Gardons-nous toutefois de sauter aux conclusions, comme
certains, qui, le connaissant bavard, ont fait de lui un oiseau rare,
et se sont imaginé trouver dans les plumes noires de Miss Knife,
l’union consacrée du ramage et du plumage. Sans doute est-ce faire,
de peu de chose, un fromage, car ces plumes ont une bien plus natu-
relle explication, confiée par M. Py lui-même : “Quand vous avez perdu
beaucoup de plumes dans vos combats, il vous reste une solution : mettre
ces plumes sur vos fesses.” 3
Non, décidément, il semble bien que Py, comme je, soit
un autre. Peut-être une clef de son rapport à Miss Knife
se trouve-t-elle dans son œuvre, pie elle aussi, quoique sou-
vent provocatrice. On l’a vu en effet célébrant L’Exaltation du
labyrinthe (là où d’autres tournent encore en rond) ; mieux
– ou pis – encore, il fut le promoteur engagé d’une Apocalypse joyeuse
(alors qu’il n’y a pas forcément de quoi se réjouir). A-t-il, avec Miss Knife,
cherché à rappeler au monde la nature divine de l’avatar, bien connue
des hindouistes ? Si elle paraît risquée, cette hypothèse ne nous semble
pas à dédaigner. En effet, comme Pierre Leroux l’expliquait déjà en 1840
dans De l’Humanité : “Depuis Wishnou jusqu’à Chrisna, et jusqu’à Bouddha,
qui devança Jésus d’au moins huit siècles, c’était le Verbe de Dieu que les
Indiens disaient adorer dans ses avatars successifs.” Car chez Py, le verbe
se fait chair mais n’en reste pas là : chez Py, le verbe se conjugue.
On laissera donc à chacun le plaisir de la spéculation, et on
prendra Miss Knife comme elle vient, c’est-à-dire, comme cela
lui chante. Vox populi et vox dei, amante offerte et inaccessible, créature
de l’instant, mais pas n’importe lequel, comme elle l’explique elle-
même : “Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que je réapparais dans
les moments politiques où il n’y a plus d’autres solutions que de mettre
un masque et de chanter. J’apparais quand il y a une confusion, une impos-
sibilité de toute autre action. Mais peut-être, aussi, quand la poésie devient
quelque chose de trop savant, réservé à une élite. II y a là un besoin vital
de trouver un lien plus simple entre le public et le poète.”4
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