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COLLOQUE CANCER ET TRAVAIL
L’INCa et l’ARC ont lancé conjointement, en 2006 et 2007, deux appels à projets de recherche
s’inscrivant dans les orientations du premier plan cancer et abordant respectivement sous deux
angles distincts le thème général « cancer et travail ». Le premier de ces appels à projets visait à
explorer les conséquences de la maladie et de ses traitements sur les situations d’emploi et de
travail des personnes atteintes ; le second visait à mieux connaître les facteurs de risque
professionnels des cancers et les conditions de leur reconnaissance sociale comme maladies
d’origine professionnelle. Ce colloque est l’occasion de rendre compte et de discuter des résultats
d’une partie des recherches réalisées dans ce cadre et, en examinant comment le travail contribue
à la formation des inégalités sociales face au cancer, de participer à la lutte contre ces inégalités,
qui constitue l’un des axes prioritaires du plan cancer 2009-2013 (mesures 9, 12 et 29).
Les recherches menées en réponse au premier appel à projet permettent, à travers des approches
quantitatives ou qualitatives, de mesurer et de mieux comprendre l’impact de la survenue du
cancer sur la vie professionnelle des patients qui étaient actifs au moment du diagnostic. Avec près
d’une personne atteinte de cancer sur deux âgée de moins de 65 ans, du fait des progrès réalisés
dans le diagnostic et le traitement de la maladie, la question du maintien dans l’emploi ou du
retour à la vie active des patients est en effet devenue fréquente. Pour autant, les chances d’exercer
une activité professionnelle deux ans après le diagnostic d’un cancer continuent d’être très altérées.
Les enquêtes longitudinales réalisées montrent comment les multiples difficultés auxquelles sont
alors confrontés les patients, au cours des traitements comme après, liées aux séquelles physiques
et psychologiques de la maladie (fatigue, troubles du sommeil, de la mémoire et de la concentration,
anxiété, etc.), fragilisent les conditions de la poursuite ou de la reprise de leur activité professionnelle.
Mais la possibilité du maintien en emploi est marquée de fortes disparités sociales entre catégories
professionnelles d’encadrement et d’exécution, voire entre statuts d’emplois (nature du contrat
de travail). L’aménagement des conditions et du poste de travail, rendu possible par la législation
du travail, ne constitue pas une garantie de retour à l’emploi, pour certaines catégories
socioprofessionnelles, cette compensation possible de la perte de productivité liée à la maladie et/
ou à son traitement ne paraissant pas toujours suffisante aux yeux des employeurs.
Quels enseignements peut-on alors retirer d’une comparaison entre les logiques organisationnelles
à l’œuvre, ainsi que les représentations de la question des salariés en longue maladie dans les
(grandes) entreprises françaises et allemandes ? Dans quelle mesure le problème de la maladie des
salariés, en particulier de ceux atteints de cancer, constitue-t-il une véritable préoccupation des
entreprises et sous quelle forme cette question apparaît-elle dans les discours des responsables
des entreprises ? Quelles sont les pratiques adoptées à l’égard de la maladie et dans les politiques
de gestion des ressources humaines ? Quel rôle peuvent y jouer des formes institutionnelles
différentes de reconnaissance du handicap au travail (liées à des traditions historiques nationales
distinctes) ?
Les approches qualitatives adoptées dans certaines des recherches, croisant les regards (médecins
du travail, ergonome, sociologues) sur plus d’une centaine d’entretiens réalisés au total,
s’intéressent à la diversité des stratégies et des arrangements que les personnes qui travaillent avec
un cancer parviennent ou non à mettre en œuvre pour tenir ensemble travail et santé. Les récits
recueillis auprès des travailleurs indépendants, salariés et fonctionnaires interrogés montrent une
réalité très contrastée du traitement de la maladie au travail. Si le droit social prévoit de nombreux
statuts, certains d’entre eux ne sont attribués que sur un mode négocié et/ou suite à divers
contrôles dont les malades ne mesurent pas toujours les enjeux. L’adéquation entre les statuts
possibles et les aptitudes du salarié peut s’avérer très problématique.
INTRODUCTION