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Quand Rome se cherchait de nouveaux alliés: les accords de
coopération militaire négociés à l'initiative des Romains sur le théâtre
des opérations (IVe-IIIe s. av. n.è.)
SÁNCHEZ, Pierre
Abstract
The Romans sometimes took it upon themselves to request the military cooperation of new
allies : in a position of weakness while negotiating, they had to make concessions and bring
immediate benefits to their future partners in order to win the case. These agreements were
negotiated in the field of military operations, with or without the authorization of the Senate, by
magistrates or legates who took significant risks to reach their goals. Some of these
agreements were ratified in Rome by the Senate and the people, and they sometimes created
strong and lasting bonds between the two partners. It also happened that Rome failed in its
attempts, or that the new allies turned out to be unreliable in the long run, but the Romans
were partly responsible for these failures.
Reference
SÁNCHEZ, Pierre. Quand Rome se cherchait de nouveaux alliés: les accords de coopération
militaire négociés à l’initiative des Romains sur le théâtre des opérations (IVe-IIIe s. av. n.è.).
Ktèma, 2016, vol. 41, p. 165-190
Available at:
http://archive-ouverte.unige.ch/unige:90020
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Isocrate
Cinzia Bearzot
Annie Hourcade
Christian Bouchet
Pierre Pontier
Isocrate et Phères : Jason et ses successeurs..................................................................................5
Isocrate, la médecine et la philosophie..........................................................................................17
Isocrate l’Athénien ou Isocrate d’Apollonia. Les affaires cariennes..........................................29
Isocrate et Xénophon, de l’éloge de Gryllos à l’éloge du roi :
échos, concordances et discordances.............................................................................................43
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Varia Isocratea...................................................................................................................................87
Maddalena VallozzaL’Éloge d’Hélène d’Isocrate en tant que texte d’école...................................................................109
Diplomatie
Francesca Gazzano
Alberto Pérez Rubio Pierre Sánchez
Luis Silva Reneses
José Antonio Martínez Morcillo
Clara Berrendonner
Enrique García Riaza
Denis Álávarez Pérez-Sostoa
Dominique Lenfant
Marie Augier Philippe Akar Michel BLONSKI Robert PARKER
Jean Ducat
Jean DUCAT
Giovanni Parmeggiani
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Celebrity diplomacy? Poeti e attori nelle ambascerie delle città greche....................................123
Sur les premiers contacts diplomatiques entre la Keltiké
et les États méditerranéens : la genèse d’un droit de la guerre...................................................141
Quand Rome se cherchait de nouveaux alliés : les accords de coopération militaire
négociés à l’initiative des Romains sur le théâtre des opérations (IVe-IIIe siècles av. n.è.).....165
Embajadas, rendiciones y tratados: los traslados de ligures
apuanos y lusitanos (s. II a. C.).......................................................................................................191
La diplomatie dans les contextes de deditio en Grèce (200-167 av. J.-C.)................................211
Le nerf de la guerre ? Les clauses financières des accords diplomatiques conclus
par les responsables publics romains sur les théâtres d’opération militaires
à l’époque républicaine.....................................................................................................................223
Une institution politique dans le contexte de l’impérialisme romain :
les conuentus omnium sociorum dans les références hispaniques de Tite-Live.......................243
Conoce a tus enemigos: Julio César y los tréveros en vísperas de la expedición britana.......263
Le rôle de la proxénie dans les relations diplomatiques entre Grecs et Perses........................275
La souillure et le genre dans le monde méditerranéen antique
La souillure et le genre dans le monde méditerranéen antique.................................................291
Le thème de la bouche souillée par le sexe oral à la fin
de la République romaine et au début de l’Empire......................................................................301
La femme romaine est-elle impure ? Impurus : étude de cas......................................................311
Souillure et malheur en Maionie....................................................................................................323
Varia
Platon, « Petite histoire de la constitution spartiate », Lois III, 691d-692c...............................331
La conspiration de Cinadon (Xénophon, Helléniques, III, 3, 4-11)..........................................343
Homeric Overtones and Comic Devices
in Theopompus’ Criticism of Philip’s Companions....................................................................393
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KTÈMA
CIVILISATIONS DE L’ORIENT, DE LA GRÈCE ET DE ROME ANTIQUES
Revue annuelle
Fondateurs : Edmond FRézOULS †
Edmond LéVy
Comité Directeur : Dominique BEyER, Bruno BLECKMANN, Jean‑François BOMMELAER,
Frédéric COLIN, Mireille CORBIER, Gérard FREyBURGER, Jean GASCOU, Jean‑Georges HEINTz,
Michel HUMBERT, Anne JACQUEMIN, Stavros Lazaris, Dominique LENFANT, Edmond LéVy,
Jean‑Claude MARGUERON, Henriette PAVIS d’ESCURAC, Laurent PERNOT, Thierry PETIT,
Gérard SIEBERT
Rédaction :Edmond LéVy
Dominique BEyER et Gérard Freyburger
Maquette et mise en page : Ersie LERIA
Éditeur
Presses universitaires de Strasbourg
5 allée du Général Rouvillois – CS50008
FR-67083 Strasbourg Cedex
Tél : (33) 03 68 85 62 65
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ISSN 0221-5896
ISBN 978-2-86820-943-6
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Quand Rome se cherchait de nouveaux alliés :
les accords de coopération militaire négociés à l’initiative des
Romains sur le théâtre des opérations (IVe-IIIe siècles av. n.è.)
Résumé–. Les Romains ont parfois pris l’initiative de solliciter la coopération militaire de nouveaux alliés :
en position de faiblesse lors des négociations, ils devaient faire des concessions et procurer des avantages
immédiats à leurs futurs partenaires afin d’obtenir gain de cause. Ces accords ont été négociés sur le théâtre
des opérations militaires, avec ou sans l’autorisation du Sénat, par des magistrats ou des légats qui ont pris des
risques importants pour parvenir à leurs fins. Certains de ces accords ont été ratifiés à Rome par le Sénat et
le peuple, et ils ont parfois créé des liens forts et durables entre les deux parties. Il est arrivé aussi que Rome
échoue dans ses tentatives, ou que les nouveaux alliés se révèlent peu fiables à terme, mais les Romains portent
une part de responsabilité dans ces échecs.
Abstract–. The Romans sometimes took it upon themselves to request the military cooperation of new
allies : in a position of weakness while negotiating, they had to make concessions and bring immediate benefits
to their future partners in order to win the case. These agreements were negotiated in the field of military
operations, with or without the authorization of the Senate, by magistrates or legates who took significant
risks to reach their goals. Some of these agreements were ratified in Rome by the Senate and the people, and
they sometimes created strong and lasting bonds between the two partners. It also happened that Rome failed
in its attempts, or that the new allies turned out to be unreliable in the long run, but the Romans were partly
responsible for these failures.
Dans le cadre de ce colloque consacré aux « ambassadeurs qui ne sont pas allés à Rome »1, il
m’a paru intéressant d’examiner de quelle façon se déroulaient les négociations lorsque c’étaient les
Romains qui prenaient l’initiative de solliciter la coopération militaire d’un roi, d’une cité ou d’un
peuple situés hors de leur zone d’influence et à un moment où eux-mêmes étaient confrontés à des
difficultés. Les épisodes de ce type ne sont pas très nombreux dans nos sources : les auteurs antiques
semblent en effet considérer que, par principe, les Romains n’entraient pas en négociation tant
qu’ils n’étaient pas en position de dicter eux-mêmes les conditions à leurs partenaires2. De même,
ces auteurs estiment que ce sont presque toujours les communautés partenaires qui, par choix ou
par nécessité, sont venues se placer sous la protection de Rome et rechercher son alliance : « notre
peuple », affirme Cicéron, « s’est déjà emparé de toute la terre en défendant ses alliés »3.
(1) En écho au titre de l’article de Linderski 1995 (« Ambassadors go to Rome »).
(2) Cf. la récente mise au point de Stouder 2015, p. 43-63.
(3) Cic. rep. 3.35 F 3 (noster autem populus sociis defendendis terrarum iam omnium potitus est).
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La réalité est évidemment plus complexe et l’on connaît quelques épisodes qui entrent dans le
cadre défini ci-dessus. J’ai limité mon enquête à cinq ambassades ou missions diplomatiques bien
documentées qui sont toutes antérieures à la fin du IIIe siècle et qui ont, de surcroît, débouché sur
des résultats très différents les uns des autres. Il s’agit a) de la mission du frère du consul Fabius
Maximus Rullianus auprès du Sénat de Camerinum d’Ombrie en 3104 ; b) de l’ambassade de Fabius
(Maximus Verrucosus ou Buteo) et de ses collègues en Espagne et en Gaule en 2185 ; c) de la mission
de trois centurions envoyés par les frères Scipions auprès du roi Syphax de Numidie en 2136 ;
d) de l’ambassade de M. Valerius Laevinus auprès des Étoliens en 212 ou en 2117 ; e) de la visite de
P. Cornelius Scipio à Syphax en 2068. Si la deuxième décade de Tite-Live était conservée, on y aurait
peut-être trouvé d’autres épisodes de même nature9.
I. Questions historiographiques
Le récit de Tite-Live, qui est notre source principale pour ces cinq ambassades, présente des
qualités littéraires évidentes : les épisodes sont traités de façon très vivante et parfois romancée ;
certains contiennent des éléments héroïques et des indications ethnographiques ou géographiques
qui ont pour principale fonction de susciter l’intérêt du lecteur. Par exemple, l’historien raconte
qu’en 310, l’un des frères de Fabius Maximus Rullianus aurait été choisi pour une mission périlleuse
consistant à traverser incognito la terrifiante forêt Ciminienne parce qu’il parlait l’étrusque, et que
c’est déguisé en paysan et accompagné d’un seul esclave qu’il serait parvenu en Ombrie10. De même,
Fabius et ses collègues auraient été très mal reçus par les peuples d’Espagne et de Gaule en 218 ; ils
auraient été particulièrement effrayés par les Gaulois, qui avaient coutume de venir en armes aux
(4) Je conserve le nom de la cité et la date du traité donnés par Tite-Live ; cf. Harris 1971, p. 49-61 ; Bradley 2000,
p. 107-109 ; De Cazanove 2001, p. 181-182 ; Oakley 2005, p. 473 ; Sisani 2007, p. 36-37. Quelques savants, relevant le fait
que Camerinum était fort éloignée du théâtre des opérations de l’année 310, ont supposé que Tite-Live avait confondu le
2e et le 5e consulat de Fabius Maximus Rullianus et que l’épisode devait être rattaché à la campagne de Sentinum en 295
(Beloch 1926, p. 443 ; Hantos 1983, p. 171, n. 61) ; d’autres ont supposé qu’il avait confondu les Camertes de Camerinum
avec Camars, l’autre nom de la cité étrusque de Clusium (Liv. 10.25.11 ; Cornell 1995, p. 355 et 466 n. 31 ; cf. Oakley 2005,
p. 460, n. 2 pour d’autres références).
(5) Il subsiste des doutes sur l’identité du chef de cette ambassade. Tite-Live (21.18.1) l’appelle Quintus Fabius, ce qui
renvoie au célèbre Q. Fabius Maximus Verrucosus, dit aussi Cunctator. En revanche, Dion Cassius (13 F 55.10 ; Zon. 8.22)
le nomme Fabius Marcus : soit il s’agit d’une erreur de copiste pour Fabius Maximus, soit il faut identifier le personnage à
M. Fabius Buteo, consul en 245. Cf. Broughton 1951, p. 239 ; Huss 1989, p. 294, n. 3, avec d’autres références. La question
est ici secondaire.
(6) Avec Eckstein 1987, p. 204-205 et d’autres, je considère cet épisode comme historique, de même que l’ambassade
envoyée au Sénat par le roi en 210. Des doutes ont été exprimés notamment par Gsell 1928, p. 181-183 ; Lazenby 1978,
p. 129 ; Richardson 1986, p. 39-40.
(7) Tite-Live place l’épisode en 211, mais cette date est contestée par certains Modernes. Cf. Klaffenbach 1954, p. 4
et n. 3 avec d’autres références ; Lehmann 1967, p. 10-50 et 362-365 (automne 212) ; McDonald 1956 (printemps 211) ;
Badian 1958, p. 197-203 (automne 211). Le débat n’est pas encore clos. Cf. Rich 1984, p. 155-157 ; Dany 1999, p. 153 ;
Dreyer 2002, p. 33, n. 2.
(8) J’ai laissé de côté les accords passés par Scipion avec Massinissa la même année pour la seule raison que l’initiative est
apparemment venue du prince numide, mais le dossier est fort intéressant et nous aurons l’occasion de l’évoquer au passage.
(9) Je songe en particulier à l’ambassade romaine qui déboucha sur la conclusion d’une alliance avec les Cénomans et les
Vénètes en 226/5, dans le contexte de l’invasion des Gésates en Italie. Polybe (2.23.3 : διαπρεσβευσαμένων Ῥωμαίων) résume
l’affaire en quelques mots, mais Tite-Live avait peut-être donné davantage de détails sur le déroulement des négociations.
(10) Liv. 9.36.1-8 ; cf. aussi Flor. 1.12.3-4 ; Front. Strat. 1.2.2. Quant à Diodore (20.35.1-4), il ne dit mot de l’ambassade
à Camerinum, mais son témoignage est important pour la compréhension globale de la campagne militaire de 310. Cf. infra,
n. 33.
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assemblées populaires et qui leur auraient ri au nez en découvrant les objectifs de leur mission11. En
206 enfin, Scipion semble avoir pris des risques considérables en se rendant avec deux vaisseaux en
Afrique, laissant derrière lui une Espagne à peine soumise à l’autorité romaine : il aurait failli être
capturé par les navires d’Hasdrubal en arrivant chez Syphax et il aurait essuyé une forte tempête
sur le chemin du retour. Ces deux épisodes tumultueux encadrent le récit du fameux banquet qui
réunit Hasdrubal et Scipion chez Syphax et durant lequel le Carthaginois aurait été, de son propre
aveu, fortement impressionné par le charisme et la détermination de Scipion12.
Il est légitime de s’interroger sur l’origine de ces informations, dont la véracité a parfois été
mise en doute par les Modernes. Quelques éléments ont manifestement été introduits par Tite-Live
lui-même : cela ne fait aucun doute, par exemple, lorsqu’il compare la terreur qu’inspirait la forêt
Ciminienne du temps des guerres contre les Étrusques à celle qu’éprouvaient les armées romaines
en s’aventurant dans les forêts de Germanie sous le principat d’Auguste13. Pour le reste, Tite-Live
paraît dépendre de sources proches, sinon des événements eux-mêmes, du moins des principaux
acteurs de ces événements. Le dossier retenu est trop mince pour que l’on puisse en tirer une règle
absolue, mais on peut néanmoins relever que toutes ces ambassades ont été accomplies par des
personnages fort célèbres appartenant à des gentes dont sont issus certains des historiens utilisés
directement ou indirectement par Tite-Live14 : Fabius Maximus Rullianus, cinq fois consul entre
322 et 295, dictateur en 315 et censeur en 304, ainsi que son arrière-petit-fils Fabius Maximus
Verrucosus, lui aussi cinq fois consul entre 233 et 209, censeur en 230 et deux fois dictateur en
221 et 217, appartiennent à la grande famille des Fabii Maximi, dont on admet généralement
que les exploits ont été chantés par Fabius Pictor, issu d’une branche parallèle de la gens Fabia15.
M. Fabius Buteo, si c’est plutôt lui qui dirigeait l’ambassade de 218, appartient à la même gens et il
est à peine moins célèbre : consul en 245 et censeur en 241, il fut nommé dictateur afin de présider
les comices après la bataille de Cannes en 216. La famille des Cornelii Scipiones a elle aussi produit
un historien en la personne de P. Cornelius Scipion, le fils de l’Africain, et c’est un fait bien connu
que Polybe – qui est l’une des sources principales de Tite-Live – a fréquenté le Cercle des Scipions.
Il a notamment eu l’occasion de recueillir des informations directement de la bouche de C. Laelius,
qui a accompagné son ami Scipion durant toute sa carrière16. Quant à Valerius Laevinus, deux fois
préteur et deux fois consul entre 228 et 210, et commandant de la flotte en Grèce entre 215/4 et
210, il était de la même gens que Valerius Antias, une autre source importante de Tite-Live pour la
période considérée17.
Nombre de détails figurant dans le récit de l’historien – notamment les plus romanesques et
les plus anecdotiques – pourraient ainsi avoir été transmis à Fabius Pictor, à Polybe ou au jeune
Scipion par les membres de ces ambassades eux-mêmes, ou provenir des récits hagiographiques
(11) Liv. 21.19.6-20.7, notamment 21.20.1.
(12) Liv. 28.17.11-16 et 28.18.1-12. Cf. aussi Pol. 11.24a4 ; Zon 9.10 ; App. Iber. 29.115-30.119 ; Lib. 10.38 ; Sil. Pun.
16.170-276. Ce dernier a élaboré un récit haut en couleurs à partir des informations plus sobres qu’il a trouvées chez les
historiens, et il a placé cet épisode après l’alliance conclue entre Scipion et Massinissa en Espagne (Pun. 16.135-169).
(13) Liv. 9.36.1 et 6. Cf. aussi Flor. 1.12.3. Sur les exagérations de Tite-Live à ce sujet, cf. Oakley 2005, p. 457 n. 4, avec
d’autres références.
(14) Sur les sources utilisées par Tite-Live pour ces différents épisodes et de manière plus générale, cf. Scullard 1970,
p. 25-27 ; Oakley 2005, p. 458 n. 3 et 467 ; Levene 2010, p. 126-163 ; Von Ungern-Sternberg 2015 ; Eckstein 2015 (Fabius
Pictor, Polybe, Coelius Antipater, Valerius Antias, etc.).
(15) Wycke-Lecocq 1986 [non uidi]. Pour une approche différente de la place des Fabii dans l’historiographie romaine
et une remise en question de l’importance du rôle de Fabius Pictor dans l’élaboration de la tradition sur cette gens, cf.
Richardson 2012 et 2015.
(16) Pol. 10.3.2 ; Scullard 1970, p. 16-25. Pour l’élaboration de la tradition sur les Scipions, cf. maintenant
Torregaray Pagola 1998 & 2002.
(17) Leidig 1994.
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qui circulaient sous la forme de carmina conuiualia, de laudationes ou d’elogia18. Par analogie
avec le monde grec, on peut supposer que les récits d’ambassades ont constitué des morceaux de
choix pour vanter les mérites des grands hommes, au même titre que les récits de bataille et les
triomphes19. Certaines de ces productions ont été consignées dans les archives privées des grandes
familles auxquelles les historiens issus des différentes gentes avaient sans doute accès ; d’autres ont
circulé dans le public cultivé20. Il n’est donc pas étonnant de trouver chez Tite-Live un débat sur
l’identité du frère de Fabius Rullianus envoyé en mission à travers la forêt Ciminienne – il reflète
peut-être des rivalités internes au clan des Fabii –, ainsi qu’une anecdote sur l’apprentissage de
l’étrusque par les fils de bonne famille au IVe siècle. De même, les informations relatives aux mœurs
brutales et au manque de respect des Gaulois à l’égard des ambassadeurs romains en 218 pourraient
avoir été rapportées de vive voix à Fabius Pictor par son parent. Quant au récit détaillé de l’arrivée
mouvementée de Scipion en Afrique et de son entrevue avec Hasdrubal chez Syphax, il dépend sans
doute de la version transmise par Laelius à Polybe.
Il convient de s’arrêter également sur la question de la valeur documentaire des propos que TiteLive prête aux différents acteurs des négociations : l’historien moderne voudrait idéalement pouvoir
faire fond sur les paroles attribuées aux uns et aux autres pour interpréter au plus près les tenants et
les aboutissants des débats, mais il convient d’être extrêmement prudent : certains éléments dérivent
assurément des propos qui ont été effectivement tenus ou, plus correctement, ils sont inspirés par le
résultat concret des négociations, qui était évidemment connu. Cela dit, Tite-Live a aussi introduit
dans les discours des considérations personnelles sur les relations entre Rome et ses alliés qui
sont peu compatibles avec les conditions dans lesquelles se sont déroulées ces ambassades et dont
certaines sont clairement anachroniques. Par exemple, il paraît peu probable que les sénateurs de
Camerinum aient déclaré que « la jeunesse de la cité se tiendrait en armes prête à obéir aux ordres
(du consul) »21 : Fabius Maximus Rullianus sollicitait l’aide de la cité contre les Étrusques et il n’était
pas en position de donner des ordres à ses nouveaux alliés comme le feront systématiquement
les imperatores au IIe siècle. De même, il n’est pas vraisemblable que son descendant Fabius et
ses collègues aient mis en avant « la gloire et la valeur du peuple romain, ainsi que la grandeur de
l’empire » pour persuader les Gaulois de ne pas laisser Hannibal traverser leurs territoires dans sa
marche vers l’Italie22. On peut également douter que les chefs espagnols et gaulois aient invoqué
uniquement le sort de Sagonte, abandonnée par ses alliés romains, ou les mauvais traitements
infligés aux Gaulois de la plaine du Pô, pour justifier leur refus de coopérer avec Rome23 : une
telle solidarité entre les communautés de la péninsule ibérique ou du groupe celtique paraît peu
compatible avec la manière brutale dont ces populations se comportaient parfois les unes avec les
autres. Quant à Syphax et aux Étoliens, ils ne se sont sans doute pas laissés convaincre uniquement
par de vagues promesses et des lieux communs sur les grands bienfaits dont les Romains savaient
récompenser leurs fidèles alliés. En particulier, l’allusion de Valerius Laevinus à l’octroi de la
(18) Pol. 6.53.1-54.2 ; Cato, Orig. F 118 Peter = 7 F 13 Chassignet = F 113 Cornell ; Cic. Brut. 62 & 75 ; Dion. Hal.
5.17.3 ; Liv. 8.40.3-5 ; Plut. Public. 9.10 ; Crawford 1941, p. 17-27 ; Kierdorf 1980, passim, notamment p. 75-81 ; Cornell
1995, p. 9-12 ; Forsythe 2005, p. 74-77.
(19) Sur les récits d’ambassade, cf. Torregaray Pagola 2009. Pour les parallèles grecs, cf. les décrets en l’honneur des
ambassadeurs grecs venus à Rome réunis par F. Canali de Rossi dans ISE III2, qui font fréquemment état des difficultés
rencontrées et des dangers encourus par les ambassadeurs dans l’accomplissement de leur mission.
(20) Cic. Orat. 37 ; Brut. 61-62 ; Crawford 1941, p. 25-27.
(21) Liv. 9.36.8 (iuuentutemque Camertium Vmbrorum in armis paratam imperio futuram).
(22) Liv. 21.20.2 (cum uerbis extollentes gloriam uirtutemque populi Romani ac magnitudinem imperii). Cf. Torregaray
Pagola 2005, p. 27, 58-60.
(23) Liv. 21.19.9-10 ; 21.20.6. Cf. Sanz 2013, p. 369 : ces dialogues pourraient remonter à un débat historiographique
entre Fabius Pictor et un historien pro-carthaginois.
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ciuitas Romana aux socii à titre de récompense paraît totalement anachronique dans un discours
tenu devant l’assemblée étolienne à la fin du iiie siècle, tout comme ses fanfaronnades à propos des
succès qu’il prétendait remporter bientôt au cœur même du royaume macédonien24. Et il paraît peu
probable que Syphax se soit lancé dans un éloge de la discipline militaire romaine en l’opposant
à l’incompétence et au désordre qui régnaient dans ses propres troupes d’infanterie25, ou que les
Étoliens aient invoqué la « puissance et la majesté du peuple romain » pour accepter la proposition
de Valerius Laevinus26. Notons pour terminer que Tite-Live rapporte en détail les propos échangés
entre Syphax, Hasdrubal et Scipion lors du banquet, parce que cela lui permet de mettre en lumière
le charisme de son héros ; en revanche, il ne donne aucune information sur l’entrevue qui se déroula
entre Scipion et le roi numide à l’issue de ce banquet, et constituait pourtant le but véritable de ce
voyage, sans doute parce que l’accord conclu n’a débouché sur aucun résultat concret, ce qui ternit
l’image de son héros27.
En bref, ces discours ne sont guère utiles pour reconstituer le déroulement et le contenu des
débats, mais certains d’entre eux donnent des indications intéressantes sur la manière dont TiteLive jugeait le comportement adopté par les Romains à l’égard de leurs différents partenaires par le
passé28. En particulier, ils mettent en lumière l’importance de la fides Romana dans la construction
de l’empire, telle que l’ont perçue les historiens de Rome à partir de la fin du IIIe siècle et jusqu’à
l’époque augustéenne : lorsque les Romains respectaient leurs serments, défendaient leurs alliés
et les traitaient avec générosité, ils remportaient des succès et étendaient leur empire ; lorsqu’ils
se parjuraient et se montraient ingrats à leur égard ou brutaux avec leur sujets, ils subissaient des
échecs diplomatiques et de graves revers sur le champ de bataille, et leur empire était menacé29.
II. Questions historiques
1. L’initiative
Dans les cinq exemples retenus, il convient de distinguer les missions diplomatiques qui ont
été accomplies sur mandat du Sénat et celles qui ont été conduites à l’initiative des magistrats et
promagistrats en campagne30. Dans le premier groupe, on peut ranger l’ambassade de Fabius et
(24) Liv. 24.48.3 (Syphax) ; 26.24.3 & 5 (les Étoliens). L’allusion aux récentes victoires romaines à Syracuse et à Capoue,
en revanche, pourrait avoir figuré dans le discours original de Valerius Laevinus selon Badian 1958, p. 199-200, mais à
condition de placer la conclusion du traité en Étolie en 211 plutôt qu’en 212. Cf. supra, n. 7.
(25) Liv. 24.48.5-7. Sur la place de Syphax dans l’économie du récit de Tite-Live, qui peint un portrait très négatif du
roi numide, cf. Levene 2010, p. 248-260.
(26) Liv. 26.24.7 (uim maiestatemque populi Romani extollentes).
(27) Liv. 28.18.1-12, ainsi que Pol. 11.24a.4 ; Zon. 9.10. Cf. aussi App. Iber. 29.115-30.119 et Lib. 10.38, qui suit une
source différente, mais pas nécessairement plus fiable. On trouve chez Sil. Pun. 16.245-274 un dialogue entre Scipion et le
roi, mais ce récit, qui met en avant la fides Romana, ne saurait servir de fondement à une interprétation historique.
(28) Pour une approche très différente de ces discours, cf. Burton 2011, passim, notamment p. 92-93 et 97-99 à propos
des Étoliens et de Syphax : il considère que ce sont là les propos effectivement tenus par les protagonistes des négociations,
et il estime que ces considérations morales ont joué un rôle central dans l’établissement des relations d’amitié entre Rome
et ses partenaires.
(29) Le dialogue fictif entre Scipion et Massinissa chez Silius Italicus est à ce titre révélateur (Pun. 16.145-159). Sur la
fides Romana dans la tradition historiographique, cf. Merten 1965, passim, notamment p. 10-26 ; Heurgon 1969, p. 27-32 ;
Freyburger 1986, passim, notamment p. 115-117, 195-199 ; Nörr 1991, p. 4-12 ; Hölkeskamp 2000, passim, notamment
p. 225, 229-230, 235.
(30) Sur les rôles respectifs du Sénat et des détenteurs de l’imperium dans la gestion de la politique extérieure selon les
périodes, cf. par ex. Eckstein 1987, passim, notamment p. 319-324 (synthèse) ; Loreto 1991-1992, passim, notamment
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ses collègues, qui avaient reçu à Rome l’ordre de passer en Espagne et en Gaule après avoir porté à
Carthage la déclaration de guerre en 21831. Il en va peut-être de même des négociations conduites
par Valerius Laevinus avec les Étoliens : nous n’avons pas la preuve qu’il a agi sur mandat explicite
du Sénat, mais ce dernier lui avait ordonné de passer en Grèce avec la flotte dès 215-214 en réaction
au pacte conclu entre Philippe et Hannibal, et il l’avait peut-être autorisé ou même encouragé à
rechercher de nouvelles alliances sur place. Cela ne signifie pas pour autant qu’il lui avait donné
des instructions précises sur les engagements que Rome était disposée à prendre, et il est probable
que les conditions de la collaboration avec les Étoliens ont été négociées sous la responsabilité de
Laevinus32. Fabius Maximus Rullianus et les Scipions, en revanche, ont agi de leur propre initiative
et, qui plus est, en dehors de la prouincia qui leur avait été attribuée. Étaient-ils autorisés à prendre
ce genre de mesures si l’intérêt supérieur du peuple romain le justifiait, ou ont-ils outrepassé leurs
compétences ? Il est difficile d’apporter une réponse univoque.
Le Sénat désapprouvait le projet de Fabius Maximus Rullianus de pénétrer au cœur de l’Étrurie
en 310 : il lui a envoyé une ambassade composée de cinq légats et deux tribuns pour lui signifier qu’il
ne devait pas s’aventurer dans la forêt Ciminienne après avoir fait lever le siège de Sutrium. D’après
Tite-Live, cette délégation serait arrivée après le fait accompli et elle serait retournée à Rome pour y
annoncer la victoire romaine, alors que, selon Florus, le consul aurait ignoré l’injonction du Sénat
et poursuivi son projet33. Autant qu’on sache, Fabius Maximus Rullianus ne paraît pas avoir subi
de sanction pour sa désobéissance – mais cet élément a pu être gommé dans la geste familiale – et il
a poursuivi une brillante carrière dans les années suivantes, revêtant un troisième consulat dès 308.
Le cas des Scipions est plus complexe et il convient de distinguer l’action du père et de l’oncle
en 213 de celle de leur fils et neveu en 206. Le Sénat a approuvé a posteriori la démarche qui avait
consisté à établir des liens diplomatiques avec le roi Syphax de Numidie en 213, alors en guerre avec
Carthage, dans la mesure où ces liens n’avaient conduit à aucun engagement effectif des armées
romaines en Afrique34 : lorsque le roi a envoyé une ambassade à Rome en 210 pour faire confirmer
ces liens diplomatiques après la mort des deux Scipions, le Sénat a répondu favorablement et il
a lui-même dépêché une ambassade en Numidie chargée de remettre des présents au roi et de
prendre contact avec d’autres princes africains35. La situation est différente en 206 : si l’on en croit
Tite-Live, Appien et Dion Cassius, Scipion a entamé des pourparlers avec Syphax parce qu’il avait
à l’origine le projet de passer en Afrique directement à partir de l’Espagne36. Tombé gravement
malade à son retour d’Afrique, Scipion a dû faire face à une mutinerie dans son armée et à une
p. 202-204, 244-245 (Fabius Maximus Rullianus) ; Id. 1993, p. 126-131 ; Auliard 2006, p. 19-21, 255-272 ; Stouder, à
paraître.
(31) Liv. 21.19.6 (legati Romani … sicut iis Romae imperatum erat).
(32) Liv. 23.38.5-11.
(33) Liv. 9.36.14 (eo forte quinque legati cum duobus tribunis plebis uenerant denuntiatum Fabio senatus uerbis ne
saltum Ciminium transiret. laetati serius se quam ut impedire bellum possent uenisse, nuntii uictoriae Romam reuertuntur) ;
Flor. 1.12.3-4 (Ciminius interim saltus in medio … adeo tum terrori erat, ut senatus consuli denuntiaret ne tantum periculi
ingredi auderet. Sed nihil horum terruit ducem, quin fratre praemisso exploraret accessus). Les chapitres 35-37 et 39 du récit
de Tite-Live contiennent des incohérences, qui peuvent cependant être expliquées ou corrigées à l’aide du témoignage
parallèle de Diod. 20.35.1-5. Cf. Loreto 1991-1992, p. 244-245 ; De Cazanove 2001, p. 176-192 ; Oakley 2005, p. 451-460 ;
Sisani 2007, p. 32-37 avec d’autres références.
(34) Liv. 24.48.2 et 13.
(35) Liv. 27.4.5-9. Cf. infra, section II.4, pour plus de détails sur cette ambassade.
(36) Liv. 28.17.3-4, 6 & 10 (Syphax adfectanti rex Africae erat … finibus etiam regni apte ad Hispaniam quod freto
exiguo dirimuntur positis) ; App. Lib. 10.38 (Σκιπίωνι διαπλεύσαντι πρὸς αὐτὸν ἐξ Ἰβηρίας συνέθετο συμμαχήσειν ἐπὶ
Καρχηδονίους ἰόντι) ; Dio Cass. 17 F 57.53 (Σκιπίων δὲ ἐπειδὴ … τὸν στόλον τὸν ἐς τὴν Λιβύην ἡτοιμάζετο, οὗπερ ἀεὶ
ἐφίετο καὶ γὰρ τοῦτο καίτοι πολλῶν ἀντιλεγόντων ἐπετράπη τότε, καὶ Σύφακι συγγενέσθαι ἐκελεύσθη). Ce dernier se
trompe sans doute lorsqu’il prétend que Scipion aurait dans un premier temps reçu l’ordre du Sénat de passer en Afrique à
partir de l’Espagne, avant que celui-ci ne change d’avis sous la pression des adversaires de Scipion.
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révolte des Ilergètes, et il a été contraint de différer son projet37 : d’après Polybe et Tite-Live, qui
dépendent de la version donnée par Laelius, Scipion aurait alors décidé de rentrer à Rome au plus
vite pour se porter candidat au consulat, en considérant que sa mission en Espagne était désormais
terminée38. Selon Dion Cassius, en revanche, qui suit une tradition différente remontant peut-être
à Fabius Pictor, Scipion aurait été relevé de son commandement en Espagne et rappelé à Rome par
le Sénat, où une majorité était opposée à son projet d’expédition africaine et de collaboration avec
Syphax39. Tite-Live a lui aussi conservé des éléments de cette tradition : il a placé dans la bouche
de Fabius Maximus Verrucosus un discours dans lequel il critique sévèrement l’attitude de Scipion
en Espagne, lui reprochant notamment d’avoir fait confiance à Syphax et d’avoir « abandonné [s]a
province et [s]on armée sans (y être autorisé par) une loi ou un sénatus-consulte et d’avoir, alors
qu[’il] étai[t] imperator du peuple romain, confié à deux navires le destin de la République et la
majesté de l’empire, qui avaient été mis en danger par [s]a personne »40.
En résumé, les magistrats et promagistrats avaient apparemment la capacité d’entamer des
négociations en vue d’établir de nouvelles alliances avec des rois ou des communautés éloignés
de leur prouincia s’ils le jugeaient nécessaire ou profitable, mais le Sénat n’approuvait pas qu’ils
quittent leur province et se lancent dans des opérations militaires sans son autorisation, qu’ils
se mettent eux-mêmes en danger et qu’ils fassent courir des risques inutiles aux armées et à la
République. Cela dit, le Sénat ne paraît pas à cette époque avoir sévi contre ceux qui outrepassaient
les limites de leur mandat aussi longtemps qu’ils remportaient des succès41.
2. Les ambassadeurs : mode de désignation et statut
On distingue deux catégories principales d’ambassadeurs dans les cinq exemples retenus ici : les
legati nommés par le Sénat et les chargés de mission désignés par les imperatores en campagne42 :
lorsque l’initiative venait du Sénat, celui-ci confiait la tâche à des magistrats ou des promagistrats
en fonction (Valerius Laevinus, préteur en 212 puis commandant de la flotte stationnée en Grèce
jusqu’au milieu de l’année 210), ou à des légats spécialement nommés pour l’occasion et choisis
dans l’élite de ses membres (Fabius et ses collègues en 218)43. En revanche, lorsque c’étaient les
imperatores eux-mêmes qui prenaient l’initiative d’entamer des pourparlers, ils désignaient comme
ambassadeurs des proches en qui ils avaient toute confiance et qui faisaient probablement partie de
leur consilium. En 310, Fabius Maximus Rullianus a confié à l’un de ses frères la mission d’explorer
la situation au-delà de la forêt Ciminienne et de négocier de nouvelles alliances44. De même,
Scipion l’Africain a envoyé son fidèle ami C. Laelius comme orator en Afrique pour y rencontrer
(37) Liv. 28.24-29 ; 28.31-34.
(38) Pol. 11.33.8 ; Liv. 28.38.1.
(39) Dio Cass. 17 F 57.56 (τῶν οὖν στρατηγῶν δύο αὐτῷ διαδόχους πέμψαντες ἀνεκάλεσαν αὐτόν) ; cf. aussi Zon. 9.
11. Cf. Zecchini 2002, p. 97-103, qui défend la valeur historique de cette version avec d’excellents arguments.
(40) Liv. 28.40-42, notamment 28.42.7 & 21 (sicut cum prouincia et exercitu relicto sine lege sine senatus consulto
duabus nauibus populi Romani imperator fortunam publicam et maiestatem imperii, quae tum in tuo capite periclitabantur,
commisisti). Cf. aussi Val. Max. 9.8.1. Le discours élaboré par Tite-Live paraît en partie au moins inspiré des débats du Ier
siècle autour des leges maiestatis (Rom. Stat. I, n° 12, copie de Cnide, col. III, l. 3-15 ; Cic. Pis. 50), et l’on doit l’utiliser avec
prudence.
(41) On ne trouve pas trace dans la tradition de l’existence de leges maiestatis pour le IVe et le IIIe siècle. Pour accéder à la
bibliographie récente sur ces lois, cf. par ex. Sánchez 2011, p. 205-206 et n. 31, ainsi que la base de données en ligne LEPOR
(Leges populi Romani), sous le n° 39 (http://www.cn-telma.fr/lepor/notice39/ [état au 25.08.2015]).
(42) Auliard 2006, p. 19-21. On connaît d’autres cas de figure possibles, notamment celui des legati élus par le peuple ;
cf. Stouder 2015, p. 53-57.
(43) Liv. 21.18.1 ; 21.19.6 ; 23.38.10 ; 26.24.1. Cf. Torregaray Pagola 2005, p. 31-33.
(44) Liv. 9.36.2.
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Syphax en 206 : c’est seulement après que le roi eut exigé de rencontrer le proconsul en personne
que ce dernier a pris le risque d’effectuer la traversée accompagné de Laelius, en laissant son armée
en Espagne45.
Le cas des Scipions en 213 est sans doute le plus intrigant : Tite-Live rapporte que les deux
frères ont désigné trois centurions pour aller négocier avec le roi Syphax, et l’on pourrait a priori
s’étonner de voir une mission aussi importante confiée à des officiers subalternes issus du rang46.
Il existe certes des parallèles, mais les officiers sont d’un grade plus élevé et les enjeux sont de
moindre envergure : en 195, le consul M. Porcius Caton a envoyé des tribuns militaires parlementer
avec des mercenaires celtibères, qui ont eu le choix entre trois propositions, à savoir rejoindre
les rangs de l’armée romaine avec double solde, rentrer chez eux sans dommage, ou affronter les
légions ; de même en 153, le consul Q. Fulvius Nobilior, qui venait de subir une défaite face aux
Numantins, a confié à un préfet de cavalerie la tâche de conclure un accord militaire avec une tribu
ibérique voisine et de revenir aussitôt avec des troupes montées en renfort. Le préfet a accompli
avec succès la première partie de sa mission, mais il a été attaqué et tué sur le chemin du retour
par les Celtibères, et une partie de ses nouvelles recrues a péri avec lui47. Dans le cas des Scipions,
on pourrait expliquer l’envoi de trois centurions par la nature même des accords conclus avec
Syphax, ainsi qu’on le verra dans un instant, mais l’on ne saurait exclure non plus une erreur ou
une imprécision de Tite-Live ou de sa source : il n’y avait peut-être qu’un seul centurion parmi les
trois legati, celui dont la tradition a retenu le nom en raison du rôle qu’il a joué par la suite auprès
de Syphax48.
3. Les enjeux des négociations
Dans tous les cas de figure étudiés ici, l’objectif des ambassadeurs romains était d’obtenir des
royaumes ou des communautés visités un accord de coopération militaire (societas) : le terme figure
dans quatre des cinq passages de Tite-Live, où il est associé à trois reprises au mot amicitia ; il est
uniquement question du renouvellement de l’amicitia dans le cas de la visite de Scipion à Syphax
en 206, mais les intentions du proconsul était clairement d’obtenir la collaboration militaire du roi
numide dans le cadre de son projet d’invasion de l’Afrique49. À chaque fois, les Romains étaient
demandeurs et ils n’étaient donc pas en position de dicter unilatéralement les conditions de l’accord :
c’est ce qui fait tout l’intérêt de ce petit dossier. Ils devaient effet persuader leurs interlocuteurs de
prendre parti pour Rome et de s’engager dans des conflits qui, dans certains cas au moins, ne les
concernaient pas directement, du moins à première vue. On l’a dit plus haut, les discours élaborés
par Tite-Live sur la gloire du peuple romain, la grandeur de son empire et la fides Romana n’avaient
guère leur place dans ce genre de situation : les ambassadeurs devaient montrer que ces différentes
guerres dans lesquelles les Romains étaient impliqués, contrairement aux apparences, concernaient
aussi leurs partenaires potentiels et qu’il était dans leur propre intérêt de collaborer activement
(45) Liv. 28.17.7-12. Cf. Gerhold 2002, p. 98 et n. 235.
(46) Liv. 24.48.3. Cf. Gerhold 2002, p. 92.
(47) Liv. 34.19.3-6 ; App. Iber. 47.195. Cf. Sanz 2011, p. 170-176.
(48) Liv. 24.48.9 ; 30.28.3 (Q. Statorius). D’autres hypothèses ont été proposées. Selon Seibert 1993, p. 284, n. 81, les
Scipions ont envoyé des officiers subalternes afin d’être en mesure de minimiser l’affaire en cas d’échec des négociations.
D’après Gerhold 2002, p. 92, les Scipions ont préféré ne pas dégarnir les rangs des officiers supérieurs car l’armée était en
difficulté en Espagne.
(49) Liv. 9.38.8 (egisse de societate amicitiaque ; Camerinum) ; 21.19.6 (ut in societatem perlicerent ; les peuples
d’Espagne) ; 24.48.3 (cum eo amicitiam societatemque facerent ; Syphax en 213) ; 26.24.8 (conscriptae condiciones quibus in
amicitiam societatemque populi Romani uenirent ; les Étoliens) ; 28.17.8 (amicitiam se Romanorum accipere adnuit ; Syphax
en 206). Cf. Gerhold 2002, p. 97-98 et n. 235.
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avec Rome. Pour ce faire, ils ne pouvaient se contenter de promesses vagues et à long terme, et
ils devaient être en mesure de faire eux-mêmes des concessions et des propositions concrètes qui
pouvaient être mises sans délai à exécution.
Devant le Sénat de Camerinum, la tâche du frère du consul Fabius Maximus Rullianus a
peut-être été relativement aisée : les cités étrusques s’étaient entendues pour reprendre la guerre
contre Rome dès 312 et elles avaient mis le siège devant la colonie latine de Sutrium en 31150 :
on peut supposer que des raids similaires menaçaient également la cité ombrienne. Si tel a été le
cas, l’ambassadeur a dû être en mesure de convaincre rapidement les Camertes de l’intérêt d’une
coopération avec les armées romaines, qui avaient besoin d’un appui dans les Apennins pour tenter
une percée au cœur de l’Étrurie. Il est possible que la réputation militaire du consul, qui exerçait
son deuxième mandat et qui avait été dictateur dans l’intervalle, ait eu une influence positive sur
les négociations : Tite-Live affirme que le fait d’avoir décliné son identité a permis au frère du
consul d’obtenir une audience au Sénat de Camerinum51. Quelques historiens modernes ont par
ailleurs supposé que le problème posé par les incursions récurrentes des Gaulois Sénons en Ombrie
pourrait avoir joué un rôle encore plus déterminant dans la mise en place de cette alliance, mais les
preuves font défaut, du moins pour cette époque52. Quoi qu’il en soit sur ce point, les autorités de
Camerinum ont accepté de fournir des vivres pour trente jours à l’armée romaine et de mettre la
totalité de leurs forces mobilisables à disposition en cas d’opération conjointe avec les Romains. En
contrepartie, les Camertes ont fait savoir qu’ils ne tiendraient leurs engagements qu’à la condition
que les Romains soient en mesure de parvenir jusque chez eux avec leurs légions, étant entendu
que celles-ci participeraient activement à la défense de leur cité et de son territoire53. Cet accord a
donc été conçu comme une alliance défensive paritaire à la portée et aux objectifs limités : il n’a sans
doute jamais été question que Camerinum dépêchent des troupes pour participer aux combats que
les Romains livraient à la même époque dans le Samnium54.
Le mandat que le Sénat a confié à Fabius et à ses collègues en 218 était plus ardu : il s’agissait
tout d’abord de persuader les peuples du nord de l’Espagne d’entrer dans l’alliance de Rome, ou du
moins de renoncer à celle de Carthage55 ; il leur fallait ensuite convaincre les Gaulois d’empêcher
le passage des armées d’Hannibal à travers leurs territoires, conformément à l’esprit des clauses
réciproques dites « de neutralité » figurant dans plusieurs traités d’alliance militaire défensive que
les Romains ont conclus avec leurs partenaires avant ou après cette date56. Pour atteindre ces deux
objectifs, les ambassadeurs romains devaient démontrer que les ambitions du stratège carthaginois
étaient sans limites et que, tôt ou tard, ils tomberaient eux aussi sous la domination tyrannique
de Carthage s’ils ne prenaient pas les devants en se rangeant du côté de Rome. Mais cette option
impliquait pour les communautés concernées de voir à coup sûr leurs terres dévastées, leurs
villages brûlés et leurs populations asservies ou massacrées, et cela sans que les Romains soient
(50) Liv. 9.29.1-5 ; 9.32 ; 9.35.
(51) Liv. 9.36.7-8. Cf. Kent 2012, p. 79.
(52) Harris 1971, p. 59 ; Bandelli 1988, p. 515.
(53) Liv. 9.36.8 (acceptum nuntiare Romanis iussum commeatum exercitui dierum triginta praesto fore, si ea loca
intrasset, iuuentutemque Camertium Vmbrorum in armis paratam imperio futuram). Ces éléments du discours attribué aux
sénateurs de Camerinum s’inspirent peut-être du contenu de l’alliance scellée sur place.
(54) Sur cet épisode en général, cf. Loreto 1991-1992, p. 202-204, 244-245 ; Auliard 2006, p. 229-230 ; Burton 2011,
p. 88-91, 191-192 ; Sanz 2013, p. 40, 59, 291, 294 ; Stouder, à paraître ; Sánchez-Sanz 2016, p. 26.
(55) Liv. 21.19.6 (ut adirent ciuitates ut in societatem perlicerent aut auerterent a Poenis traiecerunt). Cf. Torregaray
Pagola 2005, p. 41-42, 45-46.
(56) Liv. 21.20.2 (petissent ne Poeno bellum Italiae inferenti per agros urbesque suas transitum darent). Pour les clauses
de neutralité, cf. par exemple Dion. Hal. 6.95.2 (traité avec les Latins au Ve siècle) ; SEG 35, 823, l. 12-30 (traité avec Maronée
au IIe siècle) ; SEG 55, 1452 = AE 2005, 1487, l. 11-22 (traité avec les Lyciens au Ier siècle).
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en mesure de leur faire parvenir un quelconque secours dans l’immédiat57. De leur point de vue,
il était donc plus avantageux de rester fidèles à Carthage ou de négocier un droit de passage avec
Hannibal en échange de garanties relatives à leur indépendance et à la sécurité de leurs territoires58.
Ces considérations permettent d’expliquer l’échec des ambassadeurs romains, bien mieux que les
discours élaborés par Tite-Live sur l’attitude des Romains à l’égard des Sagontins ou des Gaulois
de la plaine du Pô.
Les ambitions des frères Scipions en 213 étaient apparemment beaucoup plus modestes : leur
objectif était simplement d’encourager Syphax à poursuivre en Afrique la guerre qu’il livrait
depuis peu aux Carthaginois, afin de contraindre ceux-ci à maintenir une partie de leurs armées
en Afrique, voire à dégarnir le front ibérique, mais il n’a sans doute jamais été question que les
Scipions envoient des contingents combattre aux côtés du roi en Afrique59. Syphax a obtenu
en contrepartie que les Romains assurent la formation de ses propres troupes d’infanterie aux
techniques de combat des légionnaires afin d’être en mesure de résister aux Carthaginois, qui lui
étaient supérieurs dans ce domaine60. Tite-Live prétend qu’il s’agissait d’une requête formulée
par le roi et que les ambassadeurs romains y ont accédé aussitôt, avant même d’avoir obtenu
l’approbation de leurs supérieurs61. Il se pourrait aussi que la proposition soit venue des Scipions
eux-mêmes, qui ont peut-être vu là un excellent moyen d’apporter leur soutien à Syphax à moindre
frais : cette hypothèse permettrait d’expliquer pourquoi ils ont désigné des centurions-instructeurs
pour se rendre en ambassade en Afrique. Pour sa part, le roi s’est engagé à poursuivre la guerre
en Afrique et à envoyer des délégués dans la péninsule ibérique afin de susciter des défections
parmi les auxiliaires numides de l’armée carthaginoise62. Selon Tite-Live, il aurait également eu
l’intention de passer en Espagne avec ses armées quelques temps plus tard avant d’être stoppé par
Massinissa, mais ce projet avorté ne figurait pas nécessairement dans l’accord originel conclu avec
les Scipions63. Relevons que ces derniers ont malgré tout pris un risque non négligeable en formant
au combat légionnaire les troupes d’un roi numide dont ils n’avaient pas encore pu éprouver la
fiabilité et qui pouvait fort bien se retourner un jour contre ses maîtres d’armes – ce qui a d’ailleurs
fini par se produire64.
La mission échue à Valerius Laevinus auprès des Étoliens était d’une autre ampleur : il lui fallait
persuader les autorités du koinon de rompre la paix conclue en 217 avec Philippe de Macédoine en
leur montrant que ce dernier, fort de l’accord qu’il avait passé avec Hannibal, s’apprêtait à étendre
son emprise sur toute la péninsule hellénique et même au-delà65. L’objectif du Sénat était avant tout
de provoquer la guerre en Grèce pour obliger le roi à cesser ses opérations contre le « protectorat »
(57) Liv. 21.20.4 (adeo stolida impudensque postulatio uisa est censere, ne in Italiam transmittant Galli bellum, ipsos
id auertere in se agrosque suos pro alienis populandos obicere). Cette partie du discours des Gaulois s’inspire peut-être des
arguments effectivement avancés pour justifier leur refus.
(58) C’est précisément ce que firent certains peuples gaulois en voyant qu’ils n’étaient pas de taille à résister à l’armée
d’Hannibal. Cf. notamment Liv. 21.24 & 21.26.
(59) App. Iber. 15.58. Cf. Ritter 1987, p. 37-38 ; Eckstein 1987, p. 204-205 ; Burton 2011, p. 94-95. Tite-Live (24.49.3)
prétend que Carthage craignait cette éventualité dès 213, mais il s’agit d’un discours fictif placé dans la bouche des
ambassadeurs carthaginois envoyés au roi numide Gala, rival de Syphax.
(60) Gsell 1928, p. 181, conteste l’historicité de cette information en invoquant le fait que les troupes de Syphax n’ont
pas fait usage de ces techniques de combat lors de la bataille des Grandes Plaines en 203.
(61) Liv. 24.48.5-7 & 11-12 ; 30.28.3.
(62) Liv. 24.48.10 & 13. D’après Silius Italicus (Pun. 16.194-207), Syphax se serait rendu personnellement en Espagne
pour y rencontrer les deux Scipions, mais cette information paraît suspecte.
(63) Liv. 24.49.6.
(64) Levene 2010, p. 248.
(65) Pol. 5.100.9-105.2 (paix de Naupacte de 217).
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romain en Illyrie et s’assurer qu’il n’interviendrait pas en Italie à l’avenir66. Tite-Live note que
Valerius Laevinus fut contraint de rencontrer à maintes reprises et en secret les notables étoliens
avant d’être en mesure de présenter son projet devant l’assemblée, et l’on peut se demander si ce
n’est pas durant cette phase de lobbying qu’a été élaborée la version mensongère du traité entre
Philippe et les Carthaginois transmise par Tite-Live, qui prête aux deux parties contractantes des
ambitions bien plus vastes que ne le laisse entendre le texte officiel du traité, connu de Polybe67.
Quoi qu’il en soit sur ce point, Valerius Laevinus ne pouvait se contenter, pour convaincre des
Étoliens manifestement hésitants, de prétendre être en mesure de battre Philippe au cœur de
son royaume ou de leur annoncer de grands bienfaits à venir, ainsi que l’imagine Tite-Live : ce
dernier admet d’ailleurs que c’est la promesse concrète et réaliste d’aider les Étoliens à reconquérir
l’Acarnanie – explicitement mentionnée dans le texte du traité – qui a finalement permis à Valerius
Laevinus d’obtenir gain de cause68.
Grâce à Tite-Live et à un document épigraphique fragmentaire, nous connaissons les principales
clauses du traité : les Romains se sont engagés à participer à la reconquête de l’Acarnanie et aux
autres opérations militaires dirigées contre Philippe et ses alliés en mettant à disposition vingtcinq quinquérèmes au moins, avec leurs équipages ; ils ont en outre accepté que toutes les cités
qui seraient conquises par les armes par les Romains, avec ou sans la coopération des Étoliens,
appartiendraient aux Étoliens ; de même, toutes celles qui feraient leur deditio à Rome ou aux
Étoliens rejoindraient le koinon étolien. En échange, ils ont obtenu des Étoliens qu’ils entrent en
guerre sans délai contre Philippe et ils ont exigé de conserver la totalité des biens mobiliers s’ils
s’emparaient eux-mêmes d’une ville, ou la moitié s’il s’agissait d’une opération menée en commun.
Une clause additionnelle prévoyait que d’autres rois et peuples spécifiquement nommés pourraient
rejoindre l’alliance s’ils le désiraient, et il était enfin stipulé qu’aucune des deux parties contractantes
ne ferait de paix séparée avec Philippe69. Ces clauses étaient dans l’ensemble très favorables aux
Étoliens, mais cela ne doit pas nous étonner dans le contexte des années 212-211 : les Romains ne
pouvaient pas ou ne souhaitaient pas intervenir massivement en Grèce sur le plan militaire à cette
date – ce qui ne signifie en aucun cas un manque d’intérêt pour cette région – et ils n’étaient donc
pas en position d’exiger davantage des Étoliens, qui auraient sans doute refusé d’entrer en matière si
Valerius Laevinus avait demandé, par exemple, que les cités qui se rendraient aux Romains passent
in dicione populi Romani ou soient déclarées « libres et autonomes »70.
Scipion avait de grands projets en Afrique et le fait qu’il ait pris le risque de se rendre
personnellement auprès de Syphax indique qu’il attendait beaucoup de cette entrevue. Pour tenter
de saisir les enjeux de leur entretien et le contenu de l’accord qu’ils ont passé, sur lesquels les
sources sont peu explicites, un rappel des événements qui ont précédé le voyage de Scipion me
paraît nécessaire. L’exercice n’est pas aisé, car Appien et Tite-Live donnent des informations en
(66) Cf. Rich 1984, passim, notamment p. 126-131, 150-151 (l’auteur estime que le Sénat avait d’autres objectifs à plus
long terme en Grèce) ; Errington 1989, p. 96-98.
(67) Pol. 7.9 ; Liv. 23.33.9-12 (traité de 215 entre Philippe et Hannibal).
(68) Liv. 26.24.6-8. Cf. Dany 1999, p. 153-162 pour cette clause sur l’Acarnanie.
(69) Liv. 26.24.8-13 ; IG IX I², 2, 241 ; Schmitt, StV III, 1969, n° 536 ; ISE II 87. Cf. aussi Pol. 9.39.1-3 ; 11.5.2-7. Sur
ce traité célèbre et d’interprétation controversée, cf. par ex. Klaffenbach 1954 ; Aymard 1957 ; Badian 1958, p. 197-208 ;
Hopital 1964, avec d’autres références et un état de la question ; Lehmann 1967, p. 50-134, 365-371 ; Dahlheim 1968,
p. 181-207 ; Muylle 1969, p. 411-416 ; Will 1982, p. 87-89 ; Rich 1984, p. 126-131, 155-157 ; Errington 1989, p. 99-101 ;
Dany 1999, p. 153-162 ; Dreyer 2002 ; Eckstein 2008, p. 48-49, 88-91 ; Burton 2011, p. 90 et n. 37 avec d’autres références,
185.
(70) C’était l’hypothèse de McDonald 1956, p. 153-157, fondée notamment sur une restitution audacieuse de la fin très
mutilée du texte épigraphique, où apparaît hors de tout contexte, l. 21, le terme αὐτονόμων. Cf. Badian 1958, p. 203-205
pour le rejet de sa proposition. Le débat n’est pas clos.
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partie irréconciliables et le récit du second présente en outre des contradictions internes. L’un et
l’autre s’accordent cependant sur le point de départ : entre 215/214 et 212, Syphax a combattu à
plusieurs reprises contre Carthage, mais avec des résultats variés. Tite-Live mentionne plusieurs
succès, dont l’un au moins remporté grâce à la formation dispensée aux troupes d’infanterie par le
centurion romain, mais aussi deux défaites sévères face aux troupes conjointes de Carthage et de
Massinissa, puis face à Massinissa seul71. Dans le passage des Iberika consacré à cet épisode, Appien
ne mentionne pas la visite des trois centurions en Afrique et il rapporte que les Carthaginois ont
dû rappeler d’Espagne Hasdrubal Barca pour combattre Syphax, ce qui aurait permis aux Scipions
de remporter plusieurs succès faciles dans la péninsule ibérique. Il ajoute qu’Hasdrubal aurait été
en mesure de conclure la paix avec Syphax déjà avant de retourner en Espagne accompagné d’une
armée nombreuse pour y affronter les Scipions, soit en 212 au plus tard72. Tite-Live, qui ne dit
mot des déplacements d’Hasdrubal Barca, affirme au contraire que Syphax était toujours en guerre
contre Carthage lorsque, ayant appris la mort des Scipions en Espagne en 211, il a décidé d’envoyer
des ambassadeurs au Sénat à la fin de l’année 210, chargés de confirmer les liens d’amitié qu’il
avait noués avec les deux frères trois ans plus tôt73. Ailleurs, il affirme qu’au moment de l’arrivée
de Scipion en Afrique en 206, Syphax était lié à Carthage par un foedus, mais il ne donne aucune
indication ni sur sa date ni sur son contenu, et il ne fait aucune référence dans ce passage aux
échanges diplomatiques de 213 et 210 entre le roi et les Romains74.
Quelques historiens ont tiré argument des incohérences de Tite-Live pour mettre en doute
l’historicité des deux épisodes de 213 et 210, et donner la préférence à la version d’Appien75. Cette
sévérité me paraît excessive. L’historien latin donne en effet le nom des trois légats romains désignés
par le Sénat en 210 pour se rendre en Afrique en réponse à l’ambassade de Syphax ainsi que la liste
détaillée des cadeaux offerts au roi : il a dû trouver ces deux informations dans sa source mais elles
proviennent à l’origine des archives du Sénat76. Cette ambassade numide est donc historique et elle
n’a de sens que si l’on admet également l’historicité des liens diplomatiques noués entre le roi et les
Scipions, qui sont d’ailleurs aussi évoqués par Appien dans ses Libyka et dans un autre passage des
Iberika77. Quant au silence de Tite-Live sur les événements de 213 et 210 dans son récit de la visite
de Scipion en Afrique en 206, il pourrait être volontaire : il s’agissait peut-être d’exalter le génie
militaire de son héros en oblitérant le fait que celui-ci s’était contenté de reprendre et pousser plus
avant la stratégie élaborée par ses deux parents et prédécesseurs à la tête des armées d’Espagne.
L’historicité du foedus entre Syphax et Carthage mentionné par Tite-Live a également été
contestée par quelques savants, sous prétexte qu’il n’y a pas eu de véritable alliance militaire entre
le roi et la cité punique avant l’hiver 205/4 ou même le milieu de l’année 20478. Ce scepticisme
ne se justifie pas nécessairement : il pourrait s’agir d’une allusion au traité de paix mentionné par
(71) Liv. 24.49.1-6 ; 27.4.5-6.
(72) App. Iber. 15.58-16.60, notamment 16.60 (θέμενοι δ᾽ οἱ Καρχηδόνιοι πρὸς Σύφακα εἰρήνην). Cf. Gsell 1928,
p. 182 ; Gerhold 2002, p. 94.
(73) Liv. 27.4.5-8.
(74) Liv. 28.17.6-7 (foedus ea tempestate regi cum Carthaginiensibus erat, quod haud grauius ei sanctiusque quam uolgo
barbaris, quibus ex fortuna pendet fides, ratus fore) ; cf. aussi Zon 9.10 (ἔνσπονδος γὰρ τοῖς Καρχηδονίοις ἐγένετο).
(75) Gsell 1928, p. 179-183 ; Lazenby 1978, p. 129 ; Richardson 1986, p. 39-40.
(76) Liv. 27.4.7-8 (L. Genucius, P. Poetelius, P. Popillius). Ces personnages ne sont pas connus par ailleurs, mais nous
n’avons pas de raison de croire qu’ils sont fictifs. Cf. Broughton 1951, p. 281 ; Gerhold 2002, p. 95, n. 225. Cf. aussi infra,
section II.4, pour plus de détails sur cette ambassade.
(77) App. Lib. 28.121 ; Iber. 29.115 ; Ritter 1987, p. 36, n. 69.
(78) Pol. 14.7.6 ; Liv. 29.23.2-5 ; Schmitt, StV III, 1969, n° 546. Cf. Habel 1932, col. 1473-1474 ; Huss, 1989, p. 398,
n. 220.
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Appien, ce qui ne résout pas toutes les difficultés pour autant79. En effet, si ce traité est antérieur à
la mort des Scipions, ainsi que le prétend Appien, on doit admettre que les ambassadeurs numides
ont trompé le Sénat en prétendant que le roi était toujours l’ennemi des Carthaginois en 210, ou,
que Tite-Live a prêté aux ambassadeurs des propos qu’ils n’ont jamais tenus. Mais, dans ce cas,
on devrait admettre également que le Sénat a accepté de poursuivre des relations diplomatiques
avec Syphax tout en sachant qu’il avait mis fin à son conflit avec Carthage, ce qui ne serait pas
une aberration en soi80. Il se peut enfin qu’Appien se soit trompé sur la date du traité de paix, qui
pourrait avoir été conclu seulement après le retour d’Hasdrubal Barca en Espagne et la mort des
Scipions. Je ne crois pas qu’il soit possible de trancher : pour la suite de notre étude, il convient
surtout de retenir que Syphax était à nouveau en assez bons termes avec les Carthaginois lorsque
Laelius s’est rendu à la cour du roi sur l’ordre de Scipion en 206.
Tite-Live et Appien sont également en désaccord sur les circonstances de l’arrivée de Scipion en
Afrique. Selon Appien, Syphax aurait immédiatement promis à Laelius qu’il aiderait les Romains si
ceux-ci passaient en Afrique pour attaquer Carthage et il aurait fait porter des présents à Scipion.
Ayant eu vent de l’affaire, les Carthaginois auraient à leur tour envoyé une ambassade à Syphax
pour lui proposer une alliance contre les Romains. Scipion aurait alors jugé nécessaire de se rendre
personnellement en Afrique pour faire capoter ce projet, et il aurait échappé de justesse à une
attaque des ambassadeurs carthaginois81. D’après Tite-Live, Syphax aurait déclaré à Laelius qu’il
était prêt à accepter l’amitié des Romains, mais il aurait exigé de rencontrer Scipion en personne
pour sceller le pacte et il n’aurait fait aucune promesse, sauf en ce qui concerne la sécurité du
proconsul durant sa visite82. Par ailleurs, Scipion aurait échappé aux navires d’Hasdrubal fils de
Giscon, revenu d’Espagne par hasard au même moment, et non à l’attaque des ambassadeurs
venus tout exprès de Carthage pour tenter d’empêcher l’alliance du roi avec Rome83. Enfin, TiteLive et Appien mentionnent tous deux le banquet offert par Syphax à Scipion et à Hasdrubal / aux
délégués carthaginois, mais seul le premier évoque la tentative du roi d’offrir ses services comme
médiateur du conflit qui les opposait84. Ces divergences sont secondaires pour notre propos : de
toute évidence, le développement de la situation en Espagne et en Italie en 207-206 a conduit
Scipion et les Carthaginois – peu importe ici que l’initiative soit venue d’Hasdrubal ou de l’Adirim
de Carthage – à rechercher activement l’alliance de Syphax, qui pourrait avoir lui-même manœuvré
pour que les représentants des deux parties se rencontrent « fortuitement » à sa cour85.
L’attitude de Syphax se comprend parfaitement : les Romains avaient sollicité sa collaboration
dès 213, mais la formation que le centurion Q. Statorius avait dispensée à ses troupes d’infanterie
ne l’avait pas empêché d’être battu par Carthage et l’ambassade qu’il avait envoyée à Rome en 210
ne lui avait rapporté aucun bénéfice tangible supplémentaire86. On ne s’étonne donc pas qu’il ait
jugé prudent ou même nécessaire de faire la paix avec Carthage peu après (Tite-Live), ou peut-être
même déjà avant cette date (Appien). Cela dit, il était devenu clair en 206 que les Romains avaient
désormais de bonnes chances de l’emporter face aux Carthaginois, et le roi devait prendre garde de
(79) D’après Gerhold 2002, p. 97, n. 233 & 99, il s’agissait d’un véritable traité d’alliance militaire qui aurait été
simplement renouvelé en 205/4.
(80) Gerhold 2002, p. 94-95. D’après Huss 1989, p. 379, qui suit la version d’Appien (Lib. 10.38), Syphax aurait repris
la guerre contre Carthage dans l’intervalle.
(81) App. Iber. 29.115-30.118.
(82) Liv. 28.17.8-9. Cf. Burton 2011, p. 100-101.
(83) Liv. 28.17.13-16. Cf. aussi Sil. Pun. 16.180-183.
(84) App. Iber. 30.118 ; Liv. 28.18.1-3. Cf. aussi Zon. 9.10 ; Sil. Pun. 16.184-224.
(85) Liv. 30.13.4-6 ; Val. Max. 6.9.ext.7. Cf. Ritter 1987, p. 39-40 ; Seibert 1993, p. 405 et n. 24 ; Gerhold 2002, p. 99
et n. 238.
(86) Eckstein 1987, p. 221 ; Gerhold 2002, p. 98 ; Burton 2011, p. 98-99.
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ne pas se retrouver du côté des vaincus le moment venu. Non sans raison, il a estimé qu’il était en
position de force pour négocier, tant avec les Carthaginois qu’avec Scipion : il était dans son intérêt
de rester en bons termes avec les uns et avec les autres le plus longtemps possible et la solution
la plus avantageuse et la plus prestigieuse pour lui consistait à convaincre les deux adversaires de
conclure la paix sous son égide, ou du moins de renoncer à s’affronter sur le sol africain87. Syphax a
échoué dans cette première tentative – il en fera encore deux autres en été 204 et en hiver 204/203 –
en raison de refus de Scipion, qui aurait prétexté ne pas avoir de mandat du Sénat pour entamer
des pourparlers de paix. C’est seulement à la suite de cet échec que le roi s’est résolu à entrer en
négociations séparées avec Scipion88. À partir de là, on peut tenter d’imaginer ce que les deux
hommes se sont dit.
Scipion a certainement commencé par invoquer les liens d’hospitalité établis par Syphax avec
son père et son oncle : c’est ce que l’on peut déduire de la mention de l’hospitium et de présents qu’il
a fait remettre au roi par l’entremise de Laelius89. Il s’est sans doute également référé au titre d’ami
et d’allié du peuple romain que le roi avait reçu du Sénat quelques années plutôt90. Il a dû ensuite
faire valoir les succès qu’il avait remportés en Espagne, d’où il avait presque entièrement chassé les
Carthaginois, ainsi que la situation des Romains en Italie, qui s’était considérablement améliorée
depuis 213 : Syracuse, Capoue et Tarente étaient à nouveau sous contrôle romain et l’armée punique
conduite par Hasdrubal Barca avait été écrasée au Métaure l’année précédente. Enfin, il a dû faire
valoir au roi les gains territoriaux et politiques qu’il pourrait tirer d’une intervention romaine en
Afrique contre Carthage. Cela dit, il ne pouvait lui apporter aucun avantage concret dans l’immédiat
en échange de l’aide qu’il lui demandait, car son projet d’invasion de l’Afrique, bien loin d’avoir
reçu l’approbation du Sénat, faisait et allait faire encore l’objet de débats houleux à Rome91. De son
côté, Syphax a peut-être été séduit par le charme de la conversation de Scipion, mais il a surtout dû
évaluer le risque qu’il prenait en misant une nouvelle fois sur une alliance conclue avec la famille
des Scipions, alors que jusqu’ici leur stratégie africaine n’avait pas été très activement soutenue
par le Sénat ; il a dû également mesurer le danger qu’il y avait à faciliter l’intervention en Afrique
d’un acteur supplémentaire aux ambitions hégémoniques avérées et dont la puissance et le prestige
ne cessaient de croître. En résumé, Scipion avait impérativement besoin de l’appui logistique et
militaire de Syphax, d’abord pour convaincre le Sénat de l’autoriser à passer en Afrique, et ensuite
pour l’emporter sur le champ de bataille, alors qu’il était dans l’intérêt du roi de ne pas s’engager
imprudemment dans une nouvelle guerre contre Carthage, dont il ne pouvait pas encore évaluer
les bénéfices réels qu’il en tirerait. Dans ces circonstances, on peut penser que l’accord mentionné
par Tite-Live a consisté essentiellement en un renouvellement des liens d’hospitalité et d’amitié
qui unissaient le roi à la famille des Scipions d’une part, et au peuple romain d’autre part92. Pour le
reste, c’est-à-dire l’essentiel du point de vue de Scipion, le roi s’est peut-être engagé à fournir une
assistance militaire ou logistique en cas de débarquement des armées romaines sur le continent
africain93. Dans tous les cas, il devait être clair dans son esprit que la réalisation de sa promesse
(87) Dio Cass. 17 F 57.64 a parfaitement compris les enjeux pour Syphax. Cf. Gsell 1928, p. 186 ; Gerhold 2002, p. 98.
(88) Liv. 28.18.12 ; App. Iber. 30.118.
(89) Liv. 28.17.7 ; 30.13.8 & 11 ; App. Iber. 29.115. Cf. aussi Sil. Pun. 16.194-207 pour l’échange de cadeaux entre Syphax
et les deux Scipions en 213.
(90) Cf. infra, section II.4, sur ce point.
(91) On a vu plus haut que Scipion pourrait avoir été relevé de son commandement en Espagne par le Sénat.
(92) Cf. Liv. 30.13.8 (foederis publice ac priuatim iuncti) ; App. Iber. 30.118 (τῷ Σκιπίωνι συνθέμενος ἰδίᾳ καὶ πίστεις
παρασχὼν ἀπέπεμπε). Cf. Cimma 1976, p. 43-45 ; Ritter 1987, p. 39.
(93) C’est en tous cas ce que prétend Appien (Lib. 10.38 : Σκιπίωνι διαπλεύσαντι πρὸς αὐτὸν ἐξ Ἰβηρίας συνέθετο
συμμαχήσειν ἐπὶ Καρχηδονίους ἰόντι).
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serait conditionnée par l’évolution de la situation générale en Afrique, en Espagne, en Italie, et
surtout à Rome même94.
4. Les accords conclus : procédure de ratification et statut juridique95
Tous les accords de coopération militaire élaborés sur le théâtre des opérations que nous
examinons ici sont considérés par Tite-Live comme des foedera. Le terme foedus n’apparaît pas
dans son récit de l’ambassade à Camerinum, mais il figure plus loin dans son œuvre, dans un
passage relatif au recrutement de l’armée de Scipion en 205 : on y apprend que les Camertes étaient
désormais liés à Rome par un foedus, dont on peut supposer qu’il s’agit du traité élaboré en 31096.
De même, les deux accords successifs conclus par les Scipions avec Syphax sont explicitement
qualifiés de foedera à plusieurs reprises, tout comme le traité de Valerius Laevinus avec les
Étoliens97. Du point de vue de l’historien latin, il n’y a donc pas de différence significative entre ces
différents traités, hormis le détail de leur contenu, qui reflète la diversité des engagements pris par
les deux parties en fonction des circonstances. De nombreux Modernes sont d’un tout autre avis.
Ils estiment que les traités conclus avec Camerinum et avec les Étoliens peuvent effectivement être
considérés comme des foedera, mais que ce n’est pas le cas des deux accords passés avec Syphax. La
différence essentielle, selon eux, tient au fait que ces derniers n’ont pas débouché sur la conclusion
d’une alliance militaire formelle entre le roi et le peuple romain : les accords de 213 auraient
établi une amicitia et une societas sans aucun caractère contraignant, ni pour le roi ni pour Rome,
tandis que le foedus de 206 serait une invention de la tradition annalistique destinée à justifier a
posteriori le traitement sévère infligé à Syphax après sa « trahison » et sa « défection » en faveur de
Carthage, ainsi que sa défaite face à Rome en 20398. De façon symptomatique, les deux traités avec
Camerinum et les Étoliens figurent en bonne place dans le troisième volume des Staatsverträge
édités par H. H. Schmitt, alors que les deux accords passés avec Syphax en ont été exclus99. Il n’est
évidemment pas question de rouvrir ici le débat moderne sur l’existence, ou non, de relations
informelles et non contractuelles entre Rome et certains de ses partenaires100 ; en revanche, il me
paraît possible, uniquement à partir des exemples étudiés ici, de proposer une lecture moins rigide
et plus riche de perspectives pour l’histoire des relations diplomatiques de la République romaine.
(94) D’après la plupart des Modernes, cette entrevue n’aurait débouché sur aucun résultat concret et il n’y aurait pas
eu de véritable foedus. Cf. par ex. Gsell 1928, p. 186 ; Scullard 1970, p. 96-97 ; Lazenby 1978, p. 151-152 ; Eckstein 1987,
p. 221-222 ; Seibert 1993, p. 405 et n. 25 ; Gerhold 2002, p. 99. Cf. infra, section II.4, sur ce point.
(95) J’écarte désormais de la discussion les échecs que les ambassadeurs romains ont subis en Espagne et en Gaule.
(96) Liv. 28.45.20. Cf. aussi Cic. Balb. 46 ; Val. Max. 5.2.8 ; ILS 432.
(97) Liv. 24.49.3 (Syphax en 213) ; 28.18.12 ; 30.13.8 et 11 (Syphax en 206) ; 29.12.4 ; 33.34.7 ; 33.49.8 ; 34.23.7 ; 35.33.4 ;
36.27.5 (les Étoliens en 212-211).
(98) Habel 1932, col. 1474 ; Heuss 1933, p. 29-30 ; Dahlheim 1968, p. 229-230 et n. 122 ; Scullard 1970, p. 97 ;
Richardson 1986, p. 52, n. 103 ; Ritter 1987, p. 37, 40-41 ; Eckstein 1987, p. 204 ; Huss 1989, p. 398 ; Seibert 1993, p. 405
et n. 23 ; Gerhold 2002, p. 99 et n. 240 ; Zecchini 2002, p. 97-98 ; Burton 2011, p. 95 et n. 46.
(99) Schmitt, StV III, 1969, n° 430 et 536. Th. Mommsen (18873, p. 246-257) et E. Täubler (1913, p. 133-138,
notamment p. 135 pour Syphax) considéraient ces accords conclus par les magistrats comme des foedera, mais ils leur
avaient donné le nom de « Feldherrnverträge » afin de les distinguer des autres formes de foedera. Cf. aussi Ziegler 1972,
p. 88-89.
(100) Le débat remonte au XIXe siècle et la bibliographie est considérable : plusieurs historiens, dont Th. Mommsen,
E. Täubler et, tout récemment, A. Zack ont défendu l’opinion que toutes les relations extérieures de Rome reposaient sur des
accords contractuels (« Verträge »), dont le foedus ne serait que l’une des formes possibles. H. Horn et A. Heuss, ainsi que la
majorité des savants après eux, ont soutenu que les Romains avaient entretenu des liens d’amitié et de coopération militaire
sans aucun lien formel ou contractuel avec certains de leurs partenaires (« formlose und vertraglose Freundschaft »). Pour
accéder à la bibliographie, il faut partir des travaux de synthèse de Coşkun-Heinen 2004 ; Coşkun 2005 & 2008a-b ;
Baltrusch 2008, p. 56-58, 116-121, 189-191 ; Zack, 20062, 2011, 2013 & 2015, qui défendent eux-mêmes des points de
vue différents.
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Tout d’abord, il faut renoncer à donner à foedus le sens restrictif de : « traité d’alliance militaire
à durée indéterminée entre Rome et un autre État “souverain”, soumis à la ratification du Sénat et
des Comices, conclu à Rome même selon le rituel des fétiaux et affiché sur une table de bronze au
Capitole »101. Cette définition ne couvre de loin pas toutes les acceptions attestées dans les textes
antiques. Par lui-même, le mot foedus ne donne aucune indication sur le contenu ou la nature de
l’accord désigné de la sorte : il peut s’agir d’un traité d’alliance militaire, d’un traité de paix, ou
encore d’un traité d’amitié et de commerce ; le terme peut s’appliquer aussi bien à un accord entre
deux communautés qu’à un pacte entre deux particuliers102. Lorsqu’un auteur antique emploie le
terme foedus, cela signifie simplement qu’il considère que l’accord en question a été sanctionné par
une prestation de serment engageant la bonne foi des deux parties contractantes (fidem dare atque
accipere), conformément à l’étymologie de ce mot103.
Or, d’après Tite-Live, Syphax s’est engagé par serment à renvoyer le centurion Q. Statorius si
les Scipions n’acceptaient pas les termes de l’accord conclu avec leurs légats en 213 et il a lui-même
dépêché trois ambassadeurs en Espagne afin de recueillir le serment des imperatores104 ; en 206,
le roi a exigé de procéder à l’échange des serments avec Scipion en personne et il s’est engagé,
également par serment, à garantir sa sécurité durant son séjour en Afrique105. Ailleurs, Tite-Live
fait dire à Scipion qu’à l’issue de son entrevue avec Syphax, l’accord conclu a été scellé par une
invocation aux dieux témoins des conventions et une poignée de mains droites106. C’était là l’un
des rituels en usage durant toute l’Antiquité et dans tout le bassin méditerranéen pour engager
sa bonne foi ; il est attesté pour plusieurs accords conclus par des magistrats romains avec des
princes ou des peuples étrangers107. Tite-Live a délibérément mis l’accent sur ces éléments et joué
sur les différentes acceptions du mot foedus afin de souligner la perfidie de Syphax en faisant de
lui un « briseur de traité » (foedifragus)108, mais cela ne signifie pas pour autant que ces accords de
coopération militaire et ces pactes entre le roi et la famille des Scipions soient de pures inventions
de la tradition annalistique109.
(101) Cf. dans le même sens Zack 2013, p. 77 et n. 57.
(102) Cf. par ex. Cic. leg. 2.21.10 (foederum pacis… oratores fetiales sunto) ; Dig. 49.15.5.2 (nam si cum gente aliqua…
neque foedus amicitiae causa factum habemus) ; Liv. 1.9.13 (uiolatium hospitii foedus) ; 30.13.8 (recordatio… foederis publice
ac priuatim iuncti).
(103) Enn. ann. 32 ed. Vahlen (accipe daque fidem foedusque feri bene firmum) ; Varr. ling. Lat. 5.86 (foedus, quod
fidus Ennius scribit dictum) ; Cic. off. 3.111 (nullum enim uinculum ad astringendam fidem iure iurando maiores artius esse
uoluerunt) ; Serv. ad Aen 8. 641 (Cicero foedera a fide putat dicta) ; Isid. orig. 18.1.11 (foedus… uel a fide, uel a fetialibus).
Cf. par ex. Freyburger 1986, p. 81-95, 195-199 ; Albanese 2000, passim.
(104) Liv. 24.48.8 (fide accepta ut remitteret extemplo eum, si imperatores sui non comprobassent factum) ; 24.48.9 (rex
tres a Numidis legatos in Hispaniam misit ad accipiendam fidem ab imperatoribus Romanis). Cf. Gerhold 2002, p. 92 et
n. 215.
(105) Liv. 28.17.8 (firmandae eius fidem nec dare nec accipere nisi cum ipso coram duce Romano) ; 28.18.9 (fide ab rege
accepta tutum aduentum fore).
(106) Liv. 29.24.3 (monet eum ne iura hospitii secum neu cum populo Romano initiae societatis, neu fas fidem, dextras,
deos testes atque arbitros conuentorum fallat) ; 30.13.8 (recordatio hospitii dextraeque datae et foederis publice ac priuatim
iuncti). Cf. aussi App. Lib. 10.38 ; 27.113-114 ; Iber. 30.118. On trouve chez Silius Italicus (Pun. 258-271) une description
romanesque de cette prestation de serment, avec sacrifice d’un taureau accompagné de funestes présages annonçant la chute
prochaine du royaume de Syphax. La valeur documentaire de ce passage est naturellement limitée. Cf. Ritter 1987, p. 40.
(107) Liv. 25.16.13 ; 28.35.1 ; Tac. ann. 2.58.2. Sur l’importance de la main droite comme siège de la fides, cf. Liv. 1.21.4.
Cf. Freyburger 1986, p. 136-142 ; Hölkeskamp 2000, passim, notamment p. 228, 231-232, 235 ; Knippschild 2002, passim,
notamment p. 39-48 pour le monde romain.
(108) Ce terme est employé par Cicéron (off. 1.38) à propos des Carthaginois. Sur la prétendue perfidie de Syphax,
présentée comme caractéristique des Numides et des Barbares en général, cf. Pol. 14.1.3-4 ; Liv. 28.18.10 ; 28.42.7 ; 28.44.5 ;
29.3.13-14 ; 29.23.6 ; 29.24.3 ; Val. Max. 9.8.1 ; Sil. Pun. 17.67-69, 74-75 & 129-130. Cf. Ritter 1987, p. 41 ; Levene 2010,
p. 249 ; Burton 2011, p. 98-100.
(109) Cf. dans le même sens Zack 20062, p. 184-188.
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Il n’est pas question de serment dans les deux passages que Tite-Live a consacrés à l’ambassade
du frère de Fabius Maximus Rullianus à Camerinum et à la mission de Valerius Laevinus auprès
des Étoliens, mais on ne voit pas pourquoi les représentants officiels des parties contractantes
auraient négligé de sanctionner les accords conclus sur place par un premier échange de serments,
comme cela se faisait également lors de la conclusion de trêves en vue de recueillir les morts ou
d’entamer des négociations de paix110. Cela paraît d’autant plus vraisemblable que, dans le cas des
Étoliens, Tite-Live utilise le terme foedus pour décrire les engagements pris de part et d’autre, tout
en précisant que ceux-ci ont été aussitôt mis à exécution, sans attendre l’aval du Sénat111.
En résumé, ces différents accords peuvent tous être considérés comme des foedera au sens
large du terme : sanctionnés par des serments, ils avaient valeur contractuelle et un caractère
contraignant pour les Romains et leurs alliés ; ils avaient été conclus par des représentants officiels
des deux parties et ils permettaient l’application immédiate et à plus long terme des mesures
décidées. En revanche, ils n’avaient aucun caractère définitif du point de vue de Rome pour la
simple raison que la compétence exclusive de ratifier et de pérenniser les acta des magistrats et
promagistrats en campagne appartenait au Sénat et aux Comices du peuple romain112. Le Sénat
pouvait accepter telles quelles, amender ou refuser les mesures que les imperatores avaient prises
sur le terrain, y compris les accords de coopération militaire conclus avec de nouveaux partenaires :
c’est à cette occasion que pouvaient se manifester des différences de traitement et de statut juridique
entre les alliés113. On trouve chez Tite-Live un exemple explicite à propos de l’action des Scipions
en faveur des Sagontins : dans un discours que leur attribue l’historien latin, les ambassadeurs de
la cité, introduits au Sénat par le consul Scipion en 205, demandent que les mesures prises par les
imperatores soient « ratifiées et pérennisées » avec la permission des sénateurs114. C’est dans cette
perspective qu’il convient d’examiner l’ensemble du dossier.
Fabius Maximus Rullianus avait agi contre l’avis du Sénat, qui fut informé après coup de sa
désobéissance et, selon Tite-Live, de ses succès militaires et diplomatiques dans le Nord. Cependant,
le consul est manifestement parvenu à convaincre ses pairs de l’intérêt d’une politique agressive en
Étrurie et d’une collaboration durable avec les Camertes d’Ombrie : on ne trouve pas trace de cette
séance au Sénat dans le récit de Tite-Live, mais on sait que, quelques temps plus tard, les Camertes
ont conclu avec le peuple romain un traité d’alliance militaire qualifié par Tite-Live et Cicéron
de foedus aequum ou foedus aequissimum115. Ces expressions n’ont aucune valeur technique ou
juridique et elles ne donnent pas d’indication sur les clauses du traité : suivant le contexte, elles
peuvent désigner un traité élaboré sur un pied d’égalité, un traité équitable – c’est-à-dire conforme
à la justice – qui garantissait l’autonomie de l’allié, ou encore un traité particulièrement favorable et
avantageux pour le partenaire de Rome. C’est ce dernier sens qu’il convient de retenir pour rendre
le superlatif aequissimum employé par Cicéron116. Cela dit, on peut raisonnablement supposer
(110) Cf. par ex. Liv. 1.30.8 ; 9.40.18 ; 30.4.10 ; 30.25.2 & 10 ; 30.31.1 ; 42.43.4 ; Nep. Ages. 2.4 ; Quint. Decl. 267.12.
(111) Liv. 26.24.12 & 15.
(112) Cf. par ex. Cic. Balb. 33-35 (le traité conclu avec Gadès par un centurion en 206 ne fut ratifié par le Sénat qu’en
78 seulement) ; SEG 55, 1452 = AE 2005, 1487, l. 62-64 (le traité avec les Lyciens élaboré par César en 48-47 fut approuvé par
le Sénat et le peuple en 46) ; Cic. Vat. 29 (divers foedera conclus par Pompée avec des cités et des rois de l’Orient grec entre
67 et 62 furent soumis au vote des Comices par le tribun de la plèbe Vatinius en 59).
(113) Ritter 1987, p. 37-38 ; Eckstein 1987, p. 320.
(114) Liv. 28.39.16 (id uti permittatis quaesumus, utique, si uobis ita uidetur, quae nobis imperatores uestri commoda
tribuerunt, ea rata atque perpetua auctoritate uestra faciatis). Cf. Torregaray Pagola 2005, p. 35.
(115) Liv. 28.45.20 (Camertes cum aequo foedere cum Romanis essent cohortem armatam sescentorum hominum
miserunt) ; Cic. Balb. 46 (<idem cohortis duas uniuersas Camertium ciuitate donauit,> cum Camerinum <foedus omnium>
foederum sanctissimum atque aequissimum sciret esse).
(116) Sánchez-Sanz 2016, p. 17-29.
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que les clauses de l’alliance militaire ont été rédigées selon le schéma paritaire et réciproque attesté
dans le traité romano-latin de 493 et dans quelques traités d’alliance militaire conclus avec les
peuples et cités de l’Orient hellénique117 ; on sait par ailleurs que ce traité comportait à la fin du
IIe siècle une clause introduite à la demande des autorités de Camerinum, qui interdisait l’octroi
de la ciuitas Romana aux Camertes servant dans les troupes auxiliaires des armées romaines : cette
clause devait préserver le corps civique mobilisable de la cité des naturalisations en masse uirtutis
causa auxquelles procédaient certains magistrats sur le champ de bataille118. Enfin, le traité pourrait
avoir contenu d’autres clauses favorables à la cité ombrienne, ce qui permettrait d’expliquer que
les Camertes aient demandé à l’empereur Septime Sévère le « renouvellement du droit favorable du
traité » en 210 de notre ère, alors qu’à cette date, ils étaient depuis longtemps intégrés dans la ciuitas
Romana et que les clauses de l’alliance militaire n’avaient plus guère de signification119.
Contrairement à Fabius Maximus Rullianus, les deux Scipions, en raison de leur décès
prématuré au combat, n’ont pas été en mesure de défendre en personne devant le Sénat leur
stratégie tournée vers l’Afrique et l’accord de coopération militaire qu’ils avaient conclu avec
Syphax en 213. Les mesures prises de part et d’autre ont été relativement efficaces pendant un
certain temps, mais elles n’ont pas empêché la défaite de Syphax face à Carthage et surtout, elles
n’ont pas empêché le désastre des armées romaines en Espagne en 211. C’est pourquoi, lorsque
des ambassadeurs du roi se sont présentés devant le Sénat à la fin de l’année 210 pour demander la
ratification des liens diplomatiques établis avec les Scipions trois ans plus tôt, ils n’avaient que peu
d’arguments à faire valoir : ils ont simplement mis en avant les victoires remportées contre Carthage
en Afrique – en passant probablement sous silence les défaites et, éventuellement, le fait que le
roi était à nouveau en paix avec Carthage –, et ils ont insisté sur la très grande amitié que Syphax
éprouvait pour le peuple romain. Les sénateurs ont répondu avec bienveillance et ils ont envoyé
eux-mêmes des ambassadeurs en Afrique chargés de remettre à Syphax des cadeaux prestigieux et
d’établir des liens diplomatiques avec d’autres princes120. Grâce à un autre passage de Tite-Live, on
peut supposer que le Sénat a accordé au roi à cette occasion le titre officiel d’« ami et allié du peuple
romain » (amicus et socius populi Romani)121. En revanche, il ne paraît pas avoir jugé opportun
de prendre des engagements militaires supplémentaires en faveur du roi, ni de solliciter son aide
pour les opérations à venir en Espagne, où la situation était critique. En d’autres termes, le foedus
aux objectifs limités que les Scipions avaient conclu en 213 n’a pas débouché sur l’élaboration et
la conclusion rituelle d’un traité d’alliance militaire éternel avec Syphax, comme ce fut le cas avec
(117) Dion. Hal. 6.95.2 (traité romano-latin de 493) ; SEG 35, 823, l. 10-36 (avec Maronée au IIe siècle) ; SEG 55, 1452=
AE 2005, 1487, l. 11-26 (avec les Lyciens au Ier siècle). Cf. Sanz 2013, passim ; Sánchez-Sanz 2016.
(118) Val. Max. 5.2.8 (duas enim Camertium cohortes mira uirtute uim Cimbrorum sustinentis in ipsa acie aduersus
condicionem foederis ciuitate donauit) à rapprocher de Cic. Balb. 46-47 et 32 (etenim quaedam foedera exstant, … quorum in
foederibus exceptum est ne quis eorum a nobis ciuis recipiatur). Cf. Sánchez 2007, passim, notamment p. 250-254 ; SánchezSanz 2016, p. 26.
(119) ILS 432 (Imp. Caesari | L. Septimio Seuero … iure ae|quo foederis sibi | confirmato, | Camertes | p. p.).
(120) Liv. 27.4.5-8 (une toge et une tunique de pourpre, une chaise d’ivoire et une coupe sacrificielle en or d’un poids
de cinq livres). Sur la valeur symbolique de ces cadeaux, qui fait débat, cf. Eckstein 1987, p. 205 ; Ritter 1987, p. 38-39
(simples marques d’amitié) ; Gerhold 2002, p. 95 (reconnaissance de son titre de roi) ; Levene 2010, p. 258 ; Burton 2011,
p. 95, n. 47.
(121) Liv. 31.11.13-18, notamment 31.11.15 (Syphacem sine causa ex socio et amico hostem repente populi Romani
factum). L’épisode date de l’an 200 : le Sénat a refusé à Vermina, fils de Syphax, le titre d’ami et d’allié en invoquant le fait
que son père, qui l’avait apparemment obtenu, était devenu l’ennemi de Rome sans raison valable et que lui-même avait
combattu les Romains. Il devait donc d’abord demander un traité de paix avant de revendiquer le titre d’ami et d’allié du
peuple romain. Sur ce titre, cf. Cimma 1976, passim, notamment p. 41-45 (Syphax) ; Coşkun-Heinen 2004 ; Coşkun 2005 &
2008b ; Raggi 2008 ; Zack 2013 & 2015 (reprise de tout le dossier, état de la question et nouvelle interprétation).
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Camerinum122. Cela ne signifie pas pour autant que le foedus de 213 ait été dénoncé ou qu’il ait
perdu sa validité.
Tite-Live rapporte que les ambassadeurs étoliens ont séjourné à Rome pendant près de deux
ans avant d’obtenir la ratification du foedus qu’ils avaient conclu avec Valerius Laevinus, mais
il ne donne pas les raisons de ce délai inhabituellement long, qui a suscité bien des spéculations
chez les Modernes123 : certains y ont vu un manque d’intérêt de la part des sénateurs pour les
affaires de l’Orient grec ; d’autres ont supposé que le Sénat avait refusé dans un premier temps de
ratifier des clauses défavorables à Rome ou jugées choquantes d’un point de vue humanitaire. Plus
vraisemblablement, ce retard s’explique par le calendrier des déplacements de Valerius Laevinus. Le
Sénat a souhaité entendre son rapport d’activité avant de valider le traité, conformément à l’usage,
mais Laevinus avait, dans l’intervalle, été nommé consul in absentia pour l’année 210, alors qu’il
était toujours commandant de la flotte en Grèce, et il n’a été informé par lettre de son élection qu’au
début du printemps suivant ; tombé malade, il est retourné à Rome beaucoup plus tard que prévu
et il s’est ensuite rendu sans délai en Sicile ; rappelé de sa province à la fin de l’année pour présider
les élections, il y a été renvoyé aussitôt car on craignait un débarquement des Carthaginois124.
Suivant la date que l’on retient pour l’élaboration et la conclusion du traité en Étolie (212 ou 211),
on placera sa ratification au milieu de l’année 210, durant le bref séjour de Valerius Laevinus à
Rome qui a précédé son départ pour la Sicile, ou après son retour définitif, au début de l’année
civile 209125. Tite-Live rapporte que des copies du traité ont été affichées à Rome sur le Capitole et
à Olympie126, ce qui signifie que l’accord négocié par Valerius Laevinus a été approuvé par le Sénat
– avec ou sans modification, on l’ignore –, puis soumis au vote des Comices ; on peut également
supposer qu’il a été sanctionné par un sacrifice et une prestation de serment à Rome même,
accomplie selon le rituel des fétiaux127. Les sénateurs et le peuple romain ont donc accepté de
valider et de pérenniser un foedus peu favorable à Rome, qui s’apparentait davantage à un expédient
à court terme destiné à tenir Philippe éloigné de l’Illyrie et de l’Italie qu’à un pacte destiné à sceller
durablement l’amitié et l’alliance avec les Étoliens. Faute d’indication dans les sources, on ne sait si
le traité était explicitement limité à la durée de la guerre contre Philippe, ou s’il a été conclu « pour
toujours ». Quoi qu’il en soit sur ce point, la coopération active a été interrompue dès 206, chacun
des deux partenaires ayant accusé l’autre d’avoir rompu en premier les serments et violé l’une des
clauses du traité128.
Quant à Scipion l’Africain, il n’a pas pu tirer profit de l’accord qu’il avait conclu avec Syphax –
et dont la teneur nous échappe – en raison des nombreux obstacles qui sont venus contrecarrer ses
plans d’invasion de l’Afrique. Tite-Live a consacré quelques lignes au rapport d’activité que Scipion
a présenté devant le Sénat lors de son arrivée à Rome en 206/5 : il y est question de ses victoires
remportées en Espagne, mais on n’y trouve aucune allusion aux différents accords que le proconsul
(122) Gerhold 2002, p. 95-96. Contra : Cimma 1976, p. 44-45.
(123) Liv. 26.24.14-15.
(124) Liv. 26.26.4 ; 26.40.1 ; 27.4.1-4 ; 27.5 ; Badian 1958, p. 205-208, avec références et discussion des différentes
explications modernes ; Rich 1984, p. 127-128, 159, n. 21 ; Errington 1989, p. 100.
(125) Schmitt, StV III, 1969, p. 263 ; Rich 1984, p. 155-157, 159, n. 22, 179, n. 249.
(126) Liv. 26.24.14.
(127) Cf. à titre de parallèle SEG 55, 1452 = AE 2005, 1487, l. 74-79 (traité avec les Lyciens au Ier siècle) ; Reynolds,
Aphrodisias n° 8, l. 85 & 89-95 (traité avec Aphrodisias au Ier siècle).
(128) Les Étoliens, estimant que les Romains ne leur fournissaient pas le soutien militaire qu’ils avaient promis, ont
conclu une paix séparée avec Philippe en contravention du traité. Les Romains, s’estimant à leur tour trahis, ont eux aussi
conclu la paix avec Philippe. La question de la responsabilité de cette rupture est fort débattue par les Modernes. Cf. Will
1982, p. 89-100 ; Rich 1984 ; Errington 1989, p. 102-106 ; Eckstein 2008, p. 91-112.
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avait passés avec les chefs ibériques, ni au foedus conclu avec Syphax129. Cela dit, il ne fait aucun
doute qu’il a dû aborder la question, car cela faisait partie de ses acta. Au début de l’année civile 205,
lors de la séance du Sénat consacrée à l’attribution des provinces consulaires que Scipion présidait
en tant que consul130, son projet d’invasion de l’Afrique, dont la réussite dépendait en grande partie
des alliances conclues avec Syphax et Massinissa, a fait l’objet d’un débat houleux, que nous avons
déjà évoqué plus haut : entre autres, Fabius Maximus Verrucosus lui aurait reproché d’accorder une
confiance aveugle à Syphax et d’avoir pris des risques inconsidérés en se rendant personnellement
en Afrique alors que le roi avait déjà donné des preuves de son inconstance ; Scipion aurait rétorqué
qu’il ne s’appuierait sur Syphax et Massinissa qu’après avoir obtenu de leur part toutes les garanties
nécessaires et il aurait menacé de s’adresser directement au peuple si le Sénat refusait de lui confier la
mission de terminer la guerre en Afrique131. Les sénateurs ont finalement opté pour un compromis :
Scipion a obtenu la province de Sicile extra sortem, car son collègue au consulat était pontifex
maximus et ne pouvait pas quitter l’Italie ; il a également reçu l’autorisation de passer en Afrique si
l’intérêt de la République le justifiait, mais on lui a interdit de recruter de nouvelles légions à frais
publics : il devait se débrouiller avec les troupes et la flotte stationnées en Sicile ou faire appel à des
contributions volontaires132. Quant à la ratification des accords passés avec Syphax et Massinissa,
il n’en a probablement pas été question lors de cette séance : les sénateurs ont peut-être décidé
d’attendre que les deux princes numides fassent d’abord la preuve de leur loyauté et de leur efficacité
sur le champ de bataille, puis envoient des ambassades à Rome pour demander la pérennisation
de l’amitié et de l’alliance. Les événements ont montré que Scipion a eu raison de faire confiance
à Massinissa, qui avait tout à gagner de cette collaboration avec Rome, alors que Fabius Maximus
avait vu juste à propos de Syphax. L’attitude du roi est néanmoins compréhensible : s’il a eu vent
du peu de crédit dont il jouissait au Sénat et des nombreux obstacles que Scipion a dû surmonter
avant de pouvoir embarquer pour l’Afrique, d’abord en Espagne, puis à Rome, et enfin en Sicile, il
avait quelques raisons de penser qu’il n’obtiendrait jamais des Romains les avantages que lui avait
sans doute fait miroiter Scipion133. Par ailleurs, il était constamment sollicité par les Carthaginois
depuis qu’il s’était entretenu avec Scipion134, et c’est pourquoi il s’est finalement résolu à épouser
la fille d’Hasdrubal et à conclure avec Carthage un traité d’alliance militaire durant l’hiver 205/4
ou au début de l’année suivante135. Selon Tite-Live, le roi n’a pas dénoncé pour autant les accords
qu’il avait passés avec Scipion en 206, alors même que le traité avec Carthage contenait une clause
par laquelle les deux parties s’engageaient à avoir mêmes amis et mêmes ennemis136. Finalement,
le roi a envoyé une ambassade au proconsul stationné en Sicile, chargée de lui recommander de ne
pas débarquer en Afrique et de poursuivre ailleurs son combat contre Carthage, afin que lui-même
(129) Liv. 28.38.2-4.
(130) Liv. 28.38.6-10.
(131) Liv. 28.40.1-45.11, notamment 40.1-2 ; 42.6-11 & 21 ; 44.7 ; 45.1-4. J’emploie le conditionnel car il s’agit
manifestement de discours reconstitués. Cf. aussi Val. Max. 9.8.1. Sur cette séance, cf. Bonnefond-Coudry 1989,
p. 266‑267, 315, 448-449, 480-482, 508, 606, 610.
(132) Liv. 28.38.12 ; 28.45.8 & 13-21.
(133) Burton 2011, p. 98-102.
(134) Liv. 29.3.14 ; 29.4.4.
(135) Pol. 14.7.6 ; Liv. 29.23.2-5 ; Schmitt, StV III, 1969, n° 546. Cf. aussi App. Lib. 10.37-41 ; Iber. 37.149-150 et Zon.
9.11, qui donnent des versions sensiblement différentes et peu crédibles des circonstances qui ont conduit au mariage entre
Syphax et Sophonisbe.
(136) Ritter 1987, p. 41 ; Gerhold 2002, p. 100. D’après ce dernier, le traité était limité aux opérations sur le sol
africain.
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ne soit pas contraint de prendre les armes aux côtés des Carthaginois137. Durant l’hiver 204/3, il a
tenté une dernière fois de se poser en médiateur entre Rome et Carthage138.
Conclusion
Les cinq épisodes réunis dans cette étude permettent de brosser un tableau relativement riche
des questions historiographiques, historiques et institutionnelles que soulève l’étude des accords
militaires conclus à l’initiative des Romains lorsqu’ils étaient eux-mêmes en difficulté. Ils présentent
de nombreux points communs, alors que l’issue des négociations a varié considérablement selon les
cas. Le récit de Tite-live, notre source principale pour ce petit dossier, n’est pas exempt d’ornements
littéraires, de biais partisans et de discours idéologiques, qui s’expliquent à la fois par la nature des
sources primaires dont dépend la tradition annalistique et par la place qu’occupe la fides Romana
dans l’architecture de son œuvre. Cela ne signifie pas que ces épisodes soient fictifs ou qu’il faille
en retrancher tous les éléments qui ne cadrent pas avec nos propres conceptions et définitions des
relations entre États.
Plutôt que d’examiner ces textes dans une perspective exclusivement juridique et romanocentriste, j’ai tenté de mettre l’accent sur les pratiques diplomatiques et les procédures décisionnelles
en privilégiant le point de vue des partenaires de Rome. Cela m’a paru d’autant plus profitable pour
l’analyse historique que ceux-ci étaient en position de force pour négocier, dans la mesure où
c’étaient les Romains qui sollicitaient leur coopération, et non l’inverse. L’enquête a montré que les
ambassadeurs romains, qui disposaient d’une grande marge de manœuvre pour négocier, étaient
prêts à prendre des risques pour eux-mêmes et à faire des concessions parfois importantes à leurs
futurs partenaires, voire à subir des humiliations et à repartir bredouilles. Les promesses vagues et
à long terme ne suffisaient généralement pas à convaincre leurs interlocuteurs et, pour obtenir gain
de cause, ils devaient être en mesure de leur procurer des avantages immédiats en contrepartie de
l’assistance militaire qu’ils demandaient.
Ces accords peuvent être considérés comme des foedera au sens étymologique du terme, car
ils étaient sanctionnés par des serments prêtés sur place par les détenteurs de l’autorité des deux
parties contractantes et ils permettaient la mise en œuvre immédiate des mesures convenues. Leur
contenu portait en général sur des points liés aux opérations en cours : la fourniture de vivres et
l’envoi d’une troupe auxiliaire de Camertes aux armées romaines qui viendraient combattre au
cœur de l’Étrurie ; l’entraînement à la romaine des guerriers de Syphax luttant contre Carthage et
la démobilisation des cavaliers numides servant dans les armées puniques d’Espagne ; le pillage des
cités et territoires dépendant du roi de Macédoine et la reconquête de l’Acarnanie au profit des
Étoliens.
La pérennisation de ces traités dépendait en revanche de leur ratification par le Sénat et les
Comices après audition du rapport d’activité des imperatores. Ces derniers veillaient en général à
en informer les nouveaux alliés, qui, le moment venu, dépêchaient à leur tour des ambassadeurs
à Rome. Le Sénat avait alors toute latitude pour accepter, modifier ou refuser les mesures prises
par les imperatores, qui assistaient aux séances et appuyaient les demandes des ambassadeurs. Les
sénateurs savaient faire preuve de pragmatisme sans pour autant renoncer à leur auctoritas et à
leurs prérogatives dans la gestion de la guerre et de la paix : ils n’appréciaient pas que les magistrats
(137) Liv. 29.23.6-24.3 (avec la réponse de Scipion) ; Zon. 9.12. L’abréviateur de Tite-Live (Per. 29) prétend que Syphax
aurait dénoncé son amitié avec Scipion après avoir épousé Sophonisbe. Cf. Gsell 1928, p. 186-187 ; Ritter 1987, p. 41-42.
(138) Pol. 14.1.9-12 ; Liv. 30.3.4-7 ; 30.4.1-10 ; App. Lib. 17.68-70 ; Zon. 9.12. Cf. Ritter 1987, p. 41-42.
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quittent leur prouincia pour conclure de nouvelles alliances et entraînent leurs armées dans de
nouvelles opérations militaires sans leur autorisation, mais ils étaient prêts à se laisser convaincre
après coup si les imperatores leur démontraient qu’il était dans l’intérêt de la République de
s’engager sur de nouveaux fronts et d’étendre son réseau d’alliances. Et si, dans l’intervalle, les
nouveaux partenaires de Rome avaient donné des preuves de leur fiabilité et de leur efficacité, ils
étaient en mesure d’obtenir du Sénat la ratification de traités particulièrement avantageux.
Le bilan de ces négociations est contrasté : au IVe siècle, les Romains et les Camertes ont tissé des
liens solides et durables qui faisaient la fierté de la cité ombrienne encore à la fin du Haut Empire. À
l’époque de la deuxième guerre punique, les démarches entreprises par les legati et les imperatores
romains n’ont pas rencontré pareil succès : Fabius et ses collègues ont subi un échec presque
complet en Espagne et en Gaule en 218, tandis que les Scipions ne sont pas parvenus mener à terme
leur projet initial, qui consistait à s’appuyer sur Syphax – plutôt que sur Gaia et Massinissa – pour
vaincre les Carthaginois à la fois en Espagne et en Afrique. Quant aux Étoliens, ils se sont révélés
des alliés exigeants avec lesquels il est devenu de plus en plus difficile de coopérer. Les auteurs
antiques attribuent la responsabilité de ces échecs à moyen terme aux partenaires de Rome, dont ils
dénoncent l’ingratitude et la perfidie, mais les Romains portent aussi leur part de responsabilité : au
IVe siècle, ils étaient parvenus à persuader leurs alliés, non seulement en paroles mais aussi par leurs
actes, que l’hégémonie qu’ils prétendaient exercer sur l’Italie centrale était un gage de sécurité et de
prospérité pour tous ; en revanche, un tel discours n’avait guère de chance de convaincre les peuples
et les rois d’outre-mer à la fin du IIIe siècle dès l’instant où ils avaient le sentiment que les Romains,
aux prises avec les Carthaginois, ne visaient qu’à étendre leur domination, ne leur accordaient pas
la confiance qu’ils estimaient mériter, ou tendaient à ne pas respecter leur part du contrat.
Pierre Sánchez
Unité d’Histoire Ancienne. Département des Sciences de l’Antiquité
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