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I
La pe´riode gallo-romaine :
e´mergence de Saintes et de Poitiers
Avant la conquête romaine la région du Poitou et des Charentes, comme l’ensemble de la Gaule, est peuplée et active. Les
circonstances ou les nécessités du moment peuvent amener les
habitants à se concentrer dans des villes. Mais l’historien manque
de renseignements précis, soit en raison de la rareté des traces et
de la documentation, soit parce que la vigoureuse urbanisation
romaine s’est superposée en les effaçant souvent à des structures
antérieures moins développées et moins fonctionnelles.
Avant même le début de l’ère chrétienne et à l’échelle de leur
empire, les Romains commencent en effet la mise en place d’un
vaste réseau de cités, particulièrement dense en Gaule entre
Loire, Massif central et Garonne.
La forte urbanisation romaine : pourquoi et comment
À plusieurs reprises durant l’Antiquité de puissantes entités
politiques avaient généré la naissance et le développement parfois
prodigieux de cités nombreuses et imposantes. Les civilisations
mésopotamienne, égyptienne, grecque sont en grande partie
fondées sur la ville. Au début de notre ère l’urbanisation galloromaine se situe dans un cadre original.
L’arrivée des Romains en Poitou et dans les Charentes
Plusieurs années avant la guerre des Gaules et Alésia, les
Romains occupent et pacifient le pays des Santons et des Pictons.
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les villes du poitou-charentes
Ils ont d’autant moins de mal que ces populations redoutaient
une invasion des Helvètes. À une époque de forte expansion
territoriale de l’empire, Jules César s’intéresse à la région pour
ses richesses et aussi parce qu’il voit en elle une base de départ
pour ses expéditions bretonnes contre les Vénètes : les Santons
vont fournir des bateaux aux Romains. Mais en 52 avant JésusChrist ils rejoignent ainsi que les Pictons la vaste coalition des
peuples gaulois révoltés contre l’occupant. De durs combats se
déroulent autour de Lemonum (Poitiers), un temps assiégé par
les Gaulois, tandis qu’environ 12 000 Santons se dirigent vers
Alésia.
Après la défaite de Vercingétorix, les Romains rétablissent sans
difficulté majeure leur autorité sur la Gaule et en particulier sur
les pays situés entre Loire et Gironde. À des peuples meurtris par
leur échec et lassés par les incessantes querelles intestines, ils
apportent en effet la paix et l’ordre, la promesse d’un renouveau
économique. Comme l’atteste entre autres le camp d’Aulnay, qui
va perdurer jusque sous Tibère, au début du premier siècle de
l’ère chrétienne, la présence militaire reste forte. Mais l’enracinement en profondeur de la romanité et son acceptation par les
populations celtes sont en relation avec une organisation générale
du pays nouvelle et prometteuse, où les villes jouent un rôle très
important.
L’ampleur de l’implantation urbaine
Très rapidement le territoire se couvre d’un important réseau
de villes. Elles sont aménagées sur l’emplacement de bourgades
gauloises ou à leur proximité immédiate, parfois sont entièrement
nouvelles. Certaines atteignent une dimension inconnue jusque là
et brillent par leur allure et leur richesse. Quels sont les éléments
d’explication ?
Les fouilles et recherches diverses montrent la densité de l’occupation romaine entre Loire et Gironde. Elle s’explique par la
diversité des ressources, en particulier agricoles, de pays aisés à
parcourir en raison d’un relief le plus souvent apaisé. La modération du climat joue aussi un rôle, comme la position de trait
d’union entre l’ensemble de l’Aquitaine d’une part, le bassin
parisien et les pays armoricains de l’autre. L’existence d’une
façade maritime présente par ailleurs un réel intérêt.
Les Romains étaient de grands bâtisseurs. La naissance d’une
constellation de cités, bien reliées les unes aux autres, correspond
à plusieurs préoccupations. Dotée d’une garnison, la ville doit
permettre d’assurer alentour l’ordre et la sécurité. Elle autorise
aussi la mise en place d’une administration efficace. À ce sujet la
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nouvelle organisation territoriale respecte l’autonomie des deux
peuples santon et picton, qui constituent chacun une civitas, à la
fois entité territoriale et communauté de population. Mediolanum
(Saintes) et Lemonum (Poitiers) en sont les chefs-lieux : cette
fonction va beaucoup stimuler leur essor, d’autant plus que les
Romains favorisent leur accès aux Gaulois, attirés par les belles
perspectives du négoce et le développement de relations avec les
divers responsables romains... Lorsque la province d’Aquitaine
qui couvre l’ensemble du sud-ouest de la Gaule est créée, c’est
Saintes puis Poitiers, bien avant Bordeaux qui en deviennent
successivement la capitale. Leur rayonnement augmente alors
considérablement.
En raison de la densité de la vie de relation, les villes galloromaines se développent souvent là où le franchissement des
cours d’eau est aisé. La Vienne, le Clain, le Thouet, la Sèvre, la
Charente, des rivières moins importantes sont jalonnées d’unités
urbaines qui contrôlent des ponts ou parfois de simples gués.
Dans le même temps, les impératifs de sécurité ont conduit au
choix, quand c’était possible dans des pays peu accidentés, de
sites faciles à défendre : les oppidums de Poitiers, Angoulême,
Pons ou Saintes sont des exemples probants. Pourtant, dans la
mesure où la présence romaine va garantir longtemps la paix et la
tranquillité, les cités nouvelles ne s’entourent pas systématiquement de remparts, au moins avant le Bas-Empire, et donc peuvent s’étaler dans l’espace.
Comme dans tout l’empire, l’organisation urbaine est marquée
par une floraison de structures et de monuments souvent imposants. À Saintes et à Poitiers en particulier, forum, temples, palais,
amphithéâtre, voirie largement dimensionnée, sont censés représenter la toute puissance romaine, impressionner et séduire les
populations locales. Sans qu’elle soit forcément voulue, la naissance de différents quartiers est en relation avec l’ampleur et la
diversité des fonctions de la cité. Parmi celles-ci, la régulation de
la circulation des hommes et des marchandises, dans l’organisation de cette partie de l’empire, est essentielle.
Les voies romaines dans la région
Le développement des villes et celui des voies romaines est en
étroite corrélation. L’épanouissement des cités exige en effet une
desserte routière de qualité, tandis que la rencontre des axes de
circulation génère des carrefours dont l’importance stimule l’activité urbaine. Si souvent les itinéraires romains reprennent le
tracé de chemins tracés par les Celtes, ils sont parfois nouveaux,
comme les trois routes voulues par Agrippa, gendre de l’empereur
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les villes du poitou-charentes
NANTES
ANGERS
Lhoumeau
POITIERS
TOURS
Muron
Fouras
Bourges
Tonnay-Charente
St-Jeand’Ange¤ ly
IΠle Madame
Aulnay
St-Savinien
Le Chapus
EŁcoyeux
Taillebourg
Saintes
Royan
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(Talmont)
Ge¤ mozac
LIMOGES
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Cognac
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Pons
PEŁRIGUEUX
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LYON
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St-Cierssur-Gironde
CAHORS
BLAYE
BORDEAUX
COUTRAS
0
20 km
Voie romaine certaine
ou a' peu pre' s certaine
Voie romaine probable
ou hypothe¤ tique
Les voies romaines dans la région.
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Auguste, qui divergent depuis Lugdunum (Lyon). L’une d’elles,
d’orientation est-ouest, atteint les Charentes et Mediolanum.
La qualité de ces voies est remarquable, comme l’attestent les
nombreux vestiges qui subsistent. C’est qu’à l’échelle de l’immense empire leur rôle est essentiel, en fait triple : elles doivent
permettre le déplacement aisé des légions. À cet intérêt militaire
s’ajoute une fonction politique et administrative : la bonne circulation des responsables au plus haut niveau, des fonctionnaires,
du courrier, garantit l’homogénéité du fonctionnement de la
machine impériale. Enfin les routes permettent l’essor et la diversification de l’économie.
Dans le Poitou et les Charentes leur réseau va pouvoir facilement se développer, en raison de l’extrême modération du relief.
Comme ailleurs les tracés sont le plus souvent rectilignes ; aux
vallées fréquemment sinueuses et inondables sont préférés les
plateaux et les plaines. Ainsi aucun axe majeur ne suit le cours
même de la Charente.
Si d’autres villes comme Poitiers bénéficient d’une desserte
satisfaisante, si plusieurs nœuds routiers émergent, c’est Saintes
qui s’avère le carrefour le plus important, l’un des plus actifs de la
Gaule. De tous les horizons de la Saintonge convergent vers
Mediolanum une douzaine de route, dont certaines ont une
vocation interrégionale, comme la voie d’Agrippa vers Lyon,
déjà citée, ou les axes qui s’élancent vers Poitiers et Tours, Périgueux ou Bordeaux. Il n’est donc guère surprenant que la capitale
des Santons soit longtemps, à l’époque romaine, la première des
villes entre Loire et Gironde.
Mediolanum : une des principales cités
de la Gaule romaine
Toutes les sources, tous les témoignages, comme celui du
grand poète latin Ausone, le montrent : Saintes, active et peuplée,
est l’une des principales villes de la Gaule romanisée et exerce
dans l’espace un rayonnement considérable. Dans le paysage
urbain actuel et dans le magnifique musée archéologique les
indices concordants abondent.
La naissance et l’essor
Le géographe Strabon, qui termine sa vie au début du premier
siècle de notre ère, est l’un de ceux qui permettent d’éclairer
les conditions de l’éclosion et du rapide développement de
Mediolanum.
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les villes du poitou-charentes
Voie repe¤re¤ e
Ne¤ cropole
Four de potier
Rempart du Bas-Empire
Ch
are
nte
Limite approximative de la ville
Thermes
St-Vivien
(Cours National)
Amphithe¤ atre
(R.V.-Hugo)
(C. R
e¤ver
seau
x)
Le Clousi
Forum
Providence
(Av. Gambetta)
0
Mediolanum Santonum.
Via
Arc de Agrippa
Triomphe
250 m
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Avant l’occupation romaine, il est probable ou possible que sur
le site ait existé une cité celte, dont il ne reste rien aujourd’hui. La
ville nouvelle surgit entre 40 et 20 avant Jésus-Christ. Les nouveaux maîtres apprécient d’emblée les avantages de la situation et
du site. En effet, au cœur du pays des Santons, depuis Mediolanum il est possible de rayonner aisément vers la Bretagne, les pays
de la Loire et du centre du bassin parisien, les régions rhodaniennes et le centre de l’Aquitaine. D’autre part la Charente est navigable, tandis que son franchissement bénéficie de l’appui des
collines qui surplombent la rivière sur la rive gauche et constituent potentiellement un oppidum. Que l’autre rive, plate, inondable et marécageuse soit inhospitalière n’est pas un handicap,
car la sécurité de la cité en direction de l’est est ainsi assurée...
Dans ces conditions très rapidement la ville, établie sur la rive
gauche et dotée d’un pont, devient un carrefour routier de premier ordre, centre d’une étoile très fournie de voies nouvelles.
Alors que son économie est stimulée, sa montée en puissance se
traduit dans le domaine administratif par sa confirmation comme
chef-lieu de la région des Santons, puis sa désignation comme
capitale de fait de l’immense Aquitaine, au détriment de Burdigala (Bordeaux). Ce rôle dominant dans le grand sud-ouest,
Mediolanum va l’exercer jusque vers l’an 159, moment où Lemonum (Poitiers), semble prendre le relais.
Pendant un siècle et demi, la cité joue donc dans la Gaule
romaine un rôle directeur, avec entre autres Lugdunum (Lyon) à
laquelle elle est directement reliée. Les infrastructures et la vie
urbaine sont à la mesure de cette fonction.
L’organisation urbaine générale
Les estimations concernant la population totale de l’agglomération gallo-romaine à son apogée, au premier siècle de notre ère,
sont incertaines et divergentes. Le chiffre de 10 000 habitants, qui
revient souvent, est vraisemblable : pour l’époque il correspond à
une ville de très grande taille, qui devait occuper une superficie de
l’ordre de 130 hectares.
Elle s’étale exclusivement sur la rive gauche de la Charente, sur
des pentes qui la mettent à l’abri des divagations du fleuve et
offrent des possibilités de défense. En fait la « pax romana » rend
longtemps inutile l’érection de remparts, d’où une large extension
en surface, vers l’ouest : les infrastructures et constructions de
Mediolanum occupaient vraisemblablement une centaine d’hectares. Au-delà de l’escarpement qui domine la rivière le relief n’est
que mollement ondulé, marqué par quelques vallons dont celui
qui, au sud-ouest, va accueillir l’amphithéâtre.
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les villes du poitou-charentes
Très peu de traces subsistent du réseau de rues. Il ne semble
pas qu’il ait bénéficié d’un plan d’ensemble. Pourtant un tracé
des voies en damier peut être relevé, par exemple sur le plateau de
Saint-Vivien. L’axe principal était sans doute le prolongement, à
l’emplacement de l’actuelle rue Victor-Hugo, de la via Agrippa
venant de Lyon et empruntant l’unique pont : c’est la grande voie
décumane, qui se poursuivait à l’ouest de la cité après sa rencontre avec un important axe méridien qui suivait l’actuel cours
Reverseaux. Elle était tracée à une centaine de mètres environ
au sud du grand axe d’aujourd’hui, constitué par le cours National. La place principale, le forum, devait se situer non loin du
carrefour des actuels cours National, Lemercier et Reverseaux.
Dans l’ensemble de l’agglomération l’habitat n’est pas homogène. Vers la périphérie, surtout au nord et à l’ouest, s’étalent des
quartiers artisanaux, où travaillent entre autres des potiers.
Réelle, l’activité portuaire se trouve concentrée vers l’extrémité
nord de l’actuel quai de l’Yser. Les maisons sont modestes, simples cases d’une à trois pièces le plus souvent, aux murs d’argile et
de bois, aux toits de chaume. Vers le centre de la cité, autour du
forum, se retrouvent l’aristocratie romaine, les fonctionnaires, les
riches commerçants, des notables santons. Les constructions,
souvent des hôtels particuliers, sont beaucoup plus ambitieuses,
en pierre, organisées autour de l’atrium.
De beaux et imposants monuments
Comme dans l’ensemble des cités romaines importantes, au
premier siècle de notre ère les monuments foisonnent. S’ils correspondent parfois à des préoccupations fonctionnelles, ils sont
censés aussi et surtout représenter la puissance et la splendeur de
Rome.
L’arc dit de Germanicus, bien conservé, se dresse de nos jours
au centre de la place Bassompierre, sur la rive droite de la Charente. En fait il a été érigé soit à l’entrée soit vers le milieu du pont
romain où aboutissait la voie venant de Lyon. Lors de la destruction de l’ouvrage, il a été sauvé par Prosper Mérimée, responsable
des Monuments historiques, démonté puis reconstruit pierre par
pierre à proximité, sur la terre ferme, entre 1843 et 1851. Plutôt
qu’un arc de triomphe proprement dit c’est un arc votif, offert par
Caius Julius Rufus, notable santon devenu citoyen romain, pour
sans doute célébrer l’achèvement de la grande voie d’Agrippa
traversant les Gaules. Une inscription le dédie à l’empereur
Tibère et à ses fils Drusus et Germanicus, ce qui explique
l’appellation traditionnelle du monument. D’une hauteur de
13 mètres, large de 15 mètres, il se compose, cas assez rare, de
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