Quand la Chine s’éveille
Vingt ans de croissance soutenue
Tout recommençait en 1978, quand le Congrès du Parti National Communiste avait pris la décision de passer de
l’économie centralement planifiée à l’économie de marché: les paysans ont pu ainsi racheter leurs terres, l’économie s’est
ouverte aux importations et aux exportations et la Chine a commencé à accueillir les investissements étrangers .
De telle façon qu’en 2002 la Chine devienne le 3ème receveur mondial d’IDE (Investissements Directs à
l’Etranger), parce que les entreprises l’ont vite compris : c’est le Marché à conquérir en ce moment ! La croissance a été
depuis 20 ans de 9.5% par an en moyenne et son PIB est passé du 11 ème rang mondial au 7 ème rang mondial en 2001.
Le fléau de l’inflation a été maîtrisé (25% en 1994 contre 2% en 2001) grâce, entre autre, à l’adoption d’un système de
change flottant. Les réformes se sont enfin attaquées à l’économie de marché, l’Etat a introduit la concurrence entre les
entreprises (particulièrement entre les 4 banques d’Etat) et imposé des redressements financiers.
Mais, pour que le niveau de croissance se maintienne dans de bonnes conditions, des réformes structurelles sont
encore à venir. Il faut que la croissance devienne plus productive et ne provienne pas uniquement du volume et que les
déséquilibres régionaux s’atténuent , entre la côte Est - qui ressemble aux économies ouvertes d’Asie et le Centre - qui est
encore très désert et agricole. L’entrée de la Chine dans l’OMC est enfin une aubaine qui lui permettra d’augmenter à
moindre frais ses importations agricoles, elle a un désavantage compétitif .
5 challenges pour le futur
¨ Refondre le secteur bancaire
Le secteur bancaire est constitué de quatre banques d’Etat qui détiennent 80% du marché. Mais la politique de soutien
aux entreprises en perte a mis en danger sa survie. Le NPL ratio (Non Performing Loans Ratio) est aujourd’hui à 30%
dans les grandes banques , ce qui est grave. Si la dette pourrie n’a pas encore posé de problèmes , grâce au rythme
soutenu de croissance et au fait que les dettes étaient financées par l’augmentation des dépôts des particuliers , un
ralentissement de la croissance mettrait en danger tout le système.
De plus, l’Etat va bientôt lever les restrictions sur les banques étrangères pour créer la concurrence et si les Chinois y font
leur dépôts, les banques d’Etat risqueraient alors une crise de liquidité. Pour les préparer à la concurrence internationale ,
l’Etat prévoit de les faire coter sur les marchés et de leur faire respecter les règles des sociétés commerciales . Elles vont
devoir réduire aussi leur NPL ratio .. mais il est plus facile de le dire que de le faire – on a peur qu’aujourd’hui , car cette
dette pourrie vaut 60% du PIB de la Chine.
¨ Pas égaux devant le chômage
De grosses différences de revenu et d’emploi existent entre les régions de campagnes et de ville… La Chine a adopté en
1958 un système qui oblige les habitants de la campagne à travailler dans la région de leur naissance (Hukou system).
Or, on pense que 200 millions de Chinois sont sans emploi ou sous employés dans les campagnes . En 2000 le revenu
moyen dans les campagnes était de 272 $ contre 763 $ dans les villes. C’est un véritable problème sachant que 80% de
la population est rurale. Par conséquent , l’exode rural « clandestin » est énorme … On estime que 120 millions auraient
migré vers les villes dans l’illégalité. Dans les villes aussi, le chômage augmente . Finalement , il est évalué à 10% pour
l’activité formelle et doit être bien plus élevé pour l’activité informelle
Mais le gouvernement l’a anticipé ! Pour la période 2001-2005, il a prévu une croissance de 7% et envisage de poursuivre
sa politique pro active, avec un allègement fiscal et notamment une réforme fiscale qui devrait toucher les campagnes . Il a
enfin annoncé qu’il allait alléger le système Hukou afin de permettre la mobilité de la campagne vers le petites villes pour
réduire les pressions de chômage et mieux allouer les ressources sur le territoire.
¨ La dette de l’Etat
Comparé à d’autres pays émergeants , la Chine ne fait pas mauvaise figure; elle a contenu son déficit budgétaire à 2-3%
(en 2002) du PIB par an. La dette publique représente que 32% de son PIB. Mais, si on ajoute à ce déficit le déficit des
mauvais prêts garantis par l’Etat (400 mlds $) et du système bancaire garanti par l’Etat (400 mlds $ encore), on obtient la
bagatelle de 800 mlds $. D’autre part, la fiscalité n’est pas très lourde sur le revenu et cela ne risque pas d’augmenter
étant donné le contexte. Donc le gouvernement ne peut pas espérer des entrées supplémentaires mais doit prévoir des
sorties croissantes .
Une réforme des taxes en profondeur est prévue: uniformiser l’impôt sur les sociétés pour celles d’origine étrangère et
chinoise, une meilleure collecte de l’impôt sur les revenus avec une nouvelle répartition… Autre point positif : la Chine
dispose d’un stock important d’actifs qui permettrait de diminuer le niveau du NPL.
¨ Les grandes heures de la corruption
La corruption est un problème considérable dans beaucoup de pays en développement mais en Chine, le fait que la
transition vers l’économie de marché n’ait pas été totale, a laissé des trous dans le système sur lesquels la corruption a
fait son nid. En 2001, ce sont quelques 175 000 membres du parti communiste qui ont été accusé de corruption. Ce
chiffre est en hausse de 30% par rapport à 2000. Au dernier Congrès du Parti, il a été décidé dans le cadre de la lutte
contre la corruption (qui est le fait de l’administration essentiellement ) de séparer pour les fonctionnaires les revenus de
leur travail de leur dépenses de fonctionnement pour une plus grande transparence.
¨ Quel avenir pour le parti unique ?
Depuis 1998, la Chine a pris un certain nombre de réformes afin de rendre le système du parti unique plus adapté aux
enjeux actuels. Le Président Jiang Zeming en a donné l’impulsion et en 2002, le Statut du Parti a été réécrit, afin d’intégrer
au parti les élites et les entrepreneurs. Ils ont introduit aussi un système de notation des gouvernements des différents
départements par les entreprises locales. Si la note est mauvaise, les subventions sont réduites pour l’année suivante .
L’année 2002 est aussi une année clé pour l’avenir du Parti, sachant que près de 50% des membres vont partir à la
retraite dans les mois à venir. C’est une nouvelle génération, la quatrième du parti, qui voit le jour avec à sa tête (comme
secrétaire général du parti) probablement l’actuel vice président de la Chine : Hu Jintao. Ces « jeunes » ont une très
bonne formation, une grande connaissance de la Chine et de l’étranger et pour eux, la libéralisation sera la priorité
numéro 1. Le parti unique ne disparaîtra pourtant pas… Mais avec l’amélioration de l’éducation , il faudra que le système
procure encore de la croissance, de l’égalité sociale et moins de corruption pour que la libéralisation ne rime pas avec
révolution… Aujourd’hui, les campagnes se révoltent contre l’inégalité et la corruption en manifestant .
Quand la Chine nous dépassera…
Le PIB chinois pourrait bien surpasser celui des pays industrialisés dans les 20 prochaines années si ce n’est déjà le
cas ! En effet, il est difficile d’évaluer à ce niveau de développement le PIB. D’une part, l’auto-consommation (ce qui est
produit pour sa propre consommation ), qui est très importante dans un pays en majorité agricole, n’est pas comptabilisée
et d’autre part, la taille et la nature de l’économie rendent les calculs difficiles.
Pour assurer toutes les réformes dont l’économie chinoise a besoin il est indispensable que la croissance du PIB ne
passe pas en dessous des 7%, ce qui est un rythme soutenu… Dans le cas d’une croissance inférieure , il faudra que la
Chine reporte ses réformes structurelles afin d’éviter les blocages et le proteste de la population. Les analystes pensent
que la Chine est en mesure de tenir ses promesses , vu qu’elle a été capable d’attirer des investissements directs, de
bénéficier du transfert technologique … La main d’œ uvre pas chère et l’amélioration des infrastructures sur la côte en ont
fait un lieu de délocalisation idéal pour les pays de la région. Mais la productivité pourrait souffrir de la faiblesse des
investissements dans l’éducation , la recherche et les infrastructures dans les terres.
Claire-anne COLLIOT
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