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I) De quelle philosophie parlons-nous ?
1) Est-il possible de faire de la philosophie à l’école
primaire ?
La philosophie est une discipline difficile et exigeante, on le sait en
observant les problèmes auxquels sont confrontés les élèves de Terminale.
Comment peut-on envisager d’enseigner à des élèves de primaire ce qui pose
tant de difficultés à des élèves de 17 ans ? Les enfants ne sont-ils pas trop
jeunes pour parler de la vie, de l’amour, de la mort ? Ont-ils les capacités
intellectuelles, les connaissances requises, l’expérience suffisante, la maturité
psychique pour aborder ces problèmes ?
Autant de questions et de résistances qui s’expriment autour de nous
lorsque l’on parle de faire philosopher des enfants.
¾ La question de leur âge fait partie des plus récurrentes, ainsi que
celle de leur maturité psychique et intellectuelle. Ainsi, Piaget a défini
plusieurs stades que tous les enfants franchiraient successivement et sans
exception, et il a plus précisément avancé que les enfants ne pouvaient
accéder au raisonnement qu’à partir du stade formel, situé approximativement
au début de l’adolescence. Ceci signifie que selon Piaget, la raison doit venir à
son moment dans l’évolution de l’enfant et qu’on ne peut pas brûler les étapes.
Pourtant, comme Karl Jaspers le fait remarquer, dans Introduction à la
philosophie, les enfants posent très tôt des questions profondément
philosophiques. Ils ont envie de philosopher. Leur aptitude à raisonner se
manifeste dans la portée existentielle, métaphysique,.. de leurs questions. Par
exemple, on peut entendre un enfant demander « Pourquoi existe-t-on ? » ou
bien « Où va-t-on quand on est mort ? », ou encore « Pourquoi doit-on
apprendre ? ». « La philosophie se nourrit de l’étonnement et l’enfant, par
excellence, possède cette faculté » (Les Cahiers Pédagogiques, 2000, n°386).
Mais, ils semblent perdre cette capacité en vieillissant probablement car ils
n’ont pas été éveillés au questionnement.
¾ Ensuite, de nombreuses objections concernent la nature trop
abstraite du sujet pour de si petits enfants. Dans Faire de la philosophie à
l’école élémentaire, Anne Lalanne explique que philosopher c’est abstraire
puisqu’il s’agit de dégager une généralité à partir de notions pour tenter
d’établir une universalité. Comment l’enfant, n’étant encore sensible qu’au
particulier et au quotidien, en serait-il capable ?
L’enfant est plus sensible au concret, il est vrai, mais cela ne signifie
pas qu’il soit totalement incapable d’abstraction. D’ailleurs, on peut constater
que le langage, manipulé très tôt par l’enfant, nécessite une certaine faculté
d’abstraction et de symbolisation. De la même manière, on confronte nos
enfants dès la maternelle aux concepts mathématiques qui sont par essence