Evaluation d’entreprise – Pertinence pour le conseiller juridique Frank GERHARD* Docteur en droit, LL.M., avocat I. Evaluation d’entreprise : but, fonctions et limites A. But de l’évaluation d’entreprise Le juriste se préoccupe en principe peu d’évaluation d’entreprise. Il préfère laisser cette tâche à des spécialistes1. Judex non calculat. Après une introduction sur le but, la fonction et les limites de l’évaluation d’entreprise, la présente contribution vise à identifier les situations pour lesquelles le législateur prévoit expressément une telle évaluation, pour ensuite se pencher sur les principales méthodes d’évaluation. Puis, le présent article tente de dégager les principes de fond et de procédure fixés par la jurisprudence, applicables à l’évaluation d’entreprise, et en particulier à la détermination de la valeur des parts sociales. Enfin il reprendra les principes fixés par le Tribunal fédéral en matière d’évaluation d’entreprise, en particulier pour fixer la valeur réelle des actions noncotées en bourse (article 685b CO), pour terminer par quelques questions particulières relatives aux primes et décotes. La valeur d’une entreprise ressort au fond strictement du domaine de l’économie d’entreprise. Dans l’absolu, la valeur de l’entreprise peut être dissociée de tout contexte juridique. C’est le cas lorsque quelqu’un se demande quelle somme il peut exiger ou offrir pour vendre, respectivement acquérir, une * 1 L’auteur tient à remercier M. Gabriel BOURQUIN, titulaire d’une Maîtrise en droit, pour l’aide précieuse apportée à l’occasion de la rédaction de cet article. La doctrine juridique suisse est relativement maigre sur le sujet. On relèvera toutefois la thèse de SCHÖN. La doctrine allemande est en revanche plus abondante ; on mentionnera notamment l’ouvrage de référence de GROSSFELD (Recht der Unternehmensbewertung), et la thèse de ADOLF. Sur l’évaluation d’entreprise en général en Suisse, on se référera notamment aux ouvrages de LEYSINGER, SCHÖNENFELDER, HELBLING (Unternehmensbewertung), VOLKART, LODERER et al. et SIEGRIST/RAUSCHENBERGER, tous cités dans la bibliographie. 1 Frank Gerhard entreprise ou alors une participation dans celle-ci. Pourtant, dès lors que les personnes impliquées sont engagées dans un rapport juridique – associés, acheteurs-vendeurs, époux ou héritiers par exemple – la question doit aussi être examinée sous l’angle du droit. Pour appliquer des critères juridiques à l’évaluation, une compréhension économique des faits s’avère néanmoins requise. La valeur de l’entreprise n’est pas forcément comparable au prix d’achat négocié dans le cadre d’un contrat. La « valeur » est le résultat d’une évaluation – toujours contestable sur le plan méthodologique – qui représente le montant qui pourrait être payé en cas de vente. Le « prix » constitue quant à lui la convergence entre l’offre et la demande, c’est-à-dire une réalité : le montant effectivement payé2. B. Les trois fonctions de l’évaluation d’entreprise La doctrine3 distingue trois fonctions de l’évaluation d’entreprise qui peuvent donner lieu à trois valeurs différentes : - la fonction de décision (Entscheidungsfunktion) ; - la fonction consensuelle ou d’arbitrage (Vermittlungs – oder Konfliktlösungsfunktion) ; et - la fonction d’argumentation (Argumentationsfunktion). Dans la première fonction, l’évaluation sert à préparer une décision dans le cadre d’un contrat, par exemple l’achat d’une entreprise ou d’une participation. Etant donné que l’acheteur ou le vendeur décide pour lui-même, il convient de se fonder sur son appréciation subjective4 : quel prix doit-il payer au maximum ou exiger au minimum pour respectivement acheter ou vendre l’entreprise ? En principe, la valeur de décision n’est pas destinée à être communiquée à l’autre partie. Dans la deuxième fonction, le but de l’évaluation est de fixer un montant qui liera plusieurs parties, par exemple dans le cadre d’un jugement ou d’un arbitrage. L’estimation est alors objective, puisqu’il faut trouver un équilibre approprié entre les intérêts divergents de deux parties ou plus. La valeur consensuelle ou d’arbitrage appropriée se trouve en règle générale à mi-chemin entre les valeurs limites que les parties donnent à l’entreprise5. Enfin, dans le cas de la fonction d’argumentation, l’évaluation est partiale car elle ne considérera que certains critères déterminés. Elle vise à dégager les éléments favorables à une partie. Elle sera en principe communiquée à l’autre partie, afin d’influencer une négociation par exemple6. 2 3 4 5 6 2 HELBLING, Unternehmensbewertung, p. 53 ; HELBLING, Grundsätze, p. 736. EUGSTER, pp. 48 ss ; HELBLING, Unternehmensbewertung, p. 44 ; SCHÖN, pp. 21 ss. HELBLING, Unternehmensbewertung, p. 47. HELBLING, Unternehmensbewertung, p. 46. HELBLING, Unternehmensbewertung, p. 51. Evaluation d’entreprise – Pertinence pour le conseiller juridique C. Limites de l’évaluation d’entreprise Les formules mathématiques sont rassurantes par l’aspect scientifique qu’elles confèrent à l’évaluation d’entreprise. Elles reposent néanmoins sur des données et des hypothèses incertaines7. On en tient pour preuve une pléthore de méthodes d’évaluation qui se valent toutes mais prêtent à controverse8. Faut-il adopter une approche statique et procéder à une radiographie de la société à un moment donné, ou privilégier une approche dynamique, partant du principe que le fruit va germer ? Convient-il d’évaluer une entreprise par rapport à son environnement économique ou plutôt à la lumière de ses caractéristiques intrinsèques, telles que sa comptabilité? En temps de crise économique, les analyses et autres prévisions inspirent une méfiance accrue. Elles restent pourtant nécessaires dans toutes les situations illustrées ci-dessous. L’occasion est donnée d’expérimenter et de critiquer constructivement les différentes techniques pour les faire évoluer. A défaut d’être fiable, on conviendra tout de même que l’évaluation d’entreprise peut se montrer crédible, en s’efforçant notamment d’être la plus transparente possible quant aux raisons qui ont poussé à choisir une méthode plutôt qu’une autre et quant au calcul de certains paramètres normatifs, tels que les taux de capitalisation. Selon nous, il convient toutefois d’éviter les méthodes d’évaluation privilégiant une approche trop statique de l’entreprise, sous l’unique prétexte que la vérification des données sur lesquelles elle se fonde est plus aisée. A quoi bon obtenir un pronostic certain, mais inutile ? Il faut accepter l’incertitude et adopter des approches dynamiques, orientées sur l’avenir et privilégiant la valeur de rendement, tout en admettant qu’on ne pourra en rien conjurer les incertitudes liées à l’évolution du marché. II. Exemples de situations pouvant nécessiter une évaluation d’entreprise Le droit suisse prévoit plusieurs situations dans lesquelles une partie peut requérir du juge une évaluation d’entreprise ou dans lesquelles une évaluation d’entreprise est nécessaire, mais sans qu’une partie puisse exiger du juge qu’il décide d’une telle évaluation. Nous allons ci-après examiner une sélection de ces situations en vue de déterminer si le droit fédéral positif impose certaines règles d’évaluation. 7 8 EUGSTER, pp. 50 s. ; HELBLING, Unternehmensbewertung, pp. 147 et 153. Sur les différentes méthodes d’évaluation, cf. III. 3 Frank Gerhard A. Droit des sociétés 1. Indemnité de sortie d’un associé a) Société simple (i) Les cas de sortie - La sortie d’une société simple peut se faire par « sortie volontaire » d’un associé ou par « exclusion » prononcée par les autres associés. La loi ne confère pas aux associés d’une société simple un « droit de sortie » ; ils ont uniquement la faculté d’en provoquer la dissolution, dès lors qu’une des conditions légales est réalisée9. En raison de la liberté contractuelle inhérente à la société simple10, un tel droit de sortie – qu’il soit soumis à la réalisation de certaines conditions, comme la survenance de justes motifs, ou qu’il soit inconditionnel – peut cependant être aménagé dans le contrat de société ou consacré par une décision sociale ultérieure11. En outre, le droit de résilier le contrat avant terme, assorti d’une clause de continuation de la société sans l’associé sortant (Fortsetzungsklausel)12, équivaut à un droit de sortie. La loi prévoit d’ailleurs expressément cette possibilité dans la société en nom collectif (SNC)13. Contrairement au droit de la SNC14, les règles légales applicables à la société simple ne prévoient pas non plus la possibilité d’exclure un associé, même pour justes motifs15. Cependant, les associés sont libres d’aménager un « droit d’exclusion » dans le contrat de société ou par une décision sociale16. A nouveau, un tel droit peut être assorti d’une clause de continuation prévoyant le maintien de la société en l’absence de l’associé concerné. (ii) Fixation de l’indemnité de sortie - La sortie ou l’exclusion d’un associé n’affecte pas l’identité de la société, qui se poursuit pour les autres associés. Pour le surplus, les conséquences juridiques sont les mêmes que celles prévalant pour la SNC (article 576 CO) qui sont applicables par analogie17 : le droit de la société simple ne prévoit pas expressément une indemnité de sortie en cas de sortie ou d’exclusion d’un associé. Les conséquences de la sortie d’un associé sont en fait similaires à celle de la clause de continuation en cas de décès : l’associé sortant 9 10 11 12 13 14 15 16 17 4 Art. 545 et 546 CO. Art. 530 CO. CR-CHAIX, N 34 ad art. 545-547 CO ; BaK-STAEHELIN, N 5 ad art. 545/546 CO. Par une clause de continuation, les parties prévoient que les associés restants poursuivront entre eux la société, malgré la survenance d’une cause (légale ou contractuelle) de dissolution ou une résiliation ; cf. ATF 110 II 376, c. 2a, JdT 1975 I 623 (pour la SNC). Art. 576 al. 1 CO. Art. 577 CO. ATF 94 II 119, c. 3a, JdT 1969 I 153. CR-CHAIX, N 35 ad art. 545-547 CO ; BaK-STAEHELIN, N 6 ad art. 545-546 CO. CR-CHAIX, N 36 ad art. 545-547 CO ; BaK-STAEHELIN, N 7 ad art. 545-546 CO. Cf. infra II. A. 1. b). (ii). Evaluation d’entreprise – Pertinence pour le conseiller juridique quitte la société et sa qualité d’associé s’éteint ; la part des associés restants s’en trouve accrue d’autant, ce qui fonde une obligation d’indemniser l’associé sortant jusqu’à concurrence de la valeur de sa part au moment où il quitte la société. Une clause d’indemnisation (Abfindungsklausel) peut faciliter la détermination du montant dû ; à défaut, le juge appliquera par analogie les règles de la SNC (article 580 CO)18. L’associé sortant n’est, en principe, pas tenu des dettes nées après son départ de la société19. b) Société en nom collectif (i) Cas de sortie - En substance, l’article 576 CO permet qu’une société en nom collectif continue d’exister malgré la sortie (ou le décès) d’un associé. Cette continuation de la société nonobstant le départ d’un de ses membres est une exception à la règle de l’article 574 CO, qui veut qu’en cas de dénonciation du contrat de société par l’un des associés (article 545 alinéa 1 chiffre 6 CO par analogie) ou en cas de décès de l’un d’eux (article 545 alinéa 1 chiffre 2 CO par analogie), la société soit dissoute. Implicitement, l’article 576 CO reconnaît donc aux associés le droit d’aménager un véritable « droit de sortie volontaire », en faveur de tous les associés ou de certains d’entre eux – en vertu d’une convention antérieure à la sortie ou d’une décision postérieure à la sortie (tant que la liquidation n’est pas terminée20) – sans qu’ils ne doivent dénoncer le contrat. En présence de justes motifs, chaque associé peut aussi agir en dissolution de la société, ainsi que le prévoit l’article 545 alinéa 1 chiffre 7 CO, par renvoi de l’article 574 CO. Lorsque de justes motifs se rapportent principalement à l’un ou à l’autre des associés, l’article 577 CO offre aussi la possibilité d’exclure ceux des associés dont la situation ou le comportement rendent la poursuite du but social difficile ou la continuation de la société insupportable. A ce titre, l’article 578 CO permet aux autres associés d’exclure un associé lorsque celui-ci est déclaré en faillite ou lorsque son créancier demande la dissolution de la société après avoir fait saisir sa part de liquidation. Dans tous ces cas, le départ, ou l’exclusion – si elle est décidée – d’un associé doivent être accompagnés d’un désintéressement selon l’article 580 alinéa 1 ou alinéa 2 CO du ou des associé(s) sortant(s) ou exclu(s) (respectivement de l’office des poursuites ou de l’administration de la faillite), à moins qu’une telle indemnisation de départ n’ait été conventionnellement exclue. (ii) Fixation de l’indemnité de sortie - Le contrat de société (ou une convention accessoire) peut contenir des dispositions sur la fixation de l’indemnité de sortie (assiette de calcul, méthode de calcul, principes d’évaluation, etc.). Un tel accord 18 19 20 BaK-STAEHELIN, N 7 ad art. 545-546 CO. CR-CHAIX, N 36 ad art. 545-547 CO ; BaK-STAEHELIN, N 7 a contrario ad art. 545-546 CO. ATF 116 II 49, c. 4b, JdT 1992 I 66. 5 Frank Gerhard peut aussi intervenir postérieurement à la sortie. Dans tous ces cas, l’indemnité de sortie est fixée d’un commun accord au sens de l’article 580 alinéa 1 CO. Le contrat de société peut aussi fixer le montant de l’indemnité de façon forfaitaire, voire supprimer toute indemnité de sortie21. Un tel abandon d’actifs peut cependant être révoqué si les conditions de l’article 285 et suivants LP sont remplies. Enfin, les parties peuvent aussi prévoir que la détermination de l’indemnité de sortie sera confiée à un tiers expert, assortissant une telle mission de directives. En l’absence de directives, le tiers devra en principe s’aligner sur les principes régissant le calcul de l’indemnité par le juge (article 580 alinéa 2 CO)22. En l’absence d’une clause contractuelle et d’un accord commun entre les parties, la somme due à l’associé est fixée par le juge (article 580 alinéa 2 CO). Celui-ci doit tenir compte de « l’état de l’actif social lors de la sortie et, le cas échéant, de la faute de l’associé sortant. » Selon le Tribunal fédéral23 et une partie importante de la doctrine24, l’état de l’actif social lors de la sortie doit se déterminer non sur la base d’un bilan de liquidation, mais sur celle d’un bilan d’exploitation (Fortführungsbilanz, Abfindungs- ou Abschichtungsbilanz). Un tel bilan d’exploitation se fonde sur la valeur – souvent sensiblement plus élevée que celle d’un bilan de liquidation – de l’entreprise au moment de la sortie, dans l’optique d’une continuation de l’exploitation. Cette approche est justifiée par la continuation de l’entreprise nonobstant la sortie d’un associé. A cet effet, le juge doit inclure le bénéfice net que l’on peut escompter des affaires en cours25. Les réserves latentes et le goodwill doivent être activés26. De l’actif social ainsi calculé, la valeur des apports de tous les associés doit finalement être déduite. Un éventuel excédent constituera le bénéfice dont l’associé sortant recevra une part. L’indemnité de sortie se composera donc de la part du bénéfice ainsi calculée, augmentée de la valeur de l’apport effectué (article 548 alinéa 2 ou 3 CO, par le renvoi de l’article 574 alinéa 1 CO). En fixant le montant de l’indemnité de sortie, le juge tiendra compte, le cas échéant, de la faute de l’associé sortant27. Celle-ci doit être liée à la sortie de l’associé28 : il faut en d’autres termes qu’il existe un lien de causalité entre le motif d’exclusion et le comportement de l’associé qui justifie la pénalisation de celui-ci. Si cette faute entraîne un préjudice chiffrable pour la société, la créance de l’associé sortant en paiement de son indemnité de sortie et celle de la société en 21 22 23 24 25 26 27 28 6 CR-VULLIÉTY, N 5 ad art. 580 CO ; BaK-STAEHELIN, N 3 ad art. 578 CO. CR-VULLIÉTY, N 9 ad art. 580 CO. ATF 100 II 376, c. 2, JdT 1975 I 623 ; ATF 93 II 247, c. 2b, JdT 1968 I 139. CR-VULLIÉTY, N 12 ss ad art. 580 CO ; BaK-STAEHELIN, N 4 ad art. 580 CO. SJ 1978 500, c. 8b. BaK-STAEHELIN, N 4 ad art. 580 CO. Il s’agit d’une conséquence du caractère personnel de la société en nom collectif, contrairement, par exemple, à la société anonyme. CR-VULLIÉTY, N 18 ad art. 580 CO ; BaK-STAEHELIN, N 6 ad art. 580 CO. Evaluation d’entreprise – Pertinence pour le conseiller juridique réparation du préjudice peuvent être compensées aux conditions habituelles (article 120 CO, article 213 et suivants LP). c) Société en commandite A l’instar de ce qui prévaut dans la SNC, le contrat de société ou une décision ad hoc peuvent prévoir que, nonobstant la dénonciation du contrat par un associé, l’exclusion d’un associé ou encore le décès d’un associé indéfiniment responsable, la société en commandite continuera pour les associés restants (article 576 CO par le renvoi de l’article 619 CO). Les droits pécuniaires des associés sortants sont réglés, pour les commandités et les commanditaires, par l’article 580 CO par renvoi de l’article 619 CO. d) Société anonyme (i) Cas exceptionnels de sortie - Le droit de la société anonyme ne prévoit pas d’indemnité de sortie en faveur des associés, sous réserve des deux exceptions exposées ci-dessous. La première exception se présente en cas de clause statutaire subordonnant le transfert des actions nominatives à l’approbation de la société (clause d’agrément) (article 685a CO). Pour les actions non-cotées en bourse, le conseil d’administration peut refuser son approbation au transfert en invoquant un juste motif prévu par les statuts ou en offrant à l’aliénateur de reprendre les actions pour son propre compte (dans les limites de l’article 659 CO), pour le compte d’autres actionnaires ou pour celui de tiers, à leur « valeur réelle » au moment de la requête (article 685b alinéa 1 CO). En outre, si les actions ont été acquises par succession, partage successoral, en vertu du régime matrimonial ou dans une procédure d’exécution forcée, le conseil d’administration ne peut refuser son approbation que s’il offre à l’acquéreur de reprendre les actions en cause à leur « valeur réelle » (article 685b alinéa 4 CO). Cette possibilité, ouverte aux sociétés, de refuser l’agrément en formulant une offre de reprise – désignée escape clause parce qu’elle permet en quelque sorte à la société d’empêcher le transfert tout en échappant à l’obligation de motiver son refus – n’existe pas lorsque les actions sont cotées en bourse. La seconde exception se présente lorsque des actionnaires représentant ensemble 10% au moins du capital-actions requièrent une dissolution pour justes motifs. Dans ce cas, le juge peut – en lieu et place de la dissolution – adopter « une autre solution adaptée aux circonstances et acceptable pour les intéressés » (article 736 chiffre 4 CO). Il fondera sa décision sur les principes de subsidiarité et de proportionnalité : la dissolution de la société doit rester la solution ultime29. L’indemnisation de l’actionnaire demandeur par reprise de ses actions contre paiement de la « valeur réelle », dans le respect des exigences de l’article 659 CO 29 BÖCKLI, Aktienrecht, § 16 N 191 ; CR-RAYROUX, N 20 ad art. 736 CO. 7 Frank Gerhard s’offre alors comme alternative, aux cotés d’une réduction de capital dans le respect des exigences des articles 732 et suivants CO – dans la mesure où la participation de l’actionnaire minoritaire excède 10% du capital-actions de la société – ou du paiement d’un dividende par exemple30. Ces alternatives ne sauraient cependant justifier un droit de sortie en faveur de l’actionnaire31. (ii) Fixation de l’indemnité de sortie - Tout comme dans les sociétés de personnes, le montant de l’indemnité peut être fixé par accord entre les parties32, ce qui constitue le cas le plus fréquent. Une telle fixation inclut également la désignation d’un tiers expert indépendant, directement mandaté par les parties ou désigné par les statuts33, ce qui exclut l’intervention de l’organe de révision de la société34. Il est également envisageable de prévoir une méthode de fixation de la « valeur réelle » dans les statuts pour les situations régies par les articles 685b CO et 736 chiffre 4, 2e phrase CO35. Cependant, plus une telle réglementation conduit à des résultats qui s’écartent de la « valeur réelle » objective, plus le risque d’une violation du principe de l’égalité de traitement des actionnaires selon l’article 717 alinéa 2 CO est important36. En cas de valeur nettement supérieure, on peut même se trouver en présence d’une distribution cachée de dividende prohibée par les articles 671 et suivants, 678 et 680 CO, le cas échéant37. A défaut d’accord entre les parties ou de clause statutaire, l’indemnité doit être fixée par le juge. L’article 736 chiffre 4, 2e phrase CO ne contient pas de règle concernant le calcul de l’indemnité de l’actionnaire exclu. L’article 685b alinéas 1 et 4 CO précise en revanche que l’indemnité de l’actionnaire refusé doit correspondre à la «valeur réelle» des actions38. Cette valeur réelle doit être calculée au moment de l’introduction de l’action pour les cas régis par l’article 736 chiffre 30 31 32 33 34 35 36 37 38 8 BÖCKLI, Aktienrecht, § 16 N 200 ss ; BaK-STÄUBLI, N 27 ad art. 736 CO. Sur la révision de l’art. 736 CO, cf. GERHARD, Auflösung, pp. 143 ss. Le projet de révision de la SA étend l’escape clause également aux actions rachetées par la société en cas d’action en dissolution (cf. art. 659 al. 3 1ère phrase Projet). Contrairement au droit de la Sàrl (art. 822 CO). Cf. BÖCKLI, Aktienrecht, § 16 N 203 ss et la doctrine citée à la note 487 in fine. SCHÖN, p. 112 ; BÖCKLI, Aktienrecht, § 6 N 221 ; BaK-OERTLE/DU PASQUIER, N 13 in initio ad art. 685b CO. La formulation potestative de l’art. 685b al. 5 CO laisse comprendre que des accords individuels sont possibles. BÖCKLI, Aktienrecht, § 6 N 234 ; BaK-OERTLE/DU PASQUIER, N 18 ad art. 685b CO. BÖCKLI, Aktienrecht, § 6 N 235. SCHÖN, p. 112 ; BÖCKLI, Aktienrecht, § 6 N 232 ; FORSTMOSER/MEIER-HAYOZ/ NOBEL, § 44 N 168 ; BaK-OERTLE/DU PASQUIER, N 19 ad art. 685b CO. SCHÖN, p. 112 ; BÖCKLI, Aktienrecht, § 6 N 232 ; FORSTMOSER/MEIER-HAYOZ/ NOBEL, § 44 N 169. BaK-OERTLE/DU PASQUIER, N 19 ad art. 685b CO sont nettement moins critiques en cas de méthode conduisant à une valorisation supérieure à la valeur réelle. FORSTMOSER/MEIER-HAYOZ/NOBEL, § 44 N 169. Illustratifs sont les deux cas du Tribunal fédéral ATF 120 II 259, c. 2b, JdT 1995 I 208 (affaire du cinéma) et l’arrêt 4C.363/2000 du 3 avril 2001 (affaire du garage). Evaluation d’entreprise – Pertinence pour le conseiller juridique 4 CO39, respectivement au moment de la demande d’inscription au registre des actions pour les cas régis par l’article 685b CO40. e) Société à responsabilité limitée (i) Cas de sortie - Le droit de la Sàrl fonde un droit à une indemnisation à plusieurs titres, reflétant ainsi le caractère également personnel de ce type de société. Le premier cas figure dans les dispositions sur le « transfert des parts sociales. » En règle générale, la cession des parts sociales requiert l’approbation de l’assemblée des associés, qui peut refuser cette approbation sans indication de motifs (article 786 alinéa 1 CO) ; une réglementation statutaire peut cependant déroger à ce régime général, selon le large spectre des possibilités offertes par l’article 786 alinéa 2 CO. De même que dans une SA, les statuts d’une Sàrl peuvent également prévoir que l’assemblée des associés ne puisse refuser la cession que si la société propose au cédant de lui reprendre ses parts sociales à leur « valeur réelle » pour elle-même (dans les limites prévues par l’article 783 CO), pour un associé ou pour un tiers (article 786 alinéa 2 chiffre 3 CO). En outre, l’article 788 alinéa 3 CO prévoit qu’en cas d’acquisition par succession, par partage successoral, en vertu du régime matrimonial ou dans une procédure d’exécution forcée, les parts sociales passent à l’acquéreur sans l’approbation de l’assemblée des associés, mais que ladite assemblée peut refuser de reconnaître l’acquéreur en tant qu’associé avec droit de vote, si elle lui propose de reprendre ses parts sociales à leur « valeur réelle » au moment de la requête. L’offre peut être faite pour le compte de la société (dans les limites de l’article 783 CO), pour le compte d’autres associés ou pour celui de tiers. Le second cas se présente en rapport avec la « dissolution de la société ». En effet, chaque associé peut requérir du juge la dissolution de la société pour justes motifs. Le juge peut cependant adopter une autre solution, adaptée aux circonstances et acceptable pour les intéressés, notamment l’indemnisation de l’associé demandeur pour ses parts sociales à leur « valeur réelle » (article 821 alinéa 3 CO). Cette mesure ne constitue ni un droit de sortie (cf. article 822 CO) ni une exclusion (cf. article 823 CO), mais un cas particulier de départ à l’instar de ce qui prévaut dans le droit de la SA (article 736 alinéa 4 CO). Le troisième cas se présente en rapport avec « le départ – volontaire ou involontaire – d’associés. » Tout d’abord, l’article 822 alinéa 1 CO accorde à chaque associé un droit de sortie judiciaire pour justes motifs. L’article 822 alinéa 2 CO permet en outre d’introduire un droit de sortie statutaire exerçable en tout temps et sans motifs particuliers ou à certaines conditions déterminées. En cas d’exercice de ce droit, l’associé sortant a droit à une indemnité correspondant à la « valeur réelle » de ses parts sociales (article 825 CO). Ensuite, l’article 823 CO 39 40 SCHÖN, p. 115. ATF 120 II 259, c. 2b, JdT 1995 I 208. 9 Frank Gerhard prévoit l’exclusion des associés, nécessaire dans une société qui, selon la conception du législateur, repose sur des liens étroits entre les associés41. La société peut requérir du juge l’exclusion d’un associé pour de justes motifs (article 823 alinéa 1 CO). La décision sociale consistant à demander l’exclusion judiciaire d’un associé pour justes motifs est une compétence intransmissible de l’assemblée des associés (article 804 alinéa 2 chiffre 14 CO), à laquelle les statuts peuvent aussi attribuer la compétence d’exclure un associé pour des motifs déterminés (article 823 alinéa 2 CO). En cas de sortie ou d’exclusion judiciaire pour justes motifs, de même qu’en cas de sortie ou d’exclusion statutaire, l’article 825 alinéa 1 CO prévoit que l’associé sortant a droit à une indemnisation correspondant à la « valeur réelle » de ses parts sociales. Dans les cas de départs fondés sur l’exercice d’un droit de sortie statutaire, les statuts peuvent fixer l’indemnité de sortie de manière différente (article 825 alinéa 2 CO). Le montant de l’indemnité prévue par les statuts n’est limité ni vers le haut (puisque l’article 825a CO protège suffisamment les intérêts des créanciers indépendamment de la quotité de l’indemnité) ni vers le bas (puisque rien n’oblige un associé à exercer un droit de sortie statutaire). Il est ainsi possible d’exclure tout droit à l’indemnité, voire d’obliger l’associé qui exerce un droit de sortie statutaire à s’acquitter d’un paiement (ce qui peut notamment être justifié pour compenser sa libération de certaines prestations accessoires selon l’article 795 CO). On admettra que l’indemnité peut être fixée sur la base de formules contenues dans les statuts. Ceux-ci pourront également fixer la procédure d’évaluation et même déléguer cette évaluation à un tiers. Les articles 19 et suivants ainsi que l’article 27 CO demeurent réservés42. (ii) La fixation de l’indemnité de sortie - L’indemnité de sortie se calcule dans les trois cas mentionnés à la « valeur réelle », qui sera déterminée conformément à l’article 789 CO. Cette réglementation est identique à celle qui prévaut en droit de la SA (article 685b alinéa 5 CO). Elle ne tient pas compte d’une faute imputable à la société, ni de l’absence d’une faute de l’associé. Une faute (respectivement une violation du contrat) pourrait toutefois justifier une prétention en dommagesintérêts délictuelle ou contractuelle indépendante de la prétention au versement de l’indemnité43. f) Société en commandite par actions En ce qui concerne la société en commandite par actions, il convient de distinguer entre les associés ordinaires et les associés indéfiniment responsables. Alors que la situation des associés ordinaires est similaire à celle des actionnaires d’une société anonyme, les associés indéfiniment responsables d’une société formée pour une durée indéterminée ou pour la vie de l’un des associés indéfiniment responsables 41 42 43 10 Message 2001, 3019. Sur la question, cf. CR-BUCHWALDER, N 20 ad art. 825 CO. CR-BUCHWALDER, N 14 ad art. 825 CO. Evaluation d’entreprise – Pertinence pour le conseiller juridique ont un droit de dénonciation, qui s’exerce de la même manière que celui de l’associé en nom collectif (article 771 CO en rapport avec l’article 574 alinéa 1 CO). g) Société coopérative Le droit de la coopérative prévoit un droit de sortie en faveur de tout associé (article 842 alinéa 1 CO) ainsi qu’un droit d’exclusion en faveur de la société (exercé par l’assemblée générale) pouvant être prévu statutairement (article 846 alinéa 1 CO) ou fondé sur de justes motifs (article 846 alinéa 2 CO). Un associé sortant n’a droit à une indemnité que si les statuts le prévoient expressément (article 864 CO). A ce défaut, les associés sortants et leurs héritiers n’ont aucun droit à la fortune sociale (article 865 alinéa 1 CO). Cependant, lorsque la société est dissoute dans l’année qui suit la sortie ou le décès d’un associé et que l’actif est réparti, l’associé sortant ou ses héritiers ont les mêmes droits que les personnes qui étaient membres de la société lors de sa dissolution (article 865 alinéa 2 CO). Si les statuts ne prévoient pas la nature et les modalités du droit à l’avoir social, mais uniquement son principe, on effectue une répartition par tête, par analogie à l’article 913 alinéa 3 CO44. Si la société coopérative dispose d’un capital social, le droit à l’avoir social se détermine par rapport à la participation au capital, de façon analogue à l’article 913 alinéa 2 CO45. Par « actif net constaté par le bilan » (article 864 alinéa 1 CO), le législateur désigne la différence entre les actifs et les fonds étrangers. 2. Apports en nature et reprise de biens Le droit de la Sàrl en matière d’apports en nature et de reprise de biens renvoie au droit de la SA (article 777 alinéa 2 CO lors de la fondation et article 781 alinéa 2 CO lors de l’augmentation de capital). Nous n’examinerons donc que les dispositions du droit de la SA. Lors d’un apport en nature au sens de l’article 634 CO, la libération des actions n’intervient pas en espèces, mais au moyen d’autres biens, tels qu’une participation ou une entreprise. Selon la pratique de l’Office fédéral du registre du commerce, un bien n’est susceptible d’apport en nature que s’il est activable, transférable, disponible et réalisable46. Alors que dans le cas de la libération en espèces, la valeur de l’argent est aisément quantifiable, le législateur part du principe que les apports en nature le sont plus difficilement. Il convient par conséquent d’éviter que la société ne reçoive pas la contre-valeur des actions qu’elle émet et que le capital-actions ne soit ainsi pas entièrement libéré 44 45 46 CR-CARRON/NIGG, N 5 ad art. 864-865 CO ; BaK-NIGG, N 5 ad art. 864/865 CO. CR-CARRON/NIGG, N 5 ad art. 864-865 CO ; BaK-NIGG, N 5 ad art. 864/865 CO. Communication de l’OFRC du 9 août 2001 relative aux apports en nature et reprises de biens, REPRAX 2/2001, pp. 66 ss. Sur les apports en nature de biens immatériels et de goodwill en particulier, cf. MÜLLER, Die Sacheinlagefähigkeit, pp. 50 ss. 11 Frank Gerhard (libération fictive)47. Lors de la reprise de biens d’un actionnaire ou d’une personne qui lui est proche48, ce danger existe aussi. Une surévaluation des apports ou des biens repris peut porter préjudice aux intérêts de la société, des actionnaires et surtout des créanciers. Afin d’éviter cela, l’article 628 alinéa 1 CO prescrit que les statuts doivent indiquer l’objet et l’estimation de cet apport, le nom de l’apporteur et les actions qui lui reviennent. La même règle vaut en cas de reprise de biens (article 628 alinéa 2 CO). Cette précaution ne protège cependant pas contre une surévaluation. C’est pourquoi l’article 635 CO (lors de la fondation) et l’article 652e CO (lors de l’augmentation de capital) exigent que les fondateurs, respectivement le conseil d’administration, rendent compte dans un rapport écrit de la nature et de l’état des apports en nature ou des reprises de biens et du bien-fondé de leur évaluation49. Lorsque l’évaluation se montre complexe, par exemple lorsque l’apport consiste en une entreprise ou une part d’entreprise, le conseil d’administration doit se faire assister par un expert50. L’évaluation se basera sur la valeur vénale, mais ne pourra pas être plus élevée que la valeur que l’apport représente pour la société51. La méthode d’évaluation doit être indiquée52. Ce rapport doit être vérifié par un réviseur agréé qui doit attester par écrit qu’il est « complet et exact » (article 635a CO et respectivement, article 652f CO). La loi ne fournit pas d’indications spécifiques sur l’examen du réviseur. Il doit notamment vérifier que l’évaluation des apports en nature ou des reprises de biens est plausible (vertretbar)53. Dans cette limite, il n’appartient pas au réviseur agréé de juger de l’appréciation livrée par le conseil d’administration et il ne saurait en particulier lui substituer la sienne54. Dans l’hypothèse où un apport ou une reprise de biens est surévaluée, le capital-actions n’est pas libéré à hauteur de la surévaluation et l’obligation de libérer perdure : le conseil d’administration devra veiller à son exécution forcée55. L’approbation par l’assemblée générale et l’inscription au registre du commerce 47 48 49 50 51 52 53 54 55 12 ATF 90 II 490 et 132 III 673. Jusqu’au 31 décembre 2007, la présomption légale envisageait ce risque pour toutes les transactions, même pour celles effectuées at arm’s length avec un tiers désintéressé. La petite révision du droit de la société anonyme a limité les exigences supplémentaires aux transactions avec les actionnaires et leurs proches. BÖCKLI, Aktienrecht, § 1 N 399 ; CR-VENTURI/ZEN-RUFFINEN, N 6 ad art. 652e CO ; BaK-SCHENKER, N 3 ad art. 635 CO ; BaK-ZINDEL/ISLER, N 4 ad art. 652e CO. CR-VENTURI/ZEN-RUFFINEN, N 6 ad art. 652e CO ; BaK-ZINDEL/ISLER, N 4 ad art. 652e CO. BÖCKLI, Aktienrecht, § 1 N 399, qui renvoie à l’art. 960 al. 2 CO. BÖCKLI, Aktienrecht, § 1 N 400. Message 1983, 115, ch. 313.4 ; BÖCKLI, Aktienrecht, § 1 N 414a ; BaK-SCHENKER, N 5 ad art. 635a CO ; BaK-ZINDEL/ISLER, N 3a ad art. 652f CO. BÖCKLI, Aktienrecht, § 1 N 414a et § 2 N 160. BÖCKLI, Aktienrecht, § 1 N 444 ; MEIER-HAYOZ/FORSTMOSER, § 16 N 94 et N 618 ; ATF 132 III 668, c. 2.3 ; ATF 102 II 361. Le Message 2007 prévoit la sanction de la nullité en cas de violation des normes sur la reprise envisagée expressément (Message 2007, 1642, ch. 2.1.2). Evaluation d’entreprise – Pertinence pour le conseiller juridique au sens l’article 643 alinéa 2 CO n’ont pas d’effet curatif56. Le montant de la libération subséquente (Nachliberierungspflicht) correspond à la différence entre le prix d’émission (valeur nominale et agio) et la valeur réelle de l’entreprise apportée ou reprise57. S’il a été décidé d’apporter l’entreprise non pas à la valeur réelle, mais à une valeur inférieure (par exemple la valeur de liquidation), cette valeur inférieure sera déterminante pour la valorisation58. Restent réservées la responsabilité des fondateurs (article 753 CO), respectivement des administrateurs (article 754 CO) et les sanctions pénales (articles 153, 251 et 253 CP). 3. Suppression du droit préférentiel de souscription La valeur théorique d’un droit préférentiel de souscription s’apparente à celle d’une option d’achat avec pour sous-jacent l’action sur laquelle porte le droit. Le prix d’exercice, le prix d’émission des nouvelles actions, et la période d’exercice correspondent aux conditions de l’augmentation de capital décidée. La valeur d’un droit préférentiel de souscription peut donc être appréhendée par une formule du type de celle de BLACK et SCHOLES. La valeur du droit préférentiel de souscription dépend fondamentalement de deux éléments : - l’importance de la décote, soit la différence entre la valeur des actions existantes et le prix d’émission des actions nouvelles, et - le rapport d’émission, soit le rapport entre le nombre d’actions existantes et le nombre d’actions nouvelles. Lorsque le droit préférentiel de souscription est supprimé, la fixation du prix d’émission joue donc un rôle particulier, les seules protections dont jouit l’actionnaire étant, l’exigence de justes motifs pour justifier l’exclusion elle-même du droit préférentiel de souscription, la responsabilité du conseil d’administration selon l’article 754 CO (si l’exclusion et la fixation du prix d’émission lui ont été délégués), ou encore l’annulabilité de la décision de l’assemblée générale sur la base de l’article 706 alinéa 2 chiffres 1, 2 ou 3 CO (si elle décide elle-même de la suppression du droit préférentiel de souscription). Les explications justifiant la fixation du prix d’émission et figurant dans le rapport du conseil d’administration prendront alors une importance particulière, surtout si le prix est inférieur à la « valeur réelle » des actions en circulation. Pour justifier le prix d’émission des titres émis par une société dans le cadre d’une augmentation de capital après que les actionnaires se sont vu retirer leur droit de souscription, le conseil d’administration doit se livrer à une évaluation de la société émettrice. Il doit ainsi démontrer que le prix d’émission correspond à la « valeur réelle » des titres en circulation et que les conséquences financières de l’opération sont, elles aussi, conformes à l’intérêt social, dans la mesure où elles ne se traduisent pas par un 56 57 58 L’effet guérisseur ne porte que sur l’acquisition de la personnalité juridique et non sur l’obligation de libérer. BÖCKLI, Aktienrecht, § 1 N 441. SCHÖN, p. 136. Ibid. 13 Frank Gerhard transfert de substance au détriment des actionnaires existants. La question se pose alors de savoir si l’organe de révision doit vérifier de manière indépendante si le prix fixé par le conseil d’administration pour les nouvelles actions correspond à la « valeur réelle » des actions déjà existantes59. La loi ne prévoit rien de tel, le réviseur ne devant que vérifier la plausibilité de la valorisation faite par le conseil d’administration60. Le projet de révision du droit de la société anonyme61 prévoit à l’article 652b alinéa 5 CO qu’en cas de suppression du droit préférentiel de souscription, le prix d’émission des nouvelles actions ne doit pas être sensiblement inférieur à leur « valeur réelle », à moins que le droit de souscription soit négociable ou que tous les actionnaires aient approuvé le prix d’émission. Cette règle vise au final à garantir le droit de propriété des actionnaires en excluant qu’une augmentation du capital-actions ne puisse entraîner une dilution de la substance de leurs actions au cas où ils ne pourraient ou ne souhaiteraient pas participer à la transaction. Bien que la disposition soit praticable pour les sociétés cotées, étant donné qu’elles peuvent en principe organiser un négoce du droit de souscription, une telle règle risque de poser plusieurs problèmes pratiques pour les sociétés non cotées, pour lesquelles il sera difficile d’organiser un négoce du droit de souscription ou d’obtenir l’accord de tous les actionnaires. Notamment les augmentations de capital en vue de l’assainissement d’une société seront quasiment impossibles à exécuter : d’une part, l’évaluation de l’entreprise dans une telle phase sera très difficile, et d’autre part, il sera sans doute impossible de trouver de nouveaux investisseurs se satisfaisant d’un prix de souscription confinant à la « valeur réelle »62. 4. Perte de capital et surendettement Selon les circonstances, l’article 725 CO impose trois obligations au conseil d’administration : (i) la convocation immédiate de l’assemblée générale afin de lui proposer des mesures d’assainissement lorsque la moitié du capital-actions et des réserves légales n’est plus couverte (perte de capital ; perte qualifiée) (article 725 alinéa 1 CO) ; (ii) l’établissement d’un bilan intermédiaire en cas de soupçon de surendettement (article 725 alinéa 2, 1ère phrase CO) et enfin (iii) l’avis au juge en cas de surendettement avéré (article 725 alinéa 2, 2e phrase CO). Le franchissement de la limite de l’article 725 alinéa 1 CO est déterminé sur la base d’un bilan établi à la valeur d’exploitation63. Selon l’article 725 alinéa 2 CO, 59 60 61 62 63 14 Cette position est défendue par REYMOND, 160. BÖCKLI, Aktienrecht, § 2 N 302 ; BaK-ZINDEL/ISLER, N 3a ad art. 652f CO. FF 2008, p. 1507. BÖCKLI, Aktienrecht, § 2 N 294c ss. BÖCKLI, Aktienrecht, § 13 N 719 ; CR-PETER/CAVADINI, N 20 ad art. 725 CO ; BaKWÜSTINER, N 22 ad art. 725 CO, qui mentionne une liste d’exceptions (la société se Evaluation d’entreprise – Pertinence pour le conseiller juridique afin de déterminer si le surendettement est réalisé, il appartient en premier lieu au conseil d’administration de dresser un bilan intermédiaire à la valeur d’exploitation. S’il ressort de ce premier bilan que la société est surendettée, le conseil d’administration devra alors faire dresser un bilan à la valeur de liquidation64. S’il ressort finalement de ce deuxième bilan que la société est surendettée, le conseil d’administration doit demander au juge de prononcer la faillite, sous réserve de la postposition de créances. Le projet de révision du droit de la société anonyme prévoit d’emblée l’établissement d’un double bilan (article 725c alinéa 1 Projet CO) et oblige le conseil d’administration à informer le juge que si les deux bilans intermédiaires montrent que la société est surendettée (article 725c alinéa 4 Projet CO). Le conseil d’administration ne procédera alors pas à une valorisation de l’entreprise proprement dite, mais à une valorisation des différents postes au bilan selon les règles comptables (article 662 et suivants CO) et les règles d’évaluation prévues par la loi (article 960 CO ; article 664 et suivants CO). Deux points particuliers doivent être mentionnés à cet égard. Tout d’abord, en ce qui concerne la valorisation des réserves latentes, le bilan dans lequel les biens sont évalués à leur valeur d’exploitation est en principe moins généreux que le bilan dans lequel les biens sont évalués à leur valeur de liquidation, qui permet de faire apparaître en principe d’éventuelles réserves latentes. Cette situation insatisfaisante disparaît toutefois dès lors que la société a opté pour un autre référentiel comptable que celui proposé par le CO (par exemple IFRS, US GAAP). Ces autres référentiels comptables imposent en effet d’établir le bilan sur la base de la true and fair view (donc à la valeur réelle des actifs). Il en découle que soit les réserves latentes sont exclues, soit elles apparaissent au bilan dans une perspective de continuation de l’entreprise. Le double test de l’article 725 alinéa 2 CO perdra en principe son sens. En revanche, quel que soit le référentiel comptable appliqué par la société, le goodwill généré par l’entreprise, dit « goodwill originaire » (et non pas le goodwill acquis) ne peut pas être activé lorsqu’un bilan d’exploitation est établi. Une partie de la doctrine admet cependant qu’il peut l’être lorsqu’un bilan à la valeur de liquidation est dressé aux fins du test prescrit par l’article 725 alinéa 2 CO.65 En effet, l’activation du goodwill originaire dans cette situation est justifiée car sa valeur correspond à celle qui serait réalisée par la société si elle vendait tous ses actifs En revanche, lorsqu’il s’agira d’évaluer certains actifs qui figurent au bilan, tels que des participations détenues par une société holding, le conseil d’administration devra bel et bien procéder à une valorisation de l’entreprise. A ce titre, le Tribunal fédéral a confirmé qu’un surendettement au sens de l’article 725 64 65 trouve déjà en phase de liquidation ou la continuation de l’exploitation n’est plus sérieusement envisagée). Sur l’établissement de ce double bilan intermédiaire, cf. BÖCKLI, Aktienrecht, § 13 N 770-771 ; BaK-WÜSTINER, N 35 ss ad art. 725 CO. CR-PETER/CAVADINI, N 39-40 ad art. 725 CO. 15 Frank Gerhard CO n’est pertinent que s’il a été constaté à l’aide de principes de valorisation reconnus. Dans le cadre de son examen, limité il est vrai à l’arbitraire, le Tribunal fédéral n’a pas reconnu la méthode dite des « multiples »66, bien que largement répandue dans le monde transactionnel. Elle n’est, selon notre Haute Cour, pas suffisante pour déterminer le moment de l’endettement, car elle est inexacte et sert surtout à rendre plausibles des valeurs déterminées par d’autres méthodes67. B. Droit des restructurations de sociétés 1. Nécessité d’une évaluation des entreprises concernées Pour les cas de fusion de sociétés, l’article 7 alinéa 1 LFus68 fixe le principe de la continuité du sociétariat, ensuite concrétisé aux alinéas 2 à 6 du même article. Ainsi, les associés de la société transférante ont droit à des parts sociales ou à des droits de sociétariat de la société reprenante qui correspondent économiquement à leurs parts sociales ou droits de sociétariat antérieurs. Il est tenu compte du patrimoine des sociétés qui fusionnent, de la répartition des droits de vote, ainsi que de toutes les autres circonstances pertinentes (article 7 alinéa 1 LFus). Ces dernières englobent notamment les perspectives de développement des sociétés impliquées ainsi que d’éventuelles synergies69, voire les coûts de transaction70. Le calcul du rapport d’échange nécessite donc une évaluation préalable des entreprises concernées. 2. Valeur d’estimation La loi ne précise pas quelle valeur il faut attribuer aux entités concernées. Les conseils d’administration des sociétés impliquées disposent donc d’un grand pouvoir d’appréciation en la matière71. La doctrine réclame que les sociétés concernées soient évaluées séparément en vue de la fusion dans un esprit de continuité (going concern) et que la même méthode d’évaluation pour toutes les 66 67 68 69 70 71 16 Sur les différentes méthodes d’évaluation, cf. infra ch. III. et en particulier le ch. III.E. pour la méthode des comparables. Arrêt du TF 4A.267/2008 du 8 décembre 2008, c. 6.2, 6.3 et 6.4. Pour un commentaire de cet arrêt, cf. VOGT/HARTMANN, Verantwortlichkeit und Bewertung, en part. p. 244. Loi fédérale du 3 octobre 2003 sur la fusion, la scission, la transformation et le transfert de patrimoine (Loi sur la fusion, LFus, RS 221.301). Message LFus, 4401 ; BaK-TSCHÄNI/PAPA, N 9 ad art. 7 FusG et les auteurs cités. BÖCKLI, Aktienrecht, § 3 N 89a est cependant critique quant à la possibilité de tenir compte des synergies, du moins sur la possibilité d’en tenir compte de manière asymétrique entre les sociétés concernées. EUGSTER, p. 42. BaK-TSCHÄNI/PAPA, N 13 ad art. 7 FusG. Evaluation d’entreprise – Pertinence pour le conseiller juridique sociétés concernées soit employée72. L’évaluation des entreprises concernées en vue de leur fusion ne doit donc pas forcément correspondre à leur « valeur réelle » respective73. Seul le rapport d’échange doit être adéquat (angemessen)74. En cas de dédommagement obligatoire selon l’article 8 alinéa 2 LFus (squeezeout merger)75, la loi ne détermine pas de valeur précise. Selon le Message76, le dédommagement ne doit pas non plus forcément représenter la « valeur réelle ». Il se calcule donc fondamentalement sur la même base que le rapport d’échange dans une fusion ordinaire, selon une mise en rapport de la valeur des deux sociétés en présence77. L’absence d’allusion à la « valeur réelle » est surprenante. La fusion avec dédommagement obligatoire équivaut pourtant à une expropriation qui devrait conduire à une indemnisation « pleine et entière » des actionnaires exclus. L’article 105 LFus permet certes à l’actionnaire de réclamer l’examen du rapport d’échange, mais sans garantie que celui-ci sera fondé sur la « valeur réelle », étant donné la marge de manœuvre laissée par cette disposition78. Il en va d’ailleurs différemment en cas de fusion simplifiée avec dédommagement facultatif (article 23 alinéa 2 lettre a LFus) : si les titulaires de parts minoritaires se voient offrir, outre des parts sociales de la société de capitaux reprenante, un dédommagement au sens de l’article 8 alinéa 1 LFus, celui-ci doit correspondre à la « valeur réelle» des parts sociales. 3. Protection des actionnaires La LFus prévoit une série de protections afin de garantir que le rapport d’échange ne prétérite pas l’une ou l’autre des parties à la fusion. Sur le plan procédural, une certaine transparence est imposée. Les organes supérieurs de direction des sociétés qui fusionnent doivent établir un rapport écrit sur la fusion (article 14 LFus) qui doit être vérifié, ainsi que le contrat de fusion, par un expert réviseur agréé (article 15 LFus). Sur le plan judiciaire, chaque actionnaire est légitimé à demander l’examen du rapport d’échange, dont le législateur exige qu’il soit adéquat (article 105 LFus). Le rapport de fusion doit expliquer et justifier du point de vue juridique et économique notamment, (i) le rapport d’échange et, éventuellement, le montant 72 73 74 75 76 77 78 BaK-TSCHÄNI/PAPA, N 19 ad art. 7 FusG ; BÖCKLI, Aktienrecht, § 3 N 83 s. ; EUGSTER, pp. 52 ss ; EMCH, pp. 88 et 91 ss. BÖCKLI, Aktienrecht, § 3 N 93. Ce principe émane de l’art. 105 LFus concernant l’action en examen du rapport d’échange. Sur la définition de cette notion, v. la thèse de EMCH sur l’action en examen du rapport d’échange. PHILIPPIN, Dédommagement obligatoire, pp. 331 ss. Message LFus, 4423. PHILIPPIN, Dédommagement obligatoire, p. 341. Cf. infra II.B.3. 17 Frank Gerhard de la soulte, (ii) le cas échéant, le montant du dédommagement et les raisons pour lesquelles seul un dédommagement est attribué, et enfin, (iii) les particularités lors de l’évaluation des parts sociales eu égard à la détermination du rapport d’échange. Le rapport de fusion doit ainsi expliquer la méthode d’évaluation choisie et sa pertinence dans le cas d’espèce79. La LFus admet donc implicitement le pluralisme des méthodes d’évaluation80, moyennant la justification par le conseil d’administration de son choix81. La doctrine admet cependant que le rapport de fusion ne doit pas divulguer les rapports d’évaluation commandés par le conseil d’administration, mais doit au moins présenter les chiffres pertinents82. Le rapport de fusion doit permettre aux actionnaires de décider en connaissance de cause s’ils veulent procéder à l’examen judiciaire du rapport d’échange (article 105 LFus). Le contrat de fusion, y compris les bilans de fusion, et le rapport de fusion doivent être vérifiés par un réviseur particulièrement qualifié, si la société reprenante est une société de capitaux ou une société coopérative avec des parts sociales. Le réviseur doit exposer notamment (i) si le rapport d’échange des parts sociales ou le dédommagement est soutenable (vertretbar), (ii) selon quelle méthode le rapport d’échange a été déterminé et pour quelles raisons la méthode appliquée est adéquate (angemessen), (iii) quelle a été l’importance relative donnée, le cas échéant, aux différentes méthodes appliquées et (iv) à quelles particularités, lors de l’évaluation des parts sociales eu égard à la détermination du rapport d’échange, il a fallu veiller. Le réviseur ne substituera pas son évaluation à celle faite par le conseil d’administration ; il se contentera de vérifier l’application des critères choisis et de veiller au caractère soutenable des choix du conseil d’administration83. On notera la liberté d’appréciation dont bénéficie le conseil d’administration dans la fixation du rapport d’échange, qui résulte autant de l’évaluation de l’entreprise que de négociations. Enfin, l’article 105 LFus confère à chaque actionnaire des entités concernées par la fusion le droit de demander au juge, dans le délai de deux mois à compter de la publication de la décision de fusion, de fixer une soulte adéquate (angemessen) si les parts sociales ou les droits de sociétariat ne sont pas maintenus de manière adéquate. La notion d’adéquation, au sens de l’article 105 LFus, doit être assimilée au terme « soutenable » mentionné à l’article 15 alinéa 4 lettre b LFus84 : le contrôle du juge équivaut à la vérification opérée par le réviseur. En fait, l’action vise à garantir que le principe de la continuité du sociétariat soit 79 80 81 82 83 84 18 BaK-KÜHNI, N 47a et 47b ad art. 14 FusG. EMCH, p. 90. Cf. aussi art. 15 al. 4 lit. c LFus sur le rapport de vérification du réviseur. HK-COMBOEUF, N 27 ad art. 14 ; BaK-KÜHNI, N 47e ad art. 14 FusG. BÖCKLI, Aktienrecht, § 3 N 120 ; BaK-KÜHNI, N 35e ad art. 15 FusG. BÖCKLI, Aktienrecht, § 3 N 258. Evaluation d’entreprise – Pertinence pour le conseiller juridique respecté économiquement. Dans ce contexte, la société intimée doit fournir au demandeur un éventuel rapport d’évaluation préparé en vue de la fusion85. C. Droit des OPA 1. Squeeze-out (article 33 LBVM) Le droit des offres publiques d’acquisition (« OPA »), réuni dans la section 5 de la LBVM86, s’applique aux OPA portant sur les titres de sociétés suisses dont au moins une partie des titres sont cotés en Suisse (article 22 alinéa 1 LBVM). Bien que les sociétés cotées en bourse aient par définition un cours de bourse et qu’une évaluation d’entreprise apparaisse injustifiée dans les situations où un marché donne un prix, la LBVM prévoit néanmoins des situations dans lesquelles une évaluation d’entreprise indépendante est requise. Il s’agit du cas où le cours de bourse de la société visée s’avère inadéquat pour fixer le prix minimum de l’offre en raison de l’absence de liquidité du cours de bourse87 et des cas où le conseil d’administration se trouve en conflit d’intérêts avec l’offrant, ce qui l’oblige à solliciter une fairness opinion de la part d’un tiers indépendant lors de l’établissement de son rapport aux actionnaires88. Le cas le plus incisif pour un actionnaire prévu par la LBVM, à savoir l’annulation judiciaire des titres restants de la société visée, si l’offrant détient, à l’expiration de l’offre, plus de 98 % des droits de vote de la société visée, ne présuppose ni une évaluation de la société, ni des titres restants (article 33 LBVM). En effet, suite à une action intentée par l’offrant contre la société, cette dernière émet à nouveau ces titres et les remet à l’offrant, contre paiement du montant du prix de l’offre ou exécution de l’offre d’échange, en faveur des propriétaires des titres annulés. Il est alors logique dans le système de la LBVM qu’aucune évaluation d’entreprise ne soit requise et aucun contrôle judiciaire du montant du dédommagement ne soit possible, puisqu’il correspond impérativement au prix de l’OPA et que celui-ci est strictement réglementé par la LBVM. 2. Règle du prix minimal: notion de liquidité (article 40 OBVM-FINMA) Selon l’article 32 alinéa 4 LBVM, applicable à toute OPA permettant à l’offrant de dépasser le seuil des 33,33% des droits de vote de la société visée, exerçables ou non, le prix offert doit être au moins égal au cours de bourse des titres de la 85 86 87 88 ATF 134 III 255, c. 2.4 s. Loi fédérale du 24 mars 1995 sur les bourses et le commerce des valeurs mobilières (Loi sur les bourses, LBVM, RS 954.1). Cf. infra II.C.2 Cf. infra II.C.3. 19 Frank Gerhard société visée. L’article 40 alinéa 2 OBVM-FINMA89 définit le cours de bourse au sens de l’article 32 alinéa 4 LBVM comme correspondant au cours moyen des transactions en bourse des 60 jours de bourse précédant la publication de l’offre ou de l’annonce préalable, calculé en fonction de la pondération des volumes. La FINMA a cependant prévu une exception à ce principe. Selon l’article 40 alinéa 4 OBVM-FINMA l’organe de contrôle (article 25 LBVM) procède à l’évaluation des titres de participation cotés si ces derniers ne sont pas liquides avant la publication de l’offre ou de l’annonce préalable. Il indique la méthode et les bases de calcul dans son rapport. Cette évaluation remplace donc le cours de bourse. L’article 40 alinéa 4 OBVM-FINMA a codifié la pratique constante de la Commission des OPA (« COPA ») qui exigeait déjà une estimation des titres cotés aux fins de la détermination du prix minimum lorsque ces derniers ne sont pas liquides90. En revanche, la question de la notion de liquidité ou, en d’autres termes, des critères qui s’appliquent pour déterminer si un titre est liquide ou non, reste ouverte et doit être déterminée, comme par le passé, par la COPA. Afin d’assurer la sécurité juridique et la transparence sur ce point, la Commission des OPA a décidé d’émettre le 3 septembre 2007 une Communication n° 2 qui explicite la notion de liquidité et traite brièvement des cas où, pour une raison quelconque, la liquidité d’un titre est «intermittente». Au terme de cette Communication, la COPA considère comme liquide un titre s’il a été négocié pendant au moins 30 jours durant la période de 60 jours de bourse précédant la publication de l’offre ou l’annonce préalable91. La Commission des OPA a précisé cependant qu’elle se réserve le droit de ne pas se satisfaire de ce seul critère si des circonstances particulières le justifient, en tenant compte notamment des volumes négociés pendant la période de référence. La COPA a usé pour la première fois de cette faculté dans l’OPA sur Harwanne Compagnie de participations financières et industrielles SA dans une décision du 16 mars 2009. Celle-ci est intervenue après le dépôt d’oppositions de deux actionnaires qualifiés, selon l’OBVM-COPA, contre une première décision de la COPA constatant que l’action Harwanne était liquide vu qu’elle avait été échangée durant 47 jours de bourse au cours de la période de 60 jours de bourse précédant la publication de l’annonce préalable. Un ensemble de circonstances particulières a amené la Commission à s’écarter du critère énoncé dans la Communication n° 2. En premier lieu, les volumes échangés au cours de la période déterminante étaient particulièrement faibles, ce qui apparaissait d’autant 89 90 91 20 Ordonnance de l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers du 25 octobre 2008 sur les bourses et le commerce des valeurs mobilières (Ordonnance de la FINMA sur les bourses, OBVM-FINMA, RS 954.193). La pratique a été initialisée par la recommandation rendue par la COPA en l’affaire Société Immobilière Genevoise du 5 mai 1999, c. 4.4. Recommandation de la COPA en l’affaire Société Sources Minérales Henniez S.A. du 12 octobre 2007, c. 4.2.2. Cf. ég. l’expertise d’évaluation du 15 octobre 2007 portant sur les titres de la société visée, disponible sur www.takeover.ch. Evaluation d’entreprise – Pertinence pour le conseiller juridique plus frappant si l’on faisait abstraction des rachats d’actions propres effectués par Harwanne elle-même, ayant contribué pour plus de 68% au volume échangé. En second lieu, la COPA a tenu compte de la nature très particulière du bilan et de l’activité de Harwanne, une société de participation dont environ 82% des actifs consistaient en des liquidités. A cela s’ajoutait l’absence totale de communication depuis la publication de ses résultats intermédiaires, ce qui, en situation de crise financière majeure, ne permettait pas une formation des cours boursiers reflétant de manière fiable la valeur de la société92. En présence de ces circonstances particulières, la Commission a retenu que les titres de participation visés par l’offre n’étaient pas liquides avant la publication de l’offre, de sorte que l’organe de contrôle doit procéder à leur évaluation (article 40 alinéa 4 OBVM-FINMA)93. L’exigence de liquidité s’applique aussi en cas d’offre d’échange : si les valeurs mobilières offertes en échange ne sont pas cotées à une bourse ou si elles ne sont pas liquides, le prospectus contient une évaluation des valeurs mobilières offertes en échange (article 24 alinéa 6 OOPA)94. L’article 44 OBVM-FINMA renvoie à l’article 40 alinéas 2 à 4 OBVM-FINMA pour déterminer le prix des valeurs mobilières offertes en échange95. 3. Fairness opinion (article 29 LBVM et article 30 et suivants OOPA) L’article 29 LBVM oblige le conseil d’administration de la société visée à adresser à ses actionnaires un rapport dans lequel il prend position sur l’offre. Les informations données à cette occasion doivent être exactes mais également complètes et le rapport doit être publié par la société visée (article 29 alinéa 1 LBVM). Le rapport contient toutes les informations nécessaires pour permettre aux destinataires de l’offre de prendre leur décision en connaissance de cause. Il explique en particulier les effets de l’offre sur la société visée et sur ses actionnaires. En particulier, si la recommandation du conseil d’administration se fonde sur l’évaluation d’un tiers (fairness opinion) – obligatoire si moins de deux membres du conseil d’administration sont considérés comme indépendants96 – celle-ci devient partie intégrante du rapport et doit par conséquent être publiée aux mêmes conditions que ce dernier. Les bases et la méthode d’évaluation ainsi 92 93 94 95 96 Décision de la COPA en l’affaire Harwanne Compagnie de participations financières et industrielles SA du 16 mars 2009, § 16. Cf. expertise d’évaluation du 27 mai 2009 portant sur les titres de Harwanne Compagnie de participations financières et industrielles SA, disponible sur www.takeover.ch. Ordonnance de la Commission des OPA du 21 août 2008 sur les offres publiques d’acquisition (Ordonnance sur les OPA, OOPA, RS 954.195.1). Cf. Rapport d’évaluation concernant l’évaluation des titres Norinvest Holding SA offerts en échange dans l’offre pour Golay-Buchel Holding SA du 16 octobre 2008, disponible sur www.takeover.ch. Recommandation de la COPA du 30 juin 2004 en l’affaire Robert Bosch Internationale Beteiligungen AG c./Scintilla Holding AG, c. 6.2.2.3. 21 Frank Gerhard que les paramètres utilisés doivent être exposés (article 30 alinéa 5 OOPA). Le business plan de la société visée ne doit cependant pas nécessairement être publié97. Le tiers mandaté pour établir une fairness opinion doit être particulièrement qualifié et indépendant de l’offrant, de la société visée et des personnes agissant de concert avec eux (article 30 alinéa 5 OOPA). D. Droit des contrats : achats et vente de sociétés (M&A) 1. Détermination du prix de vente Contrairement au droit des sociétés, le droit des contrats ne prévoit pas de situations dans lesquelles une partie peut demander ex lege au juge une évaluation d’entreprise98. Il existe cependant des situations dans lesquelles l’évaluation d’entreprise joue un rôle important. Nous nous pencherons plus en détail sur la vente de société, soit par cession des actions (share deal), soit par transfert individuel des actifs et passifs (asset deal). Il convient de rappeler ici que la valeur d’une entreprise n’est pas synonyme du prix d’achat dans le cadre du contrat d’achat-vente99. Il s’agit d’un prix négocié, toujours « juste » mais pas forcément « équitable », qui découle de la liberté contractuelle, sous réserve de l’article 19 alinéa 2 et des articles 20 et 21 CO, ainsi que de l’article 2 et 27 alinéa 2 CC100. En rapport avec la vente d’une entreprise, il existe deux situations qui peuvent donner lieu à une évaluation : en cas d’ajustement du prix de vente et en cas de violation des garanties par le vendeur. 2. Ajustement du prix de vente a) Objectifs de la clause d’ajustement Les opérations de cession de contrôle d’une société impliquent en règle générale la fixation d’un prix de cession entre les parties sur la base d’une évaluation d’entreprise faite par l’acheteur. Quelle que soit l’activité de la société, cette évaluation se basera en principe notamment sur le compte de pertes et profits et/ou sur le bilan de l’entreprise. Il sera également tenu compte d’une situation de l’entreprise sans dettes et sans liquidités (debt free/cash free) : du montant émanant de l’évaluation de l’entreprise (enterprise value), l’acheteur déduira en principe le montant de l’endettement net de la société. Ce montant servira de base au prix de vente. Enfin, il arrive parfois que les parties n’arrivent pas à s’entendre sur un 97 98 99 100 22 Sur cette question et d’autres en rapport avec les fairness opinions, cf. ROMERIO/GERHARD, p. 198. SCHÖN, p. 166. Cf. supra I.A. SCHÖN, p. 171. Evaluation d’entreprise – Pertinence pour le conseiller juridique prix, par exemple parce qu’elles ne prêtent pas les mêmes perspectives d’avenir à la société. Dans ces deux cas, les parties conviendront en principe d’un ajustement du prix en poursuivant alternativement deux objectifs. Soit elles veulent rendre compte de la situation réelle de la société, appréciée à la date d’exécution du contrat de vente (closing adjustment), qui est aussi la date de transfert de propriété des droits sociaux composant le capital de la société cible101. Soit elles veulent reporter la fixation définitive du prix au-delà de l’exécution du contrat de vente (post closing adjustment ou earn out)102, au moment où les éléments déterminants pour sa fixation (développement du chiffre d’affaires ou du résultat net, voire atteinte de certains milestones) sont connus. Une fois cette situation intermédiaire établie, les parties auront pu prévoir, par exemple, que le prix sera réduit ou augmenté, de la différence entre le montant des capitaux propres (net assets adjustment), de l’endettement net (net debt adjustment), ou simplement du fonds de roulement net (net working capital adjustment) existant dans le bilan de référence et le montant de ces positions dans le bilan du closing ou, en cas d’earn out, que le prix sera ajusté en appliquant par exemple un multiple au résultat net réalisé pendant la période échéant à la date de la situation comptable intermédiaire postérieure au closing. b) Etablissement de la situation comptable intermédiaire Quelle que soit la date choisie pour la clôture de cette situation comptable intermédiaire (closing ou post-closing), la clause d’ajustement du prix figurant dans le contrat de vente devra décrire les règles d’établissement de cette situation intermédiaire. Ainsi, la clause devra préciser celle des parties qui est en charge de l’établissement initial de cette situation comptable103. La clause devra également octroyer un délai à l’autre partie pour vérifier le premier projet de comptes qui lui aura été transmis. Durant cette période, forcément postérieure au closing, les parties devront confronter leurs éventuelles divergences sur certains postes comptables. La clause devra donc organiser ce processus de discussion entre les parties qui doit leur permettre de fixer définitivement le prix. La clause d’ajustement pourra également envisager certaines règles de comptabilisation en imposant, par exemple, aux parties de prévoir des règles pour la comptabilisation du poste comptable des travaux en cours ou pour la méthode de valorisation de ses stocks, ou encore de constituer des provisions. Sauf exceptions décrites spécifiquement, les parties auront toujours intérêt à prévoir que la situation intermédiaire devra être établie selon les principes et 101 102 103 Pour plus de détails, cf. WATTER/GSTOEHL, Preisanpassungsklauseln, pp. 33 ss. Pour plus de détails, cf. VISCHER, Earn out, pp. 509 ss. Lorsqu’il s’agit d’établir un bilan au closing, la question de savoir qui est l’auteur du premier projet de closing balance sheet est âprement négociée. Cf. WATTER/GSTOEHL, Preisanpassungsklauseln, p. 46. 23 Frank Gerhard méthodes comptables applicables en Suisse et selon les usages du secteur d’activité concerné. c) Règlement des conflits Une rédaction précise de la clause d’ajustement du prix en fonction de la situation nette aura pour effet de diminuer le risque de conflit entre les parties. Néanmoins, si des divergences de vues entre les parties subsistent malgré la clause, elles devront alors convenir d’une méthode d’expertise visant à fixer définitivement et de manière indépendante le prix de cession. En effet, l’article 184 alinéa 3 CO, applicable à toute opération de vente et donc notamment aux opérations de cession d’actions ou de parts sociales, dispose que « [l]e prix de vente est suffisamment déterminé lorsqu’il peut l’être d’après les circonstances. » La jurisprudence a interprété ces dispositions en affirmant que le prix de vente devait être déterminé ou déterminable sous peine de nullité de la vente104. Par « déterminé », il faut comprendre que le prix doit pouvoir être établi à la simple lecture de l’acte de vente. Par « déterminable », le Tribunal fédéral entend que le prix doit pouvoir être fixé par une simple exécution des clauses de l’acte, sans qu’un nouvel accord ultérieur des parties n’intervienne, y compris la situation où le contrat de cession prévoit l’intervention d’un tiers expert105 ou même d’une partie au contrat106 pour fixer le prix en cas de désaccord des parties. En conséquence, pour éviter tout risque d’indétermination du prix de cession, les parties pourront prévoir de faire trancher leur différend, non par le juge naturel du contrat (juridiction ou tribunal arbitral), mais par un véritable tiers expert. Les parties pourront ainsi avoir recours à un expert indépendant, agissant dans le cadre des dispositions de procédure civile cantonale (par exemple l’article 258 ZPO ZH). La décision de l’expert sera définitive et s’imposera aux parties. Ces dernières n’ont un droit de recours contre la décision de l’expert qu’en cas d’erreur manifeste ou d’arbitraire, ou si elle repose sur des faits incorrects107. 104 105 106 107 24 BaK-KOLLER, N 38 ad art. 184 CO. ATF 85 II 402. BaK-KOLLER, N 48 ad art. 184 CO. La limite sera finalement marquée par l’art. 27 CC et les dispositions légales sur la peine conventionnelle. A ce titre, BÖCKLI estime que la limite inférieure se situe aux alentours de 50% de la valeur réelle calculée selon la valeur du praticien (BÖCKLI, Aktionärbindungsverträge, p. 60). Tout prix inférieur serait une peine conventionnelle cachée ou une disposition non permise. ATF 129 III 535, c.2 ; ATF 67 II 146, c. 3. Evaluation d’entreprise – Pertinence pour le conseiller juridique 3. Violation des garanties données dans le contrat de vente a) Moyens conduisant à l’évaluation de l’entreprise La cession d’une entreprise peut intervenir soit par le transfert individuel des actifs et passifs (asset deal), soit par la cession des actions (share deal). En cas de vente des actifs et passifs, le Tribunal fédéral part du principe qu’il s’agit d’un contrat sui generis qui ne saurait être soumis sans autre examen aux dispositions de la vente mobilière au sens des articles 184 et suivants CO. Il faut au contraire rechercher la règle qui s’adapte le mieux en fonction de la prestation qui donne matière au litige108. En cas de cession des actions, la transaction sera en revanche qualifiée de vente et régie par les articles 184 et suivants CO, même si le Tribunal fédéral considère que la transaction porte uniquement sur les valeurs mobilières109, à savoir sur les parts sociales transférées, et non pas sur leur valeur économique ; cette jurisprudence est largement critiquée par la doctrine110. Pour pallier cette déficience, les parties conviennent en pratique d’un catalogue plus au moins étendu de garanties couvrant les divers aspects de l’entreprise. Selon l’article 197 CO, le vendeur est tenu de garantir l’acheteur tant en raison des qualités promises qu’en raison des défauts qui, matériellement ou juridiquement, enlèvent à la chose soit sa valeur, soit son utilité prévue, ou qui les diminuent dans une notable mesure111. En cas de garantie en raison des défauts de la chose, l’acheteur a le choix ou de faire résilier la vente en exerçant l’action rédhibitoire, ou de réclamer par l’action en réduction de prix une indemnité pour la moins-value (article 205 alinéa 1 CO). L’action rédhibitoire n’est guère réalisable en pratique, en raison de la nature complexe et dynamique de l’objet vendu ; bien souvent, les parties excluront alors contractuellement la possibilité d’exercer l’action rédhibitoire. Le Tribunal fédéral112 admet que l’acheteur puisse, en concours avec les moyens de l’article 205 CO, agir en exécution et réclamer, en cas de violation des 108 109 110 111 112 ATF 129 III 18. Sur la critique apportée à cet arrêt par la doctrine, cf. SCHENKER, Risikoallokation, pp. 247-248 ; VISCHER, Qualifikation, p. 335. SCHENKER not. estime que cette position ne correspond pas à la volonté des parties, qui désirent en fait transférer une entité économique. Not. en matière de défauts de la chose vendue, le droit de la vente devrait s’appliquer au transfert des actifs et passifs. ATF 107 II 419, c. 1, JdT 1982 I 380. P. ex., TSCHÄNI, M&A-Transaktionen, p. 160 ; BÖCKLI, Gewährleistungen, pp. 62 ss ; SCHENKER, Risikoallokation, p. 251 ; VISCHER, Die Rolle, pp. 129 ss ; cf. aussi HAUCK, p. 148 et pp. 498 ss et les auteurs cités. Cf. aussi tribunal cantonal du Valais, in RVJ/ZWR 1999, 295. Sur les garanties dans les cessions d’entreprises en général, cf. les contributions de BÖCKLI (Gewährleistungen), SCHENKER (Risikoallokation), VISCHER (Die Rolle), (Qualifikation) et (Sachgewährleistungen), TSCHÄNI/WOLF, Vertragliche Gewährleistungen. ATF 107 II 419, c. 1, JdT 1982 I 380 ; ATF 108 II 102, c. 2a. 25 Frank Gerhard garanties selon l’article 197 CO, la réparation du dommage selon les règles des articles 97 et suivants CO, à condition que l’acheteur ait respecté ses incombances quant à la vérification de la chose et à l’avis des défauts selon l’article 201 CO, ainsi que le court délai de prescription de l’article 210 CO113. Enfin, les parties remplacent en pratique souvent le régime légal par des clauses portant sur une éventuelle violation des garanties données114. Un tel système ne comporte pas seulement un catalogue de garanties, mais prévoit également la procédure applicable pour faire valoir une prétention – souvent en dérogation au système légal – ainsi que les sanctions, les méthodes de calcul du dommage et les limitations applicables. b) Nature de l’évaluation d’entreprise Afin d’obtenir gain de cause en exerçant l’action en réduction de prix, l’acheteur doit démontrer d’une part l’existence d’un défaut qui influence la valeur de l’entreprise, et d’autre part, que ce défaut revêt une certaine importance (erheblich)115. Pour mesurer la réduction de prix, on applique au prix convenu le rapport (en pourcentage) existant au moment du transfert des risques116 entre la valeur objective de la chose sans défaut et avec défaut117. Cette méthode, dite « relative », est préférée à la méthode absolue et à la méthode réelle. La méthode relative vise à respecter le rapport entre le prix et la valeur, en postulant une valeur « objective » déterminable. En raison des difficultés à estimer la valeur « exacte » d’une entreprise, le Tribunal fédéral présume que le prix convenu correspond à la valeur objective de la chose, sauf preuve du contraire118. Ainsi, lors d’un litige portant sur le montant de la réduction du prix de vente, le juge ordonne deux évaluations d’entreprise119 : l’une sans défaut et l’autre avec défaut. Les deux valorisations sont exécutées à la valeur d’exploitation120. Cette méthode est aussi applicable lorsque les parties ont convenu d’un système contractuel de garanties sans prévoir le mode de calcul d’un éventuel dommage121. Si l’acheteur a opté pour l’action en réparation du dommage en lieu et place de l’action minutoire, il devra prouver celui-ci, qui se calculera selon l’article 99 alinéa 3 CO en rapport avec les articles 42 et suivants CO. Le montant du 113 114 115 116 117 118 119 120 121 26 ATF 133 III 335, c. 2, SJ 2007 I 457 (rés.) (confirmation de la jurisprudence) ; ATF 63 II 401, JdT 1938 I 306. SCHENKER, Risikoallokation, pp. 273 ss. SCHENKER, Risikoallokation, pp. 250 s., qui mentionne que la différence de valeur doit être au moins d’environ 1-2%. ATF 45 II 660. ATF 111 II 162, c. 3, JdT 1985 I 586 (rés.) ; SCHENKER, Risikoallokation, p. 257 ; TSCHÄNI, M&A-Transaktionen, p. 171 ; VISCHER, Sachgewährleistungen, p. 362 ; BaK-HONSELL, N 8 ad art. 205 CO et les auteurs cités. ATF 111 II 162, c. 3, JdT 1985 I 586 (rés.). BÖCKLI, Gewährleistungen, p. 83. SCHÖN, p. 187. SCHENKER, Risikoallokation, p. 281. Evaluation d’entreprise – Pertinence pour le conseiller juridique dommage correspond alors à l’intérêt positif, c’est-à-dire à la différence entre la valeur de l’entreprise si le contrat de vente avait été correctement exécuté par le vendeur et la valeur effective de l’entreprise en l’absence d’une exécution correcte122. Dans un tel cas, le montant de la réparation au sens de l’article 97 CO est calculé indépendamment du prix de vente, sans se préoccuper de savoir si celui-ci était bas ou élevé. Dans les deux cas ci-dessus, ni la loi, ni la jurisprudence, ni la doctrine, ne donnent de directives quant aux méthodes que doit appliquer l’expert en charge de l’évaluation. E. Droit civil 1. Droit matrimonial En droit matrimonial, l’évaluation d’entreprise présente un intérêt en cas de liquidation du régime matrimonial – participation aux acquêts selon les articles 196 et suivants CC ou communauté de biens selon les articles 221 et suivants CC – lorsqu’une entreprise fait partie des acquêts ou appartient en tant que bien commun aux deux époux. En effet, les éventuelles soultes à payer devront tenir compte de la valeur attribuée à l’entreprise. A la liquidation du régime matrimonial, les biens sont en principe estimés à leur valeur vénale (Verkehrswert) (article 211 CC). Pour les immeubles agricoles, la valeur de rendement s’applique, mais seulement lorsque l’exploitation agricole est maintenue, c’est-à-dire lorsque l’un des époux continue de l’exploiter personnellement comme propriétaire ou si le conjoint survivant ou un descendant est en droit d’exiger qu’elle lui soit attribuée entièrement (article 212 alinéa 2 CC). Cette règle est destinée à assurer la continuité de l’exploitation, car la valeur de rendement est en principe une valeur inférieure à la valeur vénale. L’article 10 alinéa 1, 1ère phrase de la loi fédérale du 4 octobre 1991 sur le droit foncier rural (LDFR)123 prévoit que la valeur de rendement « équivaut au capital dont l’intérêt, calculé au taux moyen applicable aux hypothèques de premier rang, correspond au revenu d’une entreprise ou d’un immeuble agricole exploité selon les usages du pays ». Le revenu et le taux sont fixés d’après une moyenne pluriannuelle (article 10 alinéa 1, 2e phrase LDFR). Le Conseil fédéral règle le mode et la période de calcul, ainsi que les modalités de l’estimation (article 10 alinéa 2 LDFR) ; ces dispositions d’exécution se trouvent dans l’ordonnance sur le droit foncier rural (ODFR)124. La notion de valeur vénale n’est pas définie dans le CC. Elle correspond au prix que l’on obtiendrait si l’on vendait un actif considéré, après déduction d’éventuels impôts, taxes ou émoluments (valeur nette), dans des conditions 122 123 124 ATF 106 II 131, c. 5. RS 211.412.11. RS 211.412.110. 27 Frank Gerhard habituelles125. On prend donc en considération le prix sur le marché de biens similaires. Il faut aussi tenir compte de la demande pour l’actif en question, de son rendement et des charges qui le grèvent126. Selon la jurisprudence, la valeur vénale doit être établie différemment selon l’objet en cause. Pour une entreprise, il convient d’abord de déterminer si l’activité est continuée ou cessée. En cas de continuation, l’évaluation se fera à la valeur d’exploitation ; en cas de cessation, l’évaluation se fera à la valeur de liquidation127. Le droit matrimonial ne contient pas d’autres règles à ce sujet. La détermination de la valeur vénale est une question de fait que le Tribunal fédéral ne revoit que si elle résulte d’une appréciation arbitraire128. En revanche, la définition des critères permettant de calculer la valeur vénale de l’objet est une question de droit que le Tribunal fédéral peut revoir librement129. 2. Droit successoral En droit successoral, le calcul de la valeur d’une entreprise est nécessaire en particulier pour le partage et le calcul des réserves130. Il n’existe pas de disposition successorale spécifique applicable aux entreprises en droit suisse131. Seules des dispositions spéciales applicables aux entreprises et immeubles agricoles ont été insérées dans le CC (articles 617-625). Pour constater s’il y a lésion de la réserve ou droit au rapport, il faut établir la valeur de l’entreprise au moment de l’ouverture de la succession (et non au moment du décès du chef d’entreprise)132. La valeur vénale est en principe déterminante, tout comme en droit matrimonial133. Cependant, la loi n’utilise l’expression « valeur vénale » qu’à l’article 617 CC, qui se limite à prévoir que les immeubles dévolus à la succession sont imputés sur les parts héréditaires à la valeur vénale qu’ils ont au moment du partage. L’article 619 CC renvoie à la loi fédérale du 4 octobre 1991 sur le droit foncier rural (LDFR)134 pour ce qui est de la reprise et de l’imputation des entreprises et des immeubles agricoles. Le droit successoral agricole fait une distinction significative entre la valeur de rendement et la valeur vénale, comme c’est d’ailleurs aussi le cas à la liquidation du régime matrimonial dans le régime de la participation aux acquêts135. 125 126 127 128 129 130 131 132 133 134 135 28 ATF 125 III 1, c. 5b, JdT 1999 I 314 ; BaK-HAUSHEER/AEBI-MÜLLER, N 8 ad art. 211 CC. ATF 125 III 50, c. 2a, JdT 2000 I 15. ATF 121 III 152, c. 3c et arrêt du TF 5C.85/2003 du 30 juin 2003, c. 3.2. Art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF. Art. 106 al. 1 LTF et ATF 125 III 1, c. 5a. EITEL, Unternehmensnachfolge, pp. 10 s. DRUEY, Unternehmen, p. 343. Art. 474, 537 et 630 CC. BaK-STAEHELIN, N 2 ad art. 474 CC et les auteurs cités. RS 211.412.11. Art. 211 ss CC. Evaluation d’entreprise – Pertinence pour le conseiller juridique L’article 11 alinéa 1 LDFR prévoit d’attribuer toute entreprise agricole à un héritier qui l’exploitera lui-même. Principalement pour des motifs relevant de la politique structurelle et de la propriété, l’entreprise est imputée sur la part de cet héritier à une valeur de rendement définie par le législateur136, en principe inférieure à la valeur vénale. Cette règle est destinée à assurer la continuité de l’exploitation. Si l’entreprise agricole est attribuée entièrement à un héritier réservataire qui ne l’exploitera toutefois pas lui-même, elle est alors imputée sur sa part à la valeur vénale137. Le droit successoral agricole permet ainsi à l’héritier qui exploite lui-même l’entreprise de la reprendre intégralement pour une valeur inférieure à la valeur vénale, ce qui constitue la différence essentielle entre les dispositions de la LDFR et celles du CC relatives au partage successoral. En effet, les règles générales sur le partage prévues par le CC se réfèrent en principe à la valeur vénale uniquement. F. Droit fiscal En droit fiscal, l’évaluation d’entreprise joue notamment un rôle important pour le calcul de l’impôt sur la fortune. A ce titre, la Conférence suisse des impôts (CSI) a publié le 28 août 2008 une nouvelle version de sa circulaire n° 28 consacrée à l’estimation des titres non cotés en vue de l’impôt sur la fortune138. La circulaire prévoit que la fortune imposable est déterminée d’après son état à la fin de la période fiscale ou de l’assujettissement. La fortune est estimée en principe à la valeur vénale139, soit le prix que l’on peut obtenir en échange d’un actif dans des circonstances normales, autrement dit, aux conditions du marché lors d’opérations effectuées entre acteurs indépendants. Etant donné que la valeur vénale des titres qui ne sont ni cotés en bourse ni négociés régulièrement hors bourse ne peut être déterminée selon les principes de l’offre et de la demande, la valeur vénale doit en principe correspondre à la valeur commerciale de l’entreprise. Cette valeur est également appelée « valeur intrinsèque » dans la circulaire. La circulaire applique la méthode dite des « praticiens » pour déterminer la valeur vénale des sociétés commerciales, industrielles, de services, ainsi que les sociétés mixtes et de domicile140, indépendamment de leur forme juridique141. Selon cette méthode, la valeur vénale d’une entreprise équivaut à la moyenne 136 137 138 139 140 141 Art. 17 al. 1 LDFR. Le mode de calcul est décrit à l’art. 10 LDFR. Cf. supra II.E.1. Art. 11 al. 2 LDFR en relation avec l’art. 617 CC. Sur la nouvelle circulaire, cf. WIDRIG/SCHNELLER/WIGGER, pp. 364 ss et SANSONETTI/MENDES DE LEON, pp. 360 ss. Art. 14 al. 1 de la loi sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et communes (LHID, RS 642.14). Instructions 2008, ch. 31. Instructions 2008, ch. 49 et 51. 29 Frank Gerhard pondérée entre la valeur de rendement doublée, et la valeur substantielle déterminée selon le principe de continuation de l’exploitation142. La circulaire prévoit deux méthodes au choix des autorités fiscales et des sociétés (mais non des actionnaires) pour calculer la « valeur de rendement ». D’une part, la méthode traditionnelle se base sur les résultats des deux derniers exercices, le résultat le plus récent étant compté deux fois. D’autre part, le modèle alternatif se base sur la moyenne simple des résultats des trois derniers exercices143. Le modèle choisi devra être appliqué pour une durée minimale de 5 ans. La valeur moyenne est alors multipliée par le taux de capitalisation. Celui-ci se compose du taux d’intérêt des placements sans risque et d’une prime pour risques fixes. Le taux d’intérêt de placement sans risque correspond à la moyenne du taux de référence swap en francs suisse à 5 ans, calculé sur la base trimestrielle de la période fiscale (n), arrondi au demi pour cent supérieur. La prime pour risques, au taux fixe de 7 points de pourcentage, est ajoutée à la moyenne susmentionnée. Contrairement à la valeur de rendement, la valeur substantielle est calculée sur la base des états financiers de l’année concernée (n). La valeur substantielle correspond aux fonds propres, additionnés des réserves latentes, sous déduction des impôts latents ; la déduction pour impôts est fixée à 15%. Enfin, le projet de nouvelle circulaire prévoyait que la valeur d’entreprise minimale correspondait au minimum à la valeur substantielle déterminée selon le principe de l’exploitation. En d’autres termes, dans l’hypothèse où l’entreprise concernée ne dégageait aucun bénéfice durant deux exercices (ou trois ans selon la variante retenue), la valeur substantielle seule comptait. En pratique, cela serait revenu, dans le pire des cas, à tripler l’impôt sur la fortune dû sur les actions de sociétés déficitaires. Sur la base des arguments apportés par les milieux et organisations économiques, la CSI a renoncé, en date du 29 janvier 2009, à introduire cette notion de valeur minimale144. Il convient en outre de noter que pour calculer l’assiette du droit de timbre et de l’impôt anticipé, l’AFC applique une variante de la méthode des praticiens légèrement différente de celle qui prévaut en matière d’impôt sur la fortune. La valeur vénale de l’entreprise correspond à la moyenne simple entre la valeur de substance et la valeur de rendement, celle-ci étant calculée sur la base de la moyenne capitalisée des résultats (fiscalement admis) des trois derniers exercices comptables145. 142 143 144 145 30 Instructions 2008, ch. 34. Instructions 2008, ch. 7. Cf. www.economiesuisse.ch/web/fr/pdf%20download%20files/mm_vermoegensteue r_20090120_fr.pdf. DUSS/VON AH/SIEBER, N 35 ad art. 8 LT ; ECKERT/PIGUET, N 19 ad art. 8 LT ; STOCKAR, p. 122. Evaluation d’entreprise – Pertinence pour le conseiller juridique III. Les méthodes d’évaluation d’entreprise Parmi les différentes méthodes d’évaluation, nous présenterons ici celles qui sont le plus couramment utilisées par les professionnels en Suisse146 : - méthode fondée sur la valeur substantielle ; - méthode fondée sur la valeur de rendement ; - méthode fondée sur la valeur moyenne ; - méthode fondée sur les cash flows librement disponibles (DCF) ; - méthode fondée sur les comparables et la valeur boursière. A. Valeur substantielle 1. Notion La valeur substantielle nette correspond à la somme de toutes les positions à l’actif du bilan de laquelle on déduit les fonds étrangers147. EV = A + R – D EV = Enterprise Value (valeur substantielle) A = Somme des actifs R = Réserves latentes D = Dettes La méthode de la valeur substantielle implique plusieurs correctifs. Tout d’abord, certains éléments du patrimoine ne sont pas du tout reflétés dans un bilan, comme par exemple le fonds de commerce, les droits de propriété intellectuelle, le know-how, la loyauté des clients et des employés, etc. (goodwill)148. On peut parler de valeur substantielle « totale » lorsque le goodwill est inclus et de valeur substantielle « partielle » dans le cas contraire149. Certaines positions au bilan sont ensuite considérées comme des non-valeurs ; elles ont été activées aux fins d’amortissement (frais de fondation, frais de recherche et développement, charges à répartir sur plusieurs exercices). Il existe enfin des éléments d’actifs qui sont valorisés au bilan à une valeur inférieure même à leur valeur de liquidation. Il conviendra de les réévaluer afin de faire apparaître les réserves latentes (immeubles, stocks, actifs immatériels [exemple : marques, fonds de commerce, brevets], titres de participations, etc). 146 147 148 149 Pour un survol des méthodes d’évaluation d’entreprise, cf. l’étude de GANTENBEIN/ GEHRIG, pp. 602 à 612. Pour un survol juridique et critique, cf. GRONER, pp. 393 ss. HELBLING, Unternehmensbewertung, pp. 86 s. ; SCHÖN, pp. 44 ss. HELBLING, Unternehmensbewertung, p. 85. HELBLING, Unternehmensbewertung, pp. 85 et 208. 31 Frank Gerhard 2. Valeur d’exploitation La valeur substantielle peut être calculée soit à la valeur d’exploitation (going concern), soit à la valeur de liquidation. La valeur substantielle comprend d’une part, les éléments du patrimoine nécessaires à l’exploitation, évalués selon le principe de continuité (going concern)150, à savoir à la valeur qu’ils représentent pour le processus d’exploitation, et d’autre part, les éléments non nécessaires à l’exploitation, évalués à leur valeur vénale151. Le calcul de la valeur d’exploitation revient à se demander combien coûterait la mise sur pied d’une entreprise ayant la même capacité de production que celle faisant l’objet de l’évaluation152. De cette valeur dite de « remplacement », il conviendra alors de déduire la moins-value du patrimoine due à l’écoulement du temps (amortissements)153. 3. Valeur de liquidation La valeur de liquidation diffère quant à elle de la valeur substantielle en ce qu’elle reflète non pas la continuité de l’activité de l’entreprise, mais le montant qui peut selon toute probabilité être obtenu en cas de liquidation par la vente des actifs, que ce soit aux enchères forcées ou de gré à gré, après paiement des dettes154. Pour calculer la valeur de liquidation, il convient d’émettre des hypothèses quant à l’intensité et à la vitesse du démantèlement. Autrement dit, il faut estimer dans quelle mesure des actifs peuvent encore être vendus en bloc et dans quel laps de temps la liquidation doit être terminée155. Une évaluation d’entreprise repose en principe sur l’idée que l’acquéreur en poursuivra ses activités et non qu’il la démantèlera. La valeur de liquidation n’entre donc pas en compte lorsque la poursuite des activités présente encore un intérêt économique156. 4. Avantages et limites La méthode de la valeur substantielle se veut simple conceptuellement. Elle repose en effet sur la somme algébrique des éléments d’actifs et des engagements de la société vis-à-vis des tiers. L’entreprise apparaît comme une superposition d’actifs et de dettes dont il faut définir la valeur indépendamment de la rentabilité de l’entreprise. Cette approche gagne en pertinence lorsque les actifs de l’entreprise sont facilement réalisables. Aux yeux de l’actionnaire, la valeur ainsi 150 151 152 153 154 155 156 32 HELBLING, Unternehmensbewertung, p. 75. Cf. aussi ATF 120 II 259, c. 2c, JdT 1995 I 208 et arrêt du TF 4C.363/2000 du 3 avril 2001, c. 3b. HELBLING, Unternehmensbewertung, p. 86. Cf. aussi ATF 120 II 264, c. 2c et arrêt du TF 4C.363/2000 du 3 avril 2001, c. 3 et 4b. HELBLING, Unternehmensbewertung, p. 86. HELBLING, Unternehmensbewertung, p. 86. HELBLING, Unternehmensbewertung, pp. 216 ss. Cf. aussi arrêt du TF 4C.58/2007 du 25 mai 2007, c. 2.4. HELBLING, Unternehmensbewertung, p. 218. HELBLING, Unternehmensbewertung, p. 216. Evaluation d’entreprise – Pertinence pour le conseiller juridique définie représente souvent la valeur minimum de son entreprise : une sorte de valeur plancher. Cependant, cette méthode ne tient pas compte des difficultés liées à l’évaluation des actifs incorporels (non identifiables), ignore le rendement des actifs, néglige les perspectives de développement de l’entreprise et n’intègre pas la notion de risque inhérent à l’activité de l’entreprise. Elle n’est utilisable que dans des cas très particuliers et ne constitue souvent qu’une première approche. Elle sera privilégiée pour des sociétés avec de lourdes positions à l’actif, pour des sociétés générant des pertes et sans perspectives de croissance ou pour des sociétés de participations (holdings)157. En revanche, elle sera exclue pour des sociétés de prestations de services, dans lesquelles les ressources humaines jouent un rôle essentiel, ainsi que pour les start-up en raison de leur création trop récente. Essentiellement tournée vers le passé, cette méthode statique fait abstraction de la rentabilité de l’entreprise et de ses perspectives de développement. Dans le cas d’une société non rentable ou en voie de liquidation, elle pourrait permettre de définir une valeur « minimum », alors même que les autres méthodes d’évaluation ne sont pas applicables. B. Valeur de rendement 1. Notion La valeur de rendement est basée sur l’idée que la valeur de l’entreprise est conditionnée par ses bénéfices futurs. Dans ce cas également, on partira du principe de la continuité de l’exploitation ; en effet, selon le principe de l’unité économique, la valeur totale de l’entreprise qui entend continuer ses activités est en principe supérieure à la somme de la valeur de ses actifs considérés isolément158. L’entreprise doit donc être évaluée comme une unité organisationnelle et fonctionnelle159. Il conviendra d’estimer les résultats futurs et ensuite de les actualiser. On ajoute à ce calcul les éléments de patrimoine non nécessaires à l’exploitation, évalués en général à la valeur vénale160. La formule suivante reflète la méthode de la valeur de rendement : EV = 157 158 159 160 B rWAAC = EBIT • (1 – ti) rWAAC Cf. Fairness opinion de PricewaterhouseCoopers du 8 novembre 2007, qui a utilisé cette méthode pour procéder à l’évaluation de l’entreprise Atel Holding AG. HELBLING, Unternehmensbewertung, p. 75. HELBLING, Grundsätze, p. 736 ; HELBLING, Unternehmensbewertung, p. 75. Arrêt du TF 4C.363/2000 du 3 avril 2001, c. 3a et b ; HELBLING, Grundsätze, p. 736 ; HELBLING, Unternehmensbewertung, pp. 72 et 154. 33 Frank Gerhard EV = Enterprise Value B = Bénéfice pour la prochaine période (en règle générale EBIT moins impôts sur l’EBIT), étant précisé que le bénéfice est réputé constant pour les périodes futures rWAAC = Taux d’actualisation | coût moyen pondéré du capital (weighted average cost of capital) ti 2. = Taux d’imposition Bénéfices futurs Il convient tout d’abord de déterminer si on calcule la valeur de l’entreprise (enterprise value) – une valeur indépendante du financement de l’entreprise – ou la valeur des fonds propres uniquement (equity value). Dans le premier cas, on tiendra compte d’un bénéfice qui comprend également les intérêts passifs de la dette (comme par exemple l’EBIT (earnings before interest and taxes) ; dans le second cas, on tiendra compte du bénéfice net. La difficulté, et cela est valable dans les deux cas, consistera à estimer le revenu futur, incertain par nature161. Bien que les résultats futurs comptent, et non les résultats passés, on ne peut guère ignorer ces derniers pour établir tout pronostic raisonnable162. Il est important aussi d’expurger le bilan de tout élément atypique, non représentatif pour l’avenir, en corrigeant les rubriques comptables enregistrant des mouvements financiers arbitraires, extraordinaires ou sans lien avec l’activité de l’entreprise ou la période considérée163. Enfin, il faut éviter de transposer mécaniquement les résultats du passé dans l’avenir, mais au contraire évaluer si la capacité de rendement est susceptible de se maintenir, de croître ou de diminuer, pour sur cette base, établir une prévision réaliste. Pour un pronostic fiable, seules sont à prendre en compte les possibilités de développement et les changements de cap dans l’activité de l’entreprise qu’un acquéreur potentiel serait susceptible de réaliser. 3. Taux d’actualisation Les bénéfices futurs doivent ensuite être ramenés à leur valeur actuelle par le biais du taux de capitalisation. En effet, un revenu futur est par définition inférieur à un revenu immédiat, compte tenu de la perte des intérêts sur la période considérée. En outre, le taux de capitalisation ne sert pas seulement à l’actualisation des 161 162 163 34 HELBLING, Grundsätze, p. 736. HELBLING, Grundsätze, p. 736 ; HELBLING, Unternehmensbewertung, p. 90. HELBLING, Grundsätze, p. 736. Evaluation d’entreprise – Pertinence pour le conseiller juridique bénéfices futurs, mais également à tenir compte des risques liés à l’activité de l’entreprise164. Le taux d’actualisation correspond donc au taux d’emprunt de l’argent sans risque (« taux de base »), majoré d’une prime proportionnelle au risque de marché de l’entreprise à évaluer (« prime de risque »). Etant donné que les flux générés par l’actif économique reviennent à la fois aux actionnaires et aux créanciers, le taux d’actualisation est déterminé selon la méthode du coût moyen pondéré du capital (WACC – Weighted Average Cost of Capital)165. Ce taux représente la moyenne du taux de rentabilité exigé par les actionnaires (coût des capitaux propres) d’une part, et du taux de rentabilité après impôt exigé par les créanciers (coût de la dette), pondéré par la part relative des capitaux propres et de l’endettement d’autre part. Le coût des capitaux propres est déterminé d’une part à l’aide du taux « sans risque »166 encouru par celui qui se satisfait d’obligations d’Etat plutôt que d’investir dans une entreprise, et d’autre part, à l’aide de la prime pour risque du marché. La « prime de risque » prend en compte les risques inhérents à l’activité de l’entreprise, liés à la concurrence, à la branche, à la qualité de la direction, à la composition du personnel, à l’insolvabilité éventuelle de clients importants, ou encore à des problèmes de succession potentiels167. Le coût de la dette est quant à lui déterminé en additionnant le taux « sans risque » et le spread exigé par le prêteur, tenant compte du différentiel de risque. Le taux d’actualisation/coût moyen pondéré du capital peut être représenté selon la formule suivante : rWAAC = rFE • (1 – ti) FE FP + FE + rFP • FP FP + FE rWAAC = Taux d’actualisation | coût moyen pondéré du capital 164 165 166 167 rFE = Coût des fonds étrangers (taux d’intérêt annuel payé sur la dette) FE = Fonds étrangers (à la valeur du marché) HELBLING, Grundsätze, p. 740. HELBLING, Unternehmensbewertung, pp. 431 ss. On se fonde sur le taux d’intérêt du marché pour une durée comparable, ou éventuellement sur le taux d’inflation anticipé. On prend généralement comme taux d’intérêt de base le rendement, habituel, pour le pays, d’un placement sans risque, tel que le rendement moyen des emprunts obligataires émis par l’Etat. Cf. HELBLING, Unternehmensbewertung, p. 422. En Suisse, le taux d’intérêt pour les obligations de la Confédération d’une durée de 10 ans varie entre 2 et 4%. Le 10 août 2009, ce taux était de 2,23%. HELBLING, Unternehmensbewertung, p. 423. 35 Frank Gerhard ti = Taux d’imposition pour l’impôt sur le bénéfice (taux marginal) rFP = Coût des fonds propres FP = Fonds propres (à la valeur du marché) Selon l’analyse de risques, le taux de capitalisation (taux de base et prime de risque) en Suisse se situe entre 7 et 15 pour cent168. 4. Avantages et limites Cette méthode se veut avant tout dynamique, par l’extrapolation des résultats du passé qu’elle implique. Elle trouve toutefois ses limites dans la sélection à laquelle il faut procéder entre les flux et événements atypiques, et ceux qui sont susceptibles de se produire à nouveau dans le futur, ces derniers étant déterminants. La valeur de rendement tend apparemment à perdre de l’importance en pratique169. C. Valeur moyenne 1. Notion La méthode dite de la « valeur moyenne » (appelée aussi « méthode des praticiens ») combine la valeur substantielle et la valeur de rendement, selon des pondérations qui peuvent varier170. La méthode de la valeur moyenne vise à obtenir une valeur d’entreprise plus précise, en associant dans la même équation, d’une part la valeur substantielle, relativement certaine mais peu pertinente, et d’autre part, la valeur de rendement, pertinente mais moins certaine. EV = 168 169 170 36 (VAN . 1) + (VR . 2) 3 EV = Enterprise Value VAN VR = Valeur des actifs nets (actifs – dettes) = Valeur de rendement D = Dettes +D Pour plus de détails, v. la littérature spécialisée ; HELBLING, Unternehmensbewertung, pp. 92 ss. GANTENBEIN/GEHRIG, p. 605. HELBLING, Unternehmensbewertung, pp. 130 s. Evaluation d’entreprise – Pertinence pour le conseiller juridique 2. Avantages et limites Cette méthode constitue en apparence un compromis raisonnable entre une approche statique et dynamique. Elle est souvent employée en pratique, en particulier pour l’évaluation d’actifs immobiliers, et pour les petites entreprises en général, en raison de sa mise en pratique assez aisée171. Pourtant, la pondération entre la valeur de substance et la valeur de rendement n’est pas clairement fixée, on en veut pour preuve les différentes variantes appliquées par l’AFC, selon qu’il s’agit de l’impôt sur la fortune ou du droit de timbre172. Les actifs immatériels ne sont en outre pas pris en considération. D. Valeur actualisée de flux de trésorerie (Discounted Cash Flow) 1. Notion Les méthodes d’évaluation d’entreprise ont été largement développées au cours des dernières décennies. Le passage d’une optique comptable à une perspective orientée sur les théories financières représente une évolution importante. Alors que les méthodes de la valeur substantielle, de la valeur de rendement et celle des praticiens (qui constitue une combinaison des deux précédentes)173 prédominaient jadis, on se tourne aujourd’hui davantage vers une approche privilégiant le retour sur investissement. Dans cette approche, la valeur d’entreprise correspond à la somme de ses cash flows disponibles prévisionnels actualisés au coût moyen pondéré du capital engagé et en fonction du risque lié à l’activité économique174 : w EV = ! t=1 EV FCFt VTn + (1 + rWAAC) t (1 + rWAAC)n = Enterprise Value FCF = Free Cash Flow 171 172 173 174 GANTENBEIN/GEHRIG, p. 605. Cf. supra II.F. HELBLING, Unternehmensbewertung, p. 132. HELBLING, Unternehmensbewertung, p. 106. 37 Frank Gerhard rWAAC = Taux d’actualisation - coût moyen pondéré du capital 2. VT = Valeur terminale n = Nombre d’années (durée des prévisions) t = Index des années Les cinq étapes du DCF Cette méthode peut se décomposer de la manière suivante : - détermination des flux de trésorerie disponibles sur un horizon explicite ; - détermination de la valeur terminale sur la base d’un flux normatif ; - calcul du taux d’actualisation ; - actualisation des flux de trésorerie et détermination de la valeur d’entreprise ; - détermination de la valeur des capitaux propres ; a) Détermination des flux de trésorerie disponibles sur un horizon explicite Les flux de trésorerie sont déterminés schématiquement des deux manières suivantes : - soit à partir de l’EBITDA (excédent brut d’exploitation) : Excédent brut d’exploitation (EBITDA) - Variation du besoin en fonds de roulement - Impôt sur le bénéfice théorique (*) - Investissements nets des désinvestissements = Flux de trésorerie disponibles après impôt (*) L’impôt théorique est déterminé en multipliant le résultat d’exploitation par le taux d’impôt, sans prendre en compte le financement, autrement dit sans déduire les charges d’intérêts. - soit à partir de l’EBIT (résultat d’exploitation) : Résultat d’exploitation (EBIT) - Impôt théorique sur le résultat d’exploitation + Dotations aux amortissements et provisions, nettes de reprises - Investissements, nets des désinvestissements +/- Variation du besoin en fonds de roulement = Flux de trésorerie disponibles après impôt 38 Evaluation d’entreprise – Pertinence pour le conseiller juridique Les flux de trésorerie sont « bruts » (c’est-à-dire avant déduction des charges d’intérêts) et doivent être déterminés sur un certain nombre d’années (en principe de 3 à 5 ans), appelées horizon explicite. Cet horizon peut varier en fonction du secteur d’activité de la société cible et de la fiabilité des prévisions. Si cet horizon est trop court, le calcul accorde trop d’importance à la valeur finale. S’il est trop long, il ne s’agit souvent que d’une extrapolation des données budgétaires des premières années de l’échéancier. L’objectif recherché, dans cette première étape, consiste à disposer d’un modèle exempt d’erreurs matérielles et reflétant des hypothèses d’activité réalistes, cohérentes et pertinentes. En particulier, l’estimation des flux de trésorerie futurs résulte de paramètres stratégiques portant sur l’entreprise et son environnement, tels que le marché, la concurrence, la branche d’activité et le contexte macro-économique. b) Détermination de la valeur terminale sur la base d’un flux normatif En règle générale, la valeur terminale est calculée en actualisant les flux de la dernière année de l’horizon explicite ou d’une moyenne des dernières années (rente perpétuelle). Il est important de souligner que la valeur terminale représente très souvent une part prépondérante (plus des 2/3) de la valeur d’entreprise. Cette proportion élevée s’explique par le fait que les prévisions sont établies sur un horizon relativement court par rapport à la durée de vie des actifs et que les prévisions intègrent leur renouvellement via les investissements. Le flux normatif doit être cohérent avec les hypothèses retenues lors de l’étude du business plan. Il dépend de la rentabilité à long terme, de la politique d’investissements et de l’évolution du besoin en fond de roulement de l’entreprise. c) Calcul du taux d’actualisation Le taux d’actualisation correspond au taux d’emprunt de l’argent sans risque (« taux de base »), majoré d’une prime proportionnelle au risque de marché de l’entreprise à évaluer (« prime de risque »). On renvoie au chiffre III.B.3 pour plus de détails. d) Actualisation et détermination de la valeur d’entreprise Après avoir déterminé les flux de trésorerie disponibles sur l’horizon explicite, la valeur terminale de l’entreprise et le taux d’actualisation, il convient de procéder à l’actualisation des flux identifiés (flux normatifs et valeur terminale). 39 Frank Gerhard Exemple : Résultat d’exploitation - Impôt sur les sociétés théorique + Dotations aux amortissements - Investissements - Variation du BFR = Flux de trésorerie disponible Année 1 500 -165 50 -150 -20 215 Année 2 550 -182 60 -180 -25 224 Année 3 600 -198 65 -190 -28 249 Valeur terminale Flux de trésorerie actualisés 4.363 195 185 187 Valeur d’entreprise e) Flux normatif 610 -201 100 -130 -30 349 3.278 3.845 Détermination de la valeur des capitaux propres La valeur d’entreprise qui résulte du calcul ci-dessus, avec des flux de trésorerie « bruts », représente la valeur globale de l’activité économique de l’entreprise (enterprise value), sans prendre en compte le financement. La valeur de l’entreprise ne peut être utilisée comme valeur des actions (equity value) que s’il n’existe pas d’endettement financier, parce que la société est uniquement financée par des capitaux propres. Dans le cas contraire, la pratique réclame de procéder à la déduction de l’endettement net pour obtenir la valeur des capitaux propres. 3. Avantages et limites L’intérêt de la méthode DCF est de traduire de manière explicite et en termes chiffrés les différentes hypothèses et prévisions, souvent implicites, des acheteurs et vendeurs. Elle intègre pleinement : - le processus économique propre à l’entreprise et ses perspectives de croissance ; - la viabilité de l’entreprise et la continuité d’exploitation ; - l’opinion du marché (taux d’actualisation) ; et - les besoins de l’entreprise (investissements, besoin en fonds de roulement). 40 Evaluation d’entreprise – Pertinence pour le conseiller juridique Cette méthode, à laquelle les professionnels de l’évaluation d’entreprise ont fréquemment recours, présente néanmoins les inconvénients suivants175 : - elle est très sensible aux hypothèses retenues (exemple : WACC), nécessite des prévisions longues et fiables (flux de trésorerie, valeur terminale, taux d’actualisation), ses résultats sont très volatiles et incertains ; - elle dépend parfois trop de la valeur terminale. La valeur finale explique souvent largement plus de la moitié de la valeur de l’entreprise ; - elle a tendance à négliger la performance réelle du management dans le passé et sa capacité à réitérer une telle performance dans l’avenir. E. Méthode fondée sur les comparables boursiers 1. Notion Cette approche repose sur l’hypothèse qu’il est possible de trouver sur le marché des sociétés comparables, dont la valorisation : - peut être observée sur les marchés boursiers (multiples boursiers) ou lors de transactions (multiples de transactions) ; et - peut être utilisée comme référence pour valoriser la société concernée. La méthode des comparables boursiers repose en effet sur le postulat que le marché financier évalue de la même manière les entreprises qui opèrent dans le même secteur d’activité et qui présentent les mêmes perspectives de croissances. EV = EV BVPeergroup RVPeergroup x RVEnterprise = Enterprise Value BVPeergroup = Basis Value RVPeergroup = Valeur de référence du groupe des sociétés comparables RVEnterprise = Valeur de référence de la société cible 2. Valeur boursière La valeur boursière se calcule en multipliant le prix de l’action à la bourse par le nombre total d’actions que l’entreprise a émises176. On parle de capitalisation boursière. La valeur boursière dépend de divers paramètres, indépendants de la 175 176 Pour un point de vue critique : BÖCKLI, Aktienrecht, § 3 N 87a. HELBLING, Unternehmensbewertung, pp. 139 s., pp. 534 s. 41 Frank Gerhard situation opérationnelle de l’entreprise, comme par exemple les recommandations d’analystes ou le comportement des investisseurs à un moment donné. Ainsi, en situation de crise financière générale, la capitalisation boursière peut sensiblement s’écarter de la « valeur réelle » de l’entreprise177. Par exemple, le prix de bourse d’une action avec une liquidité et un flottant minimal ne sera le résultat que d’un petit nombre de transactions. La crédibilité du prix de bourse sera en outre réduite si le marché en question n’est pas efficient, à savoir si les acteurs ne sont pas pleinement informés et donc pas en mesure d’évaluer correctement l’entreprise. Force est cependant d’admettre que, malgré les réserves qu’il convient d’y apporter, l’évaluation reposant sur la valeur boursière représente la valeur que le public attribue à une entreprise, conformément à la loi de l’offre et de la demande. Il apparaît donc que la valeur boursière constitue la représentation la plus fidèle de la valeur d’une entreprise, à condition que le marché soit liquide178. En matière d’offre publique d’achat par exemple, le prix offert doit être au moins égal au cours de bourse (article 32 alinéa 4 LBVM)179. L’importance de cette valeur est également reflétée dans le droit des sociétés antérieur à 1991, qui prévoyait la possibilité pour le conseil d’administration d’une société anonyme de racheter les titres de la société en cas de refus d’inscrire l’acquéreur au registre des actions en l’absence de justes motifs également lorsque les actions de la société étaient cotées en bourse, et dans lequel la « valeur réelle » de l’action correspondait à sa valeur boursière180. 3. Constitution d’un échantillon d’entreprises comparables et choix du multiple Il convient tout d’abord de sélectionner un groupe de sociétés comparables appartenant au même secteur d’activité (que la société cible), présentant une taille, une structure et un niveau de développement similaire (peer group). Il est en règle générale délicat de définir l’échantillon des sociétés de référence, car elles exercent souvent des activités nombreuses et diversifiées en dehors du secteur considéré, de même qu’elles présentent des structures de bilan différentes. Par exemple: 177 178 179 180 42 HELBLING, Unternehmensbewertung, p. 139. GRONER, p. 395, se fondant sur un arrêt ancien du Tribunal fédéral rendu en matière de séquestre (!) (ATF 92 III 20, c. 3, considère le cours de bourse comme seul indication de la « valeur réelle » d’une entreprise. De manière encore plus absolue en faveur du cours de bourse comme seul valeur de référence pour les sociétés cotée, cf. EMCH, pp. 92 s. Cf. infra pour plus de détails et les exceptions à cette règle, V.B.3.a). En revanche, en matière de fusions, le cours de bourse ne fixera pas un seuil minimum. Cf. cependant EMCH, p. 94, qui plaide en faveur de la capitalisation boursière comme valorisation minimum en cas de fusion par absorption de sociétés cotées. Art. 686 al. 4a CO. Cf. aujourd’hui art. 685b CO, qui ne prévoit cette possibilité que pour les actions non-cotées en bourse. Cf. infra II.A.1.d). Evaluation d’entreprise – Pertinence pour le conseiller juridique - deux entreprises du secteur textile ne sont pas nécessairement comparables si l’une s’adonne à la production et l’autre la distribution ; - deux entreprises de production dans le secteur textile ne sont pas nécessairement comparables si l’une, titulaire de sa marque, produit pour son propre compte, et l’autre, non titulaire de sa marque, ne travaille qu’en sous-traitance. Pour être comparables, deux entreprises doivent en outre présenter des caractéristiques d’exploitation qui les rapprochent suffisamment, quant à la structure d’exploitation, la taille du marché sur lequel elles opèrent, la typologie de leur clientèle, leur taux de croissance, etc. Ensuite, il convient de déterminer le multiple adéquat. Les valeurs de comparaison les plus couramment utilisées sont le PER (Price Earning Ratio) et les multiples d’EBIT ou d’EBITDA. Il est également possible de retenir d’autres ratios, tels que les multiples du chiffre d’affaires (Price-to-Sales) ou de l’actif net comptable (Price-to-Book). En règle générale, les multiples sont fondés sur le résultat d’exploitation (EBIT) : ce dernier permet de mesurer la capacité bénéficiaire d’exploitation de l’entreprise indépendamment d’éléments exceptionnels et non récurrents, ainsi que de sa structure d’endettement, afin de définir la valeur de l’entreprise (enterprise value). Par exemple, une société donnée présente une capitalisation boursière de 400, une dette nette de 50 et un résultat d’exploitation de 40. De manière simplifiée, la valeur d’entreprise est donc de 450. Le multiple du résultat d’exploitation avant impôt s’établit à 11,25. En considérant, par exemple, que le résultat d’exploitation de la société cible s’élève à 20, cela signifie que sa valeur d’entreprise peut être évaluée à 225. Afin d’obtenir la valeur de ses capitaux propres (equity value), il conviendra alors de déduire de ce montant la valeur de l’endettement net. 4. Avantages et limites Cette méthode se distingue fondamentalement de celles évoquées précédemment par son approche avant tout subjective. Elle repose sur l’hypothèse sensée, selon laquelle un bien, un actif ou encore une entreprise ont la valeur que les acteurs du marché daignent lui attribuer. En considérant l’entreprise par rapport à son environnement économique, la méthode des comparables et de la valeur boursière renoncent à une évaluation fondée sur les caractéristiques intrinsèques de l’entreprise, certes plus objective, mais purement normative. Elle est appréciée par les analystes et conseillers financiers. L’uniformisation des standards internationaux en matière de comptabilité et la simplicité conceptuelle de cette méthode la rendent très prisée. Cette méthode se prête en fait surtout à des contrôles, ce d’autant plus qu’il est à peu près impossible de comparer les prestations des entreprises de manière fiable181. 181 HELBLING, Unternehmensbewertung, p. 132. 43 Frank Gerhard La limite d’une telle approche réside toutefois dans la difficulté de trouver suffisamment d’entreprises comparables pour assurer la plausibilité des valeurs obtenues. Le Tribunal fédéral l’exclut d’ailleurs pour le cas spécifique de l’article 725 CO, sous prétexte que les résultats qu’elle délivre sont inexacts182. Elle ne tient pas compte du rendement futur concret de la société cible, ignore les synergies, présente le danger de manipulations de bilan et n’est d’aucun secours dans des situations où le cours boursier est anormalement bas ou élevé, par exemple en temps de crise183. IV. Principes fixés par le Tribunal fédéral pour fixer la valeur réelle des actions non cotées en bourse (article 685b CO) A. Exigences du droit fédéral Il appartient au droit fédéral de déterminer selon quels principes juridiques des actions doivent être évaluées, lorsqu’il confère une telle prérogative, à l’instar des cas illustrés dans la section II184. Le juge devra donc déterminer si la méthode d’évaluation choisie par l’expert est correcte185. Celle-ci doit être « compréhensible, plausible, reconnue, largement répandue dans des cas similaires et meilleure ou tout au moins aussi confirmée que d’autres méthodes au cas d’espèce »186. Afin de satisfaire ces critères, l’expertise devra tant que possible renvoyer à des sources dans la littérature spécialisée. Ainsi, le juge ne se subroge pas à l’expert, mais se limite en principe à l’examen de questions formelles, comme l’existence de motifs de récusation ou l’existence de contradictions manifestes dans l’expertise. Si les parties souhaitent mettre en cause l’expertise commandée par le tribunal, il leur appartient d’apporter une expertise contradictoire. En revanche, la détermination concrète de la valeur de l’entreprise, obtenue sur la base des critères fixés par le droit fédéral, de même que les hypothèses retenues par l’expert, sont des questions de fait et relèvent de l’appréciation souveraine du juge cantonal187. Ainsi, le loyer que rapporterait un immeuble, de même que l’estimation des coûts de démolition sont, par exemple, des hypothèses de fait que le Tribunal fédéral ne revoit pas. En revanche, le choix du taux d’actualisation résulte de l’application d’une certaine méthode de valorisation et 182 183 184 185 186 187 44 Arrêt du TF 4A.267/2008 du 8 décembre 2008, c. 6.2. GANTENBEIN/GEHRIG, p. 610. Arrêt du TF 4C.363/2000 du 3 avril 2001, c. 3b ; confirmé par ATF 132 III 489, c. 2.3 ; cf. ég. SCHÖN, pp. 231 ss. ATF 132 III 489, c. 2. 3. Arrêt du TF 4C.363/2000 du 3 avril 2001, c. 3b. ATF 120 II 259, c. 2a, JdT 1995 I 208 ; arrêt du TF 4C.363/2000 du 3 avril 2001, c. 3b. A ce titre, cf. arrêt du TF 4C.363/2000 du 3 avril 2001, qui explique selon quelle méthode les parties peuvent attaquer une expertise d’évaluation. Evaluation d’entreprise – Pertinence pour le conseiller juridique doit être considéré comme le résultat de l’exercice du pouvoir d’appréciation du juge188. Le taux d’actualisation, tout comme l’application de la méthode d’évaluation, relèvent ainsi du droit et sont librement revus par le Tribunal fédéral. B. Valeur de continuité vs. valeur de liquidation 1. Enjeu Avant de déterminer quelle méthode d’évaluation est applicable, il convient de définir quelle valeur le juge doit considérer. A ce titre, la valeur de liquidation représente le « dernier flux de paiement » lorsque l’entreprise est liquidée189. Elle est conceptuellement importante en tant que minimum absolu de la valeur de l’entreprise, notamment lorsque cette dernière ne se montre pas ou peu rentable190. En effet, si la valeur de liquidation excède la valeur de continuité, cela signifie que les actifs ne sont pas mis à profit de manière efficiente et qu’il vaudrait mieux liquider l’entreprise. En d’autres termes, si le conseil d’administration prenait au sérieux son obligation de diligence au sens de l’article 717 alinéa 1 CO, il soumettrait à l’assemblée générale une proposition de dissoudre la société (article 704 alinéa 1 chiffre 8 CO) avec distribution du produit de la liquidation aux actionnaires. La valeur de liquidation doit-elle alors, en droit, faire office de valeur minimum, bien que l’entreprise continue ses activités ? On songe par exemple au cas où le conseil d’administration, qui s’oppose à l’inscription d’un nouvel actionnaire au registre des actions, lui offre de reprendre ses titres, alors qu’une liquidation n’entre pas en compte, quand bien même la société enregistre des pertes telles que sa valeur de liquidation est supérieure à sa valeur d’exploitation. Faut-il tenir compte de la décision de continuer l’exploitation, malgré l’irrationalité économique que cela suppose ? L’expert, respectivement le juge, se voient ainsi confrontés à une alternative : admettre cet état de fait et fonder leur calcul sur la valeur de continuité, au détriment de l’actionnaire dont l’inscription a été refusée, ou envisager le scénario théorique d’une liquidation, au détriment de la société (et de ses actionnaires) cette fois. 188 189 190 Arrêt du TF 4C.363/2000 du 3 avril 2001, c. 3b. HELBLING, Unternehmensbewertung, p. 28 ; HELBLING, Grundsätze, p. 738. HELBLING, Unternehmensbewertung, p. 216. 45 Frank Gerhard 2. Position du Tribunal fédéral Le Tribunal fédéral exige que le calcul de la valeur d’une entreprise se fonde sur l’hypothèse qu’elle poursuivra son activité, la valeur de liquidation n’entrant en considération que dans deux cas191 : - si l’entreprise est sur le point d’être dissoute, notamment lorsqu’une liquidation semble inévitable du fait de l’accumulation de pertes192 ; ou - si l’entreprise maintient à dessein une rentabilité artificiellement faible, afin d’influer sur l’évaluation des actions, ou en général dans des cas d’abus, tels qu’une entreprise poursuivant une politique de faible rendement avec l’intention de nuire193. Dans tous les autres cas, les actions doivent être évaluées selon l’hypothèse de continuité ; la valeur de liquidation n’entrant pas en ligne de compte, même si elle se montre supérieure à la valeur de continuité194. En conséquence, si l’entreprise a toujours poursuivi une politique de faible rendement sans intention de nuire195, il n’est possible sous aucun prétexte de se fonder sur la valeur de liquidation. Il faut respecter la volonté manifeste du management de poursuivre la politique commerciale antérieure, même si celle-ci apparaît contraire à toute logique économique196. 3. Critique Le Tribunal fédéral consacre une conception de la valeur d’entreprise fondée sur des motivations économiquement peu convaincantes197. En effet, l’article 685b CO réclamerait qu’en cas de succession ou de dissolution d’un régime matrimonial, l’entreprise se vît attribuer une valeur objective, sans égard à l’intention de l’héritier ou du repreneur de la liquider ou d’en maintenir l’activité. Il faut se placer dans la peau de l’acquéreur moyen agissant de manière rationnelle et qui choisit l’option la plus avantageuse financièrement. Le 191 192 193 194 195 196 197 46 ATF 120 II 259, c. 2c, JdT 1995 I 208 ; arrêt du TF 4C.363/2000 du 3 avril 2001, c. 3b. ATF 120 II 259, c. 2b, JdT 1995 I 208 ; arrêt du TF 4C.363/2000 du 3 avril 2001, c. 2c. ATF 120 II 259, c. 2b et 2c, JdT 1995 I 208 ; arrêt du TF 4C.363/2000 du 3 avril 2001, c. 3b. Dans ce cas, l’action en dissolution est également envisageable, cf. ATF 126 III 266. ATF 120 II 259, c. 2b et c, JdT 1995 I 208 ; arrêt du TF 4C.363/2000 du 3 avril 2001, c. 3b ; SCHÖN, p. 92 et 117. En l’occurrence, les responsables de l’entreprise avaient clairement préféré la continuation de l’exploitation d’un cinéma dans l’immeuble en question au lieu de la vente pure et simple de l’immeuble. ATF 120 II 259, c. 2c, JdT 1995 I 208. FORSTMOSER/MEIER-HAYOZ/NOBEL, § 44 N 164 note 57 ; GRONER, p. 398 ; NOBEL, pp. 123 ss ; WATTER, pp. 108 ss. Cf. aussi BÖCKLI, Aktienrecht, § 3 N 200 in fine qui préconise dans le cas de la fusion d’exclusion que la valeur de liquidation serve de seuil inférieur de valorisation. Evaluation d’entreprise – Pertinence pour le conseiller juridique comportement d’une personne qui poursuivrait des objectifs personnels (maintien des emplois, raisons charitables, souci [fiscal] de conserver un salaire de directeur en plus de la rémunération du capital) et continuerait l’exploitation de l’entreprise, malgré une valeur de rendement inférieure à la valeur de liquidation, paraît suffisamment isolé pour ne pas être admis comme règle d’évaluation198. Ainsi, lorsque la valeur de liquidation est supérieure à la valeur de continuité, la valeur réelle se confond avec la valeur de liquidation, puisque celle-ci représente le bénéfice minimum que tout acquéreur pourrait tirer de l’entreprise199. L’évaluation de la succession ou de la part d’un associé d’après la valeur vénale permet ainsi de calculer la part d’un héritier réservataire ou d’un associé sortant indépendamment de l’intention de l’actionnaire principal (et du management) de poursuivre l’exploitation. Enfin, dans l’arrêt topique du cinéma200, le Tribunal fédéral semble omettre que la suppression du but lucratif de la société selon l’article 706 alinéa 2 chiffre 4 CO requiert l’unanimité des actionnaires. En effet, dans l’affaire en question, l’existence d’une telle décision de l’assemblée générale ne ressort pas de l’arrêt ; au contraire, il semblerait que la décision du maintien de la politique non rentable pratiquée depuis quelques années était l’œuvre seule du conseil d’administration. On se demandera alors si une telle décision n’aurait pas plutôt requis l’unanimité pour pouvoir affirmer que la valeur de liquidation ne doit pas constituer un plancher pour la valorisation de cette entreprise. Il résulte de cette réflexion que, dans le cas de l’arrêt précité, le conseil d’administration devrait, soit octroyer une indemnité fondée au minimum sur la valeur de liquidation, soit accepter l’héritier ou l’acheteur comme actionnaire. Une telle solution aurait pour avantage de respecter la décision de la majorité, qui ne désire pas une politique rentable, tout en lui faisant supporter les coûts de ce choix201. 198 199 200 201 Rapport du Conseil fédéral, 4.2.2. et 10.2.1. Sur ce rapport, cf. EITEL, Unternehmensbewertung. Sur les possibilités d’abus, cf. NOBEL, p. 123 qui mentionne le cas des actionnaires (siègeant au conseil d’administration) qui refuseraient dans un premier temps l’inscription au registre des actions, pour ensuite vendre les actions à un tiers qui démantèlerait l’entreprise (en l’occurrence un cinéma) et mettrait en valeur l’immeuble. La valeur de continuité doit cependant être seule considérée, même si elle est inférieure à la valeur de liquidation, lorsque l’entreprise ne peut pas être démantelée pour des raisons juridiques (par exemple une entreprise concessionnaire ou une compagnie de distribution). Cf. Rapport du Conseil fédéral sur la valeur des entreprises en droit successoral du 1er avril 2009, ch. 4.2.2., note 107. ATF 120 II 259, c. 2b, JdT 1995 I 208. WATTER, p. 109. 47 Frank Gerhard C. Méthodes d’évaluation : pluralisme 1. Principe A l’exception du droit fiscal, le législateur ne précise pas quelles méthodes d’évaluation doivent être appliquées et à quelle situation. En ce qui concerne l’article 685b CO, seule la date déterminante pour l’évaluation (moment de la requête) et le principe selon lequel l’indemnité doit correspondre à la « valeur réelle » sont mentionnés. Le Tribunal fédéral a déterminé que cette « valeur réelle » était une notion objective, censée refléter la valeur globale de l’entreprise en fonction de sa substance et de sa rentabilité, et qu’elle donnait droit à une pleine indemnité202. Une disposition statutaire qui détermine certaines méthodes d’évaluation ou fixe certains critères – notamment en défaveur de l’actionnaire sortant – ne sont valables que dans une mesure restreinte203. Le Tribunal fédéral a laissé ouverte la question de savoir s’il fallait également tenir compte de facteurs subjectifs et personnels dans la détermination de la valeur des actions. Il précise néanmoins que le patrimoine non nécessaire à l’exploitation doit être calculé séparément, en principe à la valeur de liquidation, et doit être ajouté à la valeur globale du patrimoine nécessaire à l’exploitation204. 2. Mise en pratique En fixant un tel cadre, le Tribunal fédéral laisse une grande liberté à l’expert nommé par le juge ou aux parties. Selon la composition des actifs et autres éléments dans le cas particulier, la valeur de l’entreprise peut être déterminée selon plusieurs méthodes équivalentes205, la seule restriction portant sur le fait que la méthode doit être « compréhensible, plausible, reconnue, largement répandue dans des cas similaires et meilleure ou tout au moins aussi confirmée que d’autres méthodes au cas d’espèce »206. Le message de la LFus – législation plus récente que l’article 685b CO – prévoit même explicitement l’application de plusieurs méthodes lors de la détermination du rapport d’échange en cas de fusion207. Ce pluralisme se vérifie dans les exigences concernant le rapport du conseil d’administration (article 14 alinéa 3 lettre e LFus) et le rapport de vérification du réviseur (article 15 alinéa 4 lettre c LFus)208. Le Tribunal fédéral exige simplement que l’évaluation tienne compte de la valeur objective de l’entreprise en fonction des éléments de patrimoine de la 202 203 204 205 206 207 208 48 ATF 92 III 20, c. 3 ; ATF 120 II 259, c. 2b, JdT 1995 I 208 ; arrêt du TF 4C.363/2000 du 3 avril 2001, c. 3b. BÖCKLI, Aktienrecht, § 6 N 232 ; FLÜCKIGER, 264. Arrêt du TF 4C.363/2000 du 3 avril 2001, c. 3a et 3b. Arrêt du TF 4C.363/2000 du 3 avril 2001, c. 3b. Arrêt du TF 4C.363/2000 du 3 avril 2001, c. 3b. Message LFus, 4415. Cf. supra II.B.2. et II.B.3. Evaluation d’entreprise – Pertinence pour le conseiller juridique société (valeur substantielle) et de sa rentabilité (valeur de rendement)209. Notre Haute Cour précise toutefois qu’il faut se baser sur la seule valeur de rendement si, comme c’est souvent le cas pour les PME, la valeur substantielle lui est supérieure, c’est-à-dire lorsque ces deux valeurs divergent tellement que l’entreprise n’est pas en mesure de produire un rendement approprié à partir des actifs liés aux fonds investis et que la continuation de l’exploitation n’est pas remise en question210. Il est dès lors indéniable que les diverses méthodes dynamiques et financières fondées sur l’actualisation des cash flows futurs l’emportent sur les méthodes statistiques et comptables fondées sur l’évaluation des postes du bilan211. V. Questions particulières : primes et décotes A. Prime de contrôle 1. Définition et fondement La prime de contrôle212 représente le prix supplémentaire, par rapport à la valeur de référence d’une société, qu’un investisseur paie pour détenir le contrôle du capital de cette société. La prime de contrôle se justifie par la possibilité que gagne alors l’acquéreur d’avoir les coudées franches pour (i) pratiquer une gestion qui lui convienne mieux213 et (ii) provoquer des synergies de coûts ou de revenus avec ses activités préexistantes. L’acquéreur est donc prêt à payer plus cher pour acquérir un paquet d’actions lui permettant par la suite d’imposer la stratégie de son choix au conseil d’administration. La détermination de la prime de contrôle n’est pas aisée étant donné que le prix maximum acceptable dépend des résultats prévisionnels de la société cible compte tenu de la prise de contrôle, c’est-à-dire en incorporant l’impact des éventuels effets de synergies et de l’incertitude quant à la réalisation des résultats escomptés. Diverses études ont ainsi montré que les cessions de blocs de contrôle impliquent des primes de l’ordre de 10-30% par rapport à la valeur de référence214. 209 210 211 212 213 214 ATF 120 II 259, c. 2b, JdT 1995 I 208 ; arrêt du TF 4C.363/2000 du 3 avril 2001, c. 2c. Arrêt du TF 4C.363/2000 du 3 avril 2001, c. 2c. Cf. FLÜCKIGER, p. 265. Cf. de manière générale sur la mainmise des méthodes dynamiques et orientées sur le futur, EITEL, Unternehmensbewertung. Sur les primes et décotes en général, cf. l’article de CHERIDITO/SCHNELLER, ainsi que – pour la perspective américaine – YEE et BOOTH, tous cités dans la bibliographie. P. ex., par un recentrage sur l’activité principale de la cible en démantelant des groupes diversifiés mais financièrement sous-performants. Cf. not. l’étude menée en 2008 par PricewaterhouseCoopers : Adjusting for control and marektability : a global survey of the use of discounts and premia in private company valuation, cité par CHERIDITO/SCHNELLER. 49 Frank Gerhard 2. Cadre légal a) Droit des OPA : loi sur les bourses Le droit des offres publiques d’acquisition permet le paiement d’une prime de contrôle. Selon l’article 32 alinéa 4 LBVM, le prix offert dans une OPA obligatoire (ou une OPA volontaire qui permet de dépasser le seuil des 33,33% prévu à l’article 32 LBVM)215 doit être au moins égal au cours de bourse et ne doit pas être inférieur de plus de 25% au prix le plus élevé payé par l’offrant pour des titres de la société visée, dans les douze derniers mois précédant la publication de l’offre. Cette règle – appelée règle du prix minimal – permet le paiement d’une prime de contrôle à un actionnaire-vendeur, à condition que – en raison de la best price rule216 – ladite transaction soit intervenue avant la publication de l’OPA et ne soit pas interdépendante avec l’OPA elle-même (transaction couplée)217. Cette pratique concrétise l’égalité de traitement entre actionnaires et oblige l’offrant à traiter de manière égale dans l’offre (mais pas avant), tous les actionnaires de la cible. Cependant, une différence de prix ne doit pas forcément être justifiée par une prime de contrôle. En théorie, l’offrant peut également payer une « prime de contrôle » pour une seule action en amont d’une OPA218. b) Droit des sociétés : article 685b CO Enfin, concernant le calcul de l’indemnité réclamée par l’article 685b CO, le Tribunal fédéral a laissé ouverte la question de savoir s’il fallait également tenir compte de facteurs subjectifs et personnels lors de la détermination de la valeur réelle des actions219. Dans le projet de révision du droit de la société anonyme de 1983, le Conseil fédéral stipule que la valeur réelle des actions non cotées en bourse représente en même temps une valeur commerciale. Il cite, parmi les éléments à prendre en considération, le montant de l’offre de rachat, le volume des paquets d’actions minoritaires et les perspectives d’avenir de l’entreprise220. La valeur réelle selon l’article 685b CO correspond donc – en conformité avec le 215 216 217 218 219 220 50 Art. 9 al. 6 OOPA. Art. 10 al. 1 OOPA exige que, dès la publication de l’offre et pendant les six mois suivant l’échéance du délai supplémentaire, si l’offrant acquiert des titres de participations de la société visée à un prix supérieur à celui de l’offre, ce prix doit être étendu à tous les destinataires de l’offre. Recommandation de la COPA dans l’affaire Bank Sarasin & Cie. AG du 8 janvier 2007, c. 3.2. Cette conséquence est précisément ce qui a créé passablement de remous médiatiques autour de l’OPA pour Quadrant AG en juin 2009, vu que l’offrant avait payé une « prime de contrôle » pour certaines actions en amont du lancement de l’OPA sans que les actions en cause considérées pour elles-mêmes ne confèrent un quelconque contrôle. Cf. décision de la COPA 410/1 du 29 mai 2009, c. 3.3. ATF 120 II 259, c. 2b, JdT 1995 I 208 ; arrêt du TF 4C.363/2000 du 3 avril 2001, c. 3b. FF 1983 II 757 ss, 927. Evaluation d’entreprise – Pertinence pour le conseiller juridique principe de la libre cessibilité des actions – au prix que le vendeur réalise dans une transaction commerciale, qui peut donc être augmenté d’une prime ou diminuée d’une décote221. En outre, le Tribunal fédéral a retenu qu’une réduction de la valeur d’une participation peut découler du fait qu’une participation majoritaire se transforme en participation minoritaire à la suite d’une augmentation de capital222. Nous sommes par conséquent d’avis qu’une telle prime s’accorde avec le principe de l’égalité de traitement des actionnaires (article 717 alinéa 2 CO)223. En effet, celui-ci permet, respectivement réclame, de traiter de manière différente deux situations dissemblables. En raison des prérogatives qu’elle confère, une participation de contrôle est différente d’une participation minoritaire, tant sur le plan juridique qu’économique. En dépit des raisons d’ordre essentiellement pratique invoquées par certains auteurs224, on ne voit pas en quoi le paiement d’une prime de contrôle dans les cas prévus par l’article 685b CO contreviendrait à l’égalité de traitement. c) Droit fiscal La circulaire n° 28 concernant l’estimation des titres non cotés en vue de l’impôt sur la fortune225 prévoit des déductions forfaitaires pour des restrictions apportées à des droits patrimoniaux afin de tenir compte de l’influence réduite de l’actionnaire, mais ne prévoit pas de prime de contrôle226. B. Décote de minorité 1. Définition et fondement Souvent considérée comme le pendant de la notion de prime de contrôle, la décote de minorité correspond théoriquement à un ajustement à la baisse de la valeur des titres d’une société prenant en compte le fait que le détenteur des titres n’est pas majoritaire dans le capital de la société et ne peut influer ni sur la marche opérationnelle de celle-ci, ni sur l’utilisation de ses flux financiers. La décote de minorité est justifiée dans la littérature financière par les inconvénients inhérents à l’absence de pouvoir, notamment : - la difficulté d’influer sur la politique de distribution des dividendes ; 221 222 223 224 225 226 GURTNER, pp. 130 s. Laissé ouvert, FORSTMOSER/MEIER-HAYOZ/NOBEL, § 44 N 164, note 57a. ATF 90 IV 196. BÖCKLI, Aktienrecht, § 6 N 224c ; FLÜCKIGER, pp. 265 s. BÖCKLI, Aktienrecht, § 6 N 224c ; BaK-OERTLE/DU PASQUIER, N 12 ad art. 685b CO ; FLÜCKIGER, pp. 265 s. ; SCHÖN, p. 118, se fondant sur la jurisprudence allemande qui refuse une telle prime. Cf. supra II.F. Instructions, ch. 61-63 a contrario. 51 Frank Gerhard - l’impossibilité d’agir sur la stratégie de l’entreprise ; - l’impossibilité de modifier l’équipe dirigeante ; - la moindre connaissance du fonctionnement et de la situation de l’entreprise (encore accentuée dans une société non cotée pour laquelle l’information publique est plus limitée). 2. Critique Le principe de la décote de minorité est cependant contraire à la logique financière, pour deux raisons: Tout d’abord, il est vrai qu’un actionnaire minoritaire ne perçoit le flux de trésorerie dégagé par la société jusqu’à concurrence de sa quote-part que si l’actionnaire majoritaire le décide par l’exercice du pouvoir lié à la détention de la majorité des droits de vote. La méthode des flux de trésorerie actualisés semble donc appropriée pour déterminer la valeur d’une participation « majoritaire ». Dans le cadre de l’évaluation d’une participation minoritaire, il conviendrait alors d’envisager une décote de minorité. Or, lorsque l’actionnaire majoritaire décide d’user de son pouvoir pour percevoir une partie des flux de trésorerie, l’actionnaire minoritaire se trouve servi à due proportion de sa détention de capital. Si l’actionnaire majoritaire devait abuser de sa position dominante, l’action en dissolution selon l’article 736 chiffre 4 CO serait toujours possible pour l’actionnaire minoritaire. Ensuite, la valeur déterminée selon la méthode des flux de trésorerie actualisés se fonde sur le risque estimé pour un actionnaire minoritaire. En effet, elle est établie sur la base d’un certain nombre d’hypothèses de marché, dont notamment la prime de risque du marché des actions. Cette prime est déterminée par différence entre la performance du marché des actions et le rendement d’un actif sans risque. Or, la performance du marché des actions se fonde précisément sur des observations boursières qui constituent une approche d’actionnaire minoritaire, les cours de bourse et leur évolution étant généralement fondés sur des échanges entre actionnaires minoritaires. En revanche, comme nous l’avons vu précédemment, la prise de contrôle peut conduire l’acheteur d’une participation majoritaire à payer une prime au vendeur, pour des raisons stratégiques d’une part, et en raison des synergies attendues d’autre part. Sur cette base, deux situations doivent être distinguées : - si la transaction de référence porte sur une participation majoritaire, il est probable (mais non certain) qu’une prime de contrôle ait été payée par l’acheteur ; dans ce contexte, une décote de minorité doit être prise en 52 Evaluation d’entreprise – Pertinence pour le conseiller juridique compte. En réalité, il s’agit moins d’une décote de minorité que de l’annulation de la prime de contrôle payée lors de la transaction227. - si la transaction de référence est une transaction minoritaire, aucune décote de minorité ne doit être considérée, puisqu’aucune prime de contrôle n’a été payée. 3. Cadre légal a) Droit des OPA : loi sur les bourses Comme nous l’avons vu plus haut228, le prix offert dans une OPA doit toujours être au minimum équivalent au cours de bourse (article 32 alinéa 4 LBVM et article 10 alinéa 6 OOPA). Trois exceptions existent à cette règle, dans lesquelles une décote par rapport au cours de bourse est par conséquent théoriquement possible : (i) l’offre ne permet pas de franchir le seuil des 33,33% de la société cible (soit parce qu’elle est partielle, soit parce que l’offrant détient déjà plus du tiers des actions de la cible), (ii) les statuts de la société cible contiennent un opting out (article 22 alinéa 2 LBVM) 229 ou (iii) le titre de la société cible est illiquide et l’organe de contrôle doit établir une évaluation d’entreprise (article 40 alinéa 4 OBVM-FINMA)230. Dans tous les autres cas, une décote explicite – qui ne serait pas déjà comprise dans le cours de bourse qui fonde la valeur minimale – n’est donc pas possible en droit des OPA. En revanche, une décote implicite – à savoir un prix au moins égal au cours de bourse, mais inférieur à une évaluation d’entreprise effectuée selon une méthode appropriée – reste possible231. 227 228 229 230 231 Cf. l’OPA de Capio sur Unilabs SA en été 2007 : l’offrant a payé une prime de contrôle maximale à l’actionnaire majoritaire de la cible qui détenait plus de 50% des droits de vote et a ensuite offert une indemnité proche du minimum légal (décote de 25%) aux actionnaires du public. Cf. recommandation de la COPA du 6 octobre 2007, c. 2.2. La même technique a été utilisée par Aquamit lors de son OPA sur Quadrant AG, à la différence que les acquisitions préalables portaient toutes sur des paquets d’actions dont aucun à titre individuel ne permettait d’obtenir le contrôle de la cible. Cf. décision de la COPA du 29 mai 2009, c. 3. Cf. supra II.C.2. P. ex., dans l’offre d’échange de Diperdana Holdings Berhad sur Pelikan Holding AG, l’auteur de la fairness opinion était arrivé à la conclusion que le rapport d’échange n’est pas équitable d’un point de vue financier, bien que la COPA ait jugé que l’offre était conforme à la loi sur les bourses (cf. recommandation du 4 mars 2005). Les règles sur le prix minimum n’étaient pas applicables car la société cible avait un opting out dans ses statuts. Dans la reprise de Société Sources Minérales Henniez SA (SMH) par Nestlé SA, l’organe de contrôle a estimé la valeur des actions SMH à CHF 3'275.- par action nominative, alors que le cours de bourse était de CHF 5'303.- (qui correspondait aussi au prix offert au public). L’OPA présentée par Aquamit aux actionnaires de Quadrant AG en juin 2009 s’élevait à CHF 86.- par action nominative, alors que la fairness opinion commandée par le conseil 53 Frank Gerhard b) Droit des sociétés : article 685b CO En théorie du moins, le droit des sociétés assure l’égalité de traitement entre actionnaires minoritaires et majoritaires (principe d’égalité entre associés posé par les articles 660, 661 et 692 CO et fixation de la valeur réelle en cas de refus d’agrément en vertu de l’article 685b alinéa 5 CO). La décote de minorité justifie cependant une entorse au principe d’égalité. Le cas peut se présenter dans certaines situations particulières, acceptées ou subies par les actionnaires minoritaires : - en cas d’existence de plusieurs catégories d’actions dont les droits sociaux ou les droits financiers objectifs seraient différents (situation acceptée par les actionnaires lors de l’achat de leurs actions); il en va par exemple ainsi de l’émission d’actions privilégiées auxquelles sont attachés des dividendes ou des produits de liquidation prioritaires, situation fréquente dans des opérations de private equity ; - dans le cas où il peut être supposé que les actionnaires majoritaires, ou les dirigeants qu’ils auront désignés s’approprient, en dépit des mécanismes légaux de protection (par exemple l’article 678 CO), des avantages (occultes ou excessifs) de manière indue et appauvrissent d’autant les actionnaires minoritaires. Ainsi, en dehors de ces situations particulières, acceptées par les actionnaires minoritaires ou conséquence d’une imperfection juridique, la décote de minorité ne semble pas se justifier selon nous232. c) Droit fiscal La même position est par ailleurs partagée par la Conférence suisse des impôts. En effet, selon la circulaire n° 28 concernant l’estimation des titres non cotés en vue de l’impôt sur la fortune233, il n’est tenu compte par le biais d’une déduction forfaitaire de l’influence réduite234 du porteur d’une participation minoritaire au sein de la direction de l’entreprise, ou dans la prise de décisions à l’assemblée, que si le contribuable ne reçoit pas un dividende convenable235. Dans ce cas seulement, le contribuable peut faire valoir une déduction forfaitaire de 30%. Dans les autres cas, aucune déduction ne sera admise. 232 233 234 235 54 d’administration de la cible évaluait la cible dans une fourchette allant de CHF 80.- à CHF 95.- par action. La Supreme Court de l’Etat du Delaware partage les mêmes vues en matière d’usage d’ appraisal rights par des actionnaires minoritaires. Cf. le leading case Cavalier Oil Corp. vs. Harnett, 564 A. 2d 1137 (Del. 1989). Le but de la procédure d’évaluation judiciaire est de valoriser la société en entier et non pas de valoriser certaines actions en particulier. Cf. supra II.F. Une telle influence est présumée réduite lorsque le contribuable exerce moins de 50% des droits de votes à l’assemblée générale, cf. instructions, ch. 62. Instructions, ch. 61-63. Evaluation d’entreprise – Pertinence pour le conseiller juridique C. Prime de minorité 1. Définition et fondement La prime de minorité se définit comme le prix supplémentaire attaché aux actions qui permettent à l’acheteur de franchir un seuil de contrôle et d’exercer ainsi un pouvoir accru. Nous rappelons ci-après les avantages conférés par les différents seuils de détention dans une société anonyme (outre les nombreuses garanties dérivant du principe général d’égalité entre actionnaires, offertes par la détention d’une action unique) : Seuil (droit de vote, resp. capital) Droit Source 2% Droit de s’opposer à l’annulation des titres restants après une OPA 33 LBVM 2% Droit de s’opposer aux décisions de la COPA dans une OPA OOPA 10% Droit à l’institution d’un contrôle spécial 697b CO 10% Droit de convoquer l’assemblée générale 699 al. 3 CO 1 mio Droit de requérir l’inscription d’un objet à l’ordre du jour 699 al. 3 CO 33,33% Droit de s’opposer à toute décision dite importante de l’assemblée générale 704 CO 50% Droit de s’opposer à toute décision ordinaire de l’assemblée générale 703 CO 56 Le droit de s’opposer à une décision dite « importante » (par exemple) présente un avantage financier intrinsèque pour le bénéficiaire de ce droit. En s’opposant à une augmentation de capital libérée par apport en nature, qui possède un impact sur les flux de trésorerie futurs de la société, l’actionnaire contestataire modifie la valeur de l’entreprise et donc celle de ses propres actions. Ce pouvoir peut donc être valorisé par le biais d’une prime de minorité, de même que le contrôle de la société au-delà de la majorité simple peut être valorisé. A l’opposé, pour un actionnaire majoritaire : - faire disparaître tout risque qu’un actionnaire minoritaire s’oppose à une décision dite « importante » représente une valeur car, ce faisant, 55 Frank Gerhard l’actionnaire majoritaire s’assure de pouvoir asseoir sa vision stratégique de l’entreprise et d’optimiser la valeur de ses actions ; - provoquer la disparition des « petits » actionnaires minoritaires supprime le risque que la stratégie d’entreprise ne soit contestée et, dans les sociétés cotées, qu’une éventuelle décotation (avec les économies que cela suppose) ne soit irréalisable. Dans de tels cas, on observe parfois des primes non négligeables payées aux actionnaires minoritaires dans le cadre du rachat de leur participation. 2. Conclusion Dans des situations où le franchissement d’un seuil de détention minoritaire permet d’obtenir des droits supplémentaires, c’est bien une prime de minorité qu’il conviendrait d’envisager, comme dans le cas d’une prime de contrôle de la société au-delà de la majorité simple. Pourtant, il est souvent délicat de placer les actions minoritaires d’une société dont le marché des titres est étroit. Ces actions subissent donc en réalité inéluctablement une baisse de liquidité (cf. analyse ciaprès). Ainsi, l’application d’une décote lors de l’évaluation d’actions minoritaires provient bien de leur caractère illiquide et non spécifiquement de leur caractère minoritaire. On prendra donc garde à bien distinguer ces deux types de décotes. D. Décote d’illiquidité 1. Définition et fondement La décote d’illiquidité correspond à un ajustement à la baisse de la valeur des titres d’une société prenant en compte l’absence de liquidité de ces titres236. En effet, la liquidité correspond à la possibilité de négocier un actif rapidement, en trouvant à la fois un prix et une contrepartie. Les principaux cas où une décote d’illiquidité est appliquée sont les suivants : - titres non cotés ; - titres faisant l’objet d’un blocage ou d’une impossibilité de vendre temporaire ; - titres cotés pour tenir compte de leur moindre liquidité. L’utilisation de la décote d’illiquidité se heurte à des difficultés de quantification et d’évaluation. Excepté le cas où il n’existe aucune possibilité de vente, l’illiquidité ou la liquidité insuffisante se traduit par un coût qui pourrait en théorie correspondre au prix d’acquisition d’une option de vente dont la valeur dépend du degré de certitude et de la durée nécessaire pour vendre. Diverses 236 56 V. en général sur la décote d’illiquidité, la contribution de BAJAJ/DENIS/FERRIS/ SARIN, citée dans la bibliographie. Evaluation d’entreprise – Pertinence pour le conseiller juridique études ont ainsi montré que les titres illiquides s’échangeaient moyennant des décotes de l’ordre de 15-20% par rapport à la valeur de référence237. 2. Cadre légal a) Droit des OPA : loi sur les bourses Comme nous l’avons vu, le cours de bourse constitue le seuil minimum du prix dans une OPA238. Cependant, si les titres de la société cible ne sont pas (suffisamment) liquides avant la publication de l’offre ou de l’annonce préalable, l’organe de contrôle doit, selon l’article 25 LBVM, procéder à leur évaluation (article 40 alinéa 4 OBVM-FINMA), en remplacement d’un cours de bourse jugé insuffisamment représentatif de la valeur de la société239. Le niveau de décote est assez variable dans le temps. Dans les périodes de crises boursières, la valeur attribuée à une plus grande liquidité augmente très nettement, alors qu’à d’autres moments, l’afflux de liquidités sur le marché boursier compense largement cette décote des « petites valeurs moins liquides », dont les multiples sont alors plus élevés que ceux de sociétés de taille plus importante offrant une plus grande liquidité240. b) Droit des sociétés Par définition, on n’appliquera pas de décote d’illiquidité dans le cas de l’article 685b CO, vu que l’évaluation qui intervient a précisément lieu à un moment où le titre en question est liquide, à savoir lors du transfert des titres à un tiers nonagréé. En revanche, il est admis également en droit des sociétés que les actions qui ne sont pas transmissibles sont frappées d’une décote. Par exemple, dans l’OPA de Automotive Group AG portant sur toutes les actions nominatives de Métraux Services SA, l’actionnaire principal de Métraux a reçu, en contrepartie de ses propres actions, une participation à hauteur de 19,5% au capital de l’offrant. En sus, il a reçu des options représentant la contrepartie du fait qu’en souscrivant à l’augmentation du capital de l’offrant, il obtient une participation minoritaire dans une société privée détenue par un seul autre actionnaire majoritaire. Ces 237 238 239 240 Cf. l’étude menée en 2008 par PricewaterhouseCoopers : Adjusting for control and marketability : a global survey of the use of discounts and premia in private company valuation, citée par CHERIDITO/SCHNELLER. Cf. supra II.C.2. Sur le récent cas de l’OPA sur la société Harwanne Compagnie de participations financières et industrielles, cf. supra II.C.2. L’organe de contrôle a par exemple retenu une décote de 15% lors de l’évaluation des titres de Montreux Palace SA, dans le cadre de l’OPA lancée par Sodereal Holding AG en octobre 2005. Les titres librement disponibles sur le marché représentaient une minorité de 16%. 57 Frank Gerhard options représentent une forme de droit de sortie contractuel compensant le caractère illiquide de l’investissement du vendeur dans une société contrôlée par l’acheteur. Ces options ont donc bien une valeur, mais celle-ci représente la contrepartie de l’absence d’un marché pour les actions de l’offrant (prime négative d’illiquidité)241. c) Droit fiscal En matière de titres non cotés, l’administration fiscale admet l’application de décotes pour non liquidité. En effet, selon la circulaire n°28 de la Conférence suisse des impôts concernant l’estimation des titres non cotés en vue de l’impôt sur la fortune, il est tenu compte, par le biais d’une déduction forfaitaire, de la transmissibilité restreinte de parts de la société242. Dans ce cas, le contribuable peut alors faire valoir une déduction forfaitaire de 30%. Les contrats de droit privé, comme par exemple les conventions d’actionnaires qui entravent la transmissibilité des titres, restent cependant sans influence sur l’estimation des titres. Le droit fiscal accepte également une décote pour les titres objets d’un blocage ou d’une impossibilité de vendre temporaire. Les plus couramment rencontrées concernent (i) les actions bloquées pendant une certaine période, notamment en rapport avec un programme de participation des collaborateurs ou avec un lock-up lié à l’introduction en bourse de la société ou (ii) les options de collaborateurs dont la cession ou l’exercice sont bloqués pendant une période déterminée.243 241 242 243 58 Décision de la COPA en l’affaire Métraux Services SA du 19 juin 2009, c. 4.2.2, § 18. Instructions, ch. 61-63. La pratique actuelle se base encore sur la circulaire AFC n°5 du 30 avril 1997, ch. 3.2, selon laquelle les actions bloquées sont taxées à l’attribution, moyennant un discount pour chaque année entière de blocage, jusqu’à 44,2% pour un délai de blocage de 10 ans. Il en va à peu près de même pour les options bloquées, à ceci près que le délai de blocage maximal est de 5 ans, avec un discount de 25,3%. A l’avenir, les actions bloquées devraient rester taxables à l’attribution (dit « moment de l’acquisition »). En revanche, les options bloquées devraient quant à elles être imposées au moment de l’exercice (Message participations, 531 s.). Evaluation d’entreprise – Pertinence pour le conseiller juridique Bibliographie Johannes ADOLF, Unternehmensbewertung im Recht der börsennotierten Aktiengesellschaft, Munich 2007 ; Regina AEBI-MÜLLER, Die optimale Begünstigung des überlebenden Ehegatten, 2e éd., Berne 2007 ; Mukesh BAJAJ/David J. DENIS/Stephen P. 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