ces dernières décennies. Précédant toutes réflexions ecclésiales ou
théologiques, l’intérêt relatif aux documents et écrits de la tradition
orale du judaïsme a pris naissance du côté des historiens et des exé-
gètes
2
qui y ont vu, avant tout, l’occasion d’une meilleure connais-
sance du terreau et du contexte du Nouveau Testament. Parallèle-
ment à ces travaux qui n’en sont, encore à l’heure actuelle, qu’à
leurs débuts, s’est mise en place une réflexion qui s’interroge sur
l’utilisation exégétique ou historique, la plus correcte et la plus
juste possible, de ces sources. C’est dans ce contexte qu’en 1955,
Renée Bloch publie un article s’intitulant: «Note méthodologique
pour l’étude de la littérature rabbinique»
3
. Après y avoir affirmé
toute la richesse que la connaissance de la Tradition rabbinique est
potentiellement apte à apporter à la connaissance du judaïsme
ancien d’une part, et à l’intelligence biblique d’autre part, elle y
questionne les exigences méthodologiques à respecter. Son constat
est alors clair: tant que les questions d’origine de ces écrits, de leurs
milieux d’apparition, de leurs dates, de leurs dépendances et filia-
tions, «tant que ces questions ne sont pas débrouillées, toute cette
littérature reste déroutante et inutilisable»
4
. Elle propose alors dans
la suite de son article plusieurs possibilités de méthodes compara-
tives. Depuis, les recherches et le travail critique concernant la for-
mation et les couches des différents écrits de la Tradition juive,
Talmud comme Midrash, ont progressé, même si le travail reste
difficile et laborieux. Ces mêmes problèmes de datation rendent
délicate l’utilisation des sources juives dans l’étude et l’exégèse du
Nouveau Testament
5
.
Prenant le pas sur ces avancées et ce questionnement scientifique,
le Saint-Siège et les différents épiscopats ont, depuis la Seconde
Guerre mondiale, considérablement fait progresser la réflexion
catholique sur le judaïsme et le peuple juif. Du chapitre 4 de Nostra
388 M.-L. DURAND
2. Nous citerons, pour la recherche française, le précurseur que fut le père
Bonsirven, disciple de Lagrange, comme un exemple significatif de ces recherches.
3. BLOCH R., «Note méthodologique pour l’étude de la littérature rabbi-
nique», dans Revue de Science Religieuse, t. 43 (1955) 194-225. Plus antérieur
encore est le chapitre «De l’usage des textes rabbiniques; aperçu méthodolo-
giques» que réservent Strack et Stromberger à une interrogation similaire, dans
STRACK H. et STEMBERGER G., Introduction au Talmud et au Midrash. Trad. et
adaptation M.-R. HAYOUN, coll. Patrimoines, Paris, Cerf, 1986, p. 73-83.
4. BLOCK R., «Note méthodologique…» (cité supra, n. 3), p. 201.
5. La tradition orale a été mise par écrit bien plus tardivement. Il n’empêche
que concernant les rapports du judaïsme avec le christianisme, il est parfois sub-
til de distinguer la tradition qui est antérieure à l’un ou à l’autre et celle qui
apparaît et se pose en réaction à l’un ou l’autre. Comme exemple entrepris dans
la datation des sources juives, le travail de Neusner est à citer en exemple.