Rapport de stage 2006 (pdf de 450ko)

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SENILLE Violette
Stage en laboratoire
M1 BBSG - Luminy
Structure d’un mutant
d’une toxine de scorpion
∆1-7AOSK1
Responsable : Hervé DARBON - Encadrant : Stéphane GELY
Architecture et Fonction des Macromolécules Biologique
CNRS – 31, chem. Joseph Aiguier
13420 Marseille Cedex 20
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I. Introduction.
La protéine OSK1 est une toxine isolée du venin d’un scorpion asiatique, et qui
a pour cible les canaux ioniques spécifiquement perméables au potassium.
Des analogues structuraux d’OSK1 on été fabriqués. Les tests
pharmacologiques de ces mutants ont montré que certains seraient de meilleurs
inhibiteurs que la toxine naturelle, sur certains types de canaux ioniques.
Le but de ce stage est de résoudre la structure d’un de ces mutants (∆1AOSK1) par RMN bidimensionnelle du proton, pour tenter de déterminer les
différences structurales à l’origine du changement de spécificité observé.
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A. OSK1.
OSK1 est un inhibiteur des canaux potassium de la famille Kv1, activés par
des variations de potentiel de membrane (Kv1.1, Kv1.2 et Kv1.3). Il agit
également sur des canaux potassium activés par le calcium, mais de façon moins
importante.
Cette protéine bloque notamment deux canaux impliqués dans l’activation des
Lymphocytes T et B chez l’homme, elle a été étudiée dans le but de créer des
peptides immunosuppresseurs.
OSK1 fait partie de la famille α-KTx3 (kaliotoxines, agitoxines). C’est une
protéine de 38 amino-acides, dont la structure a été résolue par RMN (Mouhat et
al., 2004b).
Elle est composée d’une hélice α
connectée
à
un
feuillet
β antiparallèle. La partie N-terminale
(résidus 2 à 6) constitue le 3ème brin
du feuillet β.
La structure est stabilisée par trois
ponts disulfures : 2 ponts connectent
l’hélice au feuillet, le 3ème pont
connecte le feuillet à la boucle, qui
sépare le feuillet de l’hélice.
L’étude d’OSK1 a démontré qu’elle interagit avec les canaux par
l’intermédiaire de son feuillet β. Deux résidus sont notamment impliqués dans
cette interaction : la Lysine 27 et la Phénylalanine 25.
2
B. AOSK.
AOSK est un analogue structural d’OSK1 : deux mutations ont été introduites
au niveau de l’hélice (Lys16 et Asp20), modifiant localement la charge de la
molécule et augmentant considérablement la réactivité d’AOSK1.
En effet, AOSK1 est 5 fois plus active qu’OSK1 sur les canaux Potassium, mais
ne présente pas de changements significatifs avec les canaux Calcium
dépendants
Pour trouver l’origine de ces propriétés, plusieurs mutants d’AOSK1 ont été
fabriqués : les extrémités ont été raccourcies jusqu’aux Cystéines
(indispensables pour obtenir un repliement correct).
(Mouhat et al., 2004b)
C. ∆1-7AOSK1.
Le mutant étudié au cours de ce stage est ∆1-7AOSK1 : il possède les deux
mutations dans l’hélice (AOSK1) et le 1er brin du feuillet β a été tronqué dans sa
totalité (∆1-7).
3
Une étude pharmacologique a été menée sur OSK1, AOSK1 et les différents
engendrent plusieurs
mutants. Les modifications introduites chez ∆1-7AOSK1
changements d’activité :
- il est plus sélectif avec les canaux de type Kv1.1 et Kv1.3, mais moins actif.
- il perd toute activité sur Kv1.2 et les canaux Ca dépendant.
(Mouhat et al., 2004b)
∆1-7AOSK1 possède donc une plus grande sélectivité qu’OSK1 sur certains
canaux Potassium. Mais ce mutant est beaucoup moins actif qu’OSK1. Les deux
mutations et la suppression de la partie N-terminale de la toxine seraient donc à
l’origine de ces changements.
Pour tenter d’expliquer ce phénomène, il est nécessaire de réaliser un
arrimage moléculaire entre ∆1-7AOSK1 et les différents types de canaux.
Durant ce stage, nous ne ferons que la première étape, c’est-à-dire la
résolution de la structure 3D de ∆1-7AOSK1.
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II.
Matériel et méthodes.
Pour déterminer la structure de ∆1-7AOSK1, nous allons utiliser la Résonance
Magnétique Nucléaire (RMN) homonucléaire (qui n’utilise que les protons).
A. Les spectres RMN.
Tous les protons d’une protéine auront des fréquences de résonance
différentes. En effet, la protéine possède des champs magnétiques locaux qui
vont provoquer de petits changements de leur fréquence.
Or la résonance d’un proton va influencer la résonance d’un autre proton si
ceux-ci sont couplés dans la protéine :c’est-a-dire s’il sont proches (separes par
trois liaisons au plus (couplage scalaire) ou 5 A au plus (couplage dipolaire).
Cette influence peut se voir sur différents spectres RMN : ils se trouvent sous
forme de pics de corrélation ayant pour coordonnées les fréquences des deux
protons.
Plus le couplage entre deux protons est fort (lorsqu’ils sont proches par
exemple), plus l’intensité du pic correspondant sera forte.
Sur le spectre COSY apparaissent les couplage entre des protons, qui sont
reliés par moins de 3 liaisons covalentes (comme les protons dans un acide
aminé) : c’est le couplage scalaire.
Le spectre TOCSY fait apparaître des pics supplémentaires, entre des protons
séparés par plus de 3 liaisons covalentes : c’est le couplage relayé. Un proton
supplémentaire fera office de relais entre les deux protons couplés.
5
Sur le spectre NOESY, les pics
vont correspondre à tous les protons
situés à moins de 5Å.
Ce sont les protons voisins dans la
séquence (jusqu’à 4 acides aminés
plus loin) et aussi les protons
proches dans l’espace, mais éloignés
dans la séquence (rapprochés grâce
au repliement de la protéine).
NOESY
B. Systèmes de spins et attribution séquentielle.
L’analyse des différents spectres consiste à trouver à quels protons correspond
chaque pic. Pour cela, il faut d’abord trouver la fréquence de tous les protons de
chaque aminoacide.
Tous les acides aminés peuvent être classés dans différentes catégories,
suivant la nomenclature AMX. A chaque catégorie correspond un système de
spins différents. A partir du COSY et du TOCSY, on peut déterminer les différents
systèmes de spins.
On part d’un proton amide (qui se trouve dans la partie gauche du spectre) et
on remonte en escalier pour trouver les protons avec qui il est couplé.
Il faut ensuite trouver à quel acide aminé correspond chaque système de
spins : c’est l’attribution séquentielle. On utilise le NOESY, où un acide aminé voit
son proton amide en couplage dipolaire avec un ou plusieurs protons de l’amino
acide précédent. On se sert de points d’entrée (des acides aminés formellement
identifiés) et on avance de proche en proche.
Enfin, on essaye d’assigner tous les pics qui apparaissent sur le NOESY.
6
C. Calcul de structures.
De l’intensité du couplage dipolaire, on peut tirer des informations sur la
distance qui sépare les deux partenaires du couplage. Ces données vont être
utilisées comme des contraintes de distances afin de reconstituer un objet
tridimensionnel dont la conformation sera compatible avec les contraintes de
distance imposées.
Pour obtenir de meilleurs résultats, on peut utiliser d’autres contraintes,
comme les liaisons hydrogènes. Pour les déterminer, on utilise un spectre D20 :
Le deutérium n’est pas détecté dans nos conditions de RMN. Ainsi, ce la permet
de faire disparaître les signaux des protons en échange avec le solvant. Ces
protons ne seraient donc pas engagés dans les liaisons hydrogène des structures
secondaires.
Nous allons utiliser le programme ARIA pour calculer les structures. Ce
programme va rapprocher les protons dans l’espace, de façon à satisfaire les
contraintes de distance qu’on lui a donné.
A chaque itération, il va sélectionner les meilleures structures et recalculer de
nouvelles structures, en modifiant légèrement les angles des différentes liaisons.
Les « meilleures » structures sont les structures à plus faible énergie et
respectant le plus grand nombre de contraintes.
III. Résultats.
A. Etude des spectres.
1. COSY et TOCSY : les systèmes de spins.
Nous avons identifié 28 systèmes de spins à partir du COSY : 10 AMX, 3
AMPTX, 8 RK, 1 Thr, 1 Ala, 2 VIL et 3 GLY.
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Seuls trois acides aminés seront identifiés plus tard : le premier résidu et les
deux prolines.
Les systèmes de spins sont identifiés en partant du proton amide, or ce proton
n’apparaît pas pour les prolines et pour le premier résidu de la séquence (en
échange très rapide).
2. NOESY : l’attribution séquentielle.
L’attribution séquentielle se fait à partir du NOESY, nous avons deux acides
aminés facilement identifiables, car ils sont en unique exemplaire : l’Alanine 14
et la Thréonine 29. Ces deux aminoacides sont utilisés comme point d’entrée.
La Cystéine1 et les deux Prolines ont été les derniers résidus identifiés. Pour
les trouver, nous nous sommes appuyés sur les corrélations qu’ils font avec leurs
voisins, préalablement identifiés.
Une fois tous les résidus identifiés, la majorité des nOe du spectre NOESY ont
pu être attribués. Les erreurs d’attribution ont été identifiées et corrigées après
chaque itération de structure.
3. Les liaisons Hydrogène.
Le spectre D20 a permis l’identification de 14 liaisons hydrogène:
- à l’intérieur de l’hélice α : entre les résidus 7 et 4, 8 et 4, 9 et 5, 11 et 7, 12 et
8, 13 et 9, 15 et 12.
- entre les deux brins du feuillet β : entre les résidus 17 et 30, 18 et 29, 22 et
25, 24 et 22.
- autre que l’hélice et le feuillet : entre les résidus 15 et 31.
4. Prédiction des structures secondaires.
La quantification des effets nOe a permis une prédiction des structures
secondaires de ∆1-7AOSK1.
Le mutant aurait gardé les caractéristiques de la protéine naturelle :
- une hélice α : résidus 3 à 14.
- un 1er brin β de 17 à 22, un coude β (ou turn), un 2nd brin β de 25 à 30. Le turn
est confirmé par un couplage fort entre les HN des résidus 23-24 et 24-25.
8
Prédiction des structures secondaires :
une hélice suivie d’un feuillet β constitué de 2 brins
Nous avons donc
antiparallèles.
B. Calcul et validation de la structure.
1. Contraintes utilisées pour le calcul final.
Nous avons utilisé 549 contraintes pour calculer notre structure :
- 370 intra-résiduelles (intra).
- 101 séquentielles (seq).
- 44 moyenne portée (medi) : entre les résidus i et i+1, i+2, i+3 et i+4].
- 34 longues portée (long) : entre des résidus éloignés dans la séquence, entre i
et i+5 ou plus.
Nous avons en moyenne 17 contraintes par résidus.
Nombre de contraintes par résidus
long
medi
seq
Nb de contraintes
50
intra
40
30
20
10
0
1
2
3
4
5
6
7
8
9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31
Séquence
9
2. La famille de solutions obtenue.
Les 20 meilleurs solutions ont été sélectionnées à l’aide du logiciel MolMol :
nous avons gardé les structures qui convergent le mieux vers une solution
unique.
Aucune structure ne possède de violations de contraintes supérieures à 0,3A.
Statistiques des 20 solutions finales :
10
Le RMSD varie tout au long de la séquence : notamment la zone autour du
turn du feuillet β, qui est un peu moins bien définie.
RMSD par résidus
squelette
2,50
atomes lourds
RMSD moyen
2,00
1,50
1,00
0,50
0,00
1
3
5
7
9
11
13
15
17
19
21
23
25
27
29
31
Séquence
Le repliement de ∆1-7AOSK1 est similaire à celui de la protéine naturelle,
Le diagramme de Ramachandran des valeurs ϕ et ψ montre la répartition des
acides aminés des 20 structures obtenues au final :
80,6% des aminoacides sont dans
des zones favorables, 16,9% dans
les zones limites et 2,5% dans les
zones défavorables.
Les
résidus
dans
la
zone
défavorable correspondent tous à
l’Asparagine 23. Ce résidu se trouve
dans une zone Ramachandran non
classique, mais le même résultat a
été obtenu avec d’autres méthodes
de calcul pour la même protéine.
Cette Asparagnine 23 fait partie
d’un β-turn de type II : les valeurs
des angles sont limites, mais encore
acceptables.
Le repliement de ∆1-7AOSK1 est similaire à celui de la protéine naturelle,
OSK1. Il serait intéressant maintenant de voir si le mutant interagit aussi de la
même façon qu’OSK1 avec les différents types de canaux potassium.
Pour le savoir, il faudrait faire un docking, ou arrimage moléculaire, afin de
déterminer précisément si les mutations de ∆1-7AOSK1 ont entraîné une
modification importante de la surface d’interaction. En effet, ce type de
modifications pourrait expliquer les changements d’activité et de spécificité
observés chez AOSK1 et ses mutants.
Bibliographie :
Mouhat S, Teodorescu G, Homerick D, Visan V, Wulff H, Wu Y, Grissmer S, Darbon H, De Waard M,
Sabatier JM. (2005) Pharmacological profiling of Orthochirus scrobiculosus toxin 1 analogs with a
trimmed N-terminal domain. Mol Pharmacol. 69:354-62.
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