PAROISSES VIVANTES I OCTOBRE 2013
08
.............................................................................................................................................................................
La présence en Suisse romande de prêtres diocésains venus d’ailleurs est devenue une
réalité de plus en plus visible dans le paysage romand de notre Eglise. Cette présence inté-
resse, elle interpelle aussi les fidèles, et pas toujours de manière positive.
.......................................................................................................................................................
Ces prêtres venus d’ailleurs…
C’est depuis 1980 que la pré-
sence en Suisse des prêtres
venus d’ailleurs ou migrants – ex-
pressions qu’il faut préférer à celle
de prêtres étrangers car il n’y a pas
d’étrangers dans l’Eglise – a été plus
marquée que par le passé, qui a tou-
jours connu la présence, souvent pour
des raisons d’études ou pour rejoindre
des communautés religieuses ins-
tallées en Suisse, de religieux ou de
prêtres provenant d’un autre pays.
Actuellement, dans le diocèse de Lau-
sanne, Genève et Fribourg, près du
tiers des prêtres présents sur le dio-
cèse sont des prêtres venus d’ailleurs
que de nos cantons.
Si la présence de ces prêtres s’ins-
crit d’abord dans le cadre des flux
migratoires que connaît notre planète
et ses continents, puis dans le fait que
de nombreux prêtres sont venus étu-
dier chez nous et qu’ils ont demandé
ensuite à pouvoir y effectuer un minis-
tère avec l’autorisation de leur évêque,
il faut aussi relever que l’Eglise encou-
rage – notamment depuis l’encyclique
de Pie XII de 1957 Fidei Donum – le don
ou l’échange réciproque de prêtres.
Pratiqué au XIXe siècle du nord vers
le sud, de l’Europe vers l’Afrique, cet
élan missionnaire s’est inversé au
XXe siècle : de nombreux pays euro-
péens sont devenus des terres de
mission et de plus en plus de prêtres,
notamment d’Afrique, sont venus y
exercer leur sacerdoce. Ce phénomène
s’est naturellement accéléré avec la
diminution du nombre de prêtres ori-
ginaires de ces pays. Pour faire face à
la pénurie, on a fait appel aux services
de prêtres venus d’ailleurs.
Questions
Certains prêtres ou laïcs trouvent
d’ailleurs qu’accueillir des prêtres
« étrangers » de plus en plus nombreux
est un moyen d’éviter de se poser les
vraies questions liées à la pénurie
des prêtres dans notre pays comme
dans certaines pays d’Europe, sauf
exception. Une autre question que
soulève cet accueil : faut-il dépouiller
les jeunes Eglises, en particulier celles
du continent africain, pour combler les
vides géographiques de la présence de
l’Eglise à Lausanne, Genève, Fribourg,
Sion et Bâle ? Des remarques parfois
désobligeantes sont aussi faites sur
les motivations des accueillis et des
accueillants.
Intégration parfois problématique
« Ils sont bien gentils, ces prêtres
vietnamiens ! Mais on ne comprend
rien lorsqu’ils parlent à l’église et ils ne
s’intègrent pas vraiment à notre com-
munauté, préférant rester entre eux et
avec leurs compatriotes qui ont d’ail-
leurs envahi l’église. Et puis, le nôtre, il
veut tout commander, même aux laïcs
engagés », déclare Anne-Gisèle *, pa-
roissienne romande. Il est vrai que cer-
tains prêtres, même en ayant bénéficié
de cours complémentaires de français,
sur demande des vicariats épiscopaux
qui sont sensibles à cette dimension
linguistique, ont parfois encore de la
peine à bien se faire comprendre des fi-
dèles. L’intégration de ces prêtres peut
aussi être problématique : les diffé-
rences culturelles sont parfois grandes
entre l’Asie et l’Europe, entre Hanoï
et Goumoëns-la-Ville… Leur vision de
l’Eglise peut être trop cléricale et pas
assez synodale. La dimension œcumé-
nique n’est pas vécue de la même ma-
nière dans les cantons de Neuchâtel
ou de Vaud qu’en Pologne. Des efforts
de part et d’autre doivent être faits. Ils
passent aussi par un travail de sensibi-
lisation afin que la paroisse ou l’Unité
pastorale d’accueil se familiarise avec
la culture du prêtre. Le Conseil épisco-
pal du diocèse de Lausanne, Genève
.........................................................................................................................................................................
ECLAIRAGE
Témoignage d’un prêtre venu d’ailleurs…
..............................................................................................
« Ma nomination en 1993 comme curé du Châtelard et de
Grangette par Mgr Pierre Mamie, m’avait permis d’exercer
mes ministères dans la campagne fribourgeoise. C’était un
baptême du feu ! Il a fallu donner du sien, faire le premier pas.
Je conçois que pour la population, il n’était pas évident qu’un
missionnaire noir s’y installe. On s’observait. C’est pourquoi il
fallait impérativement m’intéresser aux gens, aider dans les
fermes, dans les épiceries, à la laiterie d’en haut et d’en bas, au bistrot même,
jouer au foot avec le syndic, voire avec les élèves. C’est également la raison
pour laquelle j’ai choisi mon logement en dessus de l’école et non pas à la
cure, à mon avis trop isolée. Depuis 2006, je suis curé-doyen et modérateur de
l’UP Notre-Dame de la Brillaz. Les mêmes raisons évoquées précédemment
ont toujours permis mon insertion à tel point que les médias font écho de
mon activité missionnaire. De fait, je me considère comme missionnaire, car
fruit de la mission. La mission est universelle et elle est un rendez-vous " du
donner et du recevoir ".
Ma présence dans l’Eglise en Suisse constitue un lien, un échange, une
reconnaissance aussi. C’est la preuve que l’Afrique peut également donner
et partager. Je me dis profondément Congolais et Africain, mais tout à la fois
très bien intégré en Suisse. » Abbé Modeste
P. Razzo / Ciric
Un prêtre polonais et un prêtre africain concélébrant la
messe.
DR