Le Beau Livre de l`Univers

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Le Beau Livre
de l’Univers
Jacques Paul
Jean-Luc Robert-Esil
DUNOD
Toutes les marques citées dans cet ouvrage sont des
marques déposées par leurs propriétaires respectifs.
Édition : Anne Bourguignon, Benjamin Peylet, Marie Leclerc, Vanessa Beunèche
Recherche iconographique : Maroussia Henriet
Maquette intérieure : Raphaël Tardif
Fabrication : Gaëlle Cannavo, Martine Pierron
Mise en page : Arclemax
Impression : Graficas Estella
4
© Dunod, Paris, 2011, 2013 pour cette nouvelle présentation actualisée
ISBN 978-2-10-070235-0
SOMMaIRe
Multivers
12
d’a nnées
13,8 milliards
avant notre ère
Création 14
Œuf primordial 16
Big Bang 18
Paradoxe d’Olbers 20
Gravitation quantique 22
Ère de Planck 24
Inflation 26
Particules noires 28
Soupe primordiale 30
Matière baryonique 32
Hélium 34
Deutérium 36
Cri primal 38
Fond cosmologique 40
Âges sombres 42
Grandes structures 44
Premières étoiles 46
Lointaine galaxie 48
Étoile fossile 50
Sursaut gamma 52
Premiers amas de galaxies 54
Formation de Messier 13 56
Univers de galaxies 58
Télescope spatial 60
Température de l’Univers 62
Pic de formation d’étoiles 64
Constantes fondamentales 66
Disque galactique 68
Voie lactée 70
Univers-îles 72
Sursaut à l’œil nu 74
Collision dans le Groupe local
Énergie sombre 78
d’a nnées
4,57 milliards
avant notre ère
Soleil en gestation 80
Énergie nucléaire 82
Formation des planètes 84
Ceinture d’astéroïdes 86
Lune 88
Anneaux de Saturne 90
Nuage d’Oort 92
Grand Bombardement 94
Triton 96
Olympus Mons 98
Ceinture de Kuiper 100
Apparition de la vie 102
Matière invisible 104
Grande Oxygénation 106
Amas de galaxies 108
Réacteur nucléaire naturel 110
Terre boule de neige 112
Grande Ourse 114
Masse manquante 116
Populations stellaires 118
Trous noirs en couple 120
La plongée de M32 122
Particules extrêmes 124
Expansion universelle 126
76
Choc d’astéroïdes 128
Calderas d’Olympus 130
Amas d’étoiles bleues 132
Impact sur la Lune 134
d’a nnées
avant notre è­ re
65 millions
6
Fin des dinosaures 136
Une flambée d’étoiles s’éteint 138
Rayons cosmiques 140
Galaxie à noyau actif 142
Comète de Halley 145
Naine Brune 146
Trou noir cannibale 148
On marche sur la Terre 150
Course folle d’un pulsar 152
Échelle de distance 154
Neutrinos 156
Onde de choc 158
Magnétar 160
Impact au Pléistocène 162
Plus vite que la lumière ? 164
Antimatière 166
Trou noir ultra massif 168
Pré-supernova 170
Binaire à trou noir 172
Êta de la Carène en éruption 174
Supernova 176
Pulsar 178
Nébuleuse de la Lagune 180
avant notre è­ re
3000 ans
Calendriers 182
Stonehenge 184
Disque de Phaistos
186
Astronomie égyptienne 188
Archivage des observations 190
Bâton de Jacob 192
Théorème de Thalès 194
Modèle du monde 196
Harmonie des sphères 198
Cosmologie bouddhiste 200
Atomisme 202
Héliocentrisme 204
Académie 206
Atlantide 208
Traité du Ciel 210
Distances de la Lune
et du Soleil 212
Mesure de la Terre 214
Théorie des éclipses 216
Précession des équinoxes 218
Astrolabe 220
Machine d’Anticythère 222
La Comète de César 224
L’Almageste 226
Mort d’Hypatie 228
Catalogue stellaire chinois 230
Constellations 232
Calendrier Maya 234
Astronomie islamique 236
Étoile nouvelle 238
Tapisserie de Bayeux 241
Adoration des Mages 242
Vers l’infini 244
Perspective à l’italienne 246
après le début
1543 ans
de notre ­ère
Révolution copernicienne 248
Uraniborg 250
Dix jours en moins 252
Univers infini 254
Lunette de Galilée 256
Astronomia Nova 258
Nébuleuse d’Orion 260
Taches solaires 262
Cogito, ergo sum 264
Cyclone jovien 266
Astronomie française 268
Astronome 270
Pensées 272
Spectroscopie 274
Télescope 276
Observatoire de Greenwich 278
Célérité de la lumière 280
Pluralité des mondes 282
Rationalisme 284
Observatoire astrologique 286
Invention du sextant 288
Gravitation 290
Loi de Titius-Bode 292
Points d’équilibre 294
Prix de la longitude 296
Premier envol 298
Astres obscurs 300
Méridien de Paris 302
Mécanique céleste 304
Tempête solaire 306
Goût des sciences 308
Astronomie physique 310
Canaux de Mars 312
Astronomie Populaire 314
Guerre des mondes 316
Astronautique théorique 318
après le début
1905 ans
de notre ­ère
E = mc2 320
Toungouska 322
Rayon limite 324
Le Grand Débat 326
Astronautique pratique 328
Compton contre Millikan 330
Objectif Lune 332
Conquête de l’espace 334
Programme SETI 336
Vol habité 338
Parasites cosmologiques 340
Science-fiction 342
Trou noir 344
Découverte des pulsars 346
après le début
1969 ans
de notre ­ère
On marche sur la Lune 348
La Comète et l’Europe 351
Radiosource superluminique 352
Multi-longueurs d’onde 354
Dernier contact 356
Astroparticule 358
Déchéance d’une planète 360
Insaisissable frontière 362
Apophis frôle la Terre 364
Vie extraterrestre 366
On marche sur Mars 368
Mars la Rouge 370
Ascenseur spatial 372
La panne du millénaire 374
Étoile du Nord 376
Message livré ? 378
Bouteille à la mer 380
Forces de marée 383
Fin du Kali Yuga 384
Colonisation de la Galaxie 386
Coalescence d’étoiles
à neutrons 388
Dernière éclipse totale 390
Fin de la vie sur Terre 392
Collision avec M31 394
Géant rouge 396
d’a nnées
7,76 milliards
après le début de notre ère
8
Fin du Soleil 398
Big Rip 400
Fusion du Groupe Local 402
Le ciel se vide 404
Dernières étoiles 406
Désintégration des protons 408
Évaporation des derniers
trous noirs 410
avant-propos
Nous, pauvres humains, sommes comme un nourrisson perdu dans un berceau beaucoup trop
grand, et qui s’endormirait recroquevillé dans un coin du lit à la recherche du contact rassurant
des bornes de son petit monde. Tout comme cet enfant, nous n’avons de cesse que d’effleurer
les limites de l’Univers ! C’est bien pourquoi l’astronomie est beaucoup plus qu’une science :
c’est notre lien génétique avec l’Univers, cet Univers d’où provient toutes choses, jusqu’à notre
substance même. Un jour, nous devrons y replonger, lorsqu’un Soleil trop brûlant aura rendu
inhabitable notre petite planète.
Depuis que nous avons conscience de nous-mêmes et du monde, nos regards sont tournés vers le
ciel. Et voici qu’il y a cinquante ans, le vieux rêve d’Icare est devenu réalité quand un jeune pilote
de l’armée de l’air soviétique atteignit l’espace à bord d’un vaisseau spatial rudimentaire. Mais pour
approcher le ciel d’encore plus près, c’est à l’astronomie qu’il faut s’en remettre. À son service, des
yeux électroniques scrutent le ciel avec un formidable pouvoir de perception, si bien que l’Univers
est devenu, comme le disait Fontenelle : « un grand spectacle qui ressemble à celui de l’opéra ».
C’est cette joie de faire connaître ce patrimoine incomparable qui nous a incités à rédiger Le
Beau Livre de l’Univers. Notre ouvrage aurait pu tout aussi bien s’appeler Le Livre du bel Univers,
tant les observations astronomiques nous fournissent désormais des images à couper le souffle,
au point qu’on se demande parfois quel artiste contemporain pourrait en être l’auteur ! Mais audelà de la beauté des images, il s’agissait aussi de rendre hommage à toutes ces femmes et tous
ces hommes habités par la même passion et la même fascination pour ce spectacle incomparable
que nous offre le ciel. C’est grâce à tous ces visionnaires, savants comme artistes, que nous discernons maintenant les Deus ex machina qui œuvrent en coulisse…
Nous proposons de balayer l’Univers au fil de deux cents entrées classées suivant un ordre chronologique, de son début attesté (le Big Bang), jusqu’à ses fins possibles. Le lecteur pourra ainsi
découvrir des images captées par les observatoires astronomiques qui scrutent désormais tout
l’Univers, des portraits de savants qui ont tenté d’en démêler les nœuds, ou encore des œuvres
d’artistes qui l’ont rêvé… Notre ambition est de brosser un tableau pointilliste, de juxtaposer des
touches qui apportent chacune leur trait, que l’ensemble se fonde aux yeux du lecteur et que lui
apparaisse une vitrine de l’Univers.
Précisons un petit détail : en posant que la lumière se déplace toujours à la même vitesse universelle, Einstein a fait perdre au temps le caractère absolu que lui assignaient les savants du
XIXe siècle et limite la simultanéité aux événements vus d’un même référentiel. La chronologie
que nous avons adoptée ne convient donc qu’aux seuls terriens et ne doit pas être considérée
comme accréditant l’idée d’un temps absolu. Si d’aventure notre ouvrage était édité dans une
autre galaxie, il nous faudrait adopter une chronologie différente…
Certains des événements que nous relatons ont été sélectionnés en raison de leur caractère
universel, tels ceux se déroulant au tout début de l’Univers ou au cours de ses fins possibles.
D’autres tiennent plus à notre situation particulière au sein du système solaire, de la formation
de notre étoile à sa fin programmée. Enfin, beaucoup s’inscrivent dans un laps infiniment plus
bref, celui des temps historiques, où depuis moins de quatre siècles, les événements s’enchaînent
à une vitesse vertigineuse.
10
Ainsi, ce n’est qu’à la fin du XVIIe siècle que nos sociétés européennes, sûres d’elles et dominatrices, établissaient (à grand peine) la différence entre astrologie et astronomie et commençaient
à admettre que l’Univers pourrait bien être infini, voire peuplé d’une infinité de mondes semblables au nôtre. Plus incroyable encore, pour la majorité des savants du XIXe siècle, l’Univers
tout entier se résume à notre galaxie, la Voie lactée. Enfin, voici vingt ans seulement, nous ne savions rien de l’accélération de l’Univers et de l’énergie sombre qui en serait la cause. Aujourd’hui
pourtant, tous les spécialistes sont persuadés que cette entité (encore mystérieuse) constitue les
trois quarts de l’Univers…
Un mot sur nos choix scientifiques ou historiques. Dans certains cas, ils reflètent ce qu’il est
convenu d’appeler un « consensus général » ; dans d’autres, nous avons été amenés à prendre
parti entre plusieurs interprétations ou hypothèses, parfois aussi bien étayées l’une que l’autre.
Les références bibliographiques que nous fournissons en fin de volume apporteront les justifications scientifiques de certains de ces choix.
remerciements
Nous tenons à remercier tout particulièrement Anne Bourguignon, Benjamin Peylet et Vanessa
Beunèche pour leur soutien sans faille et leurs suggestions toujours judicieuses. Nous remercions Maroussia Henriet pour son opiniâtreté et son efficacité dans l’art difficile de la recherche
iconographique.
Multivers
Ensemble hypothétique de tous les univers possibles, chacun doté de ses propres lois de la physique.
Le nôtre est l’un de ceux qui, par hasard, se seraient développés munis d’un jeu de constantes
fondamentales favorable à l’apparition de la vie.
L
ancé en 1895 par le philosophe américain
tuerait un univers en devenir. Sous l’emprise de
William James, pionnier de la psychologie,
fluctuations d’énergie, une bulle connaîtrait une le terme de multivers fait les beaux jours de la
phase d’expansion qui déboucherait sur un uni-
science-fiction du XX siècle, avant son entrée
vers, armé de ses propres lois physiques. Une telle
remarquée dans le champ scientifique, aux fron-
spéculation échappe à toute vérification, elle se tières de la physique théorique.
situe donc en dehors de la méthode scientifique e
proprement dite, mais elle permettrait de régler,
12
En effet, pour peu que l’espace soit infini, d’in-
avec élégance, une des questions les plus lanci-
nombrables entités pourraient se situer au-delà
nantes de la physique : pourquoi les constantes
de l’Univers observable et donc inaccessibles à
fondamentales, telles que la constante de la gra-
nos yeux comme à nos instruments. Le concept
vitation ou la masse de l’électron, sont-elles ajus-
de multivers se fonde sur une théorie physique
tées de telle manière à ce que l’évolution de notre
éprouvée (la relativité générale) mais une autre
Univers aboutisse à la vie intelligente ? De fait,
théorie, tout aussi orthodoxe, peut amener à la
si la formation d’un univers était un événement
même hypothèse : la mécanique quantique, et
banal du multivers, il n’y aurait guère de surprise
la possibilité qu’elle offre d’univers distincts où
à considérer que celui dans lequel nous nous
tous les états d’un objet quantique seraient effec-
trouvons soit doté des constantes de la physique
tivement réalisés.
permettant l’émergence des êtres pensants…
Selon l’une des propositions les plus fascinantes
de la physique théorique, le multivers serait une
Voir aussi Création p.14, Inflation p. 26, Constantes fondamentales p. 66.
sorte de mousse quantique où chaque bulle consti-
Nuit étoilée, paysage idyllique et menaçant que Vincent Van Gogh peint en 1889 alors qu’il se trouve de son plein gré à
l’asile d’aliénés de Saint-Rémy-de-Provence (Museum of Modern Art, New York).
avant le big bang
Création
Renouant avec les mythes cosmogoniques de nombreuses cultures ancestrales, tels ceux de la
Bible des Hébreux, les astrophysiciens s’accordent sur l’idée que l’Univers a surgi d’un événement
prodigieux, sans qu’ils parviennent pour autant à en décrire les premiers instants.
L
a démarche scientifique ne laisse aucune Toutefois, la relativité générale, agrémentée
place au surnaturel. Quand il s’agit d’expli-
de quelques ajouts théoriques de circonstance
quer sa formation, les astrophysiciens qui étu-
(comme l’inflation), permet de bâtir une théorie dient l’Univers en tant que système physique
globale de l’Univers qui talonne l’instant zéro,
– les cosmologistes – refusent donc de considé-
s’en approchant à 10 -43 seconde près. Sous le nom
rer l’intervention d’une quelconque entité divine.
(impropre) de Big Bang, ce cadre théorique fait
l’unanimité de presque tout le monde scientifique. 14
Des observations incontestables montrent que
Si la gravitation quantique permettait à la théorie
l’Univers s’est développé depuis un état extrême-
du Big Bang de passer de l’autre côté de l’ultime
ment dense et chaud. Les cosmologistes essayent
mur de la connaissance, au-delà de cet infime in-
de comprendre cet état initial, l’instant de la
tervalle de temps, il resterait à comprendre pour-
création, au moyen de la meilleure théorie à leur
quoi l’Univers est aussi bien adapté à l’émergence
disposition pour décrire l’espace : la relativité gé-
de la conscience. De cette dernière question naît
nérale. Mais reconstruire à rebours l’évolution de
l’engouement pour l’hypothèse du multivers qui
l’Univers avec de tels outils conduit à une densité
banalise la création en la multipliant à l’infini.
et une température infinie au bout d’un temps fini dans le passé. La théorie de la relativité gé-
Voir aussi Multivers p.12, Œuf primordial
nérale aboutit ainsi à une situation intenable ; les
p. 16, Big Bang p. 18, Gravitation quantique
spécialistes parlent de singularité. Pour éviter ce
p. 22, Inflation p. 26.
qui peut apparaître comme un enlisement de la
physique, beaucoup comptent sur la théorie de la
gravitation quantique que s’échinent à formuler
les instituts de physique théorique.
Dieu séparant la lumière des ténèbres, la première des neuf scènes centrales de la fresque du plafond de la chapelle
Sixtine peinte par Michel-Ange entre 1508 et 1512.
big bang
d’a nnées
13,8 milliards
avant notre ère
Œuf primordial
Au cours des âges, de nombreuses civilisations partagent l’idée que le monde fut créé à partir d’un
œuf. Cet œuf primordial se retrouve dans les travaux du prêtre belge Georges Lemaître, pionnier de
l’étude de l’Univers en tant que système physique.
A
u tournant des années 1920, Albert Eins-
ne tarit pas sa curiosité scientifique. Après avoir tein bâtit un modèle cosmologique dans le
étudié l’astrophysique en Angleterre et s’être
cadre de sa théorie de la relativité générale qu’il
initié aux dernières avancées en matière d’ob-
vient de formuler. Comme il estime que les dis-
servation du ciel profond aux États-Unis, l’abbé
tances entre les galaxies sont fixées à jamais, son Lemaître devient professeur à l’Université catho-
modèle d’Univers est fixe lui aussi, en « équilibre lique de Louvain. Il développe alors un modèle
statique ».
où la matière, l’espace et le temps naissent de la
désintégration d’un unique « atome » primordial.
16
Dès 1924 pourtant, Alexander Friedman pro-
Profondément croyant, il s’attache à maintenir la
pose une solution des équations de la relativité
distinction la plus nette entre les deux chemins
générale qui implique l’expansion de l’Univers.
qu’il s’efforce de suivre, la science et la Révélation.
En 1927, l’abbé Lemaître, après avoir trouvé in-
En 1952, il intervient auprès du Pape Pie XII pour
dépendamment la même solution, prédit que la
que le Vatican, dans ses discours officiels, renon-
récession des nébuleuses spiralées est le résultat
ce à l’amalgame entre la notion théologique de
de l’expansion de l’Univers. Or, qu’il y ait expan-
création et son hypothèse de l’atome primordial.
sion implique qu’il y ait aussi un début à cette
expansion. Pour l’interpréter, l’abbé lance dans
Voir aussi Big Bang p.18.
les années 1930 l’hypothèse de l’atome primitif,
qui annonce la théorie du Big Bang à venir.
Précurseur de la cosmologie moderne, Georges
Lemaître, profondément marqué par les horreurs
du premier conflit mondial, est ordonné prêtre en 1923, après sa thèse de doctorat. Sa vocation
Pour bien des peuples, l’œuf est lié à la genèse du monde et à sa différenciation progressive.
big bang
d’a nnées
13,8 milliards
avant notre ère
Big Bang
En dépit de sa traduction littérale de « grand boum », le Big Bang n’est pas une explosion ! C’est
l’astrophysicien Fred Hoyle qui lance ce terme pour tourner en dérision une théorie qu’il conteste…
F
red Hoyle invente le Big Bang le 29 mars
• Partout dans l’Univers se retrouve la même
1949, au cours de l’émission radiodiffusée
proportion d’hélium. L’Univers est donc passé
de la BBC, The Nature of Things (la nature des
par une période durant laquelle sa densité et
choses). Il se défend par la suite d’avoir inten-
sa température étaient assez élevées pour per-
tionnellement manié l’ironie pour forger cette
mettre la synthèse d’un tel élément.
expression qui rapidement devient une « ve-
18
dette » du vocabulaire astronomique. Elle est
• Les mesures dans la bande des micro-ondes
pourtant impropre : le Big Bang ne projette pas
d’un rayonnement provenant de manière qua-
la matière tous azimuts pour emplir un espace
si-uniforme de toutes les directions du ciel
vide au préalable. C’est l’espace lui-même qui se
témoignent de l’époque dense et chaude que
dilate avec le temps et qui accroît du même coup
l’Univers a connue au cours de ses premiers
les distances entre les objets qu’il entraîne dans
âges.
son expansion.
La théorie du Big Bang s’est peu à peu bâtie
Dans les années qui suivent, l’expression perd
sur ces trois piliers. Mais il convient de rappe-
sa connotation péjorative. Le Big Bang finit par ler qu’elle dépend aussi de deux hypothèses :
désigner une théorie acceptée par l’ensemble
le
de la communauté scientifique car elle explique échelle, l’Univers est isotrope et homogène,
trois séries d’observations indépendantes, toutes
semblable à lui-même dans toutes les direc-
incontestables :
tions) et l’universalité des lois de la physique.
principe
cosmologique
(à
très
grande
• Les galaxies distantes semblent s’éloigner d’autant plus rapidement de l’observateur qu’elles
Voir aussi Œuf primordial p. 16.
sont lointaines, ce qui montre que dans son
lointain passé, l’Univers était beaucoup plus
dense et donc bien plus chaud.
Contrairement à ce que suggère cette image, le Big Bang n’est pas une explosion…
big bang
d’a nnées
13,8 milliards
avant notre ère
Paradoxe d’Olbers
La théorie du Big Bang impose de revisiter le célèbre paradoxe qu’Olbers formule en ces termes en
1826 : « dans un univers homogène et infini dans l’espace et dans le temps, chaque ligne de visée
devrait rencontrer une étoile, alors pourquoi le ciel est-il noir la nuit ? »
L
orsqu’ils démantèlent le modèle aristotéli-
Le fait, attesté depuis 1676, que la lumière se
cien en supposant que les étoiles ne sont pas
propage à une vitesse finie, reste très curieuse-
solidaires de la sphère des « fixes » mais répar-
ment absent du débat. Il faut attendre 1848 et un
ties dans un espace infini, les astronomes de la écrivain et poète, Edgar Allan Poe, qui avance le
Renaissance enfantent un problème qui les han-
premier que si la lumière se propage à une vitesse
tera des siècles durant. En effet, en admettant
finie et si l’Univers a un âge fini, seule une petite qu’il existe un nombre infini d’étoiles, alors, partie est accessible à l’observation, ce qui résout
même la nuit, toute la voûte céleste devrait briller
le problème.
d’un vif éclat…
20
Johannes Kepler est l’un des premiers à souli-
En fixant un début à l’univers, la théorie du gner cette contradiction. Il en tire argument pour
Big Bang permet-elle de contourner le paradoxe
critiquer la notion d’un univers infini qui ne man-
d’Olbers ? Ce serait le cas dans un univers sta-
e
quera pas tout de même de s’imposer. Au XVIII
tique. Mais l’Univers est en expansion à partir
siècle, alors que le monde savant jongle avec les in-
d’un état très chaud : à l’époque de la recombi-
finis, le mathématicien suisse Jean-Philippe Loys
naison, le fond du ciel est bel et bien d’un éclat
de Chéseaux mène la première analyse sérieuse
comparable à celui de notre Soleil ! Au cours de
d’un univers où brilleraient une infinité d’étoiles. 13,8 milliards d’années d’expansion, il subit une
Un médecin allemand, Heinrich Olbers, refor-
perte d’éclat d’un facteur mille milliards et laisse
mule le problème en 1826 d’une manière plus
ainsi place à l’obscurité nocturne familière.
accessible en s’appuyant sur la notion de ligne
de visée avec, toujours, la même conclusion en
Voir aussi Big Bang p. 18, Cri primal p. 38.
forme de paradoxe : pourquoi le ciel est-il noir
la nuit ?
Dans un univers infini où les étoiles sont éternelles, une quelconque ligne de visée, matérialisée ici par un rayon laser
tiré à partir du VLT au Chili, devrait nécessairement rencontrer une étoile.
big bang
d’a nnées
13,8 milliards
avant notre ère
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