Astrosurf-Magazine N°59 Nov./Déc. 201246
Lors du premier concours de traitement
d'images de l'association Astro-
Images-Processing, 29 candidats ont
tenté leur chance et les résultats ont été
d'une diversité assez étonnante, ce qui
peut amener à se poser une question
simple : "Pourquoi autant de différences
alors que les images brutes sont issues
du même télescope ?»
En effet, l'association A.I.P. a loué le
télescope du Skycenter en Arizona et
a cumulé plusieurs heures de pose en
LRVB qu'elle a mis à disposition des
participants au concours sur son site :
http://www.astro-images-
processing.fr/remote-arizona.
Tous les participants disposaient donc
des mêmes images brutes.
Faisant partie du jury d'examen de ce
concours, j'ai pu scruter les 29 images
déposées dernièrement et j'ai dû les
analyser scrupuleusement afin de les
noter au mieux. Mes 3 autres acolytes
du jury ont fait de même pour élire les
3 meilleures images du concours.
Quels ont été les critères qui ont fait
qu'une image a été plus belle qu'une
autre ? Quels ont été les détails à
observer pour avoir un
avis sur une image ? N'y a
t-il pas eu une part de
subjectivité dans le jury ?
Si, obligatoirement, mais
on a beau juger des points
techniques particuliers on
ne peut pas être
complètement objectif ! Et
puis la diversité du jury
(Frédéric Jabet, Thierry
Legault, Stéphane Guisard
et moi-même) a pondéré la
part subjective du jury.
Après la lecture de cet
article vous analyserez vos images
avec un autre œil, vous serez aussi plus
critique avec vous-même et de ce fait
vous ferez des progrès pour vos
prochaines images à traiter. Le concours
de traitement d'image organisé par
l'A.I.P. permet également de se
confronter aux meilleurs et surtout de
comparer les techniques de traitement.
Cet article n'a pas la prétention
d'expliquer les techniques de
traitement, il faudrait bien plus qu'un
article pour entamer cette tâche.
Essayons de faire le tour de ces critères
fondamentaux et au final qui
permettraient à chacun de voir sa
propre photo avec un œil un peu plus
expert.
Impression générale
Lorsque vous affichez une image sur
votre écran d'ordinateur, votre œil
enregistre l'image par sa forme et ses
couleurs, le cerveau décode le signal en
informations. Une chose est sure, l'œil
et le cerveau de chacun de nous
réagissent différemment, le plaisir lié à
Un oeil avisé en vaut deux
Nicolas Outters - AIP
Le traitement d'images astronomiques demande une certaine dextérité aux techniques
de traitement et une bonne connaissance des logiciels mais finalement il faut avant tout
une sensibilité propre à tout photographe qui se respecte.
Astrophotographie
la vue d'une image peut différer d'une
personne à l'autre. L'impression
générale à la vue d'une image reste
quand même le critère déterminant un
peu à la manière d'une belle femme,
c'est l'harmonie générale qui domine.
Rien ne choque tant au niveau des
formes que des couleurs, l'harmonie
naturelle domine dans l'image,
l'émotion est prioritaire, le détail est
secondaire.
Encore faut-t-il apprécier une image
dans de bonnes conditions ! Votre écran
est-il calibré ? La pièce est-elle
faiblement éclairée ? Y a t-il des reflets
dans votre pièce ?
Quand bien même, si vous avez calibré
votre écran de portable, celui-ci est en
général de si piètre qualité que le rendu
de la photo ne peut être optimisé.
Si vous souhaitez traiter vos images
dans de bonnes conditions vous devez
être dans une pièce faiblement éclairée
sans reflet avec un écran de bonne
qualité et surtout calibré avec une
sonde colorimétrique. L'investissement
est conséquent (environ 800euros pour
un bon écran et une sonde) mais
indispensable pour aller au bout de
votre démarche d'astrophotographe.
N'est-t-il pas illogique d'investir des
sommes souvent importantes dans un
matériel d’astrophotographie sans aller
jusqu'au bout de la chaîne et traiter vos
images sur un écran de portable ?
Afin d'observer correctement votre
image, votre regard va se porter en
premier sur l'objet photographié et
ensuite sur l'arrière-plan.
Mise en valeur de l'objet
principal
NGC7635, la galaxie choisie lors du
concours Remote Arizona AIP a été un
challenge et je remercie les 29 candidats
d'avoir tenté ce traitement. La galaxie
NGC7635. Image finale
de Stéphane Zoll, le
gagnant du concours
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a une grande dynamique sur trois
zones très distinctes :
- Le centre galactique très lumineux
- La galaxie et ses extensions
- Le halo qui s'étend en périphérie
de la galaxie
Arriver à faire ressortir ces trois zones
et les rendre aussi naturelles est un gage
d'expérience et de prouesse au
traitement.
Le logiciel Pixinsight et sa fonction HDR
est à coup sûr un gros plus, mais un
traitement à base de masque de fusion
sur Photoshop s'en sort également très
bien mais demande plus de
manipulations techniques.
Sur ma version de traitement (figure 1)
le halo est bien mis en évidence.
L'image d'un autre candidat (figure 2)
ne fait pas apparaître le halo et l'image
semble bien pâle.
Une bonne alternance des courbes et
niveaux et une juste utilisation des
masques de fusion sur Photoshop est le
prix à payer pour faire apparaître le
halo.
En comparant les deux histogrammes
on peut facilement comprendre que
l'auteur de l'image de droite (figure 2)
n'a pas insisté suffisamment sur
l'alternance Courbes/Niveaux. Avec le
logiciel Pixinsight une seule fonction de
réglage d'histogramme en 16 bits aurait
suffit à nettement améliorer cette
image !
Mise en valeur de
l'arrière plan
Voici deux images dont l'une est mal
équilibrée. Sur l'image d'un candidat
(voir figure 3) le fond de ciel montre un
fond verdâtre qui semble être le résultat
d'un problème de prétraitement.
L'analyse de l'histogramme de l'image
sur Photoshop en dit long; la partie
gauche de l'histogramme a disparu et
notamment à une mauvaise division
des flats. Ne pas oublier qu'il faut
soustraire les offsets des flats avant de
faire la division de ceux-ci sur les
images brutes. Est-ce que lors du
traitement une opération de retrait de
gradient a été exécutée avec
GradientXterminator, plugin du
logiciel Photoshop ou avec la fonction
Dynamic Background Extraction du
logiciel Pixinsight.
Sur l'image de la figure 5 on distingue
une tendance verte confirmée par
l'onglet informations de Photoshop
avec les valeurs RVB = 32/40/28, tandis
que ma version (voir figure 6) est plus
équilibrée avec les valeurs RVB=29/28/
29. L'échantillonnage de la pipette de
Photoshop est réalisé sur un groupe de
5 pixels. L'image figure 5 montre un
fond de ciel parsemé de bruit et de
traces de satellites. Le compositage des
images calibrées est en cause et
certains algorithmes de compositage
sont bien meilleurs que d'autres. (Voir
article du numéro précédent
d'Astrosurf Magazine sur le
prétraitement d'images avec
maximdlV5).
Figure 1
Figure 2
Figure 3 : Image Yannick Le Garrec
Figure 4 : Stépahen Zoll
les 3 couches couleurs sont décalées. Le
bleu est plus foncé que les deux autres
couches et le vert est décalé à droite et
donne la tendance de l'image.
L'image suivante (celle de la figure 4,
de notre gagnant Stéphane ZOLL)
montre un fond de ciel bien équilibré,
celui-ci n'est pas coupé sur la gauche,
toutes les informations de couleurs sont
neutres (trois couches couleurs
superposées) et il n'y a pas de
dominante qui choque.
Pour observer votre image de manière
générale vous devez l'observer dans sa
globalité, c'est cette impression
générale qui vous pousse à aller un peu
plus loin dans l'observation des détails
de l'image. Observons donc ensemble
tous ces détails techniques qui font la
différence avec les meilleures images !
Fond de ciel
Il y a plusieurs critères à prendre en
compte dans l'observation du fond de
ciel. Tout d'abord, est-il homogène
(présence de gradients dans l'image).
Un prétraitement mal exécuté peut
ruiner une image, et je pense
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Un autre défaut que l'on rencontre
souvent est la valeur moyenne du fond
de ciel. Des valeurs entre 25 et 30 sur le
fond de ciel permettent de mettre en
valeur tous les petits objets faibles
(galaxies, étoiles faibles) et donne une
dimension supérieure à votre image.
Sur la version d'un autre candidat (voir
figure 7) les valeurs de fond de ciel sont
très inférieures au potentiel de l'image
et les objets faibles sont cachés. Cette
erreur lors du traitement est souvent le
résultat d'un écran mal calibré. Les
écrans de portables étant trop lumineux
on en arrive souvent à ce résultat sans
se douter du résultat final.
La seule solution est la vérification
permanente de l'onglet Information et
des valeurs RGB du fond de ciel.
Détails
Quand on parle de détails, c'est autant
la maîtrise des basses et hautes
lumières que l'art de rendre plus nette
l'image sans dégrader celle-ci.
Hautes et basses lumières
Nous l'avons vu précédemment,
maîtriser les basses et hautes
lumières sur cette image relevait du
challenge. Environ la moitié des
candidats a réussi à faire apparaître
le halo entourant la galaxie, très peu
ont réussi à maîtriser le centre
galactique.
Réussir à harmoniser tous ces
niveaux d'intensité a été rare.
Stéphane Zoll nous a fait une
démonstration de traitement à ce
niveau-là. En effet, en comparant les
versions de deux candidats (voir
figures 8 et 9) on peut constater que le
halo est apparent sur la première
image (figure 8) mais que les
extensions ne sont pas visibles. Par
contre sur l'image de Stéphane Zoll
(voir figure 9), le halo et les extensions
sont bien mis en valeur.
Il en est de même pour les hautes
lumières : le centre galactique de
l'image d'un candidat (voir figure 10)
apparaît comme un « spot blanc » avec
une zone délavée autour, tandis que
la version du centre galactique de
l'image de Stéphane Zoll (voir
figure 11) est progressive et colorée.
Mise en valeur des détails,
finesse de l'image
Accentuer les détails de la galaxie
NGC3521 demande une technique
pointue. Lors du traitement on est
partagé entre le fait de laisser les détails
tels quels ou de tenter une accentuation
sans risquer de dégrader l'image ou pire
Figure 5 Image traitée par Yannick Le Garrec
Figure 6
Figure 7
Figure 8 : Image d'un candidat, sur laquelle les extensions du halo ne sont pas visibles
Figure 9 : Image du halo principal et de son extension de Stéphane ZOLL
Astrosurf-Magazine N°59 Nov./Déc. 2012 49
Figure 10 : Le centre galactique de l'image d'un candidat apparaît comme un spot
blanc entouré d'une zone délavée autour
Figure 11 : Le centre galactique de l'image de Stéphane Zoll est beaucoup plus
équilibré
peut voir ici toute la subtilité du
traitement tant au niveau des couleurs
que des détails. Frédéric a bien mérité
sa troisième place grâce à ce traitement
de haute voltige. Le résultat est
magnifique.
Les couleurs
On a déjà pu voir sur les images
précédentes que les couleurs pouvaient
être très différentes suivant les
candidats et leurs images.
On voit ici toute l'importance du
traitement et la part subjective des
candidats. Il n'y a pas une image
identique ! Alors... où se trouve la
vérité ? Quelles couleurs sont les
bonnes, comment distinguer le vrai du
faux ? L'œil et le cerveau ont encore de
petits secrets à garder. Comparez les
de créer des artefacts.
Sur la version d'un candidat (voir
figure 12), on peut apercevoir des
artefacts blancs sous forme de
filaments. Cette image ayant été traitée
uniquement avec Pixinsight on peut
accuser le traitement HDR ou un
traitement d'accentuation mal
maîtrisé. Avec Photoshop on retrouve
ce genre de défaut avec le filtre
minimum qui a tendance à créer des
artefacts.
Un autre cas intéressant est celui de
l'image d'un autre candidat (voir
figure 13) qui a voulu accentuer les
bandes de poussière mais a fait
apparaître des artefacts sous la forme
de spots noirs. Cette image (figure 13) a
été traitée avec un traitement HDR du
logiciel Pixinsight. On voit ici les limites
de l'utilisation d'un logiciel et les abus
que l'on peut en faire. Les paramètres
du HDR ont été certainement mal
maîtrisés. Avec le logiciel Photoshop on
peut retrouver les mêmes problèmes
avec la fonction « Filtre passe haut » en
mode incrustation si on ne maîtrise pas
les masques de fusion ou si les
paramètres sont mal maîtrisés.
Notre N°3 du concours, Frédéric
Lambert (Figure 14), a su maîtriser le
traitement des détails sans créer
d'artefacts, les couleurs restent
naturelles et les détails restent discrets.
Tout le traitement a été fait avec le
logiciel Photoshop et c'est le filtre passe
haut en mode incrustation qui a été
utilisé pour accentuer les détails. On
Figure 12 : traitement faisant apparaître des artefacts sous forme de filaments
Figure 13 : traitement faisant apparaître des artefacts sous forme de spots noirs
Figure 14 : magnifique traitement des détails sur l'image de Frédéric Lambert
Astrosurf-Magazine N°59 Nov./Déc. 201250
images des figures 15 à 18. Laquelle
préférez vous ? Et oui, on est
complètement dans la subjectivité
concernant le goût des couleurs ! Mais
une chose est sure, la richesse des
couleurs plaît à l'œil.
Gestion du bruit coloré
Lors des étapes du traitement d'images
chaque candidat s'est efforcé de faire
ressortir les couleurs de la galaxie
NGC3521 en passant par différentes
étapes comme la saturation des
couleurs ou encore l'accentuation de
détails, la balance des couleurs, la
correction sélective des couleurs.
Chaque étape peut arranger certaines
zones de l'image mais il y a toujours le
revers de la médaille et on paye parfois
très durement ce traitement avec une
montée du bruit de couleur.
Surveillez à la fin de chaque traitement
la montée du bruit coloré, celui-ci
s'additionne au fur et à mesure des
étapes de traitement. Nous verrons
dans les prochains articles comment
maîtriser la montée du bruit lors du
traitement.
Un bon prétraitement et les bonnes
méthodes de calibration permettent de
limiter la montée du bruit.
En traitement d'image c'est l'usage des
masques de fusion et le rendu des
différents filtres flou qui permettent de
maîtriser cette étape cruciale.
On le voit, le bruit fait partie intégrante
de l'image, il doit être le facteur limitant
d'un bon traitement d'image.
L'image de l'un des candidats (voir
figure 19) est un bel exemple de bruit
coloré. Il est facile de deviner que les
masques de fusion n'ont pas été utilisés
lors du traitement de la couche RGB.
Lorsque l'on augmente la saturation
des couleurs de ce calque il faut
absolument utiliser un masque de
fusion qui permet de saturer les
couleurs là où le bruit est le moins
important. Sans masque de fusion la
saturation s'applique sur toute l'image
et fait considérablement monter le
bruit sur les zones où le rapport
signal/bruit est le plus faible. Ce sont
justement sur les extensions de la
galaxie que le S/B est le plus faible (voir
la partie haute de la figure 19).
Les étoiles
Traiter les images faites avec un
télescope de 80 cm de diamètre et une
focale de 5700mm n'est pas chose
aisée. L'obstruction centrale du Rcos
et la turbulence diffusent des halos
autour des étoiles. Le traitement
global sur l'image de la galaxie donne
vite un aspect peu naturel aux étoiles.
Une sélection rigoureuse des étoiles
est indispensable soit en créant un «
StarMask » avec le logiciel Pixinsight
soit en suivant la procédure de
sélection des étoiles avec Photoshop
(à suivre dans un futur numéro
d'Astrosurf Magazine).
En observant bien les étoiles de vos
images vous devez porter votre
attention sur leur couleur, la forme de
celles-ci. Le centre ne doit pas être
saturé, les bords doivent être bien
délimités mais sans halo autour, les
spikes (aigrettes) doivent être bien
piqués.
Voici quelques exemples d'étoiles sur
les images de quelques candidats (voir
figures 21 à 24).
Sur l'image de la figure 21, on peut
apercevoir que l'alignement des
étoiles n'a pas été correctement
effectué au prétraitement. On
distingue bien un halo rouge sur la
gauche des étoiles et un liseré bleu à
droite de celles-ci. Il n'existe aucune
couleur preuve que les courbes et
niveaux sur Photoshop ont été mal
traités.
Sur l'image de la figure 22,
l'alignement est correct mais les
Figure 15
Figure 16
Figure 17
Figure 18
Figure 19 : Image montrant un exemple de "bruit coloré"
Figure 20 : Version Nicolas Outters
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