Quentin Ludwig, avec la collaboration de Cyril-Igor Grigorieff Comprendre l’islam © Groupe Eyrolles, 2004 ISBN 2-7081-3510-4 Comprendre l’islam Le sunnisme Le monde musulman est composé de dizaines de sectes différentes (le mot secte n’a, ici, aucun sens péjoratif ). Les deux sectes les plus importantes étant les sunnites (près de 85% du monde musulman) et les chiites (10 % des musulmans). Les sunnites représentent les héritiers de la première communauté musulmane dont se sont séparés les chiites et les autres sectes. Ils incarnent donc (pour autant que cela ait un sens dans le monde musulman) l’orthodoxie musulmane, une certaine tradition religieuse et doctrinale. Le sunnisme est la « norme » Les écoles juridiques Du point de vue historique, le premier gouvernement exclusivement sunnite est celui des Omeyyades. Du point de vue terminologique, les sunnites doivent leur nom à la Sunna, la Tradition du Prophète car leur foi se base sur le Coran et la Sunna (ils sont ahl al-sunna wa-l-jamâa : « partisans de la Sunna et de l’union communautaire »). Lorsqu’on parle de l’islam, c’est généralement à l’islam majoritaire que l’on fait allusion, donc à l’islam sunnite. Pour ce qui concerne les dogmes, il n’existe pas de réelles différences entre les diverses sectes musulmanes. C’est essentiellement au niveau de l’interprétation de la loi et des coutumes que les différences se manifestent (voir l’article consacré au chiisme). Rappelons cependant que, contrairement au chiisme, le sunnisme n’a pas connu véritablement de chismes. Les différentes interprétations possibles n’ont pas donné lieu à des sectes mais seulement à quatre écoles juridiques, ayant toute le même statut. Ces écoles juridiques sunnites sont nommées — d’après le nom de leur fondateur — le malikisme, le hanafisme, le chaféisme et le hanbalisme (ou traditionalisme). Chacune de ces écoles interprète le droit à sa manière et toutes les quatre jouissent d’une même estime. Néanmoins, chacune des écoles juridiques possède son champ géographique d’application. Ainsi, le hanbalisme est surtout actif en Arabie Saoudite (voir l’article consacré à l’islamisme). 188 Les écoles théologiques Parallèlement aux écoles juridiques (fiqh), des écoles théologiques (kalâm) se constituèrent durant les premiers siècles de l’islam. Ces écoles de théologie spéculative (qui portent un discours sur Dieu, sa nature, ses attributs) n’eurent jamais l’importance des écoles juridiques. Les © Eyrolles Pratique Dans cet ouvrage, nous avons constamment fait référence au sunnisme, considéré comme la norme. Il n’est donc pas nécessaire de lui consacrer un article important car il est présent dans la totalité de cet ouvrage (par contre, lorsqu’il existe — pour une coutume, une prière, une école juridique, etc. — des particularités chiites, elles sont toujours signalées). Acharisme Vers le deuxième siècle de l’islam, un théologien mutazilite fonde une école qui se situe entre le traditionalisme et le mutazilisme. Cette école théologique définit ainsi la nature et les attributs de Dieu — position qui est maintenant celle de tous les sunnites : • les attributs divins (les Beaux noms de Dieu) existent mais on ne peut les expliquer (il y a un risque d’anthropomorphisme à tenter de les expliquer) ; • l’homme possède un libre arbitre, mais les actes humains sont prédéterminés par Dieu ; • la création est continue (création du monde, Adam, Ève, les Prophètes). principales écoles théologiques sont : le traditionalisme (le respect littéral des textes), le mutazilisme (ou l’islam rationnel), le maturidisme (proche du mutazilisme), l’acharisme (ou néo-traditionalisme) et le réformisme (tendance moderne aussi désignée comme salafisme — voir l’article consacré à l’islamisme). π Certaines sectes ou confréries sont difficilement classables. En effet, où placer les soufis, les alévis, les bahaïs (ou béhaïs)? Selon les auteurs, on leur colle l’étiquette de sunnites (s’ils ne sont pas trop « mystiques) ou de chiites (s’ils semblent s’écarter par trop de l’orthodoxie) ou encore celle de nouvelles religions. Polémique © Eyrolles Pratique X Pour ce qui concerne les écoles théologiques, le sunnisme a adopté majoritairement les thèses de l’acharisme. On est donc en droit de dire que l’islam (du Xe siècle à aujourd’hui) est majoritairement sunnite acharite. π π Les sunnites hanbalistes refusent d’ac- corder le moindre intérêt aux écoles théologiques (kâlam) car ils estiment que Dieu est tel qu’il S’est décrit. Il est répréhensible d’en discuter et il y a un vrai danger d’en discuter avec ses adversaires car on risque d’accepter certaines de leurs thèses ou d’arriver ainsi à un compromis. 189