Effets des changements climatiques
sur les maladies virales :
quels sont les risques potentiels ?
Évelyne Schvoerer
Jean-Pierre Gut
Françoise Stoll-Keller
Hôpital universitaire du CHRU
de Strasbourg, Laboratoire de virologie,
3, rue Koeberlé, 67000 Strasbourg,
France
<Evelyne.Schvoerer@chru-strasbourg.
fr>
I
l est désormais admis que lémission de gaz à effet de serre est en train de
modifier le climat en provoquant une augmentation des températures qui
pourrait atteindre 1,5 à 6 °C en 2100. Les effets potentiels de ce réchauffe-
ment climatique sur la santé sont multiples et liés aux périodes de températures
extrêmes, aux maladies infectieuses et aux catastrophes climatiques [1].
Chacun a en mémoire lexcès de mortalité observé en France lors de la canicule
de lété 2003 où lon a recensé 56 000 décès au mois daoût, soit 15 000 de plus
que la mortalité attendue [2]. Les effets climatiques sur les maladies infectieuses
sont complexes. Les entomologistes sont convaincus que lélargissement des
zones chaudes et humides à la surface du globe décuplerait les populations
dinsectes vecteurs de virus [1, 3]. Les changements climatiques pourraient
avoir un impact sur la distribution de zoonoses transmissibles à lhomme, en
décimant ou au contraire en favorisant la reproduction de leurs réservoirs.
Enfin, on assiste déjà à une augmentation de fréquence des catastrophes clima-
tiques, telles que tempêtes ou cyclones qui provoquent des déplacements mas-
sifs de populations, et facilitent en raison de mauvaises conditions dhygiène la
transmission dinfections liées au péril fécal (gastro-entérites virales, choléra)
[4]. La diminution des rendements dans les domaines de lagriculture, de la
pêche, laugmentation du niveau des mers, pourraient également entraîner des
déplacements de populations et des concentrations humaines délétères. La pro-
miscuité et la précarité de lhygiène seraient alors des conditions favorables à
léclosion dinfections virales respiratoires et/ou digestives.
Lobjectif de cet éditorial étant de faire une synthèse de limpact du changement
climatique sur lincidence des maladies virales humaines, nous commencerons
par rappeler brièvement les modalités de « survie » et de circulation des virus
dans le milieu extérieur. Ensuite, les effets du changement climatique sur la dis-
tribution de maladies virales seront présentés. Nous commencerons par déve-
lopper limpact du changement climatique sur laugmentation de fréquence
des maladies virales transmises par des vecteurs (insectes), avant daborder
son effet potentiel sur les réservoirs animaux de virus et leurs contacts avec les
populations non immunisées. Nous évoquerons enfin limpact indirect de crises
climatiques sur lémergence des infections virales.
Un virus est un agent pathogène infectieux, défini par une organisation structu-
rale simple : le génome viral, codant les protéines enzymatiques et structurales
du virus, constitué dADN ou dARN et entouré par la capside virale protéique ;
lenveloppe virale faite de lipides et de protéines, qui nest pas présente chez
tous les virus. Les virus sont capables de proliférer uniquement chez leurs
hôtes vivants mais jamais dans lenvironnement. Néanmoins, un virus sans
enveloppe (virus « nu ») pourra persister dans lenvironnement extérieur en
conservant pendant plusieurs semaines à plusieurs mois sa capacité à réinfecter
un nouvel organisme vivant pour ensuite proliférer. Les virus des gastro-
entérites en sont de bons exemples. Inversement, les virus enveloppés sont vul-
nérables dans lenvironnement extérieur où ils ne survivent pas longtemps.
Virologie 2009, 13 (5) : 243-8
doi: 10.1684/vir.2009.0271
Tirés à part : E. Schvoerer
éditorial
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Ils sont uniquement transmis par des contacts directs ou de
proximité entre hommes et/ou animaux, ou par lintermé-
diaire dinsectes vecteurs comme les moustiques. Les virus
grippaux, les virus de la dengue ou de la fièvre jaune, sont
des exemples de virus enveloppés.
Effets du changement climatique
sur la prévalence des infections virales
transmises par des vecteurs
Les gaz à effet de serre provoquent laugmentation des tem-
pératures à la surface de la Terre, conduisant à un assèche-
ment des latitudes intermédiaires et à une augmentation de
la fréquence des précipitations pluvieuses [1]. La tempéra-
ture, la pluie, lhumidité sont des facteurs majeurs influen-
çant le développement et la survie des moustiques et des
tiques [2]. Lélévation des températures hivernales pourrait
augmenter la période dactivité des vecteurs et modifier le
profil épidémiologique des maladies vectorielles à mousti-
ques et à tiques (transmission continue due à une quasi-
absence de diapause). Les sécheresses font stocker leau
dans des citernes, propices à la prolifération des mousti-
ques. Les pluies à leur tour favorisent les infections trans-
mises par ces vecteurs en créant des collections deau et
autres sites de développement des moustiques. Ainsi, la
diffusion géographique des virus transmis par les mousti-
ques, les arbovirus (arthropod-borne viruses), sétendra ;
elle pourrait donner lieu en particulier à une augmentation
globale du nombre de cas de fièvre jaune, de dengue et de
la fréquence de leurs complications hémorragiques. Lacti-
vité des tiques est maximale à des températures douces,
et la fréquence des pathologies transmises par ces insectes
devrait sélever avec le réchauffement climatique (encé-
phalite à tiques).
Le virus de la fièvre jaune, un flavivirus, est principalement
transmis par le moustique Aedes aegypti. Il est fréquem-
ment observé dans les zones équatoriales dAfrique et
dAmérique. Lestimation du nombre de cas est difficile
dans ces régions où le réseau de surveillance sanitaire est
souvent insuffisant : 200 000 cas/an dont 30 000 décès sont
des chiffres communément proposés [5]. Des formes gra-
ves peuvent survenir, marquées par une atteinte des reins,
du foie, du cœur et des hémorragies diffuses. En plus de la
répartition plus large sur le globe des vecteurs en cas de
réchauffement climatique, laltération des forêts tropicales
pourrait multiplier les contacts entre le virus de la fièvre
jaune et des personnes non immunisées et augmenter le
risque dépidémies urbaines.
Le virus de la dengue, un autre flavivirus transmis par Aedes
aegypti et Aedes albopictus, est observé dans les zones
équatoriales dAmérique, dAfrique et dAsie (figure 1).
Les épidémies notifiées ces dernières années sont de plus
en plus nombreuses, et devraient continuer daugmenter
en fréquence avec le réchauffement climatique. Selon
lOMS (communiqué de mars 2009), environ 2,5 milliards
de personnes sont désormais exposées au risque. Daprès
les estimations actuelles de lOMS, il y aurait chaque
année dans le monde 50 millions de cas de dengue, et
500 000 cas de dengue hémorragique, dont une forte pro-
portion denfants nécessitant une hospitalisation.
Le virus West Nile (WNV), un autre flavivirus, est trans-
missible aux oiseaux et véhiculé par des moustiques
(Culex). Les hommes et les chevaux sont des hôtes acci-
dentels. Le syndrome fébrile peut se compliquer dencé-
phalite, en particulier chez les personnes âgées [6]. Une
étude réalisée en Israël entre 2001 et 2005 a montré une
tendance à laugmentation de la température en saison
chaude et dans le même temps, de la quantité de mousti-
ques et de pathologies liées au WNV [7]. Les syndromes
dus au virus ont été fréquemment observés à Tel Aviv, où
des températures élevées, des niveaux dhumidité dans lair
importants, et une forte densité humaine augmentaient le
risque de transmission. Lémergence récente du WNV aux
États-Unis peut être également signalée [5]. À partir dun
foyer épidémique à New York en 1999, le virus sest
largement dispersé en 5 ans, atteignant la côte ouest des
États-Unis en 2004-2005.
Un autre arbovirus, le virus de lencéphalite à tiques, voit
son incidence augmenter en Europe en même temps que la
distribution des tiques Ixodes ricinus sétend en altitude et
en durée sur lannée, avec des hivers plus doux et des prin-
temps précoces [8]. Des hivers plus cléments expliquent en
effet lallongement de la période de détection en Europe
dIxodes ricinus dont lactivité est maximale entre 7 et
25 °C. La tique peut aussi être rencontrée à des latitudes
situées plus au nord que dans le passé, jusquà 66° de lati-
tude nord en Suède par exemple. En République tchèque,
ces insectes ont récemment été détectés à une altitude de
1 100 mètres, contre 700 mètres en 1957 et en 1979 [9].
Figure 1. Moustique Aedes aegypti (© ThinkQuest.org).
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Un autre exemple de virus véhiculé par Aedes peut être
cité ici, le virus chikungunya. Il provoque une pathologie
caractérisée dans sa forme commune par une arthralgie
fébrile. Depuis 2004, linfection a largement circulé en
Afrique et en Asie. Son incidence a atteint 30 % de la popu-
lation générale dans locéan Indien et à La Réunion.
Plusieurs millions de cas ont été recensés, incluant des mil-
liers de voyageurs de retour en Europe et en Amérique.
La transmission locale du virus a de plus été rapportée en
Italie en 2007 [10] et le moustique vecteur est présent et
sétend dans le midi de la France.
Enfin, lémergence récente de la fièvre de la Vallée du Rift
à Mayotte en 2007-2008 peut être mentionnée. Larbovirus
responsable a été isolé pour la première fois lors dune
épizootie en 1930 qui avait touché un élevage de moutons
dans la vallée du Rift au Kenya. Les hommes sinfectent au
contact du bétail contaminé ou par lintermédiaire de nom-
breux moustiques (Aedes en particulier). Les formes graves
représentent 3 à 4 % des cas (formes hémorragiques, ocu-
laires, méningo-encéphalites). Entre novembre 2007 et
mars 2008, des cabris et des zébus infectés ont été recensés
à Mayotte, suivis par des cas humains (6 cas positifs par
RT-PCR, 4 cas diagnostiqués par la présence dIgM spéci-
fiques). La promiscuité entre animaux et populations a
favorisé lémergence virale chez lhomme. Toutefois, la
maîtrise de ce foyer a été obtenue grâce à une collaboration
fructueuse entre services de santé animale et de santé
humaine (Sissoko et al., diaporama en accès libre sur Inter-
net). Des procédures de prédiction du risque proposées
pour cette infection virale seront développées dans la der-
nière partie de notre éditorial.
Impact des changements climatiques
sur lémergence des infections virales
transmises par des réservoirs animaux
Laugmentation des populations de rongeurs sous leffet
des changements climatiques pourrait amplifier la circula-
tion de deux groupes de virus dont ces animaux sont le
réservoir, les hantavirus et les arénavirus. Parallèlement,
la déforestation, qui aggrave lémission de gaz à effet de
serre (dioxyde de carbone), pourrait faciliter les contacts
entre lhomme et des réservoirs forestiers de virus.
Les hantavirus, bien que découverts il y a une trentaine
dannées, sont encore considérés comme des virus émer-
gents. Ils ne sont pas pathogènes chez leur hôte réservoir,
le campagnol. Ils provoquent essentiellement deux syndro-
mes chez lhomme : une fièvre hémorragique avec syn-
drome rénal qui sévit en Asie et en Europe, et un syndrome
cardio-pulmonaire observé en Amérique du Nord et du
Sud. Un exemple frappant de leffet du climat sur
lincidence de ces viroses a été lépidémie de syndromes
pulmonaires associés au hantavirus dans la région Four
Corners de louest des USA. Cette épidémie a suivi une
augmentation majeure de chutes de pluie liée au
phénomène El Niño en 1992-93. Ces dernières, ayant pro-
voqué un accroissement des ressources alimentaires des
rongeurs, ont favorisé leur reproduction et la transmission
du virus à lhomme [11]. En Suède en janvier 2007, une
épidémie due au virus Puumala chez lhomme a été reliée à
linvasion de campagnols pendant un hiver inhabituel-
lement doux.
Concernant les arénavirus, leur incidence pourrait elle aussi
augmenter par le biais des rongeurs, leur hôte réservoir. En
Afrique de lOuest, une étude réalisée sur la période 1951-
1989 de la distribution de la fièvre de Lassa, fièvre hémor-
ragique potentiellement très sévère, a révélé que le risque
observé pour des chutes annuelles de pluie de 1 200 à
1 500 mm était moyen, tandis que des niveaux de pluie
entre 1 500 et 3 000 mm étaient corrélés à un risque impor-
tant de survenue de cette pathologie [12]. La pluviométrie,
qui est en train de se modifier avec le réchauffement clima-
tique, constitue ainsi un facteur majeur de variation de
lincidence de cette pathologie virale. Dautres facteurs,
comme la précarité des habitations humaines et un faible
niveau dhygiène, par exemple à la suite dinondations
côtières obligeant des populations à se déplacer rapidement
en altitude, augmentent aussi le risque de contact entre
lhomme et les rongeurs [13].
Enfin, la déforestation, accompagnant et expliquant en
partie les changements climatiques, pourrait exposer des
populations non immunes à des cycles infectieux normale-
ment strictement forestiers. En effet, la pénétration de
lhomme dans des forêts plus clairsemées pourrait favoriser
les contacts directs entre des animaux réservoirs et des
sujets réceptifs. Dans ce contexte, on pourrait craindre
une augmentation des cas dinfections par les virus de
Marburg et dEbola, dont le réservoir animal correspond
probablement à des chauves-souris qui circulent dans les
forêts. Un travail publié récemment et réalisé sur
2 137 chauves-souris du Congo et du Gabon a montré
que des IgG dirigées contre le virus Ebola du Zaïre et contre
le virus Marburg étaient détectées chez 4 % et 1 % des ani-
maux testés, respectivement [14]. On a également noté
dans certaines villes dAfrique lapparition de colonies
denses de chauves-souris frugivores (figure 2). Le virus
de Marburg sévit en Afrique Noire. Deux épidémies ont
été recensées en 2000 au Congo et en 2005 en Angola.
Le virus Ebola a quant à lui été régulièrement observé
depuis 1976. Une épidémie a encore été signalée au
Congo en septembre 2007, avec 166 décès par syndrome
hémorragique sur 372 cas. De plus, le risque de cas impor-
tés dans les pays industrialisés est régulièrement rapporté
(http ://www.cdc.gov/ncidod/dvrd/Spb/outbreaks/).
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Un autre exemple lié à un rapprochement entre hommes et
réservoirs peut être retenu, celui du syndrome respiratoire
aigu sévère (Sras) dorigine asiatique qui a provoqué des
cas graves de pneumonies en 2003. Des contacts étroits
entre populations humaines et civettes sauvages proposées
sur des marchés alimentaires chinois seraient la source de
lépidémie ; les chauves-souris pourraient également être
impliquées.
Effets des catastrophes climatiques
sur la distribution des infections virales
Les mouvements massifs de personnes et la promiscuité
déclenchés par des crises climatiques peuvent faciliter les
contacts inter-humains, entre hommes et animaux, hommes
et eaux souillées. Les virus à transmission respiratoire et
digestive, trouvant ainsi des conditions idéales de diffu-
sion, pourraient alors provoquer des épidémies explosives.
Les maladies liées au péril fécal représentent un risque
sanitaire majeur en cas daccidents météorologiques.
Le phénomène climatique El Niño, avec ses conséquences
sur le nombre de tempêtes et dinondations, a été identifié
comme un facteur de risque important pour les gastro-
entérites virales [15]. La transmission des norovirus, res-
ponsables de nombreuses épidémies de gastro-entérites en
période hivernale, est favorisée par laugmentation de
lhumidité [15] et par la promiscuité humaine associée
aux incidents climatiques.
Les virus respiratoires, les virus Influenzae en particulier,
représentent des risques sanitaires potentiels directs et
indirects en cas de changement climatique et de concen-
trations de populations provoquées par des accidents
météorologiques.
La circulation des virus grippaux est directement influen-
cée par certaines caractéristiques climatiques. La pluviomé-
trie et ses variations sont des facteurs importants pouvant
moduler lépidémiologie de la grippe dans les pays tropi-
caux ; rappelons que, dans ces pays, les épidémies de grippe
coïncident avec la saison des pluies. Dautre part, leffet de la
pollution expliquant le changement climatique pourrait être
important sur le rayonnement solaire et ses effets virucides.
Mims a rapporté laugmentation de lincidence des hospita-
lisations pour grippe lors de lété 2005 au Brésil suite à la
présence dimportantes fumées polluantes réduisant de
façon prolongée le rayonnement solaire [16]. Par ailleurs,
Lowen et ses collaborateurs ont montré que la diffusion
par aérosols du virus influenza dépend à la fois de lhumidité
relative et de la température. Ils ont observé sur un modèle
animal (cobaye) que la transmission virale était très efficace
àuntauxbasdhumidité relative (20-35 %) atteint en hiver à
lintérieur des bâtiments chauffés en pays tempérés et était
Figure 2. Chauves-souris frugivores à Abidjan (photos fournies par Marc Grandadam, directeur adjoint du CNR des arbovirus, Institut
Pasteur, Paris).
éditorial
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inversement corrélée à la température, cest-à-dire plus
efficace à 5 °C quà 20 °C [17]. La compréhension des
facteurs influençant la transmission du virus est complexe
et un tiers facteur comme le confinement des populations
peut aussi favoriser la diffusion virale. Quoi quil en soit,
les variations du climat pourraient modifier lépidémiologie
de la maladie.
Des effets indirects peuvent également être envisagés
concernant les virus grippaux. Des changements dans les
agro-écosystèmes et leurs conséquences sur la distribution
des points deau, pourraient modifier les lieux de contacts
entre oiseaux sauvages et domestiques susceptibles
déchanger des souches virales aux pouvoirs pathogènes
variables.
Gestion des risques
Nous devons donc nous tenir prêts en cas de changement
climatique à contrôler les vecteurs, en particulier les mous-
tiques, et les réservoirs animaux de virus. Des programmes
de lutte antivectorielle visant à éduquer les populations
devront être mis en place : élimination des gîtes à mousti-
ques par des mesures simples (élimination des récipients
inutiles à proximité des habitations, des vieux pneus abî-
més, citernes préservées par des couvercles), protection
contre les piqûres (moustiquaires, répulsifs). Il faudra évi-
ter de favoriser la prolifération de rongeurs, en leur interdi-
sant laccès à des réserves de nourriture produites par les
activités humaines par exemple. Les déplacements massifs
et désordonnés de populations provoqués par les accidents
climatiques devront être endigués. La promiscuité entre
humains, hommes et animaux, hommes et eaux souillées,
qui favorise lémergence de certaines maladies virales, doit
être combattue.
Illustrant les procédures de prédiction des accidents sani-
taires, un travail mené sur la fièvre de la Vallée du Rift
mérite dêtre mentionné ici. Dans ce contexte, les varia-
tions climatiques liées aux oscillations El Niño ont été
analysées daprès les mesures réalisées par satellites des
températures de surface des mers et des augmentations
consécutives des chutes de pluie. Un modèle de cartogra-
phie du risque de fièvre de la Vallée du Rift a ainsi été
conçu, et des cas humains et animaux ont été prédits pour
fin 2006-début 2007 dans la corne de lAfrique [18].
Ces prédictions ont été confirmées ensuite par des enquêtes
épidémiologiques et entomologiques ; elles ont facilité et
accéléré les mesures de réponse à linfection par les acteurs
de santé (restriction des déplacements animaux et leur
mise en quarantaine, lutte contre les moustiques, informa-
tion du public visant à réduire les contacts avec les produits
issus danimaux infectés). Pour mener à bien ce type de
programme exemplaire, il faut engager des efforts sur
plusieurs champs dactivité : laboratoires et personnels spé-
cialisés (entomologistes, biologistes et médecins), gouver-
nances. Les laboratoires de la métropole disposant des
techniques de diagnostic de ces pathologies émergentes,
bien que hautement spécialisés, sont peu nombreux : Cen-
tre national de référence (CNR) des arbovirus (Pasteur,
Paris) pour les agents infectieux de classe 2 et 3 ; CNR
des fièvres hémorragiques virales à Lyon pour les agents
de classe 4 ; implication du service de santé des armées
et de lhôpital de la Timone (Marseille) ; laboratoire de
virologie du CHU de Strasbourg pour le diagnostic de
lencéphalite à tiques ; participation de structures du sec-
teur privé (Cerba, Biomnis) en partenariat avec les CNR.
Quant aux entomologistes, dont la place est cruciale dans le
dispositif de prévention et de lutte antivectorielle, ils font
cruellement défaut : une enquête réalisée en 2003 a rap-
porté que le nombre dentomologistes était faible avec seu-
lement une dizaine dentomologistes formés à lInstitut
Pasteur tous les deux ans ; 85 % des entomologistes
avaient plus de 40 ans, 52 % plus de 50 ans. Les biologistes
et médecins reçoivent un enseignement très limité de ces
pathologies considérées comme exotiques (1 heure
denseignement seulement dans le cadre du cours de viro-
logie pour les étudiants en 3
e
année de médecine), peu de
stages proposés aux internes de biologie médicale sur ces
agents pathogènes. Des programmes denseignements
spécialisés, de préférence transversaux regroupant des
compétences complémentaires devraient être proposés et
ouverts à des étudiants issus de disciplines différentes.
En renforçant les réseaux de laboratoires dédiés, les pro-
grammes de formation adaptés pour tous les acteurs des
dispositifs de prévention et de gestion de ces risques
sanitaires, des collaborations étroites multidisciplinaires
pourront être organisées : climatologues, océanographes,
agronomes, biologistes, industriels, protection civile et,
bien entendu, politiques, doivent œuvrer de concert.
Les « plans blancs », prévoyant les événements et leur
gestion doivent être régulièrement réactualisés.
Références
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health: present and future risks. Lancet 2006 ; 367 : 859-69.
2. Schär C. The role of increasing temperature variability in European
summer heatwaves. Nature 2004 ; 427 : 332-6.
3. Reiter P. Climate change and mosquito-borne disease. Environmental
health perspectives 2001 ; 109 : 141-61.
4. Weiss RA, McMichael AJ. Social and environmental risk factors
in the emergence of infectious diseases. Nature medicine 2004 ; 10 :
S70-76.
5. Gould EA, Solomon T. Pathogenic Flaviviruses. Lancet 2008 ; 371 :
500-9.
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