Un autre exemple de virus véhiculé par Aedes peut être
cité ici, le virus chikungunya. Il provoque une pathologie
caractérisée dans sa forme commune par une arthralgie
fébrile. Depuis 2004, l’infection a largement circulé en
Afrique et en Asie. Son incidence a atteint 30 % de la popu-
lation générale dans l’océan Indien et à La Réunion.
Plusieurs millions de cas ont été recensés, incluant des mil-
liers de voyageurs de retour en Europe et en Amérique.
La transmission locale du virus a de plus été rapportée en
Italie en 2007 [10] et le moustique vecteur est présent et
s’étend dans le midi de la France.
Enfin, l’émergence récente de la fièvre de la Vallée du Rift
à Mayotte en 2007-2008 peut être mentionnée. L’arbovirus
responsable a été isolé pour la première fois lors d’une
épizootie en 1930 qui avait touché un élevage de moutons
dans la vallée du Rift au Kenya. Les hommes s’infectent au
contact du bétail contaminé ou par l’intermédiaire de nom-
breux moustiques (Aedes en particulier). Les formes graves
représentent 3 à 4 % des cas (formes hémorragiques, ocu-
laires, méningo-encéphalites). Entre novembre 2007 et
mars 2008, des cabris et des zébus infectés ont été recensés
à Mayotte, suivis par des cas humains (6 cas positifs par
RT-PCR, 4 cas diagnostiqués par la présence d’IgM spéci-
fiques). La promiscuité entre animaux et populations a
favorisé l’émergence virale chez l’homme. Toutefois, la
maîtrise de ce foyer a été obtenue grâce à une collaboration
fructueuse entre services de santé animale et de santé
humaine (Sissoko et al., diaporama en accès libre sur Inter-
net). Des procédures de prédiction du risque proposées
pour cette infection virale seront développées dans la der-
nière partie de notre éditorial.
Impact des changements climatiques
sur l’émergence des infections virales
transmises par des réservoirs animaux
L’augmentation des populations de rongeurs sous l’effet
des changements climatiques pourrait amplifier la circula-
tion de deux groupes de virus dont ces animaux sont le
réservoir, les hantavirus et les arénavirus. Parallèlement,
la déforestation, qui aggrave l’émission de gaz à effet de
serre (dioxyde de carbone), pourrait faciliter les contacts
entre l’homme et des réservoirs forestiers de virus.
Les hantavirus, bien que découverts il y a une trentaine
d’années, sont encore considérés comme des virus émer-
gents. Ils ne sont pas pathogènes chez leur hôte réservoir,
le campagnol. Ils provoquent essentiellement deux syndro-
mes chez l’homme : une fièvre hémorragique avec syn-
drome rénal qui sévit en Asie et en Europe, et un syndrome
cardio-pulmonaire observé en Amérique du Nord et du
Sud. Un exemple frappant de l’effet du climat sur
l’incidence de ces viroses a été l’épidémie de syndromes
pulmonaires associés au hantavirus dans la région Four
Corners de l’ouest des USA. Cette épidémie a suivi une
augmentation majeure de chutes de pluie liée au
phénomène El Niño en 1992-93. Ces dernières, ayant pro-
voqué un accroissement des ressources alimentaires des
rongeurs, ont favorisé leur reproduction et la transmission
du virus à l’homme [11]. En Suède en janvier 2007, une
épidémie due au virus Puumala chez l’homme a été reliée à
l’invasion de campagnols pendant un hiver inhabituel-
lement doux.
Concernant les arénavirus, leur incidence pourrait elle aussi
augmenter par le biais des rongeurs, leur hôte réservoir. En
Afrique de l’Ouest, une étude réalisée sur la période 1951-
1989 de la distribution de la fièvre de Lassa, fièvre hémor-
ragique potentiellement très sévère, a révélé que le risque
observé pour des chutes annuelles de pluie de 1 200 à
1 500 mm était moyen, tandis que des niveaux de pluie
entre 1 500 et 3 000 mm étaient corrélés à un risque impor-
tant de survenue de cette pathologie [12]. La pluviométrie,
qui est en train de se modifier avec le réchauffement clima-
tique, constitue ainsi un facteur majeur de variation de
l’incidence de cette pathologie virale. D’autres facteurs,
comme la précarité des habitations humaines et un faible
niveau d’hygiène, par exemple à la suite d’inondations
côtières obligeant des populations à se déplacer rapidement
en altitude, augmentent aussi le risque de contact entre
l’homme et les rongeurs [13].
Enfin, la déforestation, accompagnant et expliquant en
partie les changements climatiques, pourrait exposer des
populations non immunes à des cycles infectieux normale-
ment strictement forestiers. En effet, la pénétration de
l’homme dans des forêts plus clairsemées pourrait favoriser
les contacts directs entre des animaux réservoirs et des
sujets réceptifs. Dans ce contexte, on pourrait craindre
une augmentation des cas d’infections par les virus de
Marburg et d’Ebola, dont le réservoir animal correspond
probablement à des chauves-souris qui circulent dans les
forêts. Un travail publié récemment et réalisé sur
2 137 chauves-souris du Congo et du Gabon a montré
que des IgG dirigées contre le virus Ebola du Zaïre et contre
le virus Marburg étaient détectées chez 4 % et 1 % des ani-
maux testés, respectivement [14]. On a également noté
dans certaines villes d’Afrique l’apparition de colonies
denses de chauves-souris frugivores (figure 2). Le virus
de Marburg sévit en Afrique Noire. Deux épidémies ont
été recensées en 2000 au Congo et en 2005 en Angola.
Le virus Ebola a quant à lui été régulièrement observé
depuis 1976. Une épidémie a encore été signalée au
Congo en septembre 2007, avec 166 décès par syndrome
hémorragique sur 372 cas. De plus, le risque de cas impor-
tés dans les pays industrialisés est régulièrement rapporté
(http ://www.cdc.gov/ncidod/dvrd/Spb/outbreaks/).
éditorial
Virologie, Vol. 13, n
o
5, septembre-octobre 2009 245
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