Tandis que l’ordonnance de mise en application exerce une contrainte légale, les « listes noires », ainsi que la
« liste d’observation » n’ont pas d’effet contraignant. Elles répertorient les néophytes qui exercent un effet négatif,
prouvé ou potentiel, sur les espèces indigènes. Les listes sont établies par Info Flora (Centre national de
données et d’informations sur la flore de Suisse). Ces dernières mentionnent toute une série de plantes de jardin,
telles que le buddléia de David (Buddleja davidii), le lupin à feuilles nombreuses (Lupinus polyphyllus), le robinier
faux acacia (Robinia pseudoacacia), l’aster lancéolé (Aster novi-belgii) ou le paulownia (Paulownia tomentosa).
L’ordonnance de mise en application est aujourd’hui reprise dans les règlements sur les constructions de
nombreuses communes. L’interprétation qu’en fait le règlement sur les constructions type du canton de Berne
exige, en se basant sur l’ordonnance de mise en application (annexe 2 de l’ODE), que les « plantes […] qui
menacent la diversité biologique […] doivent être éradiquées dans les zones touchées et éliminées dans les
règles de l’art ». Fondamentalement, cela ne concerne que les 18 plantes mentionnées dans l’ordonnance
d’application. Dans quelle mesure le règlement de construction bernois entend-il mettre l’accent sur
l’élargissement de l’ordonnance d’application, en y ajoutant préventivement des plantes figurant sur la liste noire
ou sur la liste d’observation, c’est ce que la mise en application du règlement sur les constructions révélera. En
ce qui concerne les jardins historiques de Suisse, notamment les objets inventoriés pour lesquels une protection
est proposée, une telle évolution pourrait être profondément dommageable.
La sauvegarde des jardins dignes de protection
La sauvegarde moderne des jardins place la conservation de la substance d’origine au centre de son activité. Les
jardins patrimoniaux, qui, sur la base de leurs plantes, incarnent un « patrimoine vivant », doivent être gérés de
manière conservatoire. Ceci signifie par exemple que les plantations doivent être remplacées lorsqu’elles
deviennent obsolètes. Lors de telles plantations ultérieures, il est important de respecter, outre l’endroit, la variété
historique, sous peine de voir l’intention conceptuelle d’origine faussée, mettant ainsi en péril le caractère de
témoin qui incombe au jardin patrimonial.
Certaines des néophytes invasives figurant sur la liste noire ou la liste d’observation sont, notamment dans les
jardins issus du mouvement moderne, des plantes particulièrement caractéristiques. La prédilection de cette
époque pour les plantes lancéolées ou présentant une silhouette particulièrement pittoresque explique par
exemple l’utilisation fréquente de robiniers faux acacia ou de paulawnias. Dans les réalisations de l’architecte
paysagiste zurichois Willi Neukom (1917-1983), l’un des plus importants représentants du mouvement moderne
d’après-guerre en Suisse, ces variétés de plantes jouent un rôle essentiel. Pour assurer la conservation et
l’entretien des installations de cette époque, l’interdiction de certaines plantes, voire une mesure d’éradication
signifierait la destruction volontaire d’un témoin culturel précieux.
L’interdiction du sumac par l’ordonnance de mise en application a pour de nombreux jardins patrimoniaux du
mouvement moderne des conséquences incalculables. A la mode dans les années 1950, cet arbuste a été utilisé
dans de nombreux jardins historiques de valeur de cette époque. Sa replantation, qui serait fréquemment
nécessaire pour des raisons de conservation, est néanmoins entre-temps interdite.