
Saphirnews : Dans votre ouvrage « Économie et finance en islam »**, vous
dites que la doctrine islamique en économie et en finance est à la fois
d’essence spirituelle et d’esprit social. Expliquez-nous…
Abderrahmane Lahlou : Je peux dire que la doctrine économique islamique est d’essence
spirituelle, sous format temporel. Les actes économiques sont à vocation d’adoration et de
dévotion. Deux illustrations peuvent en être faites.
Abderrahmane Lahlou.
La propriété des biens revient non pas à l’être humain, mais à Dieu. L’homme en est
dépositaire et usufruitier, et transmet ces pouvoirs à ses ayants droit. En aucun cas, l’homme
ne dispose du droit de détruire un bien ou une valeur. Il est dans une posture mentale et
comportementale où il a conscience permanente que les biens qu’il gère en lieutenance
obéissent à des lois telles que la préservation, la fructification et le partage.
En second lieu, de nombreux actes et attitudes économiques liés aux transactions du marché
ou à l’investissement sont présentés dans la vision islamique comme étant des actes de piété,
rétribués dans l’au-delà, sans que cela enlève leur portée économique. Bien au contraire, les
finalités de l’équité, de la solidarité et de la création de valeur sont recherchées à travers les
actes de piété, de repentance.
De même, les actes de corruption, de spéculation, d’abus de biens d’autrui sont freinés par
l’attitude individuelle de précaution au regard du courroux divin et par l’application des
sanctions légales de la part des autorités.
Et qu’en est-il de l’esprit social ?
Abderrahmane Lahlou : D’un autre côté, la doctrine économique islamique est de
profondeur sociale. En même temps qu’elle encourage l’effort individuel et la jouissance
personnelle des richesses, d’une part, elle promeut toutes formes de transactions et de
partage des facteurs de production qui assurent l’équité et, d’autre part, elle garantit par la
force de la loi uneredistribution minimale au profit de la communauté la plus proche comme
acte rituel obligatoire.
Un autre aspect social que l’on retrouve dans la doctrine islamique porte sur le droit des
populations salariées à un traitement équitable sur les salaires et les retraites, et digne sur les
conditions de travail. De même, la répartition des rôles entre épargnants et investisseurs, par
le truchement des banques islamiques participatives, fait des épargnants des contributeurs à
la prospérité économique, non de simples détenteurs de ressources exploitées par les
banques.