l'EFFET
DE
SERRE
Climat:
pourquoi
les
modèles
n'ont
pas
tort
Objet
de
critiques
récurrentes,
la
modélisation
est
le
pivot
de
la
cl
i
matolog
ie
(1)
Hervé
Le
Treut,
dir
ec
teur de
re
c
herche
au
Laboratoire
de
mété
orol
o
gie
dy
namiqu
e (
LMD
)
du
CNRS
à l'
Éco
le
normal
e
sup
é
ri
eure,
Maîtr
e
de
Conf
éren
ces
à l'X
De
s v
oi
x
discordantes
continuent
de
se
faire
entendre
s
ur
la
question
du
réchauffement
de
la
planète.
La
créd
ibilité
des
modèles
numériques
sur
l
esquels
sont
bâtis
l
es
scénarios
est
périodiquement
remise
en
cause.
Comment
se fait-il
alors
qu'aucun
modèle
sérieu
x
ne
prédise
un
refroidissement,
ni
même
le
statu
qua?
C'e
st
que
les
sources
d'incertitudes,
nombreuses,
sont
bien
i
dentifiées
et
n'invalident
pas
la
qualité
croi
s
sante
de
l'e
x
pertise
accumulée.
Autour
de
la
Terre,
les
mailles
du
filet
numérique
se
resserrent
L'augme
nt
ation anthropique de
gaz à
effe
t de serre dans
l'
atmosphère,
su
sce
ptible de créer
un
r
éc
hau
[fe
mem
de
la
planète de plusie
ur
s degrés au
siè
cl
e prochain, constitue déso
nn
ais
un risque que plus perso
nn
e n'ignor
e.
Pourtant, la co
mp
lexité
du
probme
scientifique
posé
, co
njugu
ée sans
doute à l'imponance des mesures éco-
nomiques ou politiques qu'il serait
ou se
ra
nécessaire de pre
ndr
e pour
stabiliser la composition chimique de
n
ot
re a
tm
os
ph
ère, conduit périodi-
queme
nt
à re
mettr
e
en
question
la
r
éa
lité de ce problèm
e.
Si
l'
augmentation atmosphérique
des gaz à effet de se
rr
e
es
t un fa
ir
avéré,
ind
é
ni
able (cf. gra
phiqu
e),
m
MAt
2
000
LA
JAUNE
ET
LA
RO
UG
E
dontlOur donne à penser qu'
il
va
se
po
ur
suivre, c'est s
ur
l'impact r
ée
l de
cette augme
nt
ation que se focalise
nt
certains do
ut
e
s.
En effet, malgré le consensus très
lar
ge
au
se
in de
la
communauté
sc
ien-
tifique et malgl'ac
ti
on
qui
co
m-
men
ce
à être engagée au niveau po
li-
tique, des voix discorda
nte
s se fo
nt
ente
ndr
e de manière r
éc
urrente, allant
de certains scientifiques à des mil
i-
tants é
co
logistes sans doute plus sen-
sibles aux dangers de
l'
éne
rgi
e nu
clé
air
e
qu
ce
ux du changeme
nt
climatique,
en passant par des industlie!s qui se
sen
te
nt menacés, tels
ce
ux des
Inin
es
ou
du
trole a
ux
Ét
ats-Uni
s.
Les
modèl
es
numériqu
es
, qui
consti
-
tue
nt
le
s outils
pr
incipaux
sur
les-
quels
s'a
ppuie
nt
les scientifiques dans
l'
évaluation
de
ces effets, sont alors
la cible de clitiques visam à
montr
er
que le
ur
s résultats sont
in
ce
rtains, et
doi
ve
nt
être considérés avec circons-
p
ec
ti
on. sinon purement ignorés.
La
réponse des scientifiques à ces
attaqu
es
-qui p
ose
nt des qu
es
ti
ons on
ne peut plus légitimes - apparaît par-
fo
is maladroite ou
mal
aisée. De fait,
il
serait vain de nier qu'
il
ent
re
dans
la
réponse d
es
m
odè
l
es
numé
riqu
es
une
part
d'
in
ce
rtitud
e
qui
interdit
par
exemple jusquprése
nt
de
pr
éciser
l'ampleur ou la localisation des
ri
squ
es
à venir.
En pit de
ce
lle
in
ce
rtitude, pa
r-
f
ai
teme
nt
admise, l
es
sciemi
fiqu
es
ont
po
un
a
nt
manifesté de maniè
re
presque
unanim
e que le problème de l'effet
de
se
lT
e est
el
et
qu
'
il
requiert l'at-
tention de
tOll
S.
Pour expliquer
ce
tte
apparente cont
ra
di
ction, il est d'abord
impol1ant de rappeler
ce
que sont ces
moles climatiques, qui c
on
jugue
nt
une grande sophistica
ti
on et des
fai
-
bl
esses persistantes.
La mise
au
po
int
d
es
mod
èles
constitue en f
ai
t une tentative de créer
une petite planète numérique, aussi
proche que possible de notre " vraie"
planète, mais s
ur
laque
ll
e il est plus
fac
il
e ou plus rapide de conduire des
expérimenlalions v
ari
ées.
L'augmentation atmosphérique de
CO
l est indé
ni
able,
co
mm
e le montre
so
n évolution
observée à Mauna
Loa
, à Haw
ai
i t
li
eu
vo
lont
ai
rement é
loi
gné d
es
principales
so
urces
dmission), en données brutes;
la cour
be
orange représente lvolution désaiso
nn
alisée de ccs données.
la
composante atmosphérique de
ces modèles, par exemple, calcule
aux nœuds d'un maillage encore lâche
(quelques centaines de kilomètres)
t'évolution de paramètres tels que
le
vcnt.la
température, t'humidité, les
nuages, les précipitations, l'cau
du
50
1-
pour ne cit
er
que les v
..
riables
principales. L
OI
composantc
océa-
nique opère des
ca
lculs semblables sur
une grille souvent plus fine.
La
phy-
siquc
sur
laquelle s'appuient ces cal-
culs est une physique
cl
..
ssique ct
éprouvée.
Ellc
pennet de
décrire
dcu.x
grandes
c
..
tégories de processus; l
es
échanges
d'éncrgie, en paniculier
SO
li
S fonne
de
rOlyonnemem
élcClromagnétique.
COl
re
la
Terre,l
'ocêan.l'atmosphère
et l'espace;
Ct
la dynamique des écou-
lemeOls
atmosphériq
ue
et océanique.
Dans le premier cas, il s'agit d'abord
de décrire comment l
nergie reçue
du
So
leil
est
cO
l11!X'nsée
par une éner-
gic
émise par
le
systeme Terre/océan!
atmosphère.
~1
tcmpérature de surface
du
Sole
il
est de 6
000
oC
environ et la l
on
-
gueur d'onde
du
Ta)'onnemenl solaire
s'étend
de
l'ultraviolet à
lïnf
rarouge
proche. c'est-à-dire d'environ 0.3
l't
5 micromètres.
La
valeur de l'inso-
lation au sommet
de
l'
atmosphère
(aux alentours de 1
310
W/
ml)
<'1
é
estimée dès le siècle dernier à partir
des observatoires en altitude; e\le est
désommis mesurée p
ar
s<'lte
lli
te.
Ceue énergie
solaire
n'
est
pas
absor-
bée dans
sa
totalité par la T
erre:
30
% en
vi
r
on
sont
néchis \'ers
l'espace.
50 % traversent l'atmosphère et
chauffent le
sol
ou
les
océans,
20
% chauffent directement l'at-
mosphère.
P
our
re
ndre
ft
l'espace l'énergie
qu
'elle reçoit
du
Soleil,
la
Terre émet
elle aussi un rayonnement électro-
magnétique, dans
le
domaine infra-
rouge, c'est-ft-dire dans une gamme
spectrale allant de 5 à 100 micro-
mètres.
L
'c
mi
ssion provient de
la
surface
de
la
planète, mais aussi de certains
gaz.
minoritaires
de
l'atmosphère -
dits gaz " à effct
de
se
rr
e" - el des
nuages.
L'élUde
du
transferl radiatif dans
J'atmosphère constit
ue
un problème
physique assez bien compris, même
s'il subsiste des incertitudes -par
exemp
le
en présence de nuages aux
géométries com
pl
exes.
Le
calcul des
équations de lransfcn radiatif
se
fai
t
dans les modèles au mo)'en de sys-
tèmes d'équations simplifiés, qui s'ap-
pu
ient eux-m4!mes
sur
des calculs
détaillés prenant en compte toutes les
raies spectrales des différents com-
posants de l'atmosphère. Ces équa-
tions jouent aussi un role central dans
J'observation
sa
tcllilO.ire
de la planète,
et SOnt donc également vérifiées dans
ce cadre.
L1
deuxième classe
de
processus
décrite explicitement par les modèles
concerne
la
circulatio
n à gr
ande
échelle de l'atmosphère el de
J'
océan,
qui découle notamment de la
rota
~
ti
on
de
la
planète.
Elle
s'appuie sur l
es
équations de
la
dynamique des Ouides. et en par-
ticulier
les
équations de Navier-Stokes,
qui décri,'ent l'accélération d'un élé-
ment de
flu
ide soumis à des com
rnintes
diverses. internes
ou
externes. Ces
équations s
ont
discrétisées sur Ics
nœuds
du
maillage qui couvre:
l '
en~
semble
du
Globe, c'esl-l't-dire
qu
'c
lles
sont résolues sur chacun des milliers
de points
du
maillage.
Le
fait
qu
'en une aécennie les pré-
dictions météorologiques, qui s'ap-
puient
sur
des
modèles très sem-
bl
..
bles, aient
pu
doubler
la durée
d
es
previsions uùles. passam
de
deux
à quatre jours environ, constitue
la
meillemc preuve de la peninence
de
ces é
qu
ations
pour
décrire J'écoule·
mcnt atmosphérique ou océa
ni
que
dc grande éche
ll
e.
La
m
odé
li
sa
tion
a
plu
s "ro
gressé
du
fair
de l'
augm
elllation
de
la
puissance irifonnalique
que de ItOU
ve
ll
es
connaissances physiques
Ces
équations
so
nt
connues depuis
longtemps
m:lÎs
, comme e
ll
es
ne som
JXlS
linéaires.
eU
es
méL1Ilgem
les
échcllcs
de temps et d'espa.ce el ne pcuve
Ol
se résoudre de manière analytique.
Le
rec
ou
rs à
l'ordinateur
est
do
nc
indispensabl
e,
et n'a
pu
être
enVis.1gé
qu'
assc
z
réc
emment. A cct égard, les
progr
ès
cons
id
erables de
la
modéli
~
S'I
li
on
du
cli
mat au cours des deux
dernières décennies sont moins le
reflct
de connaissances physiques nou-
velles que d'une augmentation
e.xtra
-
ordinaire de
la
puissance. de
c.11cul.
Ainsi. notre laboratoire utilisait
encore en 1
982
une machine CDC
(Control Data)
du
Centre national
d'études spat
ial
es avec laquclle une
simulation d'un mois dvoll1lion de
la
ci
rculati
on
atmOSphérique récla-
mait p
lu
s de trente heur
es
de
ca
lculs.
À résolution égal
e,
la même
simu
la
~
LA
IA
U
NE
ET
LA
ROUGE
~lo\l
200>
m
Petite histoire
de
la
modélisation
du
climat
L'idée
d'utiliser
les
équations
de
la
mécanique
des
fluides
pour
prédire
l'évolution
de
l'atmosphère
est
vieille
de
plusieurs décennies:
en
1920-1922
un
chercheur
anglais,
L.
F.
Richardson,
s'y
essayait
en
vain,
et tirait
de
ses
échecs
la
leçon
qu'un
te
l
exercice
ne
pouvait être
réalisé
que
par
des
milliers
de
calculateurs
(humains)
travaillant
en
parallèle
sous
la conduite d'un chef d'orchestre!
Et,
de
fait,
dès
qu'apparut l'un
des
premi
ers
ordinateurs,
l'EN
I
AC,
mis
au
point
par
le
Massachusetts Institute ofTechnology
en
1946,
des
météorologues, Julius
Chamey
et
ses
collègues,
en
furent
en
1948
parmi
les
premiers
utilisateurs.
Durant
les
années
1960,
deux
équipes
commencèrent
à
aborder
réellement l'étude
de
l'écoulement atmosphérique
dans
sa
dimension
climatique :
celle
de
Joseph
Smagorinski
et
Syukuro
Manabe
au
GFDL
(Geophysical
Fluid
Dynamic
s
Laboratory)
sur
la
côte
est
des
États-Unis, et celle
de
Yale
Mintz et
Akio
Arakawa
à
UCLA
(University of Califomia at L
os
Angeles).
Mais
ce
n'est
qu'au
cours
de
la
dernière
décennie
que
la
puissance
des
ordina-
teurs
a
permi
s
de
réaliser
plus
couramment
des
simu
lations
de
plusieurs
décen-
nies
-limitées à l'écoulement atmosphérique
d'abord,
puis
associant
atmosphère
et
océan.
lion
réclame
aujourd
'
hui
env
i
ron
quinze minutes de temps de calcul
sur
un
Cray 90.
Au
bout
du compte,
nous
di
spo-
sons
de modèles qui o
nt
un
e base
physique forte.
Ces
modèles
co
ncentrent une
eJo'per-
ti
se considérable, qu'
il
faut cependant
savoir utiliser
et
interpréter, en gardant
à l'esprit
le
s limitations et incertitudes
que nous allons maintenant détailler.
On peut distinguer trois familles
de problèmes.
La
première est imrin-
sèque
au
système
climatique
lui-
même:
il n'est tout simplement pas
un
système entièrem
ent
prévisible.
Ceci
es
t
\~·ai
de la composante atmo-
sphérique e
ll
e-même: à échéance de
dix jours environ, l'évolution météo-
rologique ne
peut
plus être prédite,
parce
que
le
caractère instable de l'écou-
lement a répercuté à l'ensemble
du
Globe une toute petite erreur initiale.
C'est l'effet bien connu, découvert
par
Edward
Lorenz
en 1963, popularisé
sous le
nom
" d'erret
des
ailes de
papillon" :
il
exprime que toute per-
turbation,
aussi
minime soit-e
lle
, modi-
fie
irréversiblement l'histoire de l'at-
mosphère. Mais cela ne signirie pas
qu
'aucune
inrormatÎon
ne
puisse ê
tre
obtenue
sur
l'évolution
du
cl
i mat.
Plusieurs processus guident ainsi
les mouvements de l'atmosphère, et
organisent son comportement.
Le
plus
connu
es
t le rythme des saisons.
Mais
FI
MAI
2
000
LA
JAUN
E
ET
LA
ROUGE
il en existe d'autres. L'océan, en effet,
organise l'évolution l
eme
du
climat
car son inertie est
plus
grande
que
celle de l'
atmosphère
,
et
son com-
portement
reste prévisible
sur
des
durées plus longues.
Malgré les incertitudes
propres au système
climatique, la capacité
d'expertise de
ce
système a
considérablement augmenté
L'augmentation des gaz à effet de
se
rre pourrait également constitu
er
un exemple de processus guidant et
modifiant
le
s fluctuations de notre
enV1.rOlmelnent.
Cette variabilité intrinsèque
du
comportement de l'atmosphère
arrecte
la manière
dont
so
nt
con
duites les
expérimentations numériques: moins
qu'une tentative de prédiction,
il
s'agit
de faire subir à notre petite planète
numélique
la
même augmentation de
gaz à effet de
sene
que commence à
subir
la
planète réelle, et poursuivant
ou en répétant l'expérience surfisam-
ment longtemps, de parvenir à éta-
blir une statistique des effets induits.
Cette même variabilité doit aussi
rend
re
prudent dans l'interprétation
des changements climatiques récent
s,
que l'on cherche à utiliser comme
un
support
ou
au contraire comme
un
désaveu
du
rôle des gaz à erret de
se
rr
e.
11
re
ste ainsi difficile de prou-
ver
que ceux-ci ont entral
le
réchauf-
fement d'une traction de degré observé
au cours des demières décennies.
La
possibili
té que
ce
réchauffement
observé
soit
le
résultat d'une fluctuation natu-
relle plutôt que d'une action humaine
ne
peut statistiquement pas être écar-
tée, tant
nou
s connaissons mal les
nuctuations naturelles à l'échelle de
quelques
décennies. Mais récipro-
quement
il
pourrait
se
révéler désas-
treux de traduire cette incapacité à
prouver
le
s choses par l'amrmation
"qu'
il
ne se passe rien ".
La
variabilité interne de notre sys-
tème climatique a une amplitude
relie
que le
jour
nous serons en mesure
de donner une preuve statistique de
la
réalité
du
changement climatique,
l
'a
mpleur de celui-ci sera déjà consi-
dérable.
Une deuxième source d'incerti-
tudes
correspond
aux
simplifica
-
tions inévitables
apportées
da
ns la
construction
des modèles.
La
diffi-
cu
it
é de
la
représentation des nuages
en est un exempl
e:
le
s
nua
ges
sont
générés par des
mouvements de l'air de petite échelle,
all
ant
de
quelques
cent
aines
de
mètres à quelques kilomètres, mou-
vements qu'
il
est hors de question de
représenter de manière exp
li
cite dans
les modèles;
ils sont
le
lieu d'un dégagement de
chaleur latente intense, qui résulte de
la
condensation de l'eau,
et ils
perturb
e
nt
le rayonnement
solaire et
le
rayonnement infrarouge
d'une manière qui dépend fortement
de la taille des gouttes d'eau ou des
cristaux de glace.
Devant tant de complexité - et l'
on
pourrait d
onner
d'autres exemples,
relatifs aux glaces de mer, à
la
végé-
tation
ou
à l'hydrologie continentale
-
la
modélisation est nécessairement
simplificatri
ce.
Les
concepteurs de modèles assu-
ment cette simp
lifi
ca
tion, mais
il
en
résulte
une
incertitude dont on peut
estimer l'importance en comparant la
performance de modèles qui ont été
mis au
point
de manière
indépen-
dante
dans
difrérents
instituts
du
monde
entier. Les résultats
de
ces
modèles en reponse à un doublement
du CO2 atmosphérique, par exemple,
se situent dans une fourchette a
ll
ant
de 1,5 à 5
oC
de réchauffement glo-
bal,
pour
des
raisons qui
tiennent
exclusivement à
la
construction des
modèles.
De
même, en dépit de grandes
tendances bien établies, telle
fait
que
le
rechauffement de surface soit plus
intense
aux
hautes
latit
udes
et
en
hiver, ou que les variations
du
cycle
hydrologique sont plus intenses dans
les regions tropicales, les modèles ne
parviennent pas à fournir une infor-
malion locale cohérente.
Les difficultés rencontrées
dans les modèles traduisent
seulement l'incroyable
complexité du milieu naturel
Un
troisième
fa
cte
ur
vient limiter
la
ponee
pratique des modèles : en
dépit
des
progrès affichés
dans
ce
domaine, Us ne représente
nt
to
uj
ours
qu
'une partie
du
système climatique
complet. L
es
fluclualions possibles de
la
ci
rculation océanique profonde, par
exemple, commencent seulement à
êrre
étudiées
et
leur étude est aussi rendue
très
difficile
par
le
pelit nombre
de
don-
nées observées à ces profondeurs.
Par ailleurs
les
modèles sont encore
le
plus
souvent
des
modèles
phy-
siques, qui négligent les composantes
biologiques ou chimiques du système,
dont
le rôle essentiel apparaît pour-
tant de plus en plus clairement.
Au
cours
des
dernières
années,
par
exemple, les aérosols soufrés
ont
été
reconnus
comme
l'un
des facteurs
importants susceptibles de masquer,
dans l'hémisphère nord tout au moins,
les manifestations initiales de l'effet
de serre.
Cette découverte a permis de pro-
poser une explica
ti
on à la dissymé-
lIie de l'évolution climatique dans les
deux hémisphères au cours des der-
nières décennies. L'hémisphère
sud
s'est réchauffé de manière plus conti-
nue, alors que l'hémisphère
nord
a
d'
abord
subi
un
épisode
de
refroi-
dissement. De fait, si l'on combine
l'augmentation des
gaz
à effet de serre,
la
diminution de l'ozone stratosphé-
rique et l'ef
fet
des aérosols soufrés,
on
peut reproduire de maniere assez
plausible l'évolution en cours des tem-
pératures aux différents niveaux de
l'atmosphère.
Mais de nombreux autres proces-
sus
so
nt encore nécessaires à une bonne
compréhension de l'environnement
global : puits et sources
du
carbone
océanique et
continental
, cycle
du
méthane, augmentation de l'ozone tro-
posphérique, rôle des aérosols orga-
niques ou minéraux, etc.
L'accumulation de
ces
facteurs d'in-
certitude rend sans doute illusoire, pour
le
moment,
la
prédiction détaillee d'une
évolution du climat futur.
On
pourrait
même dire, en forçant
le
trait, que plus
la
recherche progresse, plus
se
révèle
l'énorme complexité des processus qui
participent à l'évolution de notre envi-
ronnement,
et
plus s'éloigne
la
possi-
bilité de prévoir en t
ail
l'évolution
future du climat.
Mais
il
ne faudrait pas s'arrêter à
cette conclusion négative,
et
en déduire
que
les
modèles sont inutiles. Car
en
même temps, et
de
manière apparem-
ment contradictoire,
la
capacité d'ex-
perti
se
facc
à ce système a considéra-
blement augmenté, et
le
niveau de
certitude quant à
la
réalité du réchauf-
fement futur
est
certainement devenu
plus grand.
Ceci
tient d'abord à
ce
que la variété
des processus dont
le
le a été étudié
qualitativement est désormais beau-
coup plus grande. Mais aussi au
fait
que des modèles toujours plus nom-
breux et sophistiqués indiquent
sa
ns
exception
un
accroissement de tem-
pérature non négligeable dans
le
futur.
En
effet,
en
dépit de
la
co
mplexité
du système étudié, de
la
diversité des
pays
et
instituts
engagés
dans
la
recherche
sur
le
clima
t, de la
diversité
des modè
les
,
de l'
ef
fet de publicité énorme qui serait
attaché à un
tel
travail, personne n'est
parvenu à mettre au point une expé-
rience numélique crédible conduisant
le
système
chmatique
à
ne
pas
se
réchauf-
fer
en réponse à l'augmentation des
gaz
à effet de serre.
Ceci n'a pas v
aleur
de
preu
ve,
mais constitue malgré tout une indi-
ca
ti
on extrêmement forte qui ne pe
ut
être ignorée. Et,
dans
l'état actuel
de
nos connaissances, c'est dêsonnais à
ceux qui prétendraient
que
les
modi-
fications de
la
composition chimique
cie
la planète seront sans effet d'
en
apponer
la
preuve.
Dans
le
futur,
la
modé
li
sa
tion
du
système climatique devrait
vo
ir évo-
luer son rôle. D'abord, dans l'éventua-
lité
le
climat commencerait à chan-
ger
de
manière
significative
, il deviendrait
possible d'utiliser ce début de modifi-
cation pour augmenter
la
capacité des
modèles à prédire
les
évolutions
po
s-
térieures.
Dans
ces
circonstances
aussi,
les
questions qui seront posées -et qui
commencent à l'être -prendront une
nature différente : quels sont
les
"cou-
pables "? Comment peut-on peser, par
exemple, le
le des émissions d'oxydes
nitreux par
le
s avions ou par
les
voi-
tures?
L'impact climatique est-il
le
même lorsque les gaz polluants sont
déposés
dans
des
cenrres
urbains
,
ou
dans
la
stratosphère?
Ces
problèmes sont
et
serOnt posés en dépit des incertitudes
qui affectent encore, indéniablement,
la
modélisation de notre environnement
global, et qui subsisteront encore long-
temps,
vo
ire indéfiniment.
Il
sera
très
important
dans
ce
contexte de préserver
une
diversité
suffisante de
modè
les
construi
ts et
gérés de manière indépendante, car
la
dispersion des résultats
obtenus
con
st
ituera l'une des seules mesures
de l'incertitude des résultat
s.
En
conclusion
, l'
unanimilé
des
résultats obtenus par
les
modèles rela-
tivement au réchauffement futur s'ac-
compagne de difficultés à dresser un
tableau
précis
des
changements
à
veni
r.
Mais ces difficultés ne doivent
pas
conduire
à en écarter les su
l-
ta
ts de manière trop rapide.
Les modèles numériques consti-
tuent l'un des seuls outils de reflexion
sur
le
futur qui soit disponible.
Les
difficultés rencontrées traduisent seu-
lement
l'incroyable complexité
du
milieu naturel.
Et
on peut en relirer une certitude
forte : laisser
se
modifier librement
la
composition chimique de
la
planète,
avec l'idée que l'on pourrait s'adapter
ensuite aux changements à
ve
nir, consti-
lUe
un scénario incontrôlable.
(
1)
Article
paru
dans
La
Recherchede
ma
i
1997
(n
· 298)
et
reprodu
it
avec
son
aimable
autori-
sation.
LA
JAUNE
ET
LA
ROUGE
MAI10
00
pa
1 / 4 100%
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