Charleville est aussi un centre d’internement de soldats français, d’Israélites et de résistants : [12] La Dubois-CrancéKaserne à Charleville est devenue le Frontstalag 190 pour l’internement des prisonniers de guerre (Kriegsgefangenern), souvent Nord-Africains, battus en mai-juin 1940. Le Frontstalag 204 de Charleville regroupe, quant à lui, plusieurs Kommandos : les camps de Charleville, Buzancy, Rethel, Saint-Laurent, Champlin, Sedan, Sept-Fontaines, Seraincourt, Tournes. [13] La prison de la place Carnot (aujourd’hui place W.Churchill) Le SS Karl - dit le «rouquin» et le Feldwebel «Bruno» assurent la surveillance. La cellule des condamnés à mort se trouve au rez-de-chaussée. Des Israélites en instance de déportation vers le camp de Drancy sont enfermés dans la maison d’arrêt. Ici, aussi seront engeôlés des résistants à l’instar d’Emile Paris, Alphonse Mazier (été 43), Robert Coispine (nov. 43), René Bouré (nov. 43), Georges Poirier (nov. 43), Pol Renard (janv. 44), André Munier (mars 44), Houzelle, Hocquart (mars 44), Pol Roynette (avril 44 - cellule 18), Auguste et Alexandre Salmeron (avril 44), Jean Sauvage (juin 44), MarieHélène Cardot (juin 44), André Marchand (été 44)... et les fusillés du bois de la Rosière à Tournes : Georges Bailleul, Arthur Decruyenaere, Georges Dupont, Louis Manon, Roger Mathieu, Henri Moreau, MarieThérèse Ognois, Robert Pal, Lilly Pal, Guy Roy, Charles Saint-Michel, Paul Schleiss, Marie-François Schneiter. La courageuse Lydia Colin, agent de liaison du commandant Fournier, réussit à récupérer des petits messages de M.-H. Cardot à destination de la Résistance. H Organismes et partis collaborateurs [14] La Délégation Départementale à l’Information et à la Propagande, dirigé par R. (Celui-ci est remercié par le Ministre de l’Information à Vichy le 14 février 1944). Elle se trouve en 1943-1944 au n°1, Quai du Parc (Quai H.-Roussel) à Mézières. Elle dépend de la Délégation Régionale de Laon. [15] «Le Petit Ardennais», devient le quotidien de la collaboration, diffusé du 3 septembre 1942 au 30 août 1944. La ligne éditoriale est antisémite, maréchaliste, anglophobe. La Propaganda Staffel, dirigée à Charleville par le dénommé Recknagel, a su imposer des rédacteurs à sa solde, surtout à partir d’octobre 1943. Le Petit Ardennais met en page et imprime «Le Paysan Ardennais», fondé en 1943, dont le siège est installé au 31, rue du Petit-Bois. Ce périodique prône le retour à la terre, thème cher au maréchal Pétain. [16] La Légion des Volontaires Français contre le bolchevisme (L.V.F.), est installée au 20, rue Thiers. La section ardennaise de la L.V.F. est dirigée par J.W. de Charleville, puis L.M.. La L.V.F. est très active dans le canton de Givet. [17] La Milice, fondée en janvier 1943 en Zone Sud à partir du Service d’Ordre Légionnaire (S.O.L.) et dirigée au niveau national par Joseph Darnand (1897-1945). Autorisée en zone Nord qu’à la mi-janvier 1944. D’abord installée provisoirement au siège de la L.V.F. puis au 45, rue de la République11. Le Chef Départemental de la Milice, H. P. avertit dans Le Petit Ardennais du 15 juin 1944 : «(...) Un cheveu de milicien, c’est sacré. N’y touchez pas (...)». [18] Le R.N.P., Rassemblement National Populaire de Marcel Déat (1894-1955), est installé dans les locaux des anciens Ets Bader, 42, rue de la République à Charleville (Février 1943). Il est probablement le parti le mieux installé localement : des adhérents, de l’argent... Le P.P.F., Parti Populaire Français, créé par Jacques Doriot (1898-1945). Ce parti est représenté localement par un adjoint au maire de Charleville, V.L.. Le Parti Franciste dirigé par Marcel Bucard (1895-1946) est présent à Charleville, luiaussi. De très faibles troupes... Le Groupe Collaboration, fondé en février 1941 par Alphonse de Châteaubriant (1877-1951), prix Goncourt 1911, possède quelques rares militants dans les Ardennes. Le C.O.S.I., Comité Ouvrier de Secours Immédiat, fondé en mars 1942, par René Mesnard et Jean Teulade, présidé dans les Ardennes par L.C.. Les fonds de départ du C.O.S.I. (100 millions) viennent d’une amende de 1 milliard infligé aux Juifs à la suite d’un attentat. Le président départemental du C.O.S.I. est aussi président du R.N.P., des Amis de la L.V.F., et rédacteur au Petit Ardennais. istoire par Gérald Dardart Charleville sous la botte ! Les services de l’Etat Français Les Renseignements Généraux, 20, boulevard Gambetta à Mézières12, dirigés par le Commissaire Principal L.. Une lettre de ce commissaire prouvre sa mauvaise volonté envers l’autorité nazie, son opposition à la politique de persécutions antisémites, ainsi il refuse le 30 décembre 1942 de «prêter» ses inspecteurs pour le transfert au camp de transit de Drancy, antichambre d’Auschwitz, de Hans Marcuse, de confession israélite13. [19] Le Centre de Libération des Prisonniers, créé le 1er juillet 1941, installé à l’Ecole Normale de Garçons, quai JeanCharcot. Centre dirigé par le commandant B. et son adjoint le capitaine L.. Ce centre soutient la politique de la Relève lancée par Pierre Laval, lors de son discours radiodiffusé du 22 juin 1942. A u coeur de la Zone Interdite, Charleville souffre d’une occupation allemande particulièrement sévère et brutale du 14 mai 1940 au 3 septembre 1944. Certains murs pourraient témoigner des exactions immondes commises à l’encontre de patriotes audacieux et courageux. Retour sur les années noires. LES SOURCES Archives Départementales des Ardennes, 11 R 43. Archives Départementales des Ardennes, 11 R 54. 3 Témoignage de maître Marceau Vignon, résistant, ancien adjoint du maire de Charleville, Charles Boutet. Notre rencontre du 11.IX.2002. 4 Témoignage d’Yvonne Godard, résistante, ancien maire de Mohon, le 9.IX.2002. 5 Jacques Delarue, Histoire de la Gestapo, Fayard, 399p., 1962. 6 Son nom revient souvent dans lors des réquisitions de la gendarmerie française pour l’arrestation des Israélites, par exemple en décembre 1942 pour la rafle de Hans Marcuse à Tétaigne. Archives Départementales des Ardennes, 11 R 238. 7 L’Ardenne Nouvelle, 11.V.1946. 8 Maître Marceau Vignon sera plusieurs fois condamné par l’occupant allemand. Rencontres des 31.VII. et 11.IX.2002. 9 Jacques Mièvre, L’Ostland en France durant la seconde guerre mondiale, Nancy, 163p., 1973. 10 Témoignage Charles Dufourny, ingénieur S.N.C.F., archives Pol Roynette, fournies par Mme Thérèse Jobin-Roynette, 9.VIII.2002. 11 Jacques Vadon, «Les mouvements de collaboration dans les Ardennes (1942-1944)», Revue Historique Ardennaise, tome IX, 1974, p. 2002. 12 Archives Départementales des Ardennes, 11 R 314. 13 Archives Départementales des Ardennes, 11 R 238 b. 1 2 Supplément au journal “Charleville-Mézière magazine” N° 63 - octobre 2002 dessin Olivier Gobé 5 267 logements ont été réquisitionnés et occupés par l’envahisseur, uniquement à Charleville, de mai 1940 à septembre 19441. Dès le début de l’occupation (été 1940), les Allemands investissent un bureau réquisitionné chez Michel Ponce, garagiste, avenue d’Arches à Mézières2et 3. [1] La OrtsKommandantur (la Kommandantur locale), puis la Kreiskommandantur 704 (la Kommandantur cantonale), est sise route Nationale (Av. de Gaulle aujourd’hui). En 1941, le docteur Marinhaus dirige la Kreiskommandantur. Progressivement, de janvier 41 à mars 42, la FeldKommandantur (Kommandantur de campagne) supplante la KreisKommandantur. La Feldkommandantur s’installe, quant à elle, au Point-Central. L’immeuble bourgeois, de style «Art Déco», sera ensuite occupé par des services de la Gestapo. En effet, au printemps 1944, Yvonne DaubyGodard, résistante, alors institutrice et secrétaire de mairie à Houldizy, est convoquée et interrogée par des agents de la Gestapo dans un bureau à gauche du hall d’entrée de ce bel immeuble de la route Nationale à Charleville, dans le cadre d’un vol de tickets d’alimentation à Houldizy par le chef F.T.P. Georges Matagne pour le maquis de Launois4. [2] La Feldkommandantur 684 s’installe à l’angle du Boulevard Gambetta et du Cours Aristide-Briand. En 1942, le Feldkommandant est le colonel von Stünzer ; puis ce sera en février 43, le Dr Olt par intérim ; en février-mars 1943, le colonel Grabowski ; puis le lieutenant-colonel Wilhelmi, par intérim. Grabowski est assisté dans sa chasse aux résistants par le président du Conseil de Guerre allemand Jopp, un individu francophobe et violent. Toutefois, le poste de commissaire du Conseil de Guerre (l’équivalent du Ministère Public) est assuré par un homme correct et res- pectueux de la dignité humaine, avocat à Lunebourg, près de Hambourg ; à Charleville, ce dernier résidait au 1er étage du 47, cours A.-Briand. Une interprète Alice Frey, d’origine alsacienne, donne des informations précieuses notamment à Maître Marceau Vignon pour aider la Résistance. 9 Le Ersatzteil-Lager, dépôt de pièce de rechange. Le Nachschubstaffel, relais de ravitaillement. [6] La Bahnhofshauptquartier fait face au square de la gare (Bel immeuble à l’angle des actuelles avenues Leclerc et Corneau). Charles Dufourny, chef du P.C. S.N.C.F. de Charleville et Pol Roynette, contrôleur au services Voies et Bâtiments de la S.N.C.F., malgré la surveillance du Reichbahnrat, réussissent à détourner, ralentir, bloquer des T.C.O. (transports militaires allemands). Ils sont arrêtés, avec d’autres camarades, le 12 avril 1944, et interrogés par la Gestapo10. 19 12 L’inspecteur Berger, inspecteur de la main-d’oeuvre française en Allemagne, représente souvent, en 1942, la Feldkommandantur lors des manifestations officielles franco-allemandes, tels les départs d’ouvriers engagés dans le cadre de la Relève, ou bien, les retours de prisonniers libérés. En 1942, le capitaine Paechter (ou Vaechter) délivre des permis de circulation. 13 18 17 16 7 11 2 4 8 10 3 15 7 6 1 [7] Les Foyers du Soldat : [3] Le Sicherheitsdienst (service de sécurité) s’installe aux 14, 24, 26 et 32 rue de Tivoli. Les services de la Sécurité du Reich (Reichsicherheitshauptamt R.S.H.A.) rassemblent 7 départements : le service du personnel (AMT I), le service juridique, économique et administratif (AMT II), le service de renseignement intérieur ou SD-intérieur (AMT III), la police secrète d’Etat ou Gestapo (AMT IV), la police criminelle ou Kripo (AMT V), le service de renseignement à l’étranger ou SD-extérieur (AMT VI), les recherches idéologiques (AMT VII). Gestapo et Kripo constituent la S.I.P.O.. La police régulière en uniforme (Orpo) n’est pas intégrée au R.S.H.A.. La Gestapo de Charleville (Aussenkommendo) dépend du K.D.S. (Kommandos Der Sipo Und SD) de SaintQuentin5. Par ailleurs, les services de renseignement militaire - Abwehr - jouent aussi un rôle important dans la répression de la Résistance. A partir du 15 mai 1942, la Feldkommandantur de Charleville, comme les autres en France occupée, doit collaborer le KDS de Saint-Quentin. Les membres de la Gestapo de Charleville sont : Georges Röder, obersturmführer6, Robert Glowalla, Unter- 7 14 Pour plus de sécurité, les Allemands concentrent leurs services à Charleville sturmführer, Auguste Frantz, Scharführer, Harry Sunhold, Unterscharführer, Willy Krauss, Unterscharführer, Karl Kell, Unterscharführer, Karl Bartosch, Unterscharführer, Max Last, Unterscharführer, Walther Rosenkranz, Hauptscharführer, Erich Bruch, Hauptscharführer, Hesse, Unterscharführer, Gustave Pepler, Unterscharführer, Fritz Hombrecher, Rottenführer, Henrich Muller, Hauptscharführer, Fritz Kiesewetter, Unterscharführer, Thome, Unterscharführer7. Un de ses interprètes est Kugener. La Gestapo allemande fait, en outre, appel à des agents français, on se souvient notamment de la collaboration d’anciens joueurs de football du F.C.O. de Charleville, avantguerre : Myrka, Armand Feicht, Bieber. Les Allemands utilisent aussi les services d’un traître belge Charles Roemen, environ 37 ans, qui se fait passer pour un résistant sous le pseudonyme «Charles-Antoine», il travaille en binôme avec «Pierrot», un autre agent de la Gestapo, âgé d’une vingtaine d’années. Le fils d’un adjoint au maire de Charleville L. devient lui aussi un agent de la Gestapo. Le concierge du théâtre municipal D. est institué par les Allemands «commissaire de police». L’agent de la Gestapo Schröder, véritable brute, torture, frappe, humilie lors des interrogatoires. Ceux-ci, avec leurs lots de supplices, se déroulent au siège de la feue Loge maçonnique, 32 rue de Tivoli. Le grand résistant Georges Poirier décède à la suite d’immondes tortures, on n’a jamais retrouvé son corps... La Feldgendarmerie assiste souvent les agents en civil de la Gestapo. Elle enquête, perquisitionne, arrête... Des officiers de la Feldgendarmerie sont logés sur place boulevard Gambetta à Charleville. L’avocat talentueux de la Résistance, Marceau Vignon8, réussira à extraire bien des combattants de l’ombre des griffes de l’occupant et à leur éviter la déportation ou le peloton d’exécution, à l’instar de Lucien Ligier, ancien directeur d’école à Brienne-sur-Aisne, capitaine F.F.I. du secteur de Rethel, détenu du 23 août au 9 novembre 1943 et de Roger Mathieu de Charleville. [4] L’Office de Placement allemand pour le S.T.O., est sis au 17, avenue Jean-Jaurès à l’angle de la rue du Musée, dans un ancien salon de coiffure. Le S.T.O. est mis en place par la loi «Laval» du 16 février 1943. Le chef allemand de ce service, trop timoré dans sa tâche aux yeux de ses chefs, sera exécuté, son corps est retrouvé au cimetière de Mézières. Il y a aussi des bureaux de placement à Sedan (1, rue Gambetta), Revin (32, avenue Danton), et Givet (10, rue Gambetta). [5] La Wirtschaftsoberleitung III (W.O.L. III), direction régionale de mise en culture de la société de colonisation agraire Ostland9, se situe au Château Renaudin à Bélair, 18, rue Duvivier dans l’immeuble de M. Despas réquisitionné, 50, rue Voltaire. Il existe à Charleville des services d’intendance des forces d’occupation, tels : La Heeresunterkunftsverwaltung (H.U.V. 110), régie du logement des troupes d’occupation. 2 [8] Le Soldaten-kino, le cinéma Le Palace réquisitionné, Cours Aristide-Briand. [9] Le Kasino du Mont-Olympe. [10] La Front-büchhandlüng, la librairie de propagande allemande, est installée au 45, Cours Aristide-Briand, un local occupé avant guerre par un commerce de lingerie tenu par une famille juive. A la Libération, le journal de la Résistance L’Ardenne Nouvelle occupera ce commerce (jusqu’en juillet 1946). Des troupes allemandes sont stationnées : A la Merbion-Kaserne, au faubourg de Pierre à Mézières [11] Au Lycée Madame-deSévigné à Charleville. 3 4 1 1 : Un résistant de grande envergure : maître Marceau Vignon, le défenseur des combattants de l’ombre. 2 : La Bahnofshauptquartier 3 : L’Office de Placement allemand pour le S.T.O.. 4 : La Librairie de propagande allemande 5 : Yvonne Dauby-Godard fut interrogée par la Gestapo dans cet immeuble de l’actuelle avenue de Gaulle «pour le repos du militaire», l’occupant aménage des espaces de détente, tels : Le Soldatenheim I, dans l’Hôtel du Nord réquisitionné, 6 place de la Gare. Le Soldatenheim II, Hôtel du Lion d’Argent, 18-20, rue Thiers. Le Soldatenheim III, Hôtel Bayard, place de l’Hôtel de Ville à Mézières. Le Soldatenheim, à l’angle de la rue Voltaire près de la librairie-papeterie Bouche. Le Soldatenheim, du café L’Excelsior, avenue d’Arches. 5