Il n`y a pas de complot - Université de Sherbrooke

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SAMEDI
8
JANVIER
2005
D É B AT PA RT I C I P E P R É S E N T
«Il n’y a pas de complot »
L’intellectuel Nemer Ramadan déplore
les « fausses idées » sur les tribunaux
islamiques au Canada
LOUIS-GUY LEMIEUX
[email protected]
■ « Il n’y a pas de complot pour imposer la loi islamique aux Canadiens. Ce qui se passe en Ontario est simple et transparent : un groupe
de musulmans, réunis autour de l’Institut islamique de justice civile
(IIJC), souhaite profiter de l’actuelle loi ontarienne qui permet déjà
aux catholiques et aux juifs d’appliquer les préceptes de leur religion
dans les litiges familiaux. »
Nemer H. N. Ramadan est un intellectuel musulman d’origine libanaise. Il
vit au Québec depuis 14 ans. Il termine un doctorat en sciences politiques
à l’Université du Québec à Montréal. Il
est citoyen canadien.
Les arguments de ceux qui s’opposent souvent émotivement et parfois furieusement au rapport de l’ancienne
ministre ontarienne Marion Boyd, qui
recommande à l’Ontario d’accepter les
tribunaux d’arbitrage islamiques en
matière familiale, ont choqué Nemer
Ramadan. Profondément. Tellement
qu’il a pris sa meilleure plume pour répondre de façon musclée dans les pages du Devoir aux opposants au rapport Boyd. Les réponses des lecteurs
ont montré que le sujet touche une corde sensible.
Tout ce débat et les arguments de
M. Ramadan ont alerté les organisa-
teurs de la série de débats Participe
présent, présentée chaque mois au Musée de la civilisation en collaboration
avec LE SOLEIL, la radio de Radio-Canada, l’Université Laval et la librairie
Pantoute. Lundi, Nemer Ramadan sera
invité, avec d’autres, à répondre essentiellement à deux questions :
1- Nos institutions doivent-elles tenir
compte des préceptes de l’islam ?
2- Les 600 000 musulmans du Canada devraient-ils pouvoir se gouverner selon la loi de l’islam, en matière
familiale ?
Le jeune citoyen canadien d’origine
libanaise n’en revient pas des fausses
idées que ce débat permet de véhiculer, dans les journaux québécois en
particulier.
Pour lui, les mots « islamistes » et
« islamisme » prêtent à confusion dans
l’opinion publique. « La vérité de l’is-
lam, dit-il en entrevue, c’est une immense majorité de musulmans et une
petite minorité d’intégristes ou d’extrémistes », style talibans ou style terroristes, dit-il.
Il met en garde les Québécois contre la
tentative de certains ennemis des Arabes de diaboliser tout l’Islam et tout le
monde musulman sans discernement.
Il cite l’écrivain français Thierry
Hentsch et son livre L’Orient imaginaire (éditions de Minuit, 1988) : « Le
sentiment antiarabe et antimusulman
représente une des plus fortes répulsions irraisonnées de l’Occident
contemporain... L’Arabe et le musulman
ont en quelque sorte remplacé le juif...»
Pour avoir l’heure juste, Nemer Ramadan suggère de lire ce qui est pour
lui l’ouvrage de base, la référence sur
le sujet, publié à la fin des années 60 et
traduit en français en 1992. Le titre:
Islam et Occident. L’auteur: Norman
Daniel.
L’intellectuel musulman qui vit et
travaille à Québec suggère aussi de
consulter deux sites Internet musulmans où, dit-il, on retrouve une pluralité d’opinions provenant notamment
des cinq écoles juridiques que compte
l’islam: www.muslim-canada.org et
www.islamonline.net (les deux sites
sont en anglais).
Nemer Ramadan n’accepte pas l’idée
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LE SOLEIL, PATRICE LAROCHE
Le Libanais d’origine Nemer Ramadan sera parmi les invités au débat Participe
présent qui se tiendra lundi au Musée de la civilisation.
de son homonyme genevois et agitateur
de mosquées en Europe Tariq Ramadan (sans aucun lien de parenté), à l’effet que « l’Islam et l’Occident chrétien
sont en lutte pour un leadership planétaire» et que tout commence par un «Islam politique et européen.»
Pour Nemer Ramadan, il n’y a qu’un
seul Islam. Il n’est ni religieux, ni politique. La question de la séparation des
Églises et de l’État n’existe pas. Et
tout serait beaucoup plus simple si les
Occidentaux comprenaient une fois
pour toutes que « dans la vision islamique, l’Islam est un système complet en
soi, en ce sens qu’il englobe la vie politique, économique, juridique et culturelle de la société ».
Le doctorant en sciences politiques
croit qu’un discours haineux antimusulman a faussé en Occident l’image
de l’Islam et en particulier des États
musulmans qui appliquent la loi canonique islamique ou charia.
« Certains Occidentaux, dit-il, croient
encore que le mot charia signifie lapi1667732
dation en public des femmes adultères
et mutilation sur la place publique des
voleurs. Ces pratiques sont d’un autre
âge et n’ont jamais été aussi courantes
qu’on a pu le dire. »
M. Ramadan admet que la charia
permet la polygamie, mais il précise
que rien n’est aussi simple. « La polygamie, précise-t-il, n’est pas et n’a jamais été très répandue dans l’Islam.
Les cas de polygamie sont toujours
des cas exceptionnels. »
Quant au droit du mari de « corriger
sa femme en cas de désobéissance », il
explique qu’il faut tenir compte de
l’esprit du message coranique. « Il
s’agit, dit-il, d’une image allégorique
qu’on comprend mieux en consultant
le texte original ».
Nemer Ramadan aime bien citer
une enquête américaine réalisée auprès de femmes qui ont quitté la religion catholique ou protestante pour
se marier à un musulman et adopter
la religion de leur mari. Une majorité de ces femmes disent avoir trouvé
plus d’authenticité, de pureté, dans
le message original islamique que
dans le message chrétien qu’elles
qualifient de « dilué ».
L’intellectuel musulman fait aussi remarquer, pour revenir au rapport Boyd,
que « ce n’est pas un hasard si les femmes musulmanes sont celles qui réclament le plus l’application équilibrée de
la charia dans les pays musulmans.»
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