affirmations  dogmatiques ?  Sans 
aucun doute à condition d’une part de bien les situer par rapport à la confession vive de la foi 
et d’autre part de bien voir ce qu’elles visent fondamentalement. Ce seront les deux points de 
mon exposé. 
I. Bien situer le dogme par rapport à la confession de foi 
 
• La  foi  s’exprime  d’abord  dans  une  confession  qui  est  un  acte  de  liberté,  un 
engagement de l’existence, qui fait fond sur une parole à laquelle on donne sa confiance. Le 
modèle de cette confession en ce qui concerne la foi chrétienne, c’est la confession  de Pierre 
à Césarée, confession qui se situe à une charnière de la narration des évangiles synoptiques et 
qui est présente autrement dans le quatrième évangile à la fin du discours sur le pain de vie : 
« Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle. Nous, nous croyons, et 
nous avons reconnu que tu es le Saint de Dieu. » (Jn 6, 68.69) Il ne s’agit pas de l’affirmation 
d’une vérité abstraite, on n’est pas dans le registre du langage constatif, mais dans un langage 
hautement  implicatif  qui  exprime  la  reconnaissance  de  Jésus  comme  Christ,  ce  qui  engage 
l’existence de celui qui reconnaît et confesse. Du reste, il est intéressant de noter que, si d’une 
certaine façon, Pierre sait ce  qu’il dit (Christ est  un mot chargé de  sens dans la  tradition à 
laquelle il  appartient), d’une autre manière,  il va d’emblée manifester  qu’il  est loin d’avoir 
saisi de la sorte l’identité profonde du Christ Jésus. C’est à tel point que Jésus lui déclarera 
très vite après cette juste confession : « Passe derrière moi, Satan ! Tu me fais obstacle, car tes 
pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes ! » (Mt 16, 23). Il est intéressant 
pour notre réflexion sur le dogme de noter ceci qui n’enlève rien à la vérité de l’engagement 
de Pierre lorsqu’il reconnaît Jésus comme Christ. Sa confession est juste et vraie et pourtant il 
n’en a pas saisi la portée. 
Un  autre  type  ou  modèle  de  la  confession  de  foi  chrétienne,  c’est  la  profession  de  foi 
baptismale qui s’enracine dans la foi de la génération apostolique et ouvre au-delà d’elle sur la 
tradition. Significativement, elle est précédée d’une renonciation à une certaine voie qui met 
en  évidence  la  portée  existentielle  d’une  profession  qui  est  nécessairement  conversion, 
retournement de vie. Cette profession baptismale est engagement dans un passage, dans une 
pâque  à  la  suite  du  Christ.  Il  faut  noter  qu’elle  s’exprime  déjà  de  manière  structurée  en 
articulant  la  confession  de  Jésus  comme  Christ  et  Seigneur  avec  la  foi  au  Dieu  unique  et 
créateur et l’espérance de la vie éternelle. 
La confession est le lieu propre où la foi manifeste sa vérité. Rendre possible la confession de 
la foi est aussi le but de tous les modes d’expression de la foi.