Phytosanitairement Vôtre n°27 – Juillet 2006
DAF-Service de la Protection des Végétaux
LES FOURMIS DANS LES CHAMPS CULTIVES
,
AMIES OU ENNEMIES
?
Les fourmis sont des insectes sociaux : elles se distinguent de la majorité des insectes vivants par leur incroyable mode de
société, dans laquelle chacun des individus est amené à remplir un unique rôle dans le but de perpétuer l‘espèce.
Grâce à leur importante diversité (plus de 10 000 espèces), elles occupent un nombre record de niches écologiques (déserts,
forêts, montagnes, plages, volcans
,…).
Leur importance dans l’environnement est considérable : la biomasse des fourmis dans
la forêt amazonienne représente 15% de la biomasse animale totale !
Le régime alimentaire des fourmis
Les fourmis sont pour la plupart omnivores, et leur régime alimentaire est relativement varié. Elles sont particulièrement
friandes de substances sucrées : nectar, baies, graines… et peuvent adapter leur alimentation en fonction des ressources du
milieu. Les fourmis ne sont pas capables de s’alimenter directement de la matière végétale, c’est pourquoi elles ont mis en
place différentes relations avec d’autres organismes (plantes, insectes…) qui leur permettent de se nourrir.
Les relations plantes-fourmis
Les fourmis impliquées entretiennent une relation de mutualisme avec la plante hôte, c’est à dire une relation à bénéfices
réciproques. Les éléments nécessaires à la survie de la colonie sont prélevés à partir de la plante : soit par l’intermédiaire d’un
troisième partenaire (Cf. § suivant), soit directement sur la plante.
On peut classer ces relations en 3 types, en fonction du bénéfice retiré par la plante :
- les fourmis peuvent assurer la dispersion des graines, celles-ci contiennent un appendice riche en lipide qui attirent
les fourmis. Elles transportent les graines et les stockent dans des endroits protégés, favorisant leur germination ;
- contribution à la nutrition de la plante : en construisant des jardins (amas de terre, détritus organiques, fibres
végétales) à l’intersection des branches des arbres, les fourmis favorisent l’implantation d’herbacées, lesquelles
profitent du substrat riche. En échange, elles offrent aux fourmis un lieu de nidification et de la nourriture sous forme
de nectar ;
- enfin, et c’est le cas le plus courant, la fourmi peut participer à la protection de la plante contre certains insectes
et/ou les plantes compétitrices environnantes. La fourmi joue ici un rôle de prédateur : quand elle trouve un insecte
(criquet, termite, chenilles…), elle le mord et le tue en l’empoisonnant à l’aide de venin.
Relation homoptères-fourmis
Les homoptères vivent sur de nombreuses plantes annuelles ou pérennes, ce sont
des phytophages considérés comme les principaux ravageurs des végétaux : ils
extraient la sève et endommagent les tissus de la plante et de plus, sont vecteurs
de maladie chez de nombreuses plantes d’importance économique. Les cochenilles
et les pucerons, insectes particulièrement présents en Guyane, appartiennent à
cette famille.
Un grand nombre de fourmis s'intéressent aux pucerons et aux cochenilles, car ils
excrètent par l'anus le trop-plein de la sève qu'ils absorbent. C'est une liqueur riche
en sucres et assez pauvre en azote, appelée miellat, dont les fourmis se
nourrissent : cette relation est appelée trophobiose.
Les cochenilles et pucerons ne sont pas systématiquement associés à des fourmis, cependant, celles-ci leur sont très utiles pour
plusieurs raisons :
- les homoptères sont incapables d’éliminer par eux mêmes cette excrétion, qui, si elle n’est pas consommée par des
fourmis, attire des champignons et autres moisissures (fumagine…) ;
- les fourmis protègent les populations d’homoptères des prédateurs ;
- elles favorisent aussi leur dissémination en les transportant d’une plante à une autre.
L’association est bénéfique pour les fourmis qui trouvent dans les cochenilles et les pucerons une source de nourriture
disponible toute l’année (contrairement au nectar des fleurs) ainsi que pour les populations d’homoptères, qui protégées et
élevées par les fourmis, augmentent de manière importante.
C’est la plante, support de la symbiose, qui semble la plus affectée : les populations d’homoptères qui augmentent « pompent »
de plus en plus d’énergie et sont aussi responsables de la transmission aux plantes de toxines, champignons pathogènes ou de
virus (cas en Guyane de la cochenille
Dysmicoccus brevipes
qui transmet la maladie du Wilt de l’ananas).
Cependant, la plante reçoit en compensation la protection des fourmis contre les autres insectes phytophages. Ainsi,
l’interaction entre ces trois organismes, si elle était équilibrée serait bénéfique pour chacun.
Que faire en présence de fourmis ?
La présence de fourmis sur les cultures guyanaises est généralement liée à l’infestation antérieure par des cochenilles et des
pucerons. Celle-ci résulte souvent d’un déséquilibre biologique crée par un itinéraire cultural non adapté. En effet ; trop d’azote,
une utilisation abusive de pesticides à larges spectres ou encore des conditions climatiques et pédologiques mauvaises
fragilisent la plante et favorisent le développement d’homoptères.
La lutte contre les fourmis est rendue difficile par l’éloignement de leurs nids et leur facilité à renouveler leurs populations. De
plus les produits homologués contre les fourmis sont uniquement utilisables en traitement de sol et non en traitement des
parties aériennes.