ALGERIE LITTERATURE / ACTION
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relations bilatérales de plus en plus complexes car un nouvel acteur
intervient et brouille les cartes : les États-Unis. L’Amérique, dont les
intérêts géostratégiques et économiques font depuis longtemps l’allié des
États islamiques, s'accommoderait parfaitement d’une victoire des
intégristes. Il ne faudrait pas que, par surenchère pour défendre son propre
leadership en Algérie, la France verse à son tour dans la compromission
avec les islamistes. Je me permets de rappeler que cette mouvance a déjà
clairement choisi Washington. Je ne suis pas pour autant en train de dire
que Paris doit continuer à soutenir le régime algérien. Je m’étonne au
contraire que la France, républicaine et laïque, tarde à assumer et à soutenir
ses alliés naturels : les démocrates qui résistent en Algérie et refusent toute
alliance avec le “fascislamisme”. Je l’adjure d’entendre ceci : les quelques
voix comme la mienne, qui ont la chance d’être médiatisées, ne sont pas
solitaires. En Algérie, elles sont l’écho d’une société civile en attente. En
France même, elles incarnent les choix avoués de la communauté immigrée.
(…) L’écrasante majorité des Algériens installés en France soutient le projet
démocrate républicain, rejette l’intégrisme et vit l’islam dans la laïcité,
tranquillement.
Je suis laïque, donc je refuse toute manipulation politique de la religion.
L’islam a toujours été utilisé en Algérie pour justifier telle ou telle mesure,
aussi bien par le pouvoir que par une partie de l’opposition. Boumediene a
ainsi légitimé la révolution agraire et la gestion socialiste des entreprises,
entre autres. Chadli, je crois en avoir suffisamment parlé. Pendant
longtemps, le parti communiste a milité pour “l’islam des pauvres”, “l’islam
progressiste”, dans les années soixante-dix et quatre-vingt. Et le FIS... Ce
n’est pas la laïcité qui met en danger l’islam et les croyants, mais tous ces
tripotages pour légitimer les actes d’un pouvoir. Ce travail d’explication ne
doit pas être assumé par les politiques, car ce serait déjà le soumettre à des
enjeux. C’est à la société civile de le faire. Le professeur Stambouli,
islamologue algérien prestigieux, a publié là-dessus des travaux
remarquables. C’est sans doute pourquoi les intégristes l’ont assassiné en
août 1994.
La laïcité est le résultat d’un lent processus historique qui est allé de pair
avec l’émergence de l’individu et du citoyen. Cela ne s’est pas fait sans
crises ni violences. L’Église de France s’est défendue durement. Elle n’a pas
concédé la laïcité, elle a été battue par des hommes et des femmes qui ont
d’abord été minoritaires, avant de convaincre. Pourquoi n’en serait-il pas de
même pour l’Algérie? Pourquoi prétendrait-on que cette laïcité est
impossible dans mon pays, sous prétexte qu’elle n’y apparaît pas d’un coup
de baguette magique? Je suis persuadée que, s’il est difficile de dire que
l’Algérie est une société de citoyens, il est impossible en revanche de
prétendre qu’elle est une communauté de croyants. Le débat ne porte pas sur