29 mars 2006 : clipse totale du Soleil sur quatre continents

Quand l’ombre de la Lune se promène sur Terre
Parfois le soleil disparaît là haut, dans le ciel ; et la nuit tombe momentanément.
Confus, les animaux changent leurs habitudes. D’ailleurs, il n’y a pas si longtemps,
l’homme s’inquiétait des raisons de cette obscurité inattendue. Aujourd’hui, il
peut même prévoir quand et où elle va avoir lieu.
Les protagonistes de cette histoire ont l’habitude de se promener en suivant des
orbites fixes, mais parfois se produisent des rencontres intéressantes. Une
éclipse totale du Soleil, comme celle qui va avoir lieu le 29 mars prochain, est le
résultat du positionnement de la Lune devant le Soleil de manière que, vu depuis
certains lieux à la surface de la Terre, celui-ci soit caché. Surprenant sans
doute, si l’on se rappelle que l’étoile Soleil est 400 fois plus grande que notre
satellite. Sauf que, par le plus grand des hasards, elle est aussi 400 fois plus loin,
de façon à ce que le diamètre apparent des deux astres soit le même.
Il est rare qu’une éclipse visite autant de pays. Celle du 29 mars commence au
Brésil, traverse l’Afrique, l’est de l’Europe (notamment l’île grecque de Meyisti)
et se termine en Asie. Le trajet : 14 500 km en 3 heures et 12 minutes, de
08h36 à 11h48, en temps universel. À Paris, on ne verra, malheureusement, qu’une
éclipse partielle. Sur une carte à petite échelle (fig. 1), la bande de totalité
apparaît comme une ligne étroite d’environ 180 km de large : le chemin parcouru
par l’ombre de notre satellite, qui intercepte la lumière solaire. Si l’on se déplace
autour de cette ombre (fig. 2), on entre dans la zone de pénombre, où une partie
du Soleil échappe au recouvrement de la Lune : l’éclipse est partielle.
Pourquoi les scientifiques traversent la moitié du monde pour aller observer
une éclipse qui ne dure que 3 ou 4 minutes
Rappelons-nous que la photosphère est la surface visible du Soleil, et que la
chromosphère et la couronne constituent son atmosphère. Normalement, la
couronne solaire (fig. 3) est invisible depuis la Terre, parce que la lumière du
Soleil, diffusée par l’atmosphère terrestre, rend le ciel trop brillant. Cette
couronne ne se montre que quand le disque solaire est occulté, soit pendant la
phase totale d’une éclipse, soit à l’aide d’un coronographe, qui le cache
artificiellement, comme sur certains instruments à bord de satellites.
De nombreuses missions spatiales, extrêmement coûteuses, étudient l’astre du
jour et sa couronne : SOHO, Trace, YOHKOH dans le passé et STEREO, SDO,
SOLAR B, CORONAS dans un proche avenir. Toutes ces missions sont appelées à
répondre à de nombreuses questions qui restent pour le moment sans réponses.
Quels sont les mécanismes qui interviennent dans le chauffage de la couronne
solaire ? Quelle est l’origine de la perte de masse du Soleil (vent solaire,
particules énergétiques) ?
Pour progresser sur la connaissance de la couronne solaire, les éclipses sont donc
encore des moments uniques. Ils permettent par exemple de recueillir des
images de la couronne interne, inaccessible avec les coronographes embarqués.
Par ailleurs, le flux lumineux disponible pendant la totalité est très important,
rendant possible l’imagerie à haute résolution sans moyens télescopiques
importants.
Les expériences réalisées au sol pendant une éclipse sont complémentaires de
celles réalisées dans l’espace. C’est aussi pourquoi une équipe de chercheurs de
l’Institut d’astrophysique de Paris, laboratoire mixte du CNRS et de l’Université
Paris6-Pierre et Marie Curie, ira en Égypte, tout à côté de la frontière avec la
Libye, où l´éclipse sera totale et où l’on prévoit un ciel clair. Ils vont réaliser des
expériences d’imagerie et de spectroscopie de la couronne solaire.
Cette équipe, dirigée par Serge Koutchmy, directeur de recherches émérite,
sera accompagnée par plusieurs chercheurs appartenant à d’autres laboratoires
du CNRS, ainsi que par des astronomes amateurs, eux aussi en charge de
quelques expériences.
La disparition de l’astre du jour focalisera, une fois encore, l’intérêt de beaucoup
de gens. Pour en savoir plus sur cette odyssée scientifique, de Paris à As Saloum
en Égypte (fig. 4), on pourra, à partir du mercredi 22 mars 2006, aller visiter le
site Internet de l’Institut d’astrophysique : http://www.iap.fr/.
Figures ci-dessous :
Fig. 1 : Le trajet parcouru par l’ombre de la Lune à la surface de notre
planète
© Patrick Rocher / IMCCE
Fig. 2 : L’ombre de la Lune sur la surface de la Terre, photographiée par
les astronautes de la station Mir pendant l’éclipse totale de soleil du 11
août 1999
© Jean-Pierre Haigneré / CNES
Fig. 3 : la couronne solaire pendant l’éclipse totale de soleil du 21 juin
2001, en Angola
© Jean Mouette / IAP-CNRS-UPMC
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