tous les lieux publics, la laïcité a très vite été perçue, suite à la loi sur les signes
religieux dans les écoles publiques françaises de 2004, comme un instrument de
répression, voire même d'ostracisation. Pourtant, et malgré sa prétention à la
neutralité religieuse, la laïcité, ou plus précisément l'école laïque créée par Jules
Ferry, n'est-elle pas elle-même le produit d'une certaine tradition spécifiquement
chrétienne ? C'est l'objet de réflexion de Christiane Vollaire qui tente de mettre au
jour les ressorts politiques, sociétaux et philosophiques qui sous-tendent le discours
sur la laïcité. En s'appuyant sur son expérience d'enseignante, elle cherche à
marquer le rapport au théologique de notre tradition philosophique occidentale dont
s’inspire en grande partie notre programme de philosophie, de même que l’influence
du christianisme dans la forme institutionnelle de l’école laïque. Elle interroge ainsi
frontalement les problèmes que cet enseignement philosophique laïque peut poser à
des jeunes de culture musulmane et même chrétienne, en nous invitant à réfléchir à
la question post-coloniale et aux rapports de pouvoir qu’instaure subrepticement la
laïcité.
Ce premier exposé nous conduira à réfléchir avec Anne-Claire Husser, enseignante
à l'ESPE de Lyon, la supposée « neutralité » de l'enseignant de philosophie censé
aborder la « religion » de manière objective, rationnelle et universelle. S'il semble
impossible d'exiger des élèves qu'ils abandonnent une foi et des pratiques
culturelles ou religieuses constitutives de leur subjectivité à la grille du lycée, qu'en
est-il de l'enseignant ? N'est-il pas lui-même porteur d'une certaine tradition héritière
des Lumières, c'est-à-dire de la Chrétienté ? Plutôt que d'affirmer que la « religion »
constitue un objet d'étude comme un autre que seul le professeur pourrait penser de
manière totalement indépendante et, oserions-nous dire, « lumineuse », ne faudrait-
il pas « favoriser l'apprentissage d'une conflictualité raisonnable », en engageant et
en encourageant, aussi bien pour les élèves que pour les enseignants, une
approche critique des auteurs et des textes ?
Pour finir, nous éprouverons les limites de cette « conflictualité raisonnable », dans
le contexte très spécifique de l'enseignement de la philosophie aux « radicalisés »
dans le milieu carcéral. Avec José-Carlos Gutiérrez, nous constaterons tout d'abord
l'échec de l'instrumentalisation de l’enseignement de philosophie par le ministère de
la justice, qui supposait pouvoir s'en servir pour « déradicaliser » les personnes
engagées dans des filières jihadistes. Puis nous réfléchirons à l'inversion que font
subir les « radicalisés » à l'allégorie de la caverne platonicienne : à travers leurs
discours et leurs réactions, la religion devient le soleil de la science et de la politique,
tandis que le philosophe comme le scientifique restent prisonniers de la caverne.
Que peut la philosophie contre un tel discours idéologique ?
A l'issue de ces trois communications, nous voudrions soumettre au débat ces
problématiques qui visent à provoquer des propositions concrètes pour modifier
l'enseignement de philosophie. Nous les réfléchirons de manière ordonnée :