ECL AIRAGE ......................................................................................................................................................................... Ces prêtres venus d’ailleurs… La présence en Suisse romande de prêtres diocésains venus d’ailleurs est devenue une réalité de plus en plus visible dans le paysage romand de notre Eglise. Cette présence intéresse, elle interpelle aussi les fidèles, et pas toujours de manière positive. ....................................................................................................................................................... C’ est depuis 1980 que la présence en Suisse des prêtres venus d’ailleurs ou migrants – expressions qu’il faut préférer à celle de prêtres étrangers car il n’y a pas d’étrangers dans l’Eglise – a été plus marquée que par le passé, qui a toujours connu la présence, souvent pour des raisons d’études ou pour rejoindre des communautés religieuses installées en Suisse, de religieux ou de prêtres provenant d’un autre pays. Actuellement, dans le diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg, près du tiers des prêtres présents sur le diocèse sont des prêtres venus d’ailleurs que de nos cantons. Si la présence de ces prêtres s’inscrit d’abord dans le cadre des flux migratoires que connaît notre planète et ses continents, puis dans le fait que de nombreux prêtres sont venus étudier chez nous et qu’ils ont demandé ensuite à pouvoir y effectuer un ministère avec l’autorisation de leur évêque, il faut aussi relever que l’Eglise encourage – notamment depuis l’encyclique de Pie XII de 1957 Fidei Donum – le don ou l’échange réciproque de prêtres. Pratiqué au XIXe siècle du nord vers le sud, de l’Europe vers l’Afrique, cet élan missionnaire s’est inversé au XXe siècle : de nombreux pays européens sont devenus des terres de mission et de plus en plus de prêtres, notamment d’Afrique, sont venus y exercer leur sacerdoce. Ce phénomène s’est naturellement accéléré avec la Témoignage d’un prêtre venu d’ailleurs… « Ma nomination en 1993 comme curé du Châtelard et de Grangette par Mgr Pierre Mamie, m’avait permis d’exercer mes ministères dans la campagne fribourgeoise. C’était un baptême du feu ! Il a fallu donner du sien, faire le premier pas. Je conçois que pour la population, il n’était pas évident qu’un missionnaire noir s’y installe. On s’observait. C’est pourquoi il fallait impérativement m’intéresser aux gens, aider dans les fermes, dans les épiceries, à la laiterie d’en haut et d’en bas, au bistrot même, jouer au foot avec le syndic, voire avec les élèves. C’est également la raison pour laquelle j’ai choisi mon logement en dessus de l’école et non pas à la cure, à mon avis trop isolée. Depuis 2006, je suis curé-doyen et modérateur de l’UP Notre-Dame de la Brillaz. Les mêmes raisons évoquées précédemment ont toujours permis mon insertion à tel point que les médias font écho de mon activité missionnaire. De fait, je me considère comme missionnaire, car fruit de la mission. La mission est universelle et elle est un rendez-vous " du donner et du recevoir ". Ma présence dans l’Eglise en Suisse constitue un lien, un échange, une reconnaissance aussi. C’est la preuve que l’Afrique peut également donner et partager. Je me dis profondément Congolais et Africain, mais tout à la fois très bien intégré en Suisse. » Abbé Modeste diminution du nombre de prêtres originaires de ces pays. Pour faire face à la pénurie, on a fait appel aux services de prêtres venus d’ailleurs. P. Razzo / Ciric Un prêtre polonais et un prêtre africain concélébrant la messe. DR .............................................................................................. Questions Certains prêtres ou laïcs trouvent d’ailleurs qu’accueillir des prêtres « étrangers » de plus en plus nombreux est un moyen d’éviter de se poser les vraies questions liées à la pénurie des prêtres dans notre pays comme dans certaines pays d’Europe, sauf exception. Une autre question que soulève cet accueil : faut-il dépouiller les jeunes Eglises, en particulier celles du continent africain, pour combler les vides géographiques de la présence de l’Eglise à Lausanne, Genève, Fribourg, Sion et Bâle ? Des remarques parfois désobligeantes sont aussi faites sur les motivations des accueillis et des accueillants. Intégration parfois problématique « Ils sont bien gentils, ces prêtres vietnamiens ! Mais on ne comprend rien lorsqu’ils parlent à l’église et ils ne s’intègrent pas vraiment à notre com- munauté, préférant rester entre eux et avec leurs compatriotes qui ont d’ailleurs envahi l’église. Et puis, le nôtre, il veut tout commander, même aux laïcs engagés », déclare Anne-Gisèle *, paroissienne romande. Il est vrai que certains prêtres, même en ayant bénéficié de cours complémentaires de français, sur demande des vicariats épiscopaux qui sont sensibles à cette dimension linguistique, ont parfois encore de la peine à bien se faire comprendre des fidèles. L’intégration de ces prêtres peut aussi être problématique : les différences culturelles sont parfois grandes entre l’Asie et l’Europe, entre Hanoï et Goumoëns-la-Ville… Leur vision de l’Eglise peut être trop cléricale et pas assez synodale. La dimension œcuménique n’est pas vécue de la même manière dans les cantons de Neuchâtel ou de Vaud qu’en Pologne. Des efforts de part et d’autre doivent être faits. Ils passent aussi par un travail de sensibilisation afin que la paroisse ou l’Unité pastorale d’accueil se familiarise avec la culture du prêtre. Le Conseil épiscopal du diocèse de Lausanne, Genève ............................................................................................................................................................................. 08 PAROISSES VIVANTES I octobre 2013 ECL AIRAGE Virginia Castro / Ciric P. Razzo / Ciric ......................................................................................................................................................................... Consécration d’une église dans le quartier chinois de Paris. et Fribourg a adopté en 1996 un texte intitulé « Accueil d’un prêtre venant de l’étranger en vue d’un ministère prolongé dans le diocèse LGF » qui, fondé sur le principe d’un enrichissement réciproque, prévoit plusieurs critères à respecter afin que l’insertion se passe au mieux. Mais, en pratique, beaucoup d’occasions de friction et d’incompréhension subsistent. Faute de temps, il n’est pas toujours possible de faire suivre aux prêtres un cours d’intégration. Partant, afin de les sensibiliser aux réalités romandes et suisses, Migratio, service qui travaille sur mandat de la Conférence des Evêques suisses en tant qu’organe de conseils et exécutif dans toutes les questions liées aux migrants, a une offre dans ce domaine. Position difficile A côté de cela, il y a aussi de nombreuses réactions positives qui viennent des communautés chrétiennes qui apprécient, après un temps Fraternité par-delà les frontières. « En France, les prêtres étrangers tombent un peu de haut » .............................................................................................. « Depuis le début des années 2000, on peut parler d’arrivée massive de prêtres étrangers. Tous les diocèses en font venir. Vu le nombre, il a fallu s’organiser, créer par exemple des sessions de bienvenue, sorte de décryptage de notre société individualiste pour ces prêtres que tout, chez nous, désoriente. Le choc peut être rude. Il y a le climat, la nourriture, mais c’est surtout notre façon de vivre, et notamment notre laïcité, qui peut les perturber. Chez eux, la foi et la vie publique sont bien plus impliquées. Les prêtres sont des personnalités reconnues, respectées. Ce sont des notables, donc ils sont très entourés. Ils n’ont jamais connu la solitude. En France, il faut reconnaître qu’ils tombent un peu de haut. » Père Jean Forgeat, responsable de la cellule d’accueil des prêtres étrangers à la Conférence des Evêques de France d’adaptation réciproque, la jeunesse, le dynamisme, la nouveauté dans la forme de transmission du message apporté par ces frères et sœurs venus d’autres continents ou pays. « J’apprécie beaucoup notre nouveau curé, qui La situation chiffrée dans le diocèse de Sion .............................................................................................. Au 1er septembre 2013, dans la pastorale de la partie francophone du diocèse de Sion, sont engagés au total 76 prêtres (dont 41 diocésains de Sion et 27 religieux, essentiellement du Saint-Bernard et de Saint-Maurice). 8 prêtres viennent de l’étranger : 3 prêtres séculiers de la République démocratique du Congo (dont un qui est également de nationalité belge), 3 prêtres séculiers de Pologne, 1 prêtre religieux de Chine, 1 prêtre séculier de Belgique. Dans la partie de langue allemande, sur 45 prêtres (dont 30 prêtres diocésains et 2 religieux), 13 proviennent de l’étranger : 5 prêtres séculiers de Pologne, 3 prêtres séculiers du Nigeria, 3 prêtres religieux de l’Inde, 1 prêtre religieux des Pays-Bas, 1 prêtre séculier d’Allemagne. est originaire de l’Europe de l’Est : il est vraiment à notre écoute, sympa et bien dans ses baskets et dans sa peau », déclare avec flamme cette présidente de paroisse fribourgeoise. Don réciproque ou incompréhension mutuelle ? La position des prêtres venus d’ailleurs est difficile. Lors de la session LGF des prêtres venus d’ailleurs du 5 au 7 avril 2011 à Montbarry, l’un deux a dit : « C’est un rendez-vous du donner-recevoir et c’est une expérience qui demande un grand exercice d’humilité et de vérité sur soi. » Sachons, comme chrétiens, frères et sœurs d’un même Père, accueillir la foi de ceux qui peuvent renouveler et fortifier la nôtre en vivant avec eux une véritable solidarité, celle de l’Eglise Famille de Dieu : « J’étais étranger, tu m’as accueilli ». Laurent Passer Source : Vicariat général de l’Evêché de Sion. * prénom d’emprunt ............................................................................................................................................................................. PAROISSES VIVANTES I octobre 2013 09