Septembre 2014 p. 5 Astro-Notes
Rosetta et la comète 67P
Par Hugues Lacombe
Un méchant voyage! Dix ans depuis que la
sonde spatiale Rosetta a quitté la Terre et la
voici qui tourne autour de la comète 67P
Churyumov-Gerasimenko depuis le mois
d'août. Elle va l'accompagner alors que la
comète plonge vers le Soleil et le contourne
en août 2015, et elle va également y poser
un atterrisseur. Des sondes ont déjà survolé
des comètes mais c'est la toute première
fois qu'une sonde s'installe à demeure. Du
jamais vu!
Dans les années 50 l'astronome américain
Fred Whipple avait émis l'hypothèse que les
comètes étaient "des boules de neige
sales". Cette image a tenu la route jusqu'à
tout récemment. Ces dernières années,
plusieurs sondes ont survolé diverses
comètes et l'on sait maintenant que c'est le
contraire. Les comètes sont essentiellement
rocheuses. Elles emprisonnent des gaz
volatiles qui s'échappent quand elles se rap-
prochent du Soleil et que celui-ci les
réchauffe.
Rosetta devrait nous en apprendre beau-
coup sur les comètes, ces corps célestes qui
tournent autour du Soleil et qui, surtout, sont
composés de matériaux primitifs qui exis-
taient lors de la formation du système
solaire. C'est là que réside l'intérêt de cette
mission. Elle devrait nous aider à mieux
comprendre le milieu dans lequel se sont
formés le Soleil et les planètes, y compris
notre bonne vieille Terre que les comètes
ont peut-être ensemencé d'eau et de
matière propice à la vie. Ce sont pour l'in-
stant des hypothèses et des mystères que
Rosetta va contribuer à élucider.
L'Agence spatiale européenne (ESA) est
aux commandes de cette mission. Elle en a
approuvé le concept en 1993 et a lancé
Rosetta en 2004. Pour conserver du carbu-
rant pour les nombreuses manœuvres que
Rosetta avait à faire au cours de sa mission,
l'ESA a choisi de lui faire profiter de la
poussée gravitationnelle de la Terre (trois
fois) et de Mars (une fois). Rosetta a fait
cinq fois le tour du Soleil avant de se rendre
à destination. En chemin, Rosetta a survolé
les astéroïdes Steins et Lutetia.
La comète 67P est sur une orbite elliptique
qui va au-delà de l'orbite de Jupiter à son
point le plus éloigné, et entre les orbites de
Mars et de la Terre à son plus près du Soleil.
Elle met 6,5 années à compléter une orbite.
Pendant 957 jours l'ESA a mis Rosetta
en hibernation pour préserver son car-
burant. On l'a réveillée en janvier,
pour qu'elle applique les freins et se
prépare pour son important rendez-
vous. Celui-ci s'est effectué alors que
la comète 67P était environ à mi-
chemin entre les orbites de Mars et de
Jupiter. Elle fonçait alors à une vitesse
de 55 000 km/h vers le Soleil. C'est
dire la complexité de la manœuvre de
rendez-vous.
À l'arrivée, une surprise nous
attendait. Rosetta a trouvé une
comète qui semblait composée de
deux corps joints l'un à l'autre. Ils se
sont possiblement soudés ensemble
lors d'une collision à basse vitesse.
Rosetta s'est d'abord installée sur une
orbite située à environ 100 km au-
dessus de la comète, avant de
descendre à quelque 50 km.
Éventuellement les scientifiques
espèrent placer Rosetta dans une
orbite circulaire à quelque 20 km au-
dessus de la surface.
La comète 67P Churyumov-
Gerasimenko fait quelque 4 km de
long. Sa forme n'est pas sphérique.
Elle présente deux lobes dont une tête
plus petite, jointe au corps principal
par une sorte de cou. La tête est
striée de lignes parallèles qui ressem-
blent à des falaises. Sur le cou on
peut voir de grosses pierres. Le corps,
lui, présente une surface variée, faite
de pics et de vallées, de régions
planes et d'autres, plus enchevêtrées.
Au cours des prochains mois, ça va
être du sport! Plus la comète va s'ap-
procher du Soleil, plus elle va dégazer,
c'est-à-dire qu'elle va perdre du gaz et
de la poussière qui vont s'échapper de
sa surface et former un beau halo et
de longues chevelures que l'on
observera de la Terre. C'est le Soleil
qui en est la cause. Plus il réchauffera
la comète, plus les glaces quelle con-
tient vont se sublimer, c'est-à-dire
qu'elles passeront directement de l'é-
tat solide à l'état gazeux, entraînant
dans leur sillage de la poussière
enfouie dans les différentes glaces
(eau, dioxyde de carbone, etc.).
Les programmes scientifiques sont en
cours. Les premières mesures en
août donnaient des températures de
surface de l'ordre de -70°C, trop
chaudes pour que la comète soit
recouverte de glaces. Cette tempéra-
ture était plutôt une indication que la
surface est sombre et recouverte de
poussière.
L'étude des variations quotidiennes de
la température à la surface, à divers
endroits de la comète, permettra de
mesurer la vitesse à laquelle la sur-
face réagit à l'accroissement du rayon-
nement solaire. Cela permettra de
cerner d'autres paramètres du sol de
la comète tels sa conductivité ther-
mique, sa densité et sa porosité en
surface
Ces informations permettront de
choisir un endroit optimal pour poser
l'atterrisseur Philae. Le site retenu
devait être connu à la mi-septembre.
Philae devrait se poser sur la comète
le 11 novembre. Comme la force de
gravité est faible sur la comète, l'atter-
risseur devra s'agripper à la surface
pour rester bien en place.
Philae va recueillir des échantillons de
la surface de la comète et les analyser.
L'atterrisseur va également étudier
l'intérieur de la comète, en mesurant
des ondes radio qui vont traverser le
corps même de la comète, un peu
comme des rayons X permettent d'é-
tudier l'intérieur du corps humain.
Puis quand la comète 67P sera à son
périhélie, elle laissera s'échapper de
plus en plus de gaz et de poussière, et
Philae sera aux premières loges pour
nous en dévoiler la composition et les
secrets. À suivre!
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Rosetta