Philosophie de l`histoire et théologie de l`histoire - E

Philosophie de l'histoire et théologie de
l'histoire
Autor(en): Widmer, Gabriel
Objekttyp: Article
Zeitschrift: Revue de théologie et de philosophie
Band (Jahr): 6 (1956)
Heft 2
Persistenter Link: http://doi.org/10.5169/seals-380644
PDF erstellt am: 25.05.2017
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PHILOSOPHIE DE L'HISTOIRE
ET THÉOLOGIE DE L'HISTOIRE
«De l'étude de l'histoire universelle doit résulter
que tout s'y est passé rationnellement, qu'elle aété
la marche rationnelle, nécessaire de l'esprit universel,
esprit dont, certes, la nature est toujours identique,
mais qui développe cette nature qui est la sienne
dans la vie de l'univers. »
(Hegel :Leçons sur la philosophie de l'histoire,
trad. Gibelin, p. 24.)
«Peut-on faire partir de l'histoire une certitude
éternelle trouver àun pareil point de départ un
intérêt autre qu'historique fonder sur un savoir
historique une félicité éternelle »
(Kierkegaard :Miettes philosophiques, exergue,
trad. Ferlov-Gateau, p. 47.)
L'Introduction de Hegel àses Leçons sur la philosophie de l'histoire,
prononcées de 1822 à1831, date vraisemblablement de 1830. Les
Miettes philosophiques de Kierkegaard paraissent en 1844. La pensée
de Hegel domine les philosophies et les théologies de l'histoire
d'hier et d'aujourd'hui, même si leurs auteurs réagissent contre elle.
Kierkegaard aposé avec acuité le problème du rapport entre le
christianisme et l'histoire », repris par les théologies libérales et
dialectiques.
Les philosophes de l'histoire se critiquent et durcissent leurs
positions. Hegel et ses disciples fidèles décrivent le développement
immanent de l'esprit universel, «comme le germe porte en soi la
nature entière de l'arbre, le goût, la forme des fruits »2. Les succes¬
seurs des «Philosophes des Lumières »analysent les étapes progres¬
sives de l'évolution de l'esprit humain. Inquiétés par les bouleverse¬
ments consécutifs de la Révolution, les conservateurs tentent de
1Soeren Kierkegaard :Post-scriptum aux Miettes philosophiques, trad.
P. Petit, Paris, Gallimard, 1941, p. 13 ss. Cf. KarlBarth :KirchlicheDogmatik,
Zollikon-Zürich, Evangelischer Verlag, 1953, IV/i, p. 316.
2G. W. F. Hegel :Leçons sur la philosophie de l'histoire, trad. J. Gibelin,
Paris, Vrin, 1946, p. 29.
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stopper le cours de l'histoire, en organisant la société soit reli¬
gieusement (Bonald, de Maistre), soit scientifiquement (A. Comte).
Marx et Nietzsche annoncent la faillite de tels humanismes :ni Dieu,
ni l'esprit, ni la raison ne font l'histoire, mais les classes et leurs
forces économiques, ou le surhomme et sa liberté créatrice de valeurs.
Pendant que les philosophes spéculent sur le sens de l'histoire
en fonction de l'avenir, les historiens éditent les textes, mettent au
point les chronologies, définissent les institutions et dépeignent les
civilisations passées, en précisant leurs méthodes. Les conclusions
de l'enquête historique ne peuvent se confondre avec les légendes
et les mythes.
Aujourd'hui, l'histoire des philosophes et celle des historiens
posent des questions :les révolutions des dernières décades infirment
les spéculations philosophiques, les découvertes récentes de docu¬
ments jusqu'alors ignorés ébranlent les synthèses historiques. N'est-il
pas significatif qu'en 1952, les philosophes de langue française aient
choisi «l'homme et l'histoire »comme thème de leur congrès »
Plus significatif encore le fait que les historiens se soient tenus à
l'écart de leurs assises.
Tandis que les philosophes passent au crible de la critique les
constructions audacieuses de leurs devanciers et que les historiens
vérifient leurs méthodes et leurs résultats, les théologiens étudient
le dessein de Dieu et l'histoire du salut dans le cadre d'une théologie
de l'alliance, àl'aide d'une herméneutique typologique analogue
àcelle des Pères orientaux. Le «ressourcement »biblique et patris¬
tique, nécessaire àla compréhension chrétienne de l'histoire, est
en partie àl'échec de l'évolutionnisme positiviste et de l'idéalisme
rationaliste qui influencèrent les dogmaticiens du siècle dernier.
Cela étant, la question suivante se pose :la philosophie de l'his¬
toire n'emprunte-t-elle pas sa problématique àla religion, ses solutions
ne sont-elles pas des réponses religieuses laïcisées 2Si oui, pour
éviter de telles extrapolations, ne conviendrait-il pas, avant de définir
le sens de l'histoire, de saisir le rapport entre la condition temporelle
de l'homme et son intégration dans une durée historique qu'il ins¬
taure et qu'il subit tout àla fois Mais alors, si la philosophie de
1L'homme et l'histoire, Actes du VIe Congrès des Sociétés de philosophie
de langue française, Paris, P.U.F., 1952.
2Cf. Enrico Castelli :Les présupposés d'une théologie de l'histoire, Paris,
Vrin, 1954. «La notion d'un sens de l'Histoire, écrit H.-L Marrou, n'est pas
une idée philosophique ;elle aété introduite dans la pensée occidentale par
la théologie chrétienne disons, pour être précis, judéo-chrétienne (et pour
mémoire, zoroastrienne) et cela non pas sous la catégorie de la raison,
mais bien sous celle spécifiquement religieuse, de la foi, de la Révélation »
(Philosophie critique de l'histoire et «sens de l'Histoire »in L'homme et l'histoire,
op. cit., p. 9).
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l'histoire est ramenée àune dimension de la réflexion humaine, sous
quel biais sera-t-elle interpellée par le message de la Révélation
biblique Notre essai ne répond pas àune interrogation, qui pour
être efficace doit rester ouverte, mais il cherche àla rendre manifeste
sous différents éclairages.
L'histoire et l'historien. L'histoire n'a pas de signification
en dehors de l'homme (qu'il soit historien, philosophe ou théologien
ou autre chose, peu importe). Parce que l'homme est un être temporel,
il cherche les traces laissées par ses devanciers dans le passé, pour
les projeter dans le futur, en les imitant ou en les corrigeant. Ces
vestiges font survivre quelque chose de ce qui n'est plus. Ils renvoient
l'homme d'aujourd'hui àcelui d'autrefois. Ils signalent maintenant
et pour demain que des hommes ont existé et œuvré hier.
Les signes du passé ont pour l'homme actuel une existence qui
leur est propre, dans la mesure ils revêtent pour lui une valeur.
La réciprocité entre l'homme et l'histoire n'est pas passivement
vécue mais réfléchie. Nous prenons conscience de notre temporalité,
en visant des valeurs ». L'homme devient historien, quand il discerne
àtravers les signes du passé, la présence des valeurs instaurées par
les hommes. Si ces traces ne se manifestaient pas ànous comme
porteuses de valeurs, nous serions voués àl'immédiat. Si notre
conscience n'avait pas une dimension historique et axiologique, ces
traces nous renverraient ànotre moi instantané et sans consistance.
Les vestiges du passé sont des documents auxquels nous confé¬
rons des significations ;ils sont des signes, qui ont encore un sens
pour nous. L'histoire suppose une connaissance du passé au moyen de
documents humains, dont on peut déterminer le rôle et l'influence.
Ala suite de Kant et de ses Critiques de la raison théorique et pra¬
tique, historiens et philosophes doivent ensemble entreprendre la
critique de la connaissance historique :est-elle possible Si oui, quelles
en sont les conditions et quel en est le fondement La phénoméno¬
logie de l'objet historique doit conduire àune critique du savoir
historique.
En mettant àjour la réciprocité entre l'homme et l'histoire,
entre la conscience historique et son objet, la phénoménologie évite
les impasses de l'idéalisme et du réalisme. Pour l'idéalisme, l'histoire
est intrinsèque àla pensée dans son existence et dans ses représen¬
tations ;pour le réalisme, elle est extérieure àl'entendement
non seulement dans son existence, mais dans la modalité sous laquelle
1Nous n'avons pas àmontrer ici comment l'expérience de notre condition
temporelle est inséparable de celle de la précarité des valeurs pour nous, cf.
notre étude sur La conscience des valeurs in Studia philosophica, vol. XIII,
Basel, Verlag für Recht und Gesellschaft, 1953, p. 135 ss.
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elle se présente àla pensée. Pour la phénoménologie, la «chose »
signifiée par le document ce peut être un événement, un person¬
nage, une institution, une doctrine, etc. est extrinsèque àla pensée
de l'historien, en tant qu'elle aexisté dans un passé révolu ;mais sa
manière d'être (l'authenticité de cet événement, la valeur morale
de ce personnage, le rôle économique de cette institution, la cohé¬
rence de cette doctrine, etc.) relève de la réflexion de l'historien
et de ses implications. Extrinsèque, quant àson statut existentiel,
la réalité historique est intrinsèque àla conscience intentionnelle
dans sa modalité d'être et sa valeur.
La critique pose la question de l'objectivité de la connaissance
historique àpropos de ce double caractère de l'histoire. Connaître,
ce n'est pas constater un fait », mais «comprendre »la relation entre
un événement et sa signification pour son époque et la nôtre 2. Les
significations dégagées par l'historien, ses appréciations, ses hiérar¬
chies de valeurs demeurent des conjectures plus ou moins probables
et justifiées, mais non pas les documents auxquels il se réfère. L'his¬
torien doit donc prendre une claire conscience de sa subjectivité pour
parvenir àune objectivité toujours approximative.
Pour ce faire, il scrutera les conditions et les limites du jugement
historique :peut-on énoncer des propositions universelles àpropos
de réalités singulières, dépasser la description des documents (date,
lieu, origine, auteur, etc.) Selon quelles normes les ordonner, pour
éviter les rapprochements fallacieux et les lois faussement simplifi¬
catrices L'objectivité même approchée n'est accessible que par de
tels dépassements. Sa notion est solidaire de celle de loi, c'est-à-dire
de la découverte de certaines constantes.
Avant de proclamer l'existence d'une raison transcendante qui
régirait le cours des siècles, l'historien cherchera àconnaître les
possibilités et les ressources de son humaine raison. Il se méfiera
de toute introspection, mais fera porter son effort analytique sur
les méthodes mises en œuvre pour accéder au savoir historique et
sur les vertus qu'il requiert. Il n'y apas d'histoire authentique,
sans une prise de conscience de la raison historique.
L'histoire, labeur humain. La connaissance historique est
celle des capacités et des limites de la raison historique. Son étude
critique incline l'historien àune humble prudence. Le rêve d'une
1Sur l'équivoque de la notion de «fait historique », cf. H. Lévy-Bruhl :
Le fait historique, in Recherches philosophiques, tome V, Paris, Boivin, 1936,
p. 264 ss.
2«Est objectif, écrit P. Ricœur, ce que la pensée méthodique aélaboré,
mis en ordre, compris et ce qu'elle peut ainsi faire comprendre. »(Histoire
et vérité, Paris, Ed. du Seuil, 1955, p. 26.)
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