cas image Une protéine clé pour la transmission d`un virus de plante

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Virologie 2008, 12 (1) : 70-2
Une protéine clé pour la transmission
d’un virus de plante à la pointe des stylets
de l’insecte vecteur
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017.
1
M. Blanc
1
M. Uzest
2
T. Candresse
1
M. Drucker
3
A. Fereres
1
D. Gargani
3
E. Garzo
4
E. Hébrard
1
UMR BGPI, Inra-Cirad-AgroM,
TA A54/K,
Campus international de Baillarguet,
34398 Montpellier Cedex 05
<[email protected]>
2
Inra, UMR Génomique,
Villenave d’Ornon
3
CSIC, CCMA, Madrid, Espagne
4
IRD, Montpellier
Du fait de l’immobilité de leurs hôtes, l’immense majorité des virus de plante
utilisent des vecteurs spécifiques pour passer d’un hôte à un autre. Ces « véhicules de transport » sont principalement des arthropodes et en grande majorité
des pucerons, qui sont des insectes de type piqueur-suceur [1]. Pour les interactions virus-vecteur, la stratégie la plus communément utilisée par les virus de
plante est la transmission dite non circulante, où les particules virales prélevées
lors d’un repas dans les cellules infectées seront retenues au niveau de sites
d’attachement dans les pièces buccales antérieures de l’insecte sans effectuer de
passage à l’intérieur de son organisme. Ces particules virales seront ensuite
relarguées de ces sites d’attachement lors de piqûres sur de nouvelles cellules
hôtes et induiront ainsi l’infection dans de nouvelles plantes [2]. Si les mécanismes moléculaires de la transmission non circulante sont bien documentés en
ce qui concerne le partenaire viral, les sites d’attachement correspondants dans
les stylets du vecteur demeurent la principale « boîte noire » pour laquelle
aucune donnée n’est disponible. Malgré l’importance de ce mode de transmission, l’existence même d’un récepteur spécifique n’a jamais été prouvée pour
aucun virus. Dans une étude très récemment publiée [3], nous avons localisé
précisément le récepteur du Caulifower mosaic virus (CaMV) et déterminé sa
nature chimique.
Le Caulifower mosaic virus (CaMV) est un virus de plante
dont la transmission non circulante par un puceron vecteur
est très bien caractérisée. P2 est la protéine virale qui établit
le lien entre le virion et les sites d’attachement chez le
puceron. Cette protéine peut être produite et purifiée en
système hétérologue [4], et nous possédons un mutant
ponctuel de P2 (P2Rev5), déficient pour la transmission par
vecteur [5], un outil particulièrement intéressant pour la
recherche de molécules réceptrices chez l’insecte. Les stylets du puceron sont des organes peu caractérisés qui ne
contiennent pas de cellules et sont composés principalement de chitine. Ils se présentent comme quatre longues
aiguilles : deux stylets mandibulaires externes entourant
deux stylets maxillaires internes. Ces derniers possèdent
une architecture complexe sur leur face interne qui présente
des invaginations et excavations complémentaires assurant
une coaptation sur toute la longueur et ménageant l’existence des deux canaux, alimentaire et salivaire. Ces canaux
sont séparés sur près de 99 % de la longueur totale des
stylets et se rejoignent à l’extrémité distale pour former un
court canal commun.
Des structures sphériques, présentant les caractéristiques
spécifiques de particules du CaMV, n’ont été observées par
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Virologie, Vol. 12, n° 1, janvier-février 2008
doi: 10.1684/vir.2008.0150
Figure 1. Caractérisation du récepteur du Cauliflower mosaic virus (CaMV) dans les stylets de l’insecte vecteur. A) Observation par
microscopie électronique de pseudo-particules virales (flèches) à l’extrémité distale des stylets maxillaires du puceron vecteur
Brevicorynae brassicae, au niveau du canal commun, magnifié en B), dans une zone anatomique particulière montrant une densification
de la surface de la cuticule des stylets, magnifié en C). D) Observation par microscopie à épifluorescence de stylets disséqués incubés
avec la protéine virale P2-GFP. P2-GFP fluoresce en vert exclusivement dans le canal commun à l’extrémité distale des stylets maxillaires,
dont la chitine auto-fluorescente en jaune-orangé. Les canaux salivaire et alimentaire sont facilement reconnaissables et apparaissent
plus foncés. E) Les tests d’interaction avec un mutant ponctuel de P2 (P2Rev5GFP) déficient pour la transmission, F) ou les stylets d’un
puceron non-vecteur montrent un défaut d’accrochage de la protéine au niveau des stylets. G) P2GFP ne s’attache plus sur des stylets
pré-incubés avec la protéinase K, H) ou avec la chitinase. Cela montre que le récepteur du CaMV est une protéine cuticulaire. ma : stylets
mandibulaires ; mx : stylets maxillaires ; de : dendrites. Barre en A, B, C = 100 nm ; barre en D, E, F, G, H = 5 lm.
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A
B
de
ma
mx
100 nm
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C
100 nm
100 nm
D
E
Canal
alimentaire
Rev5GFP
5 µm
F
Canal
salivaire
A. lactucae
5 µm
G
Protéinase K
Canal
commun
H
5 µm
Virologie, Vol. 12, n° 1, janvier-février 2008
5 µm
Chit.inase 60 min
5 µm
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microscopie électronique que dans ce court canal commun
après que les pucerons ont été nourris sur plante infectée
(figure 1A et B). Ces particules virales sont toujours associées à une zone particulière de densification de la cuticule
(figure 1A et C), inconnue jusqu’ici, dont on ignore tout de
la composition ou de la fonction. Nous avons confirmé la
localisation dans cette zone du premier récepteur d’un virus
de plante non circulant grâce à un nouveau test d’interaction in vitro, sur stylets disséqués. Dans ce test, la protéine
P2 fusionnée à la GFP s’attache très spécifiquement au
niveau du canal commun à l’extrémité distale des stylets
maxillaires (figure 1D), et cette interaction est strictement
corrélée au succès de la transmission. Un mutant non fonctionnel de P2 perd sa capacité à se fixer sur le récepteur d’un
puceron vecteur (figure 1E) et la protéine P2 fonctionnelle
est incapable de s’attacher aux stylets d’un puceron non
vecteur (figure 1F).
Dans ce test d’interaction in vitro, les stylets peuvent être
traités par différents agents chimiques ou enzymes avant
d’être incubés avec les fusions P2-GFP. Cela peut potentiellement altérer les molécules réceptrices avant l’attachement de P2-GFP et a permis de montrer qu’il s’agissait de
protéines (traitement protéinase K, figure 1G) enfouies
dans une matrice de chitine (traitement chitinase,
figure 1H).
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Ces résultats apportent les premières données formelles sur
l’existence d’un récepteur protéique pour un virus non
circulant, à l’extrémité des stylets de son insecte vecteur.
Cette démonstration est d’autant plus importante que de
nombreux autres virus semblent être aussi retenus à la
pointe des stylets de leur vecteur, et pourraient donc utiliser
les mêmes molécules. Cela ouvrirait de nouvelles perspectives de lutte (à large spectre d’action) contre la propagation
des virus de plante.
Références
1. Hull R. Matthews’ plant virology. 4th edition, vol. 1. San Diego :
Academic Press, 2001.
2. Blanc S. Vector transmission of plant viruses. In : Encyclopedia of
virology. 3rd ed. Elsevier, 2007.
3. Uzest M, Gargani D, Drucker M, et al. From the cover : a protein key to
plant virus transmission at the tip of the insect vector stylet. Proc Natl
Acad Sci USA 2007 ; 104 : 17959-64.
4. Moreno A, Hebrard E, Uzest M, Blanc S, Fereres A. A single amino
acid position in the helper component of cauliflower mosaic virus can
change the spectrum of transmitting vector species. J Virol 2005 ; 79 :
13587-93.
5. Blanc S, Cerutti M, Chaabihi H, Louis C, Devauchelle G, Hull R. Gene
II product of an aphid-nontransmissible isolate of cauliflower mosaic virus
expressed in a baculovirus system possesses aphid transmission factor
activity. Virology 1993 ; 192 : 651-4.
Virologie, Vol. 12, n° 1, janvier-février 2008
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